Jurisprudence : TA Marseille, du 07-09-2023, n° 2308182

TA Marseille, du 07-09-2023, n° 2308182

A22171HL

Référence

TA Marseille, du 07-09-2023, n° 2308182. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/99918850-ta-marseille-du-07092023-n-2308182
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Abstract

► Le juge du référé liberté n'est pas compétent pour ordonner la prise de mesures d'ordre structurel qui ne peuvent pas être mises en œuvre, et donc porter effet, à très bref délai.



N° 2308182

ASSOCIATION « CONSCIENCE » et autres

Mme Isabelle Hogedez

Juge des référés

Ordonnance du 7 septembre 2023

RéPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La juge des référés



Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2023, l'association « Conscience »,
M. et Mme , représentés par Me Croizet, demandent au juge des référés,
statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de
justice administrative :

1°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône es qualité, sous astreinte de
100 euros par jour de retard, de déterminer d'urgence les mesures, à court,
moyen et long termes, de sa compétence, de nature à réduire le danger actuel
et de, notamment, prendre dès à présent les mesures, à court, moyen et long
termes, suivantes :

- réouverture de manière prioritaire des services publics poste, bureaux municipaux, etc, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ;

- redéploiement au sein de la police nationale d'une véritable police de proximité destinée à assurer une mission de service public pérenne et non plus ponctuel ;

- déploiement de 500 « correspondants de nuit » pour contribuer à une politique de « tranquillité publique » ;

- appel, en lien avec les associations sur place, à des volontaires issus des quartiers pour faciliter le dialogue entre la police de proximité et les habitants du quartier ;

- déploiement de la vidéo surveillance afin de « retirer, pour l'essentiel, la suspicion sur les comportements et l'intimidation » ;

- création dans les Bouches-du-Rhône d'une véritable cellule calquée sur le modèle de la cellule nationale INFOPUBLIC pour accompagner les familles de victimes dans leurs démarches

: logement, éducation, justice, et création, après concertation avec les
bailleurs sociaux et les bailleurs privés, d'une véritable cellule du
relogement pour faciliter le relogement des familles victimes de menaces ;

- plan d'investissement massif dans un grand plan de lutte contre les « passoires thermiques » et de réhabilitations des logements ;

- grand plan de verdissement des QPV ;

- investissement massif et prioritaire dans les transports en commun non polluants et en site propre pour désenclaver les quartiers ;

- en lien avec les collectivités territoriales (Métropole, Département et Région) et la Régie des Transports, gratuité des transports jusqu'26 ans, les retraités, les précaires, les personnes âgées résidant dans les QPV qui doivent payer le même prix alors qu'elles ne bénéficient pas du même service et donc révision de la grille tarifaire des transports dans les QPV qui ne bénéficient pas d'un maillage suffisant ;

- en lien avec tous les acteurs publics, mais également privés, plan de rénovation des collèges et lycées ;

- révision de la carte scolaire ;

- création d'un service national d'information et d'orientation ;

- en lien avec l'éducation nationale, développement des passerelles entre les filières professionnelles et générales ;

- multiplication des incitations à l'installation de commerces de proximité ;

- création d'un « médiateur de la police nationale ;

- création d'un récépissé lors d'un contrôle d'identité ;

2°) après avoir ordonné les mesures d'urgence, de se réserver le droit de
déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures
complémentaires qui s'imposent et qui peuvent être mises en œuvre très
rapidement ;

3°) de mettre à la charge du préfet es qualité la somme de 100 euros à verser
à chacun d'entre eux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.

Ils soutiennent que :

- l'association Conscience a intérêt à agir en raison de son objet, de ses statuts mais aussi des multiples actions de terrain qu'elle met en œuvre au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ;

- l'ensemble des habitants des Bouches-du-Rhône, plus particulièrement de la ville de Marseille, ceux résidant dans les QPV, et qui y ont vécu ou travaillé ces dix dernières années ont également intérêt à agir ;

- certains des requérants ont été concernés de près par les homicides et les actes de violence de ces dernières années, d'autres habitent en périphérie de Marseille mais subissent aussi les conséquences de l'accroissement de la violence et de l'inaction de l'Etat ;

- le tribunal administratif de Marseille est la juridiction territorialement compétente ;

- l'urgence est caractérisée dès lors que 40 personnes ont été tuées à Marseille depuis le début de l'année 2023 ;

- l'inaction de l'Etat viole plusieurs libertés fondamentales :

- le droit à la vie préservé par l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1 et de la charte de l'environnement ;

- le principe d'égalité et le principe d'interdiction des discriminations, garantis par l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 1er et l'article 2, alinéa 4, de la Constitution de 1958 et préservés par l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

- le droit à la sécurité et le droit à la vie. Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Hogedez, vice-présidente, pour statuer
sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-2 du code de
justice administrative :

1. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative🏛 : « Le
juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère
provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs
délais ». Aux termes de l'article L. 521-2 de ce code🏛 : « Saisi d'une demande
en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes
mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une
personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la
gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses
pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se
prononce dans un délai de quarante-huit heures ». En vertu de l'article L.
522-3 de ce code, le juge des référés peut, lorsqu'il apparaît manifeste
qu'une requête est irrecevable ou mal fondée, la rejeter par une ordonnance
motivée sans instruction ni audience.

2. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L.
521-2 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés,
lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 précité et qu'il
constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne
morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui
sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures
doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune
mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de
la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés
peut ainsi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice
administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre
provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité
lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure
particulière prévue par l'article L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures
d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de
quarante-huit heures, la ou les libertés fondamentales auxquelles il est porté
une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut
également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure
prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui
peuvent également être très rapidement mises en œuvre. Dans tous les cas,
l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière
prévues par l'article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la
situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les
mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel
se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2,
les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier en tenant compte des
moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures
qu'elle a déjà prises.

3. En l'espèce, les différents requérants font le constat de l'accroissement
de la violence et des homicides à Marseille depuis plusieurs années et font
valoir l'inefficacité des « plans banlieues » depuis les années 1970 et
l'insuffisance du plan « Marseille en Grand ». Ils soutiennent que la carence
de l'Etat à prendre les mesures qui s'imposeraient pour restaurer l'Etat de
Droit porte une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés
fondamentales et que ces mesures, notamment celles qu'ils énumèrent dans leur
requête, doivent être prises par le préfet des Bouches-du-Rhône. Ils
sollicitent ainsi du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L.
521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet d'y procéder, à
court, moyen et long termes.

4. Toutefois, eu égard à leur objet, les injonctions demandées, qui portent
sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en œuvre, et
dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures
d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des
pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de
justice administrative, rappelés au point 2 de la présente ordonnance. Les
conclusions de la requête, aux fins d'injonction, n'étant manifestement pas
fondées, il y a lieu de les rejeter en application des dispositions de
l'article L. 522-3 du code de justice administrative🏛.

Sur les frais d'instance :

5. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les
conclusions des requérants présentées sur le fondement de l'article L. 761-1
du code de justice administrative🏛
doivent être rejetées.


ORDONNE :

Article 1er : La requête de l'association « Conscience » et autres est
rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association « Conscience »,
à M. et à Mme .


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