Jurisprudence : CA Montpellier, 02-04-2024, n° 23/04192, Confirmation


ARRÊT n°


C


J


AFFAIRE :


POLYCLINIQUE [22]


C/


[J]

[J]

[J]

[W]

[A]

[A]

[A]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTES-ALPES


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER


5e chambre civile


ARRET DU 02 AVRIL 2024


Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/04192 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P5V4


Décisions déférées à la Cour : Arrêt Cour de Cassation de PARIS, en date du 14 Juin 2023 - Arrêt Cour d'Appel de NIMES en date du 16 Décembre 2021 - Jugement du Tribuanl judiciaire d'AVIGNON en date du 24 Août 2020,


Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile🏛;



DEMANDERESSE A LA SAISINE:


POLYCLINIQUE [22] agissant en la personne de son représentant légaldomicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 18]

[Localité 12]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Vittoria OUVRARD, avocat au barreau de MARSEILLE, avcoat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Appelant devant la 1ère cour d'appel


DEFENDEURS A LA SAISINE


Monsieur [Aa] [J]

né le [Date naissance 10] 1974 à [Localité 17] (90)

[Adresse 16]

[Localité 13]

Représenté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Martine FURIOLI-BEAUNIER, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel


Mademoiselle [Ab] [Ac]

née le [Date naissance 5] 2003 à [Localité 12] (84)

[Adresse 16]

[Localité 13]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Martine FURIOLI-BEAUNIER, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel


Monsieur [R] [J]

né le [Date naissance 5] 2003 à [Localité 12] (84)

[Adresse 16]

[Localité 13]

Représenté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Martine FURIOLI-BEAUNIER, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel


Madame [D] [W]

née le [Date naissance 7] 1951 à [Localité 20]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Martine FURIOLI-BEAUNIER, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel


Monsieur [Y] [A]

né le [Date naissance 8] 1948 à [Localité 19]

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représenté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Martine FURIOLI-BEAUNIER, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel


Madame [T] [A]

née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 17]

[Adresse 21]

[Localité 15]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Martine FURIOLI-BEAUNIER, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel


Madame [P] [A]

née le [Date naissance 4] 2000

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Martine FURIOLI-BEAUNIER, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel


CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTES-ALPES agissant en la personne de son représentant légaldomicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 1]

Autre(s) qualité(s) : Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel

Assignée le 4 septembre 2023 - A personne habilitée


ORDONNANCE DE CLOTURE DU 14 FEVRIER 2024



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 21 FEVRIER 2024,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 805 du code de procédure civile🏛, devant la cour composée de :


Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère


qui en ont délibéré.


Greffier : Madame Sylvie SABATON, greffier lors des débats


ARRET :


- réputé contradictoire ;


- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛 ;


- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre et par Madame Sylvie SABATON, greffier.


*

* *



EXPOSÉ DU LITIGE :


Le 19 juillet 2012, le docteur [F] a prescrit à [N] [J] une lipoaspiration abdominale suivie d'une abdominoplastie pour traiter un excès graisseux sus et sous-ombilical.


La lipoaspiration a été réalisée le 24 février 2012 et l'abdominoplastie le 24 octobre 2012 au sein de la Polyclinique [22] à [Localité 12].


Après avoir constaté des écoulements au niveau de la plaie opératoire, le docteur [F] a pratiqué une reprise chirurgicale le 2 novembre 2012. Le prélèvement bactériologique effectué lors de cette intervention a révélé la présence d'un « bacteroides fragilis » soigné par antibiotiques.


Une seconde reprise de la cicatrice de l'abdominoplastie a été réalisée le 15 novembre 2012 par le docteur [V].


Le 16 novembre 2012, [N] [J] a été prise d'un malaise à 6h25 puis a perdu connaissance à 6h45. Son décès a été constaté à 7h50.


Après avoir obtenu l'instauration d'une mesure d'expertise, Aa. [O] [J], en son nom personnel et au nom de ses deux enfants mineurs, ainsi que ses parents et sa s'ur ont fait assigner les docteurs [F], [V] et [L] ainsi que la Polyclinique [22] devant le tribunal judiciaire d'Avignon en réparation de leurs dommages.


Par jugement du 19 janvier 2017, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Nîmes le 7 mai 2018, le tribunal de grande instance d'Avignon a mis hors de cause le docteur [L] et a rejeté les demandes formées contre lui puis a jugé que les fautes de négligence commises par les docteurs [F] et [V] avaient contribué à hauteur de 80% à la réalisation du dommage tandis que l'infection nosocomiale y a contribué à hauteur de 10%. Une expertise complémentaire a été ordonnée pour statuer sur l'indemnisation des préjudices.


Le rapport a été déposé le 25 avril 2019.


Le jugement rendu le 24 août 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon :


Condamne la Polyclinique [22] à payer à M. [Aa] [J], pour lui-même et en qualité de représentant légal de ses deux enfants [I] et [R] en leur qualité d'héritier de [N] [J] les sommes suivantes :

15.000 euros au titre des souffrances endurées par [N] [J] ;

3.421,60 euros au titre des frais médicaux non remboursés à [N] [J] ;

528,71 euros au titre des frais d'obsèques et de sépulture ;

5 euros au titre de l'adhésion à l'association AVIAM ;

Déboute M. [Aa] [J], pour lui-même et en qualité de représentant légal de ses deux enfants [I] et [R] de ses demandes au titre des préjudices d'agrément, sexuel, esthétique et fonctionnel, de la perte de chance de survie de [N] [J] ;

Condamne in solidum les docteurs [F] et [V] à payer à M. [Aa] [J], pour lui-même et en qualité de représentant légal de ses deux enfants [I] et [R], les sommes de :

4.229,72 euros au titre des frais d'obsèques et de sépulture ;

40 euros au titre de l'adhésion à l'association AVIAM ;

Déboute M. [Aa] [J] pour lui-même et en qualité de représentant légal de ses deux enfants [I] et [R] du surplus de ses demandes au titre des préjudices patrimoniaux ;

Condamne la Polyclinique [22] à payer au titre du préjudice d'accompagnement les sommes suivantes :

10.000 euros à M. [Aa] [J] ;

5.000 euros à M. [Aa] [J] en qualité de représentant légal de sa fille mineure [I] [J] ;

5.000 euros à M. [Aa] [J] en qualité de représentant légal de son fils mineur [R] [J]

Déboute les demandeurs du surplus de leurs demandes au titre du préjudice d'accompagnement ;

Condamne la Polyclinique [22] à payer au titre du préjudice d'affection les sommes suivantes :

2.000 euros à M. [Aa] [J] ;

2.500 euros à M. [Aa] [J] en qualité de représentant légal de sa fille mineure [I] [J] ;

2.500 euros à M. [Aa] [J] en qualité de représentant légal de son fils mineur [R] [J] ;

2.000 euros à Mme [D] [W] ;

2.000 euros à M. [Y] [A] ;

1.000 euros à Mme [T] [A] ;

600 euros à M. [Y] [A] en qualité de représentant légale de sa fille mineure [P] [A] ;

Condamne in solidum les docteurs [F] et [V] à payer au titre du préjudice d'affection les sommes suivantes :

16.000 euros à M. [Aa] [J] ;

20.000 euros à M. [Aa] [J] en qualité de représentant légal de sa fille mineure [I] [J] ;

20.000 euros à M. [Aa] [J] en qualité de représentant légal de son fils mineur [R] [J] ;

16.000 euros à Mme [D] [W] ;

16.000 euros à M. [Y] [A] ;

8.000 euros à Mme [T] [A] ;

4.800 euros à M. [Y] [A] en qualité de représentant légale de sa fille mineure [P] [A] ;

Dit que les provisions allouées par l'ordonnance du juge de la mise en état du 29 octobre 2019, en cas de règlement, seront déduites des sommes allouées au titre des préjudices d'affection ;

Dit que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;

Condamne la Polyclinique [22] à payer à la CPAM des Hautes-Alpes la somme de 1.630,10 euros au titre des prestations versées à [N] [J] outre la somme de 543,37 euros correspondant aux frais de gestion ;

Déboute la CPAM des Hautes-Alpes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

Condamne in solidum la Polyclinique [22] et les docteurs [F] et [V] aux dépens y compris les frais d'expertises judiciaires distraits au profit de Me Kostova conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛 ;

Condamne in solidum la Polyclinique [22] et les docteurs [F] et [V] à payer à M. [Aa] [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire.



La Polyclinique [22] a interjeté appel de cette décision en considération de ce que les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par [N] [J] incombe à la solidarité nationale assurée par l'Oniam conformément au régime instauré par l'article L 1142-1 II du code de la santé publique🏛 de telle sorte qu'elle ne devait pas être condamnée à leur réparation en l'absence de tout régime optionnel.


Par un arrêt rendu le 16 décembre 2021, la cour d'appel de Nîmes a :


Infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Polyclinique [22] à réparer le dommage subi par les consorts [Ac] et à payer à la CPAM des Hautes-Alpes la somme de 1.630,10 euros au titre des prestations versées à [N] [J] outre la somme de 543,27 euros correspondant aux frais de gestion ;


Statuant à nouveau,


Déclaré irrecevables les demandes formées contre la Polyclinique [22] par les consorts [Ac] et la CPAM des Hautes-Alpes ;

Rejeté la demande des consorts [J] tendant à ordonner à la Polyclinique [22] de mettre l'Oniam en cause ;


Y ajoutant,


Condamné les consorts [Ac] et la CPAM des Hautes-Alpes à payer à la Polyclinique Urbain Y la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.


La cour d'appel a considéré que les dispositions de l'article 1141-1 1° du code de la santé publique🏛 s'imposent aux victimes des dommages produits par les infections nosocomiales qui doivent former leur demande d'indemnisation contre l'Oniam et a en conséquence jugé les demandes des consorts [Ac] et de la CPAM irrecevables.


Statuant sur pourvoi de M. [Aa] [J], Mme [Ab] [Ac] et M. [R] [J], la cour de cassation a, par un arrêt rendu le 14 juin 2023, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :


Cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes ;

Remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamné la Polyclinique [22] aux dépens.


La cour de cassation a déduit de l'application combinée des articles L 1142-1 I al 2, L 1142-1-1 1° et L 1142-3-1 du code de la santé publique qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur la finalité thérapeutique, reconstructrice ou esthétique d'une intervention, à l'origine d'une infection nosocomiale, lorsqu'ils déterminent le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable.


Ainsi, en déclarant irrecevables les demandes formées contre la polyclinique [22] sans se prononcer sur la finalité de l'intervention en cause et sans permettre à la cour de cassation d'exercer son contrôle sur le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.


La cour de cassation ajoute qu'aux termes de l'article L 1142-21 al 1 du code de la santé publique, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L 1142-1 ou au titre de l'article L 1142-1-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement et devient défendeur en la procédure.


Pour écarter la demande des consorts [J] d'ordonner à la polyclinique [22] de mettre en cause l'ONIAM, la cour d'appel de Nîmes énonce que les dispositions de l'article L 1142-1-1 1° s'imposent aux victimes qui doivent former leurs demandes d'indemnisation contre celui-ci. La cour de cassation dit qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


La Polyclinique [22] a saisi la cour d'appel de Nîmes par déclaration de saisine du 9 août 2023.


Les dernières écritures pour l'appelant ont été déposées le 18 septembre 2023.


Les dernières écritures pour les intimés ont été déposées le 13 novembre 2023.


Le dispositif des écritures de la Polyclinique [22] énonce :


Surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la part du tribunal judiciaire d'Avignon saisi par les consorts [Ac] d'une demande formulée à l'encontre à la fois de l'ONIAM et de la Polyclinique [22] et portant le RG n°22/01181 ;

Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions :

Subsidiairement, constater que par application des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile🏛🏛 mais également de la litispendance existante :

La mise en cause de l'ONIAM par devant la cour de céans ne peut intervenir ;

Subsidiairement juger que la prise en charge de la patiente s'inscrit hors du champ d'intervention de l'ONIAM;

En tout état de cause juger que le seuil de gravité du dommage interdit toute prise en charge par l'établissement de soins et débouter les consorts [Ac] de l'intégralité des demandes qui pourraient être formulées à l'encontre de la polyclinique ;

Les condamner au paiement d'une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ains qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Yan Garrigue-Lexavoue qui y a pourvu.


La polyclinique [22] fait valoir que l'existence non contestable du lien entre l'infection nosocomiale et le décès implique l'intervention de l'ONIAM en application de l'article L 1142-1-1 du code de la santé publique🏛 excluant de ce fait toute option ouverte à la victime. Elle ajoute que l'application de la règle de droit est fonction de la finalité de l'opération puisque l'Oniam n'a pas à intervenir pour la prise en charge des suites d'opération de nature esthétique et elle doit en conséquence être précisée par les juges du fond.


En l'état, l'appelante soutient que la mise en cause de l'ONIAM est nécessaire et est intervenue dans le cadre de la saisine par les consorts [J] du tribunal judiciaire d'Avignon. Cette mise en cause recommande de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir car si les réclamations formulées à l'encontre de l'ONIAM prospèrent, la présente instance n'a plus d'objet.


Elle ajoute que cette mise en cause ne saurait intervenir en appel au visa des articles 554 et 555 du code de procédure civile.


Le dispositif des écritures des consorts [Ac] et [W] énonce :


Juger recevables et fondées les présentes conclusions ;

Débouter la Polyclinique [22] de sa demande de sursis à statuer ;

Débouter la Polyclinique [22] de toutes ses demandes, fins et concluions ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Polyclinique [22] au paiement de sommes en réparation des préjudices subis à destination des consorts [Ac], [W] et [A], ainsi qu'à la somme de 2.000 euros au profit de M. [Aa] [J] outre les dépens comprenant les frais d'expertises judiciaires en application de l'article 699 du code de procédure civile ;


Y ajoutant


Condamner la Polyclinique [22] à payer à M. [Aa] [J] une somme de 10.000 euros pour procédure abusive ;

Condamne la Polyclinique [22] à payer à M. [Aa] [J] une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.


Les intimés soutiennent que le sursis à statuer est inopportun et ce d'autant que la décision à venir risque de faire l'objet d'un appel. Ils ajoutent que la procédure initiée devant le tribunal judiciaire d'Avignon a été mise en suspens dans l'attente de la décision de la cour d'appel qui doit intervenir après une procédure de plus de onze années.


Ils font valoir par ailleurs que même sans faute, l'établissement de santé est responsable de plein droit en application de l'article 1142-1 al 2 du code de la santé publique, la seule exonération pouvant découler de la cause étrangère étant non établie en l'espèce.


Il en résulte selon eux le choix de ne pas mettre en cause l'ONIAM soutenant en outre que la solidarité nationale n'exonère en rien l'obligation incombant à la polyclinique de réparer le dommage consécutif au décès de [N] [J].


Ils ajoutent que l'ONIAM n'a pas vocation à prendre en charge les conséquences d'une infection nosocomiale survenue au détour d'un acte de chirurgie esthétique dénué de toute finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice. Enfin, selon eux, la responsabilité du décès de [N] [J] incombe aux chirurgien et anesthésiste à hauteur de 80% et est liée à hauteur de 10% à l'infection nosocomiale.


Ces éléments commandent de retenir que l'acte de chirurgie esthétique pratiqué à la polyclinique [22] est à l'origine de la maladie nosocomiale puis du décès de [N] [J] justifiant la mise en cause de manière exclusive de l'appelante.


Les intimés développent enfin divers moyens relatifs aux montants des indemnisations fixées en première instance s'opposant à toute minoration de ces sommes.


La CPAM des Hautes Alpes n'est pas représentée et a été valablement assignée le 4 septembre 2023 à personne habilitée.


Par ordonnance du 31 août 2023, l'affaire a été renvoyée devant la cour à l'audience du 21 février 2024 avec une clôture sept jours calendaires avant cette date.


DECISION


1/ Sur le sursis à statuer :


En application de l'article 378 du code de procédure civile🏛, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité du sursis à statuer et ne sont pas tenus de motiver sur ce point leur décision.


Au cas présent, la bonne administration de la justice commande de ne pas faire droit à la demande de la Polyclinique [22] d'un sursis à statuer, les deux instances étant indépendantes, et une telle mesure conduirait à un rallongement inopportun de cette procédure qui dure depuis plus de dix ans.


2/ Sur la mise en cause de la Polyclinique [22] :


Les consorts [Ac] mettent en cause la responsabilité de la Polyclinique [22] rappelant que l'infection nosocomiale contractée par [N] [J] a contribué à hauteur de 10% à la perte de chance subie par la victime et qu'en application de l'article L 1142-1 II al 2 du code de la santé publique, l'établissement de santé est responsable de plein droit en présence d'une infection nosocomiale sauf preuve d'une cause étrangère qui n'est nullement établie par l'appelante.


Les intimés soutiennent enfin que l'ONIAM n'a pas vocation à prendre en charge les conséquences d'une infection nosocomiale survenue lors d'un acte de chirurgie esthétique dénué de toute finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice.


La responsabilité des établissements de santé et l'intervention de l'ONIAM dans l'hypothèse d'une infection nosocomiale sont régies par les articles L 1142-1 I, L1142-1 II et L 1142-1-1 du code de la santé publique.


Selon l'article L 1142-1 I du code de la santé publique, «hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ».


L'article L 1142-1 II énonce que « lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionnée au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelles mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'atteinte physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à la réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret, ce pourcentage, au plus égal à 25%, est déterminé par décret ».


Enfin, l'article L 1142-1-1 dispose que « sans préjudice des dispositions du 7ème alinéa de l'article L 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale :

1° les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnées au premier alinéa du I de l'article 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25% déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ;

2° les dommages résultant de l'intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soins ».


A titre de rappel, il résulte des faits de l'espèce qu'à la suite d'une intervention portant sur une abdominoplastie réalisée le 24 octobre 2012 au sein de la Polyclinique [22] à [Localité 12], [N] [J] a présenté des écoulements au niveau de la plaie opératoire décidant ainsi le docteur [F] à pratiquer une reprise chirurgicale le 2 novembre 2012.


Dans le cadre de cette opération, un prélèvement bactériologique a été effectué et a mis en évidence la présence d'un « bacteroides fragilis », signe d'une infection nosocomiale, soigné par antibiotiques.


Une seconde reprise de la cicatrice de l'abdominoplastie a été réalisée le 15 novembre 2012 par le docteur [V]. Il est relevé dans le rapport d'expertise judicaire que [N] [J] n'a pas reçu de traitement préventif pour les thromboses. Le 16 novembre 2012, à la suite d'un malaise, la patiente, qui se plaignait de difficultés respiratoires, est décédée.


Le premier rapport d'expertise judiciaire du 11 juillet 2014, confirmé par le second rapport, conclut avec certitude en faveur d'un décès consécutif à une embolie pulmonaire, retenant effectivement que « le tableau clinique n'est pas en faveur d'un choc septique secondaire au sepsis diagnostiqué le 2 novembre 2012. Ce sepsis était guéri au vu du compte-rendu opératoire du 15 novembre 2012 qui n'a mis en évidence aucun élément en faveur d'une infection évolutive local ».


Il souligne que les interventions itératives et les complications septiques constituent des risques cumulés de thrombose veineuse, pour relever que l'absence de traitement préventif de la thrombose veineuse lors de la deuxième opération caractérise une perte de chance si sont considérés « d'une part le risque propre aux interventions de chirurgie plastique et d'autre part la majoration du risque thrombo-embolique lié au sepsis grave, au nombre et à la durée cumulée des réinterventions ». La connaissance de ces risques aurait dû appeler la prescription d'une anticoagulation préventive.


Le collège d'experts judiciaires conclut en conséquence que l'embolie pulmonaire provoquant le décès de [N] [J] est imputable pour 10% à l'infection nosocomiale contractée au cours de l'intervention du 24 octobre 2012 consistant en une abdominoplastie pratiquée dans une finalité esthétique sans qu'aucune faute n'ait été retenue.


Il précise en effet, s'agissant de l'infection nosocomiale liée à l'opération du 24 octobre 2012, « l'absence d'éléments mettant en évidence un défaut vis-à-vis des normes en vigueur concernant la prévention des infections nosocomiales notamment en ce qui concerne la préparation de l'opérée et l'antibioprophylaxie chirurgicale ».


Enfin, en réponse aux dires des parties, le collège d'experts précise que « l'intervention chirurgicale, uniquement esthétique s'intégrait dans ce contexte de surpoids ».


Conformément à l'article L 1142-1 I al 2, les établissements de santé dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'une infection nosocomiale sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.


La responsabilité sans faute de l'établissement de santé ne peut plus cependant être recherchée par les victimes sur le fondement de l'article L 1142-1 I al 2 lorsque les conditions de l'article L 1142-1-1 sont réunies. La compétence de l'ONIAM est alors exclusive et s'impose aux parties.


Il s'agit dès lors d'examiner au cas d'espèce si les conditions posées par l'article L 1142-1-1 sont réunies.


L'article L 1142-3-1 du code de la santé énonce que « le dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale mentionnée au II de l'article L 1142-1 et aux articles L 1142-1-1 et L 1142-15 n'est pas applicable aux demandes d'indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi ».


L'intervention du 24 octobre 2012, consistant en une abdominoplastie pratiquée dans une finalité esthétique qui est un acte dépourvu de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, ne s'inscrit dans aucune des finalités énoncées à l'article susvisé à savoir de telle sorte qu'il ne saurait être fait appel à la solidarité nationale et l'intervention de l'ONIAM ne saurait être admise.


Les conditions posées par l'article L 1142-1-1 n'étant pas réunies, les consorts [Ac] peuvent solliciter la mise en cause de la responsabilité de la clinique au visa de l'article L 1142-1 I al 2 dont il appartient à la cour d'examiner les conditions d'application.


Au cas d'espèce, la polyclinique ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère.


Par ailleurs, si l'intervention réalisée le 24 octobre 2012 au sein de cette Polyclinique consiste en une abdominoplastie, opération de chirurgie esthétique, il est néanmoins admis que « les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L 6322-1et L 633-2 du code de la santé publique🏛, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l'article L 1142-1 ». (c.cass, 1ère civ. 5février 2014 n° 12-29.140⚖️), ce qui est le cas en l'espèce.


Il s'ensuit que la responsabilité de la Polyclinique [22] doit être retenue, les conditions énoncées à l'article L 1142-1 I al 2 étant satisfaites.


Dès lors, la mise en cause de l'ONIAM sollicitée par l'appelante ne se justifie pas et c'est donc à bon droit que les premiers juges ont reçu l'action en réparation initiée par les consorts [Ac] ainsi que celle engagée par la CPAM des Hautes-Alpes à l'encontre de la Polyclinique [22], établissement de santé, pour la condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnisation des conséquences dommageables occasionnées des suites de l'intervention et dont les montants ne sont pas contestés en appel.


En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour.


3/ Sur l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive :


En application de l'article 32-1 du code de procédure civile🏛, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.


M. [Ac] ne justifie pas d'éléments caractérisant une action dilatoire ou abusive ni de circonstance de nature à faire dégénérer en faute le droit d'agir de la Polyclinique [22].


Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.


4/ Sur les frais accessoires :


Le jugement entrepris sera également confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.


L'équité commande de faire application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner la Polyclinique [22] à payer à M. [Aa] [J] une somme de 3.000 euros.


La Polyclinique [22], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.


PAR CES MOTIFS:


La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,


Dans les limites de la saisine de la cour,


Confirme le jugement rendu le 24 août 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon en toutes les dispositions dont est saisie la cour,


Y ajoutant,


Déboute M. [Aa] [J] de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,


Condamne la Polyclinique [22] à payer à M. [Aa] [J] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


Condamne la Polyclinique [22] aux dépens d'appel.


Le Greffier La Présidente

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