Jurisprudence : CA Nancy, 25-05-2010, n° 12/00705, Infirmation partielle

CA Nancy, 25-05-2010, n° 12/00705, Infirmation partielle

A0251KCB

Référence

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ARRÊT N° PH
DU 12 AVRIL 2013
R.G 12/00705
(JONCTION avec RG 12/00855 le 11/05/12)
Cour d'Appel de COLMAR
08/05653
25 mai 2010
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE

DEMANDERESSES À LA SAISINE
Madame Z Z, épouse Z

ILLKIRCH GRAFFENSTADEN
Représentée par Me Valérie REYNAUD, avocat au barreau de STRASBOURG
SA CHANTELLE, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social


CACHAN CEDEX
Représentée par Me Catherine TRONQUEE, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR À LA SAISINE
PÔLE EMPLOI DE STRASBOURG MEINAU, pris en la personne de son représentant légal pour ce domicilié

STRASBOURG CEDEX 01
Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré,
1

Président Madame CREDOZ,
Conseillers Monsieur ...,
Monsieur ...,
Greffier lors des débats Monsieur ADJAL
DÉBATS
En audience publique du 20 Février 2013 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 27 Mars 2013 ; Puis à cette date le délibéré a été prorogé au 12 Avril 2013 ;
Le 12 Avril 2013, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit
GENESE DU LITIGE.

Madame Z épouse Z est engagée, le 21 mai 1996, par la SA CHANTELLE en qualité de vendeuse pour occuper cet emploi au sein du magasin de la Société FRANCE PRINTEMPS à STRASBOURG.
Elle est licenciée pour fautes le 17 octobre 2007, la lettre de licenciement invoquant des griefs relatifs à son comportement sur son lieu de travail
- le 15 septembre 2007, s'être assise au stand de la marque ESPRIT, les jambes croisées, - avoir agressé Madame ..., la responsable du rayon lingerie,
Le 14 janvier 2008, Madame ... saisit le Conseil de Prud'hommes de STRASBOURG contestant la légitimité de son licenciement, s'estimant victime d'un défaut de protection de sa santé physique et morale et sollicitant la réévaluation de son coefficient de rémunération. Elle réclame ainsi des indemnités pour réparer l'ensemble de ses préjudices.
Le 12 novembre 2008, le Conseil de Prud'hommes de STRASBOURG la déboute de toutes ses prétentions.
Le 24 novembre 2008, interjetant appel de ce jugement Madame ... demande à la Cour d'Appel de COLMAR
- de déclarer nul son licenciement, les dispositions de l'article
R 4624-21 du Code du Travail n'ayant pas été respectées, subsidiairement de le dire dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de condamner la SA CHANTELLE à lui verser
* 33 132,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 15 000,00 euros sur le fondement de l'article L 412-1-1 du Code du Travail,
* 1 500,00 euros pour harcèlement moral,
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* 7 755,00 euros à titre d'arriérés de salaire,
* 1 090,38 euros pour solde de l'indemnité de licenciement,
- de condamner la SA CHANTELLE à lui payer 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le 25 mai 2010, la Cour d'Appel de COLMAR, après avoir infirmé le jugement entrepris - déclare le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence,
- condamne la SA CHANTELLE à verser à Madame ... 20 000,00 euros conformément aux dispositions de l'article L 1235-3 du Code du Travail et 1 090,38 euros à titre de l'indemnité conventionnelle de rappel de salaire,
- dit que les conditions d'emploi correspondent à la qualification de vendeuse 2ème échelon et aussi condamne la SA CHANTELLE à verser à Madame ... 7 755,00 euros à titre de rappel de salaire,
- alloue 2 000,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, - déboute Madame ... du surplus de ses demandes,
- ordonne le remboursement à Pôle Emploi par la SA CHANTELLE des indemnités de chômage versées à Madame ... dans la limite de six mois.
La Société CHANTELLE s'étant pourvu en Cassation, Madame ... ayant formé un pourvoi incident, la Cour de Cassation, par arrêt du 23 novembre 2011
- 'casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Madame ... pour harcèlement moral et en ce qu'il a condamné la Société CHANTELLE au paiement de la somme de 7 755,00 euros à titre de rappel de salaire et 1 090,38 euros à titre de solde de l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 25 mai 2010 par la Cour d'Appel de COLMAR ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt'.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
A) Madame ...
1) Sur le harcèlement moral
Madame ... rappelle qu'en sus de l'indemnisation due au titre de la rupture abusive du contrat de travail, le salarié, victime d'un fait fautif de l'employeur, et notamment d'un harcèlement moral, est légitime a sollicité des dommages et intérêts.
Madame ... soutient ainsi que ses conditions de travail étaient particulièrement difficiles, jusqu'à même altérer sa santé, et ce compte-tenu de l'attitude à son égard de Madame ..., salariée du PRINTEMPS et responsable du rayon lingerie.
Elle expose qu'en contradiction avec les prescriptions médicales dont elle bénéficiait, Madame ... a délibérément supprimé de son stand tous les tabourets, l'empêchant ainsi de s'asseoir pour soulager sa cheville droite fragilisée par une entorse.
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Elle considère que l'ensemble des témoignages versés aux débats démontre qu'elle a été victime de procédés vexatoires et de brimades incessantes portant atteinte à sa santé et à sa dignité.
2) Sur la réévaluation du coefficient hiérarchique
Madame ... affirme que le coefficient qui lui a été appliqué durant sa relation de travail est sous-évalué au regard de son activité réelle.
Elle dit pouvoir prétendre à un poste de vendeur au coefficient 190, devenu, à compter du 1er mai 2004, un niveau III échelon 4 de la Convention Collective Nationale de l'Industrie de l'Habillement.
En conséquence, après avoir repris oralement ses conclusions écrites, Madame ... demande à la Cour de
- condamner la SA CHANTELLE à lui payer 15 000,00 euros en réparation de son préjudice né du harcèlement moral,
- condamner la SA CHANTELLE à lui payer 7 755,00 euros au titre d'arriérés de salaire et 775,50 euros correspondant aux congés payés, le tout majoré des intérêts au taux légal à compter de leur exigibilité,
- condamner la SA CHANTELLE à lui payer 2 000,00 euros et 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles respectivement de première instance et d'appel.
B) La SA CHANTELLE
Développant oralement ses conclusions écrites, la société intimée sollicite de la Cour
- qu'elle déboute Madame ... de sa demande de revalorisation de coefficient,
- qu'en conséquence, elle lui rembourse 7 750,00 euros versés provisoirement à titre de rappel de salaire, auquel s'ajoutent 775,50 euros à titre de congés payés et 1 090,38 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,
- qu'elle constate que Madame ... ne rapporte pas la preuve de faits d'harcèlement,
- qu'elle condamne l'appelante à lui payer 2 000,00 euros et 3 000,00 euros pour l'indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
1) Sur la réévaluation du coefficient hiérarchique
La SA CHANTELLE considère que l'arrêt de la Cour de Cassation impose de rejeter la revendication de salaire.
Elle précise notamment que Madame ... a toujours exercé ses fonctions sous le contrôle de cadres spécialisés, excluant ainsi toutes initiatives commerciales et missions à l'extérieur.
Elle s'oppose à la comparaison de salaire avec d'autres salariés dépendant d'un employeur différent.
2) Sur le harcèlement moral
La société intimée considère que les pièces versées aux débats par sa salariée sont inopérantes pour établir la preuve du harcèlement dont elle se prétend victime ; elle précise, en sus, que Madame
4

CARREAU ne s'étant jamais plainte auprès d'elle de ses conditions de travail, elle ne saurait être responsable de faits dont elle ignorait l'existence.
Elle ajoute enfin que, dans la mesure visant à la suppression des tabourets, a touché l'ensemble des stands du rayon lingerie et non spécifiquement celui de la Société CHANTELLE.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions.

MOTIFS.
Vu l'ensemble de la procédure, les pièces produites aux débats et l'arrêt de la Cour de Cassation,
1) Sur le harcèlement moral
En vertu des exigences de l'article L 1152-1 du Code du Travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L 1154-1 du Code du Travail fait obligation au salarié, alléguant être victime de harcèlement, d'établir des faits qui permettent d'en présumer l'existence tandis qu'il appartient à l'employeur de prouver que les agissements reprochés ne constituent pas un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Madame ..., pour établir que le comportement habituel de Madame ... à son égard, allant jusqu'à exiger le retrait des sièges du stand, lieu de son travail, en contradiction avec les préconisations de la médecine du travail, est constitutif d'un harcèlement moral, produit une dizaine d'attestations émanant de cinq personnes différentes, clientes ou collègues du PRINTEMPS.
C'est à tort que la SA CHANTELLE conteste la véracité de ces témoignages, réguliers en la forme et qui ne sauraient être remis en cause au motif que certains proviennent d'une salariée en litige avec la direction, le juge étant souverain pour en apprécier le contenu.
Or, l'ensemble de ces attestations, claires et circonstanciées, outre qu'elles soulignent le professionnalisme de Madame ..., relatent toutes que ses conditions de travail différaient péjorativement de celles de ses collègues, l'obligeant à 'déballer les produits à même le sol, n'ayant à sa disposition aucune table ou matériel prévu à cet effet, que tel n'était pas le cas des collègues d'autres enseignes'.
Il est précisé que l'interdiction d'avoir un tabouret fut ordonnée par Madame ..., obligeant ainsi Madame ... à s'asseoir, en cas de grande fatigue, au stand voisin (ESPRIT).
L'employeur ne produit aucune pièce susceptible de fournir une explication objective au retrait de sièges qui ne concerne que le stand de Madame ....
Bien plus, Monsieur ..., responsable hiérarchique de Madame ..., admet, dans son attestation du 4 janvier 2010, 'que des discussions avaient eu lieu au sujet des problèmes de pied et de tabouret de Madame ...'.
Si l'on ajoute qu'en octobre 2007, la responsable des ressources humaines de la SA CHANTELLE fut alertée par un courrier de l'avocat de Madame ..., faisant état du comportement de Madame ..., mettant en danger la santé de Madame ..., on ne peut qu'écarter le moyen de la société intimée tendant à imputer la responsabilité de la suppression des tabourets à la Société FRANCE PRINTEMPS dont Madame ... est la salariée, alors qu'elle se devait de répondre 5

des agissements de cette personne qui exerçait de fait une autorité sur Madame ..., sa salariée.
Ainsi, le fait que le siège ait été retiré du stand de Madame ..., en toute connaissance de la Société CHANTELLE, et sans qu'elle ne puisse objectivement en justifier, doit nécessairement être considéré comme un agissement ayant porté atteinte à la dignité et à la santé de Madame ....
Sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral est légalement fondé.
Prenant en compte l'ancienneté de Madame ... et les circonstances du harcèlement dont elle fut victime, son préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 12 000,00 euros.
2) Sur la revalorisation du coefficient salarial
La Convention Collective Nationale des Industries de l'Habillement définit le vendeur 1er échelon (coefficient 160) comme celui qui est chargé de la réception de la clientèle, de la présentation et de la vente des articles, alors que le vendeur 2ème échelon (coefficient 190) possède dans sa spécialité l'ensemble des connaissances requises pour assurer les rapports avec la clientèle à l'intérieur et être chargé de mission à l'extérieur de l'établissement.
Face à un litige opposant employeur et salarié sur l'applicabilité du coefficient fixant la rémunération, il appartient au juge de rechercher les conditions réelles d'emploi du salarié concerné.
Or, l'examen de la fiche de poste rédigée par Monsieur ..., responsable hiérarchique de Madame ..., qui n'a jamais contesté être placée sous son autorité, fait apparaître qu'aucune de ses tâches ne la conduit à effectuer des missions à l'extérieur du stand du magasin PRINTEMPS, pas plus qu'à traiter la prise et la transmission de commande.
C'est ainsi à tort que Madame ... considère que l'attestation de Madame ... contredit le document susvisé alors qu'elle expose, avec plus de détails, les mêmes tâches consistant à assurer la gestion du stock, à déballer et mettre en place la marchandise avec affichage de prix et à dresser les inventaires demandés, soit par la SA CHANTELLE, soit par la Société FRANCE PRINTEMPS.
Elle est tout aussi mal venue à comparer sa rémunération avec celle de salariés d'autres sociétés, la Cour de Cassation ayant refusé d'étendre l'effet du principe 'à travail égal, salaire égal' au delà des salariés appartenant effectivement à la même entreprise.
Il s'ensuit que les conditions d'emploi de Madame ... correspondent à la qualification de vendeur 1er échelon et qu'en conséquence, la demande de rappel de rémunération est mal fondée.
Madame ... ne peut qu'être déboutée sur ce point.
3) Sur les frais irrépétibles
Madame ..., dont les prétentions sont très majoritairement reconnues fondées, peut équitablement se voir allouer, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, la somme de 3 500,00 euros payables par la SA CHANTELLE.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant par arrêt réputé contradictoire,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 23/11/11, statuant dans les limites de la Cassation,
6
Après renvoi de la Cour de Cassation,
INFIRME partiellement le jugement du Conseil de Prud'hommes de STRASBOURG en date du 12 novembre 2008 ;
DIT que Madame Z Z épouse Z a été victime d'un harcèlement moral que l'employeur n'a pas su empêcher ;
CONDAMNE la SA CHANTELLE à lui payer, à titre de dommages et intérêts, DOUZE MILLE EUROS (12 000,00 euros) avec intérêts légaux à compter du jour de l'arrêt ;
CONFIRME le jugement entrepris sur la demande de revalorisation salariale ;
DIT que l'emploi de Madame Z Z épouse Z correspond au niveau 1 (coefficient 160) de la qualification de vendeur ;
DÉBOUTE Madame Z Z épouse Z de sa demande de rappel de salaire ;
DIT que Madame Z Z épouse Z devra rembourser à la SA CHANTELLE les sommes perçues provisoirement à ce titre ;
CONDAMNE la SA CHANTELLE à payer à Madame Z Z épouse Z la somme de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3 500,00 euros) en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SA CHANTELLE aux dépens.
Ainsi prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Et signé par Madame ..., Présidente, et par Madame ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
Minute en neuf pages
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