Jurisprudence : CA Paris, 6, 8, 30-05-2013, Confirmation



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 8 ARRÊT DU 30 Mai 2013 (n°, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général S 12/00151 - MEO
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 16 Mai 2007 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 05/11810

APPELANT
Monsieur Jean-Pierre Z

CHATEAUNEUF SUR LOIRE
comparant en personne, assisté de Me Amaury SONET, avocat au barreau de PARIS, toque P0106
INTIMÉE
EPIC AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT

PARIS
représentée par Me Corinne PECAUT, avocat au barreau de PARIS, toque P0411

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
1
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par arrêt en date du 23 septembre 2009, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, lequel avait débouté M. Z de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour entrave à l'exercice syndical. Statuant sur une demande nouvelle, elle a, en outre débouté M.
Vapaille de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur un pourvoi introduit par le salarié, la cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel 'mais seulement en ce qu'il déboute M. Z de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral'. Elle a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Sur quoi, M. Z qui a saisi la cour, lui demande d'infirmer le jugement déféré, en conséquence, de juger qu'il a été victime d'entrave à l'exercice de ses fonctions syndicales et de harcèlement moral et de condamner l'Agence française de développement à lui payer les sommes suivantes
- 10 000 euros pour entrave à l'exercice de fonctions syndicales
- 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral
- 137 102 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique
- 90 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. Z demande, en outre, d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux journaux nationaux, ainsi que son affichage dans les locaux de l'AFD. Il conclut au débouté de l'Agence française de développement et réclame la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Epic l'Agence française de développement (ci-après l'AFD) conclut à la confirmation du jugement déféré et au débouté du salarié ainsi qu'à sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 18 avril 2013, reprises et complétées à l'audience.
MOTIVATION
En premier lieu, il convient de constater, au vu de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 23 septembre 2009 et de la cour de cassation daté du 15 novembre 2011, que toutes les demandes formées par M. Z, autre que celle relative au harcèlement moral, sont irrecevables pour avoir fait l'objet des décisions devenues définitives.
En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé
2 physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.
En outre, l'article L 1152-4 du même code prescrit au chef d'entreprise de prendre toute dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements précités.
Enfin, en cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utiles.
M. Z fait valoir que la dégradation des relations de travail remonte à 1998, époque à laquelle, dans le cadre de ses fonctions syndicales, il avait pris position contre le projet de privatisation de l'IEDOM, service dans lequel il s'est trouvé affecté.
S'appuyant notamment sur le rapport du cabinet Emergence sur la souffrance au travail à l'AFD, diligenté à la demande du CHSCT, M. Z énumère les faits suivants qu'il estime de nature à caractériser l'existence d'un harcèlement moral
- l'entrave à l'exercice de ses missions syndicales
- les changements intempestifs des missions et des tâches confiées affectation arbitraire en 2003 à la division IED/GIF de l'IEDOM puis en tant que chargé de mission auprès du directeur adjoint de l'IEDOM
- la mauvaise foi de l'employeur qui a dénié avoir reçu le rapport qu'il avait réalisé et qu'il lui avait remis le 29 septembre 2003, avant, implicitement, d'en reconnaître la réception
- les contradictions de l'employeur dans les objectifs qui lui étaient assignés, l'empêchant nécessairement de mener à bien ses missions compte-tenu du caractère fluctuant des travaux exigés, ce qu'il a dénoncé dans un courrier du 4 juin 2004 il lui reproche notamment de lui avoir demandé de réaliser sous une autre forme le précédent travail et de le présenter au service gestion sans avoir reçu de surcroît de formation au logiciel 'power point' indispensable à cette tâche.
- la placardisation dans un bureau isolé au fond du couloir à partager avec un autre collègue, M. ..., situé au surplus à côté de celui du directeur général
- le retrait de ses outils de travail, notamment l'unité centrale de son ordinateur, qui en est le coeur.
- l'absence de formation notamment aux logiciels nouveaux, en violation de l'article L6321-1 du code du travail
- la discrimination en matière d'arrêt pour maladie M. Z se prévaut d'un usage en vigueur au sein de l'AFD selon lequel tous les agents étaient autorisés à bénéficier de 24 à 48 heures d'arrêts pour maladie, ce qui lui a été refusé à deux reprises les 24 mai et le 8 juin 2004
- l'absence de tout avancement depuis 13 ans.
M. Z qui argue de l'altération de son état de santé produit aux débats les arrêts de travail pour maladie afférents aux périodes du 15 juin au 19 septembre 2004, du 1er février au 20 octobre 2005, plusieurs fois réitérés pendant les années 2006 et 2007, un certificat médical en date du 21 janvier 2013 attestant que M. Z était 'toujours suivi en psychiâtrie par prévention des réactivations traumatiques qui peuvent encore apparaître et l'invalider psychiquement'. Ces certificats médicaux évoquent le lien qu'établit le salarié entre son état de santé et son milieu de travail.
3
La cour ne peut que relever le peu d'éléments qu'il produit au soutien de ses allégations qui rend difficile l'établissement du lien dont il se prévaut entre le rapport du cabinet Emergence sur la souffrance au travail à l'AFD et sa situation personnelle.
Ainsi, selon les pièces qui sont produites aux débats par l'Agence française de développement et qui ne sont pas sérieusement contestées par le salarié, à partir de 1995, aux termes de rapports établis les 28 octobre 1996, 16 avril, 28 avril, 5 mai, 27 juin 1997, et 19 août 1999, extrêmement précis et circonstanciés, la direction de l'Agence française de développement a commencé à relever des difficultés concernant M. Z, caractérisées par une incompétence grandissante en matière informatique, au gré des évolutions de ce domaine auxquelles il est relevé que M. Z ne peut s'adapter, engendrant du mécontentement au sein de son équipe et de l'insatisfaction de la part de sa hiérarchie désireuse de le voir transférer rapidement dans un autre service. Cette insatisfaction s'exprime dans les évaluations de M. Z qu'il co-signe sans la contester pour l'année 1998, qui traduisent également que M. Z ne se sent pas à l'aise dans la division informatique et qu'il souhaite 'migrer vers des postes à caractère social', souhait qu'il réitère dans le cadre de son évaluation pour l'année 2000.
Il s'ensuit qu'à partir de 1996, M. Z n'apparaît plus adapté aux travaux informatiques et que, c'est dans ces conditions, et de manière objective et non arbitraire, qu'il a été transféré vers un service de gestion, à compter du 1er février 2003. Par ailleurs, aucun élément produit aux débats n'établit qu'il aurait fait l'objet de changements intempestifs de missions et de tâches qui n'entreraient pas dans le champ du chargé de mission qu'il était devenu. Aucun élément produit aux débats ne vient davantage étayer les affirmations de M. Z selon lesquelles les contradictions de l'employeur dans les objectifs qui lui étaient assignés, l'empêchaient nécessairement de mener à bien ses missions, ce qui apparaît d'autant moins vrai que la demande exprimée par son employeur dans le courrier du 4 juin 2004 dont il se plaint s'inscrit dans la continuité du travail qu'il prétend avoir remis à son employeur en septembre 2003 et qu'il lui était demandé de présenter sous la forme de power point, M. Z ne pouvant valablement se plaindre de n'avoir reçu aucune formation spécifique pour l'usage de cet outil de travail d'autant plus simple pour M. Z qui est informaticien.
De même, M. Z invoque la mauvaise foi de son employeur, alors que contrairement à l'interprétation qu'il en fait, les documents produits aux débats ne la caractérisent pas le courrier de l'employeur en date du 30 avril 2004 et les échanges de mail sur le sujet entre les parties montrent le désaccord entre elles, M. Z affirmant avoir envoyé à son employeur, en septembre 2003, le travail demandé et l'employeur contestant avoir jamais reçu cet envoi et sollicitant de son salarié de le réitérer, ce que celui-ci d'ailleurs ne fera pas.
Il ressort de ces éléments que l'employeur a toujours maintenu n'avoir pas reçu le travail demandé et que, sollicitant un nouvel envoi de la part de son salarié, aucun élément n'établit que celui-ci se soit exécuté.
De même M. Z est-il malvenu de reprocher à son employeur l'absence de l'unité centrale de son ordinateur lors de son retour d'arrêt de maladie, retour initialement prévu le 14 décembre 2005, qui s'est, de son propre fait trouvé anticipé au 21 octobre 2005, et alors que, dans un contexte de changement des matériels informatiques, selon le mail adressé par le service informatique le 22 novembre 2005 au responsable de M. Z 'depuis son retour, M. Z n'a pas contacté le support PC. Et le technicien a essayé, à maintes reprises, de le rencontrer mais n'a pas réussi à le voir dans son bureau, afin de voir comment lui installer son nouveau poste et préparer une éventuelle récupération des données présentes sur son disque dur... il essaiera de rencontrer M. Z aujourd'hui ou demain....'.
Il s'ensuit que le salarié ne dispose d'aucun élément pertinent pour soutenir avoir été privé de son outil de travail même temporairement jusqu'au mois de novembre 2007, date à laquelle il ne semble pas contester avoir disposé d'un matériel adéquat, conformément au message précité.
4

S'agissant des bureaux, les documents produits aux débats montrent que le siège de l'AFD a fait l'objet d'une réorganisation motivée par la pénurie de bureaux, qui s'est notamment traduite pour le personnel de l'IEDOM par une distribution nouvelle des locaux qui a été approuvée par le CHSCT réuni le 25 avril 2006. Les plans des locaux produits aux débats montrent que de nombreux bureaux sont partagés par deux, voire trois, collègues.
Il s'ensuit que l'affectation de M. Z avec un collègue, dans un même bureau repose sur des raisons objectives, la circonstance qu'il se trouve au bout d'un couloir et à côté du directeur général n'attestant en rien du caractère vexatoire invoqué.
Hormis une formation à laquelle était inscrit M. Z en mars 2006, qui a été annulée, ce salarié ne justifie pas avoir été privé de formations utiles à l'exercice de ses fonctions.
Enfin, dès lors que les éléments produits aux débats établissent que depuis de nombreuses années (1995), M. Z a donné lieu à des difficultés croissantes dans son travail, à l'évolution duquel il apparaît n'avoir pas été en mesure de s'adapter, et que, une fois dans un autre service, il a refusé toute évaluation à compter de l'année 2002, il ne saurait reprocher à son employeur de n'avoir pas bénéficié d'avancement pendant 13 ans.
Outre le fait que M. Z ne saurait se prévaloir de l'entrave à l'exercice de ses fonctions syndicales qui a été définitivement jugée comme non établie, pas plus qu'il ne saurait valablement se prévaloir du bénéfice d'arrêts pour maladie de complaisance pour soutenir une prétendue discrimination, M. Z fait état, au soutien de sa demande de faits examinés individuellement et dans leur ensemble qui sont soit non établis, soit non pertinents, puisque l'employeur démontre qu'ils sont objectivement justifiés.
Nonobstant d'une part, l'existence d'un rapport, associant à l'évolution stratégique, organisationnelle et technique de l'AFD un phénomène de souffrance au travail vécue plus particulièrement par certaines catégories de salariés, comme les séniors, et d'autre part la réalité de l'altération de la santé décrite par les certificats médicaux produits aux débats, la cour, au vu de l'ensemble des éléments fournis, a la conviction qu'en particulier M. Z, n'a subi aucun fait de harcèlement moral.
Il convient en conséquence de débouter M. Z de ce chef. Le jugement déféré est, en conséquence, confirmé.

PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare irrecevables les demandes de M. Jean-Pierre Z autres que celle relative au harcèlement moral invoqué
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Z à payer à l'Agence française de développement la somme de 1 000 euros
Le déboute de sa demande de ce chef
Le condamne aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
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