TRIBUNAL
DE GRANDE
INSTANCE
DE PARIS
.
3ème chambre 2ème
section
N° RG
11/07897
N° MINUTE
Assignation du
22 Avril 2011
JUGEMENT
rendu le 22 Mai 2015
DEMANDERESSE
Société CARREFOUR IMPORT
VILLEBON SUR YVETTE
représentée par Maître Sarah ESPASA MATTEI de l'AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0045,
DÉFENDERESSE
SOCIÉTÉ POUR LA REMUNERATION DE LA COPIE
PRIVÉE AUDIOVISUELLE DITE COPIE FRANCE
PARIS
représentée par Me Olivier CHATEL, avocat au barreau de PARIS_ vestiaire #R039
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Eric HALPHEN, Vice-Président, signataire de la décision
Arnaud DESGRANGES, Vice-Président
Françoise BARUTEL, Vice-Présidente
assistés de Jeanine ..., FF Greffier, signataire de la décision
Expéditions
exécutoires 9,2 I
délivrées le
DÉBATS
A l'audience du 13 Février 2015
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte du 22 avril 2011, la société CARREFOUR IMPORT (ci-après société CARREFOUR), qui a notamment pour activité le commerce de détail, a fait assigner la société POUR LA REMUNERATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE dite COPIE FRANCE afin d'obtenir la restitution des sommes qu'elle a versées au titre de la rémunération pour copie privée pour les années 2008 à 2011, soit les sommes respectives de 328.000 euros, 341.000 euros, 850.400 euros et 238.780 euros.
Elle rappelle que le Code de la propriété intellectuelle organise la protection des droits des auteurs ainsi que de ceux des interprètes et des éditeurs ou producteurs, posant, notamment dans son article L.122-4, le principe d'une interdiction de la reproduction des oeuvres sans le consentement de leur auteur, mais que cette interdiction générale est tempérée dans le cadre de l'exception dite de " copie privée ", puisque l'article L.122-5 dispose que "Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire 1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans le cercle de famille ; 2° Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ( ...) ", mais que dans ce cas le titulaire des droits de propriété intellectuelle est indemnisé par une rémunération acquittée par les fabricants et les importateurs, en vertu de l'article L.311-3.
Elle ajoute que, pour organiser cette rémunération, le législateur a institué une commission dont le fonctionnement est décrit par l'article L.311-5 du Code de la propriété intellectuelle, et qu'en application de ce texte cette commission (ci-après la Commission) a pris un certain nombre de décisions qu'elle estime " entachées d'illicéité ", raison pour laquelle elle demande le remboursement des sommes " qu'elle a été contrainte de verser " à COPIE FRANCE.
Dans ses conclusions signifiées le 26 janvier 2015, la société CARREFOUR, après avoir réfuté les arguments présentés en défense, demande en ces termes au Tribunal de
- la déclarer recevable et bien fondée en sa demande et y faisant droit, A titre principal,
- condamner COPIE FRANCE à lui restituer la somme totale de 2.919.718 euros indûment perçue au titre de la rémunération pour copie privée pour les années 2008 à 2011,
2
- condamner COPIE FRANCE à lui payer les intérêts sur cette somme à compter du 22 avril 2012, avec capitalisation dès lors qu'ils sont dus depuis plus d'un an,
A titre subsidiaire,
- désigner tel expert judiciaire qu'il plaira au Tribunal, aux frais avancés de COPIE FRANCE, si par extraordinaire le Tribunal venait à estimer que COPIE FRANCE est créancière d'une " indemnité compensatrice " à son encontre, avec pour mission de
*convoquer les parties et les entendre en leurs explications, *se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
*fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie au fond de déterminer le montant des sommes payées par elle à COPIE FRANCE au titre de la rémunération pour copie privée pour les années 2008 à 2011, qui a été effectivement reversé par COPIE FRANCE aux ayants droit,
*fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie au fond de déterminer le montant de l'indemnité compensatrice invoquée par COPIE FRANCE,
*faire les comptes entre les parties,
*s'adjoindre si nécessaire tout sapiteur,
- dire et juger que l'Expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure civile et qu'il déposera l'original et la copie de son rapport au greffe du Tribunal dans le délai qui lui sera imparti,
- dire et juger la provision à verser sur honoraire de l'expert judiciaire sera fixée à 5.000 euros et sera avancée par COPIE FRANCE,
- fixer un délai de 3 mois pour le dépôt du rapport de l'expert,
En tout état de cause,
- débouter COPIE FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et
conclusions,
- condamner COPIE FRANCE à lui payer la somme de 25.000 euros
au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers
dépens,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Dans ses dernières écritures signifiées le 5 février 2015, COPIE FRANCE, qui soutient que la société CARREFOUR est irrecevable en son action faute d'intérêt à agir, conclut au débouté de toutes les demandes, en faisant une analyse des décisions de la Commission pour la copie privée et des décisions du Conseil d'État. Elle sollicite l'octroi de la somme de 50.000 euros au titre des frais irrépétibles.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la recevabilité
Ainsi qu'il vient d'être exposé, COPIE FRANCE conteste la recevabilité de la société CARREFOUR.
Elle explique qu'en demandant sa condamnation à lui restituer les redevances de copie privée versées par elle sur le fondement de la décision 11 de la commission de la copie privée, la société
3
CARREFOUR exerce devant le juge civil une action en remboursement qui participe de la répétition de l'indu consécutive à l'annulation de cette décision 11 par le Conseil d'Etat.
Or elle rappelle qu'une telle action ne peut être exercée que par le solvens, c'est-à-dire par celui qui s'est appauvri, ce qui n'est pas le cas de la société CARREFOUR, la charge première n'étant pas définitive pour ce qui est de la copie privée, puisque les redevables tels que la société CARREFOUR répercutent en tant qu'élément du coût du produit assujetti la rémunération pour copie privée qu'ils lui versent sur leurs propres distributeurs, à charge pour ces derniers de l'inclure dans leur prix de vente, et ce jusqu'au consommateur final, qui supporte, lui, le coût définitif.
Elle ajoute qu'une telle répercussion de la charge finale de la rémunération est si importante qu'une loi du 20 décembre 2011 a même imposé de porter son montant à la connaissance des consommateurs, ce qui montre bien selon elle que la société CARREFOUR, qui ne supporte donc pas finalement le poids de ladite rémunération, ne peut être considérée comme étant le solvens, et n'a donc pas intérêt à agir pour obtenir répétition des sommes qu'elle a versées.
La société CARREFOUR conteste cette analyse.
Rappelant qu'en vertu des dispositions de l'article L.311-4 du Code de la propriété intellectuelle, elle est le redevable légal de la rémunération pour copie privée en sa qualité d'importateur de supports d'enregistrement destinés à la reproduction d'oeuvres à usage privé, elle souligne qu'elle a personnellement acquitté cette rémunération, et ce sur la base de factures émises par COPIE FRANCE entre octobre 2010 et janvier 2012.
A partir du moment où ces versements ont été fondés sur des décisions de la Commission qui ont toutes été annulées par le Conseil d'Etat, et que les sommes versées par elle n'étaient donc pas dues, elle a bien vocation, explique-t-elle, a en obtenir répétition.
Elle fait également valoir que la recevabilité de son action en répétition de l'indu est subordonnée à la seule preuve de paiements de sa part devenus injustifiés, et soutient que la défenderesse fait une confusion entre l'action en répétition de l'indu et celle ayant trait à l'enrichissement sans cause, seule à exiger l'existence d'un appauvrissement.
Enfin, elle relève qu'aucune législation, qu'il s'agisse du Code de la propriété intellectuelle ou de la Directive 2001/29/CE, n'oblige celui qui a payé la rémunération pour copie privée à la répercuter sur quiconque et notamment ses clients, de sorte que la défenderesse ne démontre en rien qu'elle n'a pas subi personnellement un appauvrissement en raison de ces paiements.
De fait, il est manifeste que la société CARREFOUR agit en restitution de sommes qu'elle a elle-même versées, ce qui en soi, quel que soit le fondement juridique de son action, est de nature à lui donner un indiscutable intérêt à agir.
En outre, il est constant que l'action en répétition de l'indu prévue par l'article 1376 du Code civil appartient, en plus de celui pour le compte de qui le paiement a été fait, à celui qui a effectué ce paiement, lequel a un intérêt légitime, personnel et direct à ce que, le cas échéant, l'argent qu'il a payé lui soit restitué.
Enfin, il sera constaté de manière surabondante que l'éventuelle répercussion du coût de cette contribution sur la clientèle n'est ni obligatoire, ni systématique, de sorte qu'il n'est en rien démontré que la société CARREFOUR ne subira pas de manière définitive, au moins en partie, la charge des règlements auxquels elle a procédé.
La fin de non-recevoir déposée à ce titre sera donc rejetée. - Sur le caractère indu des paiements
Selon l'article 1376 du Code civil, " celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ".
Se fondant sur ce texte, la société CARREFOUR demande la restitution des paiements qu'elle a effectués au titre de la rémunération pour copie privée.
Elle fait valoir qu'elle a ainsi effectué des règlements sur la base de factures émises par COPIE FRANCE entre le 19 juin 2008 et le 15 février 2012 en vertu de tarifs fixés par la décision 9 de la Commission pour copie privée du 11 décembre 2007, de la décision 10 de la Commission du 27 février 2008, de la décision 11 de la Commission du 17 décembre 2008 et par la décision 13 de cette Commission du 12 janvier 2011, alors que ces quatre décisions ont été annulées pour erreur de droit par le Conseil d'Etat.
Elle ajoute qu'il n'est pas possible de se baser sur d'autres décisions de la Commission, puisque les décisions 7 à 10, adoptées entre le 20 juillet 2006 et le 27 février 2008, ont également été annulées, tandis que la décision 6, invoquée aussi par COPIE FRANCE, ne concernaient que certains types de supports d'enregistrement MP3, et non les supports de type MP4 et tablettes tactiles qui n'existaient pas à l'époque et pour lesquels elle a versé une rémunération pour copie privée, et que les décisions 14 et suivantes, postérieures à la période concernée par le litige, ne lui sont donc pas applicables.
Plus précisément, elle expose que les décisions 9 et 10 des 11 décembre 2007 et 27 février 2008 ont été annulées par un arrêt du Conseil d'Etat du 11 juillet 2008, de sorte que les paiements intervenus sur le fondement de ces décisions, à savoir les sommes de 328.000 euros (MP3/disque dur) et de 374.958 euros (MP3/MP4/disque dur), soit au total 702.958 en vertu de factures à elles adressées entre le 1er mai et le 30 novembre 2008, doivent lui être restitués.
De même, elle rappelle que la décision 11 du 17 décembre 2008 a été annulée par des arrêts du Conseil d'Etat du 17 juin 2011 pour absence de compatibilité avec la Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 en ce qu'elle prévoyait notamment que la rémunération était due pour
5
l'ensemble des supports, sans prévoir la possibilité d'une exonération pour les supports achetés à des fins professionnelles.
En conséquence, elle considère que les paiements faits sur le fondement de cette décision 11, à savoir les sommes de 341.000 euros (MP3/disque dur) et 850.400 euros (MP3/MP4/disque dur), soit au total 1.191.400 euros en vertu de factures à elle adressées entre le 1er septembre 2009 et le 31 décembre 2010, doivent lui être restitués.
En réponse à un argument de la défenderesse, elle soutient que la loi du 20 décembre 2011 qui est venue, à la suite de cette décision, modifier le Code de la propriété intellectuelle pour le rendre compatible avec le droit communautaire en introduisant une possibilité de remboursement a posteriori pour des supports acquis à des fins professionnelles, en réglant la question de la période transitoire pour proroger les effets de la décision 11 et régler le sort des actions de restitution en cours, n'a pu " ressusciter" cette décision, et donc valider les paiements intervenus, le Conseil constitutionnel ayant, par une décision du 15 janvier 2013 rendue sur une QPC, condamné l'atteinte portée par cette loi aux droits des personnes qui avaient déjà engagé une procédure.
Pareillement, elle explique que la décision 13 du 11 janvier 2011 a été annulée par un arrêt du Conseil d'Etat du 25 juin 2014 pour les mêmes motifs que ceux ayant entraîné l'annulation de la décision 11, tout en précisant qu'il n'y avait pas lieu de limiter dans le temps les effets de l'annulation prononcée, de sorte que les paiements intervenus sur le fondement de cette décision, à savoir les sommes de 157.700 euros (MP3/MP4/tablettes) et 867.660 euros (MP3/MP4/disque dur/tablettes), soit au total 1.025.360 euros en vertu de factures payées au cours de l'année 2011, doivent lui être restitués.
D'une façon plus générale, la société CARREFOUR souligne que la législation française, qui ne distingue pas selon que les ventes sont destinées aux entreprises ou aux particuliers, contrairement à l'article 5 paragraphe 2 sous b) de la Directive 2001/29, est incompatible avec le droit communautaire.
Enfin, elle considère que COPIE FRANCE ne saurait faire " revivre " pour les besoins de la cause certaines décisions antérieures comme les décisions 6 et 7, ces décisions n'étant pas applicables aux périodes visées par les factures litigieuses, tandis de surcroît que la décision 7 a été annulée par le Conseil d'Etat et que la décision 6 est selon elle entachée de la même illicéité.
COPIE FRANCE ne partage pas cette vision des choses.
Tout d'abord, elle fait remarquer que, pour savoir en vertu de quelle décision une facturation a été émise, il ne faut pas prendre en compte la date de cette facturation, mais celle de mise en circulation sur le territoire national du support sur lequel la facture porte, ce quia pour effet que selon elles les décisions 6 et 7 sont bien applicables au présent litige, puisque les baladeurs MP3 et MP4 ont été mis en circulation en France en mai, juillet et novembre 2008 sur le fondement de ces décisions, entraînant ainsi des facturations acquittées de 328.000 euros sur le fondement de la décision 6, et de 374.958 euros sur celui de la
décision 7.
Elle souligne que la décision 6 n'a fait l'objet d'aucune annulation ou invalidation devant le Conseil d'Etat, et que l'arrêt qui a annulé la décision 7 a différé les effets de cette nullité à l'expiration d'un délai de 6 mois tout en réservant les seules actions contentieuses en cours, à savoir celles engagées avant le 17 décembre 2010, ce qui n'est pas le cas du présent litige.
Elle considère que le moyen de la demanderesse, selon lequel il y aurait incompatibilité entre la décision 6 et le droit communautaire, ce qui devrait selon elle en faire écarter l'application par voie d'exception d'illégalité, est inopérant dans la mesure où il vise à donner un effet horizontal prohibé dans les litiges entre particuliers, alors que les directives ne peuvent être une source directe de droit pour un particulier à l'encontre d'un autre particulier.
Par ailleurs, COPIE FRANCE soutient, s'agissant des factures émises en application des décisions 11 et 13 de la Commission, que leur annulation n'a cependant pas pour effet de la priver de tout droit à indemnisation, car le juge judiciaire, qui n'est pas tenu par les décisions des juridictions administratives, dispose d'un plein pouvoir pour apprécier, à l'aune de ses propres règles, l'effet des annulations sur les litiges dont il est saisi.
De fait, il y a lieu d'examiner ci-après les différents points soulevés. *l'applicabilité au présent litige des décisions 6 et 7
Ainsi qu'il vient d'être dit, la société CARREFOUR soutient que ces " anciennes " décisions ne sont pas concernées par la présente procédure, pour n'être plus applicables à la date à laquelle les factures de COPIE FRANCE ont été émises, soit postérieurement au 1er janvier 2008, date à laquelle seules les décisions 9 à 11 et 13 étaient applicables.
Cependant, comme le soutient à bon droit COPIE FRANCE, c'est la date de mise en circulation sur le territoire français des supports en cause, et non la facturation, qui détermine la décision applicable.
En effet, l'article L.311-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que " La rémunération prévue à l'article L.311-3 est versée par le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires (...) lors de la mise en circulation en France de ces supports ", tandis que la décision du 30 juin 1986 relative à la Commission prévue par l'article L.311-5 du même Code prévoit que " la date d'exigibilité correspond, pour les première et deuxième catégories d'importateurs et fabricants, à la sortie de stocks ".
Il résulte clairement de ces dispositions que le fait générateur de la rémunération en question est bien la mise en circulation dans notre pays des supports, et non la facturation émise, éventuellement plus tard, par COPIE FRANCE, laquelle facturation ne pouvant avoir d'autre effet juridique que de demander de l'argent à celui à qui elle est adressée.
7
7
Or ces factures concernent des supports d'enregistrement commercialisés par la société CARREFOUR en mai, juillet et novembre 2008 pour ce qui est des baladeurs MP3, pendant les mêmes mois pour les baladeurs MP4, périodes pendant lesquelles les décisions 6 et 7 de la Commission étaient applicables, et étaient donc fondées sur ces décisions.
*l'application de la décision 6
Cette décision n'a jamais été annulée par le Conseil d'Etat, mais la société CARREFOUR, pour en refuser l'application, estime qu'elles elle incompatible avec le droit de l'Union.
Elle fait en effet valoir dans ses écritures que, " s'il venait à être considéré qu'une partie de la rémunération litigieuse trouve son fondement dans la décision n°6 ", le Tribunal devrait en écarter l'application "par voie d'exception d'illégalité en raison de sa manifeste incompatibilité avec la directive 2001/29/CE ", puisque prenant appui, comme les décisions ultérieures, sur un taux de rémunération ne distinguant pas selon les supports.
Cependant, comme l'expose avec justesse la défenderesse, les directives, qui s'adressent aux États membres et visent à harmoniser leurs législations, n'ont pas vocation à avoir un effet direct en droit interne, justement parce qu'elles doivent faire l'objet, auparavant, d'une transposition dans le droit de l'Etat, qui dispose à cet effet d'une certaine marge d'appréciation.
Hors le cas d'un litige qui oppose un particulier ou une société à cet Etat, au cours duquel une directive peut le cas échéant être invoquée, une personne physique ou morale de droit privé ne peut pas invoquer le droit de l'Union dans un litige l'opposant à une autre personne de droit privé.
D'ailleurs, la CJUE, dans un arrêt du 27 février 2014 cité par COPIE FRANCE, a rappelé que " l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu'il ne peut pas être invoqué par une société de gestion dans un litige entre particuliers afin d'écarter la réglementation d'un Etat membre contraire à cette disposition. La juridiction saisie d'un tel litige a cependant l'obligation d'interpréter ladite réglementation, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette même disposition afin d'aboutir à une solution conforme à l'objectif poursuivi par celle-ci ".
En l'espèce, outre une interprétation qui n'a pas lieu d'être puisque la décision litigieuse est claire en ce qu'elle met à la charge, en particulier, des importateurs de supports une rémunération devant bénéficier in fine aux auteurs ou ayants droit, il n'apparaît pas possible, comme le souhaite la société CARREFOUR dans le dernier état de ses écritures, de constater le caractère indu d'un paiement fondé sur un acte administratif qui serait illégal au regard de la Directive, le juge n'ayant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, ce pouvoir dans le cadre d'un litige, dit horizontal, opposant deux particuliers.
Dès lors, rien ne s'oppose à l'application de la décision 6 *l'application de la décision 7
Dans un arrêt dit SIMAVELEC du 11 juillet 2008, le Conseil d'Etat a annulé la décision 7 du 20 juillet 2006, au motif qu'en " prenant en compte le préjudice subi du fait des copies illicites de vidéogrammes ou de phonogrammes ", la Commission avait méconnu les dispositions du Code de la propriété intellectuelle.
Relevant cette annulation, la société CARREFOUR soutient aujourd'hui que les factures émises sur la base de la décision 7 " sont nulles comme étant dépourvues de fondement dans la mesure où elles ont été émises à une date postérieure à la date d'annulation de cette décision ".
Néanmoins, il n'est pas contestable qu'en soulignant que " une annulation rétroactive " de la décision 7 aurait " des conséquences manifestement excessives ", et qu'en décidant dès lors qu'il n'y avait lieu " de ne prononcer l'annulation de cette décision qu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de notification au ministre de la culture (...) sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre des actes pris sur son fondement ", le Conseil d'Etat a entendu, pour assurer la pérennité du dispositif légal de la rémunération pour copie privée et ne pas nuire aux intérêts des auteurs, ne réserver la possibilité de se prévaloir d'une annulation rétroactive de cette décision 7 qu'à ceux qui avaient engagé une procédure avant la date de l'arrêt, soit avant le 11 juillet 2008.
Dès lors que la société CARREFOUR n'a introduit le présent litige que par acte du 22 avril 2011, elle ne peut se prévaloir de la nullité de la décision 7 qui, à son égard, a continué à produire ses effets jusqu'au 31 décembre 2008, la décision 11, intégrant de nouveaux tarifs, étant entrée en vigueur le 1er janvier 2009.
Dès lors, cette décision 7 lui est demeurée pleinement applicable jusqu'à la prise d'effet de la décision 11 qui se substituait à elle, de sorte que les facturations intervenues sur sa base étaient juridiquement fondées.
Il résulte de cet examen que tous les paiements intervenus au vu des factures basées sur les décisions 6 et 7 étaient justifiés et ne peuvent donc donner lieu à aucune répétition.
*l'applicabilité des décisions 11 et 13
Il convient de rappeler que les rémunérations acquittées par la société CARREFOUR au titre des baladeurs MP3 et MP4 mis en circulation sur le territoire français entre janvier 2009 et décembre 2011, pour un montant de 2.147.460 euros HT, l'ont été sur le fondement de la décision 11 de la Commission, alors que celles afférentes aux tablettes tactiles multimédias (63.300 euros HT) mises en circulation sur ce même territoire entre février et décembre 2011, l'ont été sur le fondement de la décision 13 du 12 janvier 2011, entrée en vigueur le 1er février 2011.
Ainsi qu'il a été dit, la décision 11 a fait l'objet d'une annulation par un arrêt du 17 juin 2011 du Conseil d'Etat au motif qu'elle n'avait pas fait
9
un sort particulier aux usages professionnels des supports. De façon similaire et pour la même raison, la décision 13 a elle aussi été annulée par le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 25 juin 2014.
COPIE FRANCE admet dans ses écritures que la société CARREFOUR, qui avait pris soin d'introduire la présente instance trois semaines avant l'arrêt du 17 juin 2011, peut se prévaloir de la nullité de la décision 11, qui avait été assortie des mêmes conditions que ce qui vient d'être détaillé ci-dessus, et aussi de celle de la décision 13 prononcée plus tard.
Elle estime cependant que, compte tenu de l'existence de principe de la créance, la compensation à l'exception de copie privée peut être fixée par le juge en dépit des annulations prononcées.
Il convient d'examiner ci-après la compensation qu'elle souhaite. - Sur la compensation
COPIE FRANCE estime bénéficier d'une créance indemnitaire incontestable tant dans son principe que dans son montant.
*le principe d'une compensation
Elle rappelle en premier lieu que l'article L.311-1 du Code de la propriété intellectuelle, issu de la loi du 3 juillet 1985, a posé comme principe que " les auteurs et les artistes-interprètes des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les producteurs (...) ont droit à une rémunération au titre de la reproduction desdites oeuvres " et considère que, afin de compenser la perte de cette rémunération du fait de l'annulation des décisions 11 et 13, elle a droit à un indemnité importante.
Elle souligne également que la Directive 2001/29/CE pose elle aussi le principe d'une nécessaire contrepartie à toute exception ou limitation du droit de reproduction, en prévoyant notamment dans son article 5-2 que " les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou des limitations au droit de reproduction (...) à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable ".
Elle ajoute que la juste rémunération au titre de la copie privée trouve également sa source dans les principes qui régissent le droit de propriété, l'exception de copie privée constituant une forme d'expropriation des auteurs et des titulaires de droits voisins, et invoque les dispositions de l'article 545 du Code civil selon lesquelles " nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ".
La société CARREFOUR estime au contraire que COPIE FRANCE n'a droit à aucune indemnité compensatrice, car ne disposant dans son principe d'aucune créance à son encontre, et soutient qu'en accordant une telle compensation le juge judiciaire serait amené à " se substituer au législateur et au pouvoir réglementaire et à contourner l'annulation définitive " prononcée par le Conseil d'Etat, et donc à excéder manifestement ses pouvoirs.
10
Elle explique aussi que les décisions qui ont été annulées ne concernaient pas seulement les tarifs de rémunération mais aussi les types de supports assujettis, que ne définit pas le Code de la propriété intellectuelle mais qui sont seulement précisés par les décisions annulées.
Elle fait remarquer que l'article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle, sur lequel certaines juridictions se sont appuyées pour fonder l'octroi d'indemnités compensatrices, concerne les seuls auteurs et non pas les titulaires de droits voisins, et ne peut donc servir de fondement légal au versement d'une indemnité forfaitaire.
Elle considère que, à supposer qu'une telle indemnité puisse être allouée, elle ne saurait bénéficier qu'à ces auteurs et titulaires de droits voisins directement, et non à COPIE FRANCE.
Par ailleurs, elle soutient qu'il est impossible de trouver un fondement légal à cette indemnité sur le fondement de la loi du 3 juillet 1985 qui ne prévoyait aucune exonération au profit notamment des supports acquis à des fins professionnelles, que si la Directive 2001/29/CE pose effectivement le principe d'une nécessaire contrepartie financière aux limitations du droit à reproduction, elle dirige cette obligation vers les États membres, et non les sociétés privées, et qu'enfin, s'agissant de l'article 545 du Code civil, le fait de limiter le droit à rémunération pour copie privée ne revient pas à contraindre un auteur à céder sa propriété, contrairement aux arguments de la défenderesse.
Cela étant, s'il n'est pas certain effectivement que ce dernier texte trouve dans le présent litige une juste application, il n'en demeure pas moins qu'il résulte sans contestation possible des textes français et communautaires que les auteurs et les titulaires de droits voisins ainsi que les producteurs ont droit, en contrepartie de la restriction de leur droit à reproduction, à une juste rémunération.
A cet égard, les dispositions, rappelées ci-dessus et qui s'imposent à tous, en particulier au juge judiciaire, de l'article L.311-1 du Code de la propriété intellectuelle, élèvent à titre de principe le droit pour ces auteurs, interprètes et producteurs à une rémunération au titre de la reproduction desdites oeuvres, droit qui s'élève bien au-dessus d'une simple controverse sur le taux de cette rémunération, et qui a fortiori survit à une éventuelle invalidation d'une décision qui fixait ce taux, laquelle doit être considérée pour ce qu'elle est, c'est-à-dire une simple modalité pratique de la mise en application de ce droit.
Loin d'être en opposition avec le droit communautaire, elle ne fait que considérer comme lui le principe nécessaire d'une compensation équitable due aux ayants droit, les simples divergences constatées ne concernant que la détermination du taux et de l'assiette de cette contrepartie financière nécessaire, soit, ainsi qu'il vient d'être dit, un détail par rapport au principe reconnu sur le territoire de l'Union.
D'autre part, il est également unanimement reconnu au sein tant de notre territoire que de l'Union que les sociétés qui, telle la société CARREFOUR, mettent en circulation les supports et appareils servant à la reproduction, soient les premières à contribuer à cette juste contrepartie, dans la mesure où elles peuvent, par la suite, répercuter cette indemnisation sur ceux qui la supportent, au moins en partie, au final, à savoir les clients.
Comme le souligne à juste titre COPIE FRANCE, les décisions de la Cour de justice européenne n'ont fait que retenir ces deux principes, que ce soit dans l'arrêt dit Padawan du 21 octobre 2010, pour qui " il est conforme aux exigences de ce juste équilibre de prévoir que les personnes qui disposent d'équipements, d'appareils ainsi que de supports de reproduction numérique et qui ( ...) mettent ces équipements à la disposition des utilisateurs privés ( ...) sont les redevables du financement de la compensation équitable, dans la mesure où ces personnes ont la possibilité de répercuter la charge réelle de ce financement sur les utilisateurs privés ", ou dans l'arrêt Opus Supplies du 16 juin 2011, selon lequel " il est loisible aux États membres d'instaurer une redevance pour copie privée à la charge des personnes qui mettent à la disposition de cet utilisateur final des équipements, des appareils ou des supports de reproduction, dès lors que ces personnes ont la possibilité de répercuter le montant de cette redevance dans le prix de ladite mise à disposition acquittée par l'utilisateur final ".
Il est donc établi, d'une part que la rémunération des ayants droit en contrepartie à l'exception de copie privée est un principe auquel on ne saurait déroger, d'autre part que cette rémunération doit
effectivement être acquittée, au premier degré, par les sociétés qui mettent en circulation et à disposition du public les outils de cette copie, dont fait partie la société CARREFOUR.
Reste à savoir, comme le soulève cette dernière, si COPIE FRANCE est bien le premier créancier de cette rémunération.
Sur ce point, il convient de rappeler que la société défenderesse a notamment pour objet, selon ses statuts, " de percevoir le droit à rémunération à l'occasion de la reproduction des phonogrammes et des vidéogrammes réservés à l'usage privé, pour le compte de ses associés dont elle reçoit délégation à cet effet à titre exclusif du simple fait de leur adhésion ", tandis que l'article L.321-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que " les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteurs (...) ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont ils ont statutairement la charge" et que l'article L.311-3 du même Code, selon lequel la rémunération pour copie privée est évaluée selon un mode forfaitaire, renvoie expressément à l'article L.131-4 qui fonde donc, contrairement à ce que soutient la société CARREFOUR, cette possibilité de rémunération des ayants droit, et pas seulement celle des auteurs, de manière forfaitaire.
Il résulte de cet examen que les annulations dont ont fait l'objet les décisions 11 et 13 de la Commission n'ont pas privé les titulaires du droit de reproduction d'une rémunération équitable, que doit payer en l'espèce la société CARREFOUR à COPIE FRANCE.
Il appartient au juge judiciaire de déterminer cette compensation financière, ainsi qu'il sera dit ci-après.
*le montant de la compensation
COPIE FRANCE expose que, tirant les conséquences de l'annulation, par l'arrêt du 17 juin 2011, de la décision 11, ainsi que de la jurisprudence de la CJUE, la loi du 20 décembre 2011, relative à la rémunération pour copie privée, est venue modifier les dispositions de l'article L.311-8 du Code de la propriété intellectuelle en précisant que la rémunération n'est pas due " pour les supports d'enregistrement acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins de copie privée ".
Elle indique que, sous l'empire de cette loi et à la suite de nouvelles études, la Commission a adopté, le 9 février 2012, la décision 14 qui a fixé les barèmes applicables aux tablettes tactiles multimédias à compter du 1er mars 2012, et, le 14 décembre 2012, la décision 15 qui a fixé de nouveaux tarifs applicables à l'ensemble des supports.
Elle considère que ces deux décisions, qui sont exemptes des griefs ayant affecté les décisions précédentes, constituent des éléments de référence pertinents pour apprécier le montant de la compensation équitable.
Elle souligne cependant qu'il appartient à la société CARREFOUR, qui en demande le remboursement, de rapporter la preuve qu'elle a bien acquis et mis en circulation de tels supports ne permettant pas de présumer un usage de copie privée pour tout ou partie des supports commercialisés par elle et qui relevaient de l'application des anciennes décisions 11 et 13.
Elle ajoute que, dans la mesure où la société CARREFOUR reconnaît elle-même être dans l'impossibilité de déterminer la part de ces supports dans l'ensemble des supports qu'elle a mis en circulation, il convient de fixer l'indemnité qui lui est due par référence aux tarifs prévus par la décision 15, en prenant en compte l'ensemble des supports commercialisés par la demanderesse.
S'agissant du quantum de l'indemnisation concernant les baladeurs MP3 et MP4 commercialisés par la société CARREFOUR de septembre 2009 à décembre 2011, COPIE FRANCE fait donc un calcul qui devrait conduire selon elle à lui voir reconnue une indemnisation inférieure de 201.276 euros HT à celle qu'elle avait facturée sur la base de la décision 11
Pour ce qui est des tablettes tactiles multimédias commercialisées par la société CARREFOUR de février à décembre 2011, un même calcul devrait selon elle lui voir reconnue une indemnisation inférieure de 5.460 euros à celle qu'elle avait facturée sur la base de la décision 13.
Elle conclut donc au débouté de la société CARREFOUR de sa demande de répétition de la rémunération pour copie privée déjà acquittée, sauf en ce qu'un remboursement, dans les limites de ses calculs, pourrait le cas échéant être ordonné.
La société CARREFOUR estime pour sa part que, " si par extraordinaire le Tribunal venait à estimer que COPIE FRANCE disposerait d'un principe de créance ", il ne pourrait alors que constater que cette créance demeure indéterminée et indéterminable et qu'il convient donc de désigner un expert.
Rejetant le raisonnement de COPIE FRANCE qui reviendrait selon elle à donner une portée rétroactive à la décision 15, elle souligne surtout que la méthode de calcul proposée par la défenderesse n'exclut pas de l'assiette les supports utilisés à des fins autres que pour la copie privée.
Elle souligne en outre l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de déterminer la part des supports qu'elle a acquis ayant un usage autre que pour copie privée, notamment professionnel, et le fait qu'il serait pratiquement impossible pour les professionnels d'obtenir le remboursement de la rémunération déjà mise en oeuvre.
Subsidiairement, elle met l'accent sur le fait que la rémunération pour copie privée en France est la plus élevée d'Europe, alors que cette différence n'est pas justifiée par un usage particulier des supports par rapport à celui des autres pays, puisque se montant en moyenne à 2,6 euros par habitant contre 0,84 euros ailleurs en Europe.
Enfin, si on devait prendre référence des barèmes tels que la décision 15 les prévoit, il faudrait alors, pour la demanderesse, abaisser les prétentions de COPIE FRANCE de 25%, car les sommes alors versées ne rentreraient pas dans le champ d'application du prélèvement de 25% destiné à des actions d'aide à la création et à la diffusion du spectacle vivant, tandis qu'il n'est pas établi que cette somme reviendrait effectivement aux ayants droit, et d'une manière plus générale il conviendrait de limiter la rétribution en appliquant un ratio de 32%, au vu de la mauvaise utilisation de ses fonds par COPIE FRANCE stigmatisée par un rapport parlementaire de 2011 et un autre rapport, celui de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits de 2010.
Cependant, la mauvaise utilisation de ses fonds par la défenderesse, à la supposer établie, ne fait pas l'objet du présent litige.
De même, la circonstance que la France, peut-être parce qu'elle prend en compte plus que d'autres une juste indemnisation des auteurs, se place devant les autres pays européens pour ce qui est de la rémunération pour copie privée, est également sans incidence sur la détermination de la compensation dont s'agit, dans la mesure où la société demanderesse n'ignorait pas cet état de fait au moment où elle a, en toute connaissance de cause, introduit et mis en circulation sur le territoire français les supports en question.
Par ailleurs, sans qu'il puisse être question d'appliquer purement et simplement les barèmes tels que prévus par la décision 15 qui n'était pas en application pour la période considérée, rétroactivité que ne souhaite d'ailleurs pas COPIE FRANCE, il est incontestable qu'ils constituent néanmoins une référence permettant de calculer la créance de la défenderesse, le recours à une expertise n'étant donc nullement nécessaire et étant rejeté.
Enfin, il faut également prendre en considération, d'une part que, même si elle s'est révélée incapable de déterminer la part, dans les supports commercialisés, de ceux qui avaient une finalité professionnelle, la société CARREFOUR a forcément vendu une proportion non négligeable de ceux-ci, d'autre part que cette demanderesse ne propose aucune base de calcul alternative par rapport à l'estimation de COPIE FRANCE.
En considération de ces éléments, il convient d'ordonner à COPIE FRANCE de rembourser à la société CARREFOUR, au titre des baladeurs MP3 et MP4 commercialisés de janvier 2009 à décembre 2011, la somme de 230.000 euros.
- Sur les autres demandes
Dans la mesure où les deux parties succombent, il convient de laisser à chacune d'elles la charge de ses propres dépens.
Pour la même raison, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Enfin, les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui est de plus compatible avec la nature du litige.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
- REJETTE la fin de non-recevoir ;
- REJETTE l'intégralité des demandes de la société CARREFOUR IMPORT ;
- ORDONNE néanmoins à COPIE FRANCE de rembourser à la société CARREFOUR IMPORT la somme totale de 230.000 euros ;
- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- DIT que leurs dépens resteront à la charge de chacune des parties ;
- ORDONNE l'exécution provisoire.
Fait et jugé à PARIS le 22 mai 2015
Le Président
15
15
Page 15