Jurisprudence : CA Rennes, 05-10-2023, n° 21/03861, Infirmation


7ème Ch Prud'homale


ARRÊT N°350/2023


N° RG 21/03861 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RYQ5


M. [W] [B]


C/


S.A. ENEDIS ANCIENNEMENT DENOMMEE ERDF


Copie exécutoire délivrée

le :


à :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,


GREFFIER :


Madame Aa A, lors des débats et lors du prononcé


DÉBATS :


A l'audience publique du 15 Mai 2023


En présence de Madame [Ab], médiatrice judiciaire


ARRÊT :


Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Octobre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats


****



APPELANT :


Monsieur [W] [B]

né le … … … à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]


Représenté par Monsieur [Y], délégué syndical


INTIMÉE :


S.A. ENEDIS ANCIENNEMENT DENOMMEE ERDF

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]


Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Romain ZANNOU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS



EXPOSÉ DU LITIGE


M. [W] [B] a été engagé par la SA Electricité réseau de distribution de France (ERDF), aujourd'hui SA Enedis, selon un contrat à durée indéterminée en date du 25 mai 2012. Il exerçait les fonctions de technicien intervention réseau, groupe fonctionnel et était rattaché à la direction régionale Bretagne sur le site de [Localité 6].


Les relations entre les parties étaient régies par le statut national des industries électriques et gazières (IEG)du 22 juin 1946.


Le 17 juillet 2013, M. [Ac] a été victime d'un malaise sur son lieu de travail, suivi d'une hospitalisation(lors de travaux de réfection de lignes suite à un vol de cuivre, chute depuis une nacelle, ayant occasionné une fracture du crâne qui a elle-même été à l'origine de crises d'épilepsie).


Par courrier du 1er octobre 2013, la CPAM des Côtes d'Armor a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident et ainsi refusé sa prise en charge au titre des risques professionnels.


La cour d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 12 décembre 2019, reconnu le caractère professionnel de cet accident mais a débouté le salarié de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel d'une rechute en date du 6 décembre 2013 dont il demandait également la reconnaissance au titre de la législation sur les risques professionnels.


La CDAPH lui a accordé le 4 décembre 2013 la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, du 3 décembre 2013 au 30 novembre 2018, décision ultérieurement renouvelée, le 5 mars 2019, pour la période du 1 er décembre 2018 au 29 février 2024.


Par courrier électronique du 29 novembre 2013, le médecin du travail a informé la société Enedis qu'une visite de pré-reprise avait lieu ce jour et que M. [B] reviendrait à son poste de travail le 05 décembre 2013, jour de la visite de reprise. Le médecin du travail précisait également que 'un avis d'inaptitude sera prononcé lors de la visite de reprise mais que M. [B] sera apte à un poste de bureautique pur, sans port de charge de plus de 15 kg, toute conduite automobile devra être accompagnée dont les trajets domicile-travail'.


Le 05 décembre 2013, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude au poste de travail et à l'aptitude du salarié à un poste de bureautique pur, avec la restriction précédemment évoquée à la société Enedis, soit sans port de charge de plus de 15 kg. Il reprécisait également dans son avis que 'toute conduite automobile devra être accompagnée dont les trajets domicile-travail' .


Il a adressé parallèllement un courriel à l'employeur précisant que M. [Ac] ne pouvait pas conduire pendant un an.


Le même jour, le responsable de pôle de [Localité 6] a écrit au médecin du travail un courriel précisant que 'M. [B] est bien revenu ce jour au travail, je lui ai aménagé un poste dédié bureautique dans le bureau des EDJ pour être en permance avec quelqu'un. Concernant le trajet domicile/travail pour lequel il doit être accompagné, ce transport peut-il se faire dans un véhicule privé (quelques agents de [Localité 6] habitent sur St Quay Portrieux là même où réside M. [Ac])ou exclusivement en véhicule 'bleu'.


La chargée de mission ERDF qualité de vie et de santé au travail a indiqué que le salarié était reçu en entretien exploratoire le 18 décembre prochain avant d'étudier les possibilités en Vendée et que si [W] [B] se trouve dans l'impossibilité totale de venir à la base de [Localité 6] (pas de collègue disponible), cette situation devrait amener son médecin traitant à renouveler un arrêt de travail.


Le 6 décembre 2013, le médecin du travail a écrit à la chargée de mission ERDF qualité de vie et de santé au travail'je viens de contacter M. [B] et lui ai conseillé d'aller voir son médecin traitant pour qu'il le remette en arrêt de travail. Je pense que le médecin traitant ne présentera pas de difficulté et au besoin je l'appellerai'.Il ajoutait 'je vous précise également que l'avis d'aptitude en pièce jointe que vous devez avoir en votre possession porte la mention 'apte avec restriction'; c'est une erreur de notre logiciel. L'avis signé que l'on envoie au contrat de travail ne portera pas cette mention bien sûr'.


Le même jour, M. [B] a été placé en arrêt de travail, prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 16 avril 2015, date à laquelle le médecin-conseil des industries électriques et gazières a placé le salarié en longue maladie avec effet rétroactif au 17 juillet 2013.


Au cours de sa période d'arrêt de travail, la rémunération de M. [B] a été maintenue, conformément aux dispositions spécifqiues au statut des IEG au niveau de son salaire intégral, allocations et avantages de toute nature inclus, à l'exception des indemnités de fonction, soit à hauteur de 1 643,62 euros pendant 3 ans puis ensuite à hauteur de demi salaire.


Par courrier recommandé du 7 juillet 2017, M. [B] a écrit à l'employeur qu'il avait été déclaré inapte à son poste par le médecin-conseil le 15 février 2018 et qu'il n'avait pas reçu de proposition de reclassement, perdant même depuis juillet 2016 le traitement intégral prévu par le code du travail en cas de défaut de reclassement.


Le 15 février 2018, le médecin-conseil a ordonné une expertise médicale effectuée par un neurologue expert qui a conclu à l'aptitude de M. [B] à exercer une activité professionnelle.


Cet avis d'aptitude a été adressé au médecin traitant et au médecin-conseil du régime particulier des industries électriques et gazières.


Le 05 mars 2018, la SA Enedis a notifié à M. [B] sa reprise du travail après expertise médicale, lui précisant que le médecin expert considérait que son état de santé lui permettait d'exercer une activité professionnelle à temps plein et elle l'a invité à se présenter au travail le 12 mars 2018 et à se présenter à la visite de reprise le 12 mars 2018 à 15 heures.


La société précisait qu'à défaut de réponse à cette convocation, les prestations versées au titre de l'article 22 du statut national du personnel des industries électriques et gazières seraient suspendues. Elle l'informait également du délai et des modalités de recours contre les conclusions de l'expertise.


Par courrier en date du 09 mars 2018, M. [Ac] a contesté auprès de la direction régionale Bretagne les dispositions envisagées, à savoir une éventuelle suspension de sa rémunération, a indiqué qu'il n'avait cessé de demander antérieurement en vain son reclassement.


Dans l'attente de l'instruction du dossier, le 26 mars 2018, la société Enedis a informé M. [Ac] d'une retenue sur son salaire sur le mois d'avril 2018 pour absence injustifiée. La mesure n'a cependant pas été appliquée.


Le 17 avril 2018, M. [B] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc afin qu'elle fixe son salaire brut de référence à 2 917,70 euros et prescrive des mesures conservatoires de salaire.


Par ordonnance en date du 12 juin 2018, la formation de référé du conseil de prud'hommes s'est déclarée incompétente et a débouté M. [B] de l'ensemble ses demandes.


Le 06 juin 2018, une réunion préparatoire au retour à l'emploi de M. [Ac] a eu lieu.


Les refus réitérés de M. [B] de se présenter devant le médecin du travail les 12 mars, 20 juin et 10 juillet 2018, ont conduit l'employeur à cesser le versement de ses salaires en raison de son absence injustifiée et à engager une procédure disciplinaire.


Au cours de la procédure disciplinaire, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc le 26 juin 2018, considérant que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude le 05 décembre 2013.


Le 05 septembre 2018, M. [B] s'est vu notifier un blâme avec inscription au dossier pour refus répété et délibéré de se présenter devant le médecin du travail.


Le 27 septembre 2018, M. [B] a de nouveau saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes afin de faire reconnaître la validité de l'inaptitude du 05 décembre 2013, fixer son salaire mensuel brut de référence à 2 917,70 euros et prendre les mesures conservatrices de salaire. Par décision du 13 novembre 2018, le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent à reconnaître la validité de l'inaptitude du 05 décembre 2013 et déclaré irrecevables les demandes dAc M. [B].


Par courrier recommandé du 29 octobre 2018, M. [B] a mis en demeure son employeur de respecter le cadre légal de l'inaptitude.


M. [Ac] ayant refusé de se rendre à la visite médicale du médecin du travail le 05 novembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 04 décembre suivant.


M. [B] ne s'étant pas rendu à l'entretien, le 28 décembre 2018, la SA Enedis a déféré le salarié devant la Commission secondaire du personnel siégeant en conseil de discipline en vue de l'application d'une sanction disciplinaire.


Par courrier du 02 mai 2019, la société Enedis a notifié à M. [B] sa mise en inactivité d'office pour absence injustifiée et refus de se soumettre à un examen médical obligatoire de reprise sans motif légitime.


***


Contestant sa mise en inactivité d'office, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 02 septembre 2019, afin de voir :

- Juger que la SA Enedis n'a pas respecté le régime de l'inaptitude et de l'obligation de reclassement, l' a évincé pour des raisons discriminatoires liées à son inaptitude, a enfreint la règle 'non bis in idem', n'a pas agi dans un délai restreint, a violé les règles internes à l'entreprise en faisant délibérer et voter une sanction par des agents dont la partialité était en cause et n'a pas préalablement consulté les délégués du personnel (CSE).

- Condamner en conséquence la SA Enedis au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul et ou sans cause réelle et sérieuse correspondant à 10 mois de salaire soit la somme de 28 604 euros nets de CSG et CRDS.

- Fixer le salaire de référence au titre de l'article L. 1226-4 du code du travail🏛 à la somme de 2 860,43 euros.

- Condamner la SA Enedis à lui payer une indemnité spéciale de licenciement d'un montant de 4969,25 euros x 2 = 9 938,50 euros.

- Condamner la SA Enedis à lui payer une indemnité compensatrice d'un montant de 5 720,86 euros.

- Condamner la SA Enedis au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.

- Condamner la SA Enedis aux entiers dépens et aux frais d'exécution.

- Ordonner l'exécution provisoire pour les condamnations indemnitaires et subsidiairement leur séquestre à la CARPA ou à la CDC.

- Condamner la SA Enedis à l'intérêt légal et à sa capitalisation.


La SA Enedis GRDF Bretagne a demandé au conseil de prud'hommes de:

- Dire et juger que la procédure disciplinaire initiée à l'encontre de M. [B] est exempte de tout vice et de toute irrégularité.

- Dire et juger que le licenciement de M. [B] n'est pas fondé sur un motif discriminatoire.

- Dire et juger que le licenciement de M. [B] notifié par la Société Enedis le 02 mai 2019 est fondé sur une faute grave.

- En conséquence, débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.


En tout état de cause,

- Débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts formulée au titre du non-respect de l'obligation de consulter les délégués du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement.

- Débouter M. [B] de sa demande de doublement de l'indemnité de licenciement formulée au visa de l'article L. 1226-14 du code du travail🏛.

- Débouter M. [B] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis formulée au visa de l'article L. 5213-9 du code du travail🏛.

- Débouter M. [B] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner M. [B] à verser la société Enedis la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Par jugement date du 25 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Rennes a statué ainsi qu'il suit :

- Dit que le régime de l'inaptitude et de l'obligation de reclassement ne s'appliquent pas, étant établi qu'il n'y a pas d'inaptitude ;

- Dit que le licenciement de M. [W] [B] n'est pas fondé sur un motif discriminatoire ;

- Dit que la procédure disciplinaire initiée à l'encontre de M. [W] [B] est exempte de tout vice et de toute irrégularité ;

- Dit que le licenciement de M. [W] [B] est fondé sur une faute grave.

En conséquence,

- Déboute M. [W] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et ou sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu de fixer le montant du salaire brut de référence de M. [W] [B] ;

- Déboute M. [W] [B] de sa demande de dommages et intérêts formulée au titre du non-respect de l'obligation de consulter les délégués du personnel et de la violation des dispositifs relatives au reclassement ;

- Déboute M. [W] [B] de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement ;

- Déboute M. [W] [B] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis ;

- Déboute M. [W] [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute M. [W] [B] du surplus de ses demandes ;

- Condamne M. [W] [B] à verser à la SA Enedis la somme de 10 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne M. [W] [B] aux entiers dépens.


***


M. [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 1er juin 2021.


En l'état de ses dernières conclusions déposées au greffe le 1 er décembre 2022 par M. [K] [Y], défenseur syndical, M. [Ac] a demandé à la cour de :

- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel.

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes rendu le 25 mai 2021.


Statuant à nouveau

- In limine litis, rejeter la fin de non-recevoir de la SA Enedis relative à l'avis du médecin du travail.

- In limine litis, rejeter l'exception soulevée par la société Enedis.


À titre principal,

- Juger que seule la cour d'appel est compétente pour statuer sue la recevabilité d'une demande nouvelle en appel.

- Juger que la cour d'appel de Rennes est bien saisie de la demande d'indemnisation formulée au titre du préjudice qui en résulte de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement puisque celle-ci est visée dans le dispositif de ses conclusions.


À titre subsidiaire,

- Juger que la prétention de la demande d'indemnisation formulée au titre du préjudice qui résulte de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement ne constitue pas une demande nouvelle, puisque celle-ci figurait dans les prétentions, les moyens, le dispositif et le jugement de première instance et qu'il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle en appel.


À titre extrêmement subsidiaire,

- Juger que, s'il s'agissait, par extraordinaire, d'une demande nouvelle en appel, les articles 70, 565, 566 du code de procédure civile🏛🏛🏛 auraient vocation à s'appliquer, la prétention formulée au titre du préjudice qui résulte de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement constitue un lien suffisant, l'accessoire, le complément nécessaire et participe de la même fin sollicité, à savoir un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Sur le fond

À titre principal :

- Juger que la SA Enedis a licencié M. [B] pour des raisons discriminatoires liées à son inaptitude.

- Condamner en conséquence la SA Enedis au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul correspondant à 11 mois de salaires soit la somme de 31 460 euros net de CSG et de CRDS ;

- Condamner la SA Enedis à payer à M. [Ac] une indemnité spéciale de licenciement d'un montant de 4 969,25 euros X 2 = 9 938,50 euros ;

- Condamner la SA Enedis à payer à M. [B] une indemnité compensatrice d'un montant de 5720,86 euros.


À titre subsidiaire :

- Juger que la SA Enedis n'a pas satisfait son obligation de reclassement, n'a pas agi dans un délai restreint, a violé les règles d'impartialité et les règles internes à l'entreprise et n'a pas préalablement consulté les délégués du personnel (CSE) ;


- Condamner la SA Enedis à lui verser la somme de 31 460 euros net de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la Société à lui verser la somme de 4.969,25 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- Condamner la Société à lui verser la somme de 5 720,86 euros à titre d'indemnité compensatrice, outre la somme de 572,08 euros à titre d'indemnité de congés payés ;


En tout état de cause :

- Débouter la SA Enedis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Fixer le salaire mensuel brut de référence à la somme de 2 860,43 euros ;

- Condamner la SA Enedis à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SA Enedis aux entiers dépens et aux frais d'exécution;

- Condamner la SA Enedis à l'intérêt légal et à sa capitalisation.


En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 09 décembre 2022, la SA Enedis a demandé à la cour de :


- Juger que la cour n'est pas saisie de la demande d'indemnisation formulée par Monsieur [B] au titre du préjudice qui résulterait de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement puisque celle-ci n'est pas dans visée dans le dispositif de ses conclusions d'appelant ;

- Juger, si de nouvelles conclusions étaient prises par l'appelant afin de modifier le dispositif de ses écritures pour mentionner la demande d'indemnisation qui résulterait de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement, que cette demande est irrecevable ;

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rennes le 25 mai 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de l'intégralité de ses demandes ;

Ce faisant :

- Dire et juger que la procédure disciplinaire initiée à l'endroit de Monsieur [B] est exempte de tout vice et de toute irrégularité ;

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B] n'est pas fondé sur un motif discriminatoire;

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B], notifié par la Société Enedis le 2 mai 2019, est fondé sur une faute grave ;

Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

- Condamner Monsieur [B] à verser à la Société Enedis la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.


La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 09 janvier 2023.



Par arrêt en date du 30 mars 2023, la cour d'appel de Rennes a :


- Ordonné la réouverture des débats sur la question relevée d'office par la cour de l'application des dispositions d'ordre public des articles L1226-10 et suivants du code du travail🏛 et de la clarification du fondement de la demande de M. [B] au titre du défaut de reclassement et du défaut de consultation du CSE ;


- Invité les parties à présenter toutes observations utiles sur ce point dans le cadre de conclusions récapitulatives en conformité, s'agissant de la demande subsidiaire du salarié, avec les dispositions des articles susvisés ;

- Révoqué en conséquence l'ordonnance de clôture du 13 décembre 2022 et ordonné la clôture de l'instruction de l'affaire au lundi 15 mai 2023 à 14 heures,

- Ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du lundi 15 mai 2023, à 14 heures,

- Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à l'audience collégiale du lundi 15 mai 2023 à 14 heures.

- Sursis en conséquence à statuer sur l'ensemble des demandes,

- Réservé la demande au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi que les dépens d'appel.



En l'état de ses dernières conclusions déposées au greffe le 13 avril 2023, par M. [K] [Y], défenseur syndical, M. [B] demande à la cour de :

'- Déclarer M. [B] recevable et bien fondé en son appel.

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes rendu le 25 mai 2021.


Statuant à nouveau

- In limine litis, rejeter la fin de non-recevoir de la SA Enedis relative à l'avis du médecin du travail.

- In limine litis, rejeter l'exception soulevée par la société Enedis.


À titre principal,

- Juger que seule la cour d'appel est compétente pour statuer sur la recevabilité d'une demande nouvelle en appel.

- Juger que la cour d'appel de Rennes est bien saisie de la demande d'indemnisation formulée au titre du préjudice qui en résulte de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement puisque celle-ci est visée dans le dispositif des conclusions de M. [B].


À titre subsidiaire,

- Juger que la prétention de la demande d'indemnisation formulée au titre du préjudice qui résulte de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement ne constitue pas une demande nouvelle, puisque celle-ci figurait dans les prétentions, les moyens, le dispositif et le jugement de première instance et qu'il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle en appel.


À titre extrêmement subsidiaire,

- Juger que, s'il s'agissait, par extraordinaire, d'une demande nouvelle en appel, les articles 70, 565, 566 du code de procédure civile auraient vocation à s'appliquer, la prétention formulée au titre du préjudice qui résulte de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement constitue un lien suffisant, l'accessoire, le complément nécessaire et participe de la même fin sollicité, à savoir un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Sur le fond

À titre principal :

- Juger que la SA Enedis a licencié M. [B] pour des raisons discriminatoires liées à son inaptitude.

- Condamner en conséquence la SA Enedis au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul correspondant à 11 mois de salaires soit la somme de 31 460 euros net de CSG et de CRDS ;


- Condamner la SA Enedis à payer à M. [Ac] une indemnité spéciale de licenciement d'un montant de 4 969,25 euros X 2 = 9 938,50 euros ;

- Condamner la SA Enedis à payer à M. [B] une indemnité compensatrice d'un montant de 5 720,86 euros.


À titre subsidiaire :

- Juger que la SA Enedis n'a pas satisfait son obligation de reclassement, n'a pas agi dans un délai restreint, a violé les règles d'impartialité et les règles internes à l'entreprise et n'a pas préalablement consulté les délégués du personnel (CSE) en cas d'inaptitude professionnelle ;

- Condamner en conséquence la SA Enedis au paiement de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 11 mois de salaire soit la somme de 31 460 euros nets de CSG et de CRDS ;

- Condamner la SA Enedis à payer à M. [Ac] une indemnité spéciale de licenciement d'un montant de 9 938,50 euros ;

- Condamner la SA Enedis à payer à M. [B] une indemnité compensatrice d'un montant de 5 720,86 euros.


À titre extrêmement subsidiaire :

- Juger que la SA Enedis n'a pas agi dans un délai restreint, a violé les règles d'impartialité et les règles internes à l'entreprise ;

- Condamner en conséquence la SA Enedis au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 11 mois de salaires soit la somme de 31 460 euros nets de CSG et de CRDS ;

- Condamner la SA Enedis à payer à M. [Ac] une indemnité de licenciement d'un montant de 4 965,25 euros ;

- Condamner la SA Enedis à payer à M. [B] une indemnité compensatrice d'un montant de 5 720,86 euros.


En tout état de cause :

- Débouter la SA Enedis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Fixé le salaire mensuel brut de référence de M. [B] à la somme de 2 860,43 euros.

- Condamné la SA Enedis à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel.

- Condamner la SA Enedis aux entiers dépens et aux frais d'exécution.

- Condamner la SA Enedis à l'intérêt légal et à sa capitalisation.'


En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 10 mai 2023, la SA Enedis demande à la cour de :


'- Juger que la cour n'est pas saisie de la demande d'indemnisation formulée par Monsieur [B] au titre du préjudice qui résulterait de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement puisque celle-ci n'est pas dans visée dans le dispositif de ses conclusions d'appelant ;

- Juger, si de nouvelles conclusions étaient prises par l'appelant afin de modifier le dispositif de ses écritures pour mentionner la demande d'indemnisation qui résulterait de l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dispositions relatives au reclassement, que cette demande est irrecevable ;


- Juger que les demandes formulées par Monsieur [B] à titre subsidiaire au titre de la condamnation de la Société à lui verser la somme de 4 969,25 euros à titre d'indemnité de licenciement et les sommes de 5 720,86 euros à titre d'indemnité compensatrice et de 572,08 euros au titre des congés payés y afférents, sont irrecevables au motif qu'elles ne font pas fondées sur les dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail ;

- Dire et juger que la procédure disciplinaire initiée à l'endroit de Monsieur [B] est exempte de tout vice et de toute irrégularité ;

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B] n'est pas fondé sur un motif discriminatoire;

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B], notifié par la Société Enedis le 2 mai 2019, est fondé sur une faute grave ;

Ce faisant :

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rennes le 25 mai 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de l'intégralité de ses demandes ;


En tout état de cause :

Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse infondée,

- Débouter Monsieur [Ac] de ses demandes formulées à titre subsidiaire au titre de la condamnation de la Société à lui verser la somme de 4 969,25 euros à titre d'indemnité de licenciement et les sommes de 5 720,86 euros à titre d'indemnité compensatrice et de 572,08 euros au titre des congés payés y afférents ;

- Condamner Monsieur [B] à verser à la Société Enedis la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.


***


La présente affaire a été fixée à l'audience du 15 mai 2023.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.



MOTIFS DE LA DÉCISION


La lettre de rupture (courrier de notification de la décision de mise en inactivité d'ofice), qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :


'Suite à une expertise médicale au terme de laquelle le médecin expert à conclu que vous étiez apte à exercer une activité professionnelle à temps plein, nous vous avons, par un courrier en date du 5 mars 2018, demandé de vous présenter sur votre lieu de travail le 12 mars 2018 afin d'être reçu par votre supérieur hiérarchique, puis par le médecin du travail dans le cadre d'une visite médicale de reprise[...]vous avez à nouveau refusé de vous présenter aux visites de reprise prévues le 20 juin 2018 puis le 10 juillet 2018...Nous avons donc été contraints d'engager une procédure disciplinaire au terme de laquelle nous vous avons notifié un blâme avec inscription au dossier à effet du 1 er septembre 2018 pour absence injustifiée depuis le 12 mars 2018 et refus répété de vous soumettre à l'examen médical de reprise. Toutefois malgré cette sanction, vous avez persisté dans votre refus de reprendre le travail et de répondre à une nouvelle convocation à un examen médical de reprise prévu le 25 novembre 2018. Nous avons donc été contraints d'engager une nouvelle procédure disciplinaire à votre égard en raison de votre comportement fautif persistant, plus précisément votre nouvelle absence non justifiée depuis le 1 er septembre 2018 et votre refus réitéré de vous soumettre, sans motif légitime, à l'examen médical obligatoire de reprise.

Nous ne pouvons que constater que votre comportement rend impossible votre maintien dans l'entreprise. En conséquence, conformément aux dispositions de l'article 6 du statut national des IEG et de la Pers 846 du statut du 16 juillet 1985, j'ai décidé de vous mettre en inactivité d'office.'


Sur la demande d'irrevevabilité de la demande fondée sur l'absence de consultation des représentants du personnel et de la violation des dipositions relatives au reclassement


La société Enedis soutient que deux hypothèses sont possibles s'agissant de la demande visée expressément dans le corps des conclusions de M. [B] (condamnation de la société à lui verser une somme équivalente à 6 mois de salaire minimum afin d'indemniser le préjudice qui résulterait d'une part de l'absence de consultation des représentants du personnel préalablement à la notification de son licenciement, d'autre part de la violation supposée par la société des dispositions relatives au reclassement) :

-soit l'indemnisation de 6 mois de salaire est fondue dans la demande formulée à titre subsidiaire au titre de la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, c'est à dire qu'aucune demande indemnitaire autonome n'est formulée au titre de ce grief qui n'est donc qu'un moyen sur lequel il se fonde pour contester le bien-fondé de la rupture du contrat de travail,

-soit l'indemnisation de 6 mois de salaire qui est évoquée concernant l'absence de consultation du CSE est effectivement autonome par rapport à la demande d'indemnisation formulée au titre de la requalification de son licenciement, et dans cette hypothèse sa demande est irrecevable.

Elle ajoute aux termes de ses conclusions du 10 mai 2023 que sauf à ce que M. [B] renonce à revendiquer l'application du régime juridique de l'inaptitude légale, il n'est pas fondé à revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L5213-9 du code du travail prévoyant le doublement de l'indemnité compensatrice de préavis.

***

Cependant en application de l'article 954 du code de procédure civile🏛, visé par la société elle-même en en-tête de son dispositif, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.


Or, en l'espèce, M. [Ac], comme il le précise, ne forme aucune demande indemnitaire au titre d'un préjudice résultant de la violation par la société des deux obligations visées qui serait distinct de celui occasionné par la rupture et il est clair, à la lecture des conclusions du salarié, tant de ses motifs visant les articles L1226-10 et suivants du code du travail que de son dispositif, qu'il s'agit d'un moyen au soutien de la demande subsidiaire de contestation du licenciement sur le terrain de l'absence de cause réelle et sérieuse. D'autre part, s'agissant de la demande que M. [B] présente au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, elle n'est pas fondée sur l'article L5213-9 du code du travail mais sur l'article L1226-14 du code du travail.


Il n'y a donc pas lieu de statuer sur l'irrecevabilité de demandes non formées.


Sur la demande de nullité du licenciement sur le fondement de la discrimination


M. [B] soutient que la société a souhaité évincer de manière disciplinaire un salarié reconnu inapte à son poste de travail, qu'il s'agit d'une discrimination liée à son état de santé.


La société Enedis réplique que le salarié n'ayant pas été déclaré inapte, son moyen est nécessairement inopérant et qu'en tout état de cause il lui appartient, sur ce fondement, de présenter un certain nombre d'éléments suffisants permettant de laisser supposer du bien-fondé de son action, en application des règles probatoire spécifiques à la matière, ce qu'il ne fait pas, de simples affirmations péremptoires étant insuffisantes.


***


En l'espèce, la position de l'employeur était fondée, pour justifier la voie disciplinaire suivie, sur l'application des règles du statut des IEG.


Ces règles, favorables au salarié en longue maladie, en ce qu'elles permettent, pendant une période de 5 ans, un maintien du salarié dans la société employeur, avec un maintien du salaire intégral, allocations et avantages de toute nature inclus à l'exception des indemnités de fonction, pendant 3 ans puis ensuite à hauteur de demi salaire pendant 2 ans, impliquent aussi l'obligation pour le salarié, lorsque le médecin conseil le déclare apte à une reprise d'activité, de se présenter à une visite de reprise, ce en vue de permettre le retour au travail. Le fait de sanctionner le salarié pour avoir, de son point de vue, fait obstacle à son retour à l'emploi par son refus de se présenter devant le médecin du travail, n'est donc pas un élément de fait laissant présumer, de la part de la société Enedis, une discrimination fondée sur l'état de santé de l'appelant.


M. [B], qui ne présente pas d'autres éléments de fait que celui ci dessus exposé, à savoir le fait, de la part de l'employeur, de sanctionner disciplinairement son refus de se présenter à une visite de reprise, fait qui a été écarté, doit donc être débouté de sa demande de voir dire son licenciement nul sur le fondement de la discrimination en raison de l'état de santé. Le jugement sera confirmé sur ce chef.


Sur la contestation du caractère réel et sérieux du licenciement


M. [B] critique le conseil de prud'hommes en ce qu'il a statué sur l'existence d'une faute grave sans apporter, selon lui, aucune motivation à sa décision, en reprenant simplement les deux griefs visés dans la lettre de licenciement pour en conclure que : 'en conséquence, il ressort de ce qui précède que le licenciement de M. [W] [B] est fondé sur une faute grave.'


Il soutient que, ayant été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 5 décembre 2013, il ne pouvait de ce fait se trouver en absence injustifiée et qu'il n'y avait pas lieu de procéder de nouveau à la visite de reprise, mais que l'employeur aurait dû procéder à une recherche et proposition de reclassement, et consulter le CSE ; qu'en outre, la procédure disciplinaire n'a pas été engagée dans un délai restreint est irrégulière faute d'avoir respecté les règles de la procédure disciplinaire interne relatives à la constitution du dossier et à l'impartialité.


La société Enedis réplique que l'argumentation de M. [Ac] est inopérante dès lors qu'elle repose sur une interprétation sciemment erronée, tant de la situation factuelle que des textes auxquels le requérant se réfère; que la faute grave motivant le licenciement est caractérisée ; qu'en effet l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013 est un avis d'aptitude partielle, ce que ce médecin a expressément expliqué au rapporteur près la commission secondaire du personnel, et que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a estimé qu'il ne relevait pas de la compétence des juges du fond de requalifier un avis d'aptitude en avis d'inaptitude ; que M. [Ac] ne saurait donc se retrancher derrière sa prétendue inaptitude pour justifier son absence sans motif légitime depuis le 1 er septembre 2018 ;


que la société a alerté le 27 août 2018 M. [B] qu'il qualifiait à tort l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013 d'avis d'inaptiude et que pour apprécier la gravité du manquement sanctionné il convient de le mettre en perspective avec les précédents refus ; que la procédure de licenciement a été engagée dans le délai de 2 mois prévu à l'article L1332-4 du code du travail🏛 et n'est donc pas tardive ; que les moyens de critique de la procédure disciplinaire sont infondés et qu'en tout état de cause aucune garantie de fond n'a été violée.


***


Le 5 décembre 2013, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : inapte au poste de travail. Apte à un poste de bureautique pur, sans port de charge de plus de 15 kg, conduite accompagnée pour tout déplacement, même les trajets domicile travail.


En l'état de la législation applicable, une visite de pré reprise ayant été effectuée dans un délai de 30 jours au plus de la visite de reprise alors que le salarié avait fait l'objet d'un arrêt de travail d'une durée de 3 mois au moins, en application de l'article R 4624-20 du code du travail🏛, l'avis d'inaptitude médicale pouvait être délivré en un seul examen.


Cet avis avait été précédé d'un courriel d'information à l'employeur donnée le 29 novembre 2013 par le médecin du travail lequel précisait qu'il voyait le jour-même M. [B] en préreprise, que celui-ci reviendrait à son poste de travail le 5 décembre 2013 (c'est à dire reprendrait le travail le 5 décembre 2013) et qu'il le verrait à cet effet en visite de reprise ce jour-là, qu'il prononcerait un avis d'inaptitude à son poste de travail et que le salarié serait apte à un poste de bureautique pur, sans port de charge de plus de 15 kg, conduite automobile accompagnée pour tout déplacement, même les trajets domicile travail, précisant même que 'au titre de l'article L1226-10 je pourrai vous reformuler l'ensemble par écrit au profit d'une future Pers 268.'


Il convient de rappeler que l'article L1226-10 du code du travail disposait que 'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.


Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.


L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.'


L'avis du médecin du travail mentionnait l'article R4624-35 du code du travail🏛 en précisant les formes et délais de recours contre l'avis.


A défaut de recours contre cet avis, l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013, qui est un avis d'inaptitude, s'impose à tous et notamment au juge, comme le fait valoir M. [Ac], peu important l'indication contraire donnée oralement par le médecin du travail devant la commission secondaire du personnel le 12 février 2019, d'autant que le médecin du travail avait adressé à ERDF un courriel le 5 décembre 2013 ayant pour objet 'inaptitude M. [B] [W]', contenant dans le corps de l'envoi la mention 'je vous adresse copie de l'avis d'inaptitude au poste de travail de ce jour', courriel qui a reçu pour réponse le même jour du destinataire 'nous sommes heureux d'apprendre la reprise de travail de [W] [B], malgré son inaptitude [...]', en contradiction avec la position soutenue par la société Enedis dans son courrier à M. [Ac] endate du 27 août 2018.


M. [B] soutient qu'il n'a pas été reclassé le 5 décembre 2013, ce qui n'est pas expressément contesté dans le cadre de la présente instance, la société Enedis soutenant son aptitude partielle (au poste).


Or, M. [B] ayant été déclaré inapte le 5 décembre 2013, c'est à bon droit qu'il soutient qu'il devait lui être proposé un poste de reclassement et qu'il ne pouvait être considéré comme étant en absence injustifiée, faute de pouvoir reprendre le travail sur un poste pour lequel il avait été déclaré inapte.


Il avait été placé en arrêt de travail pour un accident survenu sur le lieu de travail et pendant le temps de travail le 17 juillet 2013 et la société était informée de ce qu'il entendait le faire reconnaître comme un accident de travail puisqu'une instance devant la juridiction sociale spécialisée était encore pendante lors de la rupture, étant précisé que l'avis de la CPAM ne lie pas le juge prudhomal. A la suite de cet accident, le salarié avait fait plusieurs crises d'épilepsie et le médecin du travail, dans son avis du 5 décembre 2013, avait exclu toute conduite non accompagnée. M. [B] démontre, par les éléments qu'il produit aux débats, que son inaptitude a, au moins pour partie, pour origine son accident de travail et que l'employeur qui ne pouvait ignorer cette origine au moins en partie professionnelle, aurait dû consulter le CSE.


Il y a lieu en conséquence de juger le licenciement de M. [B] sans cause réelle et sérieuse, comme ayant été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte prévues aux articles L1226-10 à L1226-12 du code du travail🏛, en infirmation du jugement entrepris.

Il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens, dont l'irrégularité de la procédure disciplinaire interne, qui n'emportent pas de demandes indemnitaires spécifiques.


Sur les conséquences du licenciement


En application des articles L1226-14 et L1226-15 du code du travail🏛, le salarié licencié en méconnaisance des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte prévues aux articles L1226-10 à L1226-12 du code du travail et non réintégré dans l'entreprise, a droit à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des 6 derniers mois. Cette indemnité se cumule avec l'indemnité équivalente au préavis et, le cas échéant, avec l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L1226-14 du code du travail.


***

M. [Ac] fait valoir au titre du préjudice né de la rupture, la minoration de ses revenus depuis le licenciement du fait de la perception d'indemnités Pôle Emploi jusqu'en août 2021, comprenant sa période de formation de la rentrée 2019 jusqu'en août 2021 à l'IUT de la [Localité 7] pour l'obtention d'un DUT de réseaux et télécommunications, puis, du fait de sa réussite à l'admission en école d'ingénieurs, d'une rémunération au Smic pendant son apprentissage d'ingénieur système réseaux et télécommunications (bac +5), de septembre 2021 à septembre 2024. Il s'agit là cependant d'un choix personnel, d'ailleurs favorisé par la possibilité de se consacrer à la préparation d'une reconversion par le biais d'études pendant les années durant lesquelles il était rémunéré sans activité en application du statut des IEG. Il ne démontre pas que l'étendue de son préjudice soit supérieure au plafond applicable, sur la base d'un salaire moyen de 2860,43 euros bruts. Au vu des éléments produits pour en justifier, ce préjudice doit être réparé par la condamnation de la société Enedis à payer à M. [B] la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans préjudice des cotisations fiscales et sociales le cas échéant applicables.


L'employeur doit également être condamné au paiement de l'indemnité spéciale de licenciement, d'un montant de 9938,50 euros et de l'indemnité équivalente au préavis, soit 5720,86 euros. Le jugement entrepris, qui a débouté M. [B] de ces demandes, sera donc infirmé de ces chefs.


Les sommes à caractère salarial produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la décision les ordonnant. Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts légaux conformément aux dispositions légales.


Il est inéquitable de laisser à M. [Ac] ses frais irrépétibles de première instance et d'appel qui seront mis à la charge de la société intimée à hauteur de 500 euros. La société Enedis, qui succombe principalement, sera également condamnée aux dépens d'appel, et le jugement entrepris infirmé en ses dispositions sur ces chefs



PAR CES MOTIFS


La cour,


Infirme le jugement entrepris,


Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,


Dit que le licenciement de M. [W] [B] est sans cause réelle et sérieuse,


Condamne la SA Enedis à payer à M. [W] [B] les sommes de :


-18 000 euros, sans préjudice des cotisations sociales et fiscales le cas échéant applicables, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte prévues aux articles L1226-10 à L1226-12 du code du travail),

-9938,50 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

-5720,26 euros au titre de l'indemnité équivalente au préavis,


Rappelle que les sommes à caractère salarial allouées produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la décision les ordonnant,


Ordonne la capitalisation des intérêts légaux par année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil🏛,


Déboute M. [W] [B] de ses autres demandes,


Déboute la SA Enedis de ses demandes contraires et de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,


Condamne la SA Enedis à payer à M. [W] [B] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,


Condamne la SA Enedis aux dépens d'appel.


Le Greffier Le Président

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