Jurisprudence : CE 4/1 SSR, 07-01-1998, n° 163581

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 163581

M. TRANY

Lecture du 07 Janvier 1998

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 4ème et 1ère sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 4ème sous-section, de la Section du Contentieux, Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 13 décembre 1994 et 30 janvier 1995, la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés par M. Georges TRANY, demeurant 3, allée de la Faux à Saint-Fons (69190) ; il demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler une décision de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins en date du 23 mars 1994 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 1992 par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins de Rhône-Alpes lui a infligé une sanction de trois mois d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux ; 2°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ladite décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 6 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 ao–t 1995 portant amnistie ;

Vu la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes approuvée par arrêté interministériel du 19 juillet 1988 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Japiot, Auditeur, - les observations de Me Blanc, avocat de M. TRANY et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du conseil national de l'ordre des médecins, - les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle..." ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-7 du code de la sécurité sociale : "La section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins... comprend, en qualité de président, le conseiller d'Etat siégeant à la section disciplinaire dudit conseil, deux médecins désignés par cette section et choisis dans son sein, un représentant des caisses de sécurité sociale, et un médecin désigné par le ministre chargé de la sécurité sociale sur la proposition de la caisse nationale d'assurance maladie" ; qu'aux termes de l'article R. 145-4 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "A la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins..., le médecin désigné par le ministre chargé de la sécurité sociale, est un médecin-conseil d'un rang au moins égal à celui de médecin-conseil régional" ;

Considérant qu'eu égard à la nature des contestations portées devant la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, aux conditions de désignation des assesseurs ainsi qu'aux modalités d'exercice de leurs fonctions qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres de cette juridiction bénéficient de garanties leur permettant de porter, en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des médecins poursuivis devant la section des assurances sociales ; qu'en outre, les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'il suit de là qu'alors même que les caisses de sécurité sociale et les médecins conseils ont la faculté de saisir, par la voie de l'appel, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, M. TRANY n'est pas fondé à soutenir que cette section ne satisfait pas à l'exigence d'indépendance et d'impartialité des juridictions rappelée par l'article 6, paragraphe 1, de laConvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne les juridictions appelées à décider soit de contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation pénale dirigée contre une personne ;

Considérant que M. TRANY ne conteste pas que les témoignages retenus contre lui ont été versés au dossier qui lui a été communiqué avant l'audience de la section des assurances sociales ; qu'ainsi et sans qu'il soit nécessaire que la section entende les témoins au cours de l'audience, les droits de la défense et les exigences de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été respectés ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 145-8 du code de la sécurité sociale : "Dans les affaires concernant les auxiliaires médicaux, l'un des assesseurs médecins (...) est remplacé par un auxiliaire médical de la même catégorie que la personne concernée (...)" ; qu'il résulte des visas de la décision attaquée que celle-ci a été prise sur le rapport de M. Poirier, masseur-kinésithérapeute ; que si la décision attaquée mentionne M. Poirier, sans préciser sa fonction, comme ayant siégé au sein de la section des assurances sociales, la décision attaquée fait bien, par elle-même, la preuve de sa régularité ;

Considérant qu'en jugeant que M. TRANY s'est rendu coupable, notamment, dans dix-sept dossiers, de surcotations, dans deux dossiers, de doubles facturations ainsi que d'applications injustifiées de majorations pour des prestations effectuées le samedi, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a entendu se référer aux motifs inclus dans la décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins qui détaillait les faits en cause ; que, dès lors, la décision attaquée est suffisamment motivée ;

Considérant que si les stipulations de l'article 13 de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes, approuvée par un arrêté interministériel du 19 juillet 1988, autorisent les masseurs-kinésithérapeutes à pratiquer des dépassements d'honoraires lorsque les exigences des patients, notamment concernant l'horaire et la périodicité des soins le justifient, ces stipulations ne peuvent prévaloir sur les dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels, dont l'article 14 interdit expressément les dépassements d'honoraires pratiqués par M. TRANY et constitue le fondement légal de la sanction ; qu'ainsi, le moyen de M. TRANY tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes est inopérant ; que, dès lors, en s'abstenant d'y répondre, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;

Considérant que la circonstance que la procédure de révision de la nomenclature générale des actes professionnels instituée à l'article 5 de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes approuvée par arrêté interministériel du 19 juillet 1988 n'ait pas abouti à la date des faits à une modification des dispositions de ladite nomenclature n'a pas pour effet de rendre cette dernière caduque ; qu'elle conserve sa portée réglementaire tant qu'elle n'a pas été abrogée et s'impose donc aux masseurs-kinésithérapeutes ;

Considérant que si M. TRANY soutient que la sanction qui lui a été infligée était excessive eu égard aux faits qui lui étaient reprochés, il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler l'adéquation de la sanction à la faute ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. TRANY n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de M. TRANY est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Georges TRANY, au conseil national de l'ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.

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