Jurisprudence : CE 2/6 SSR, 29-07-1994, n° 130503

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 130503

S.A. COOPERATIVED'ACHAT MUTUALISTE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF)

Lecture du 29 Juillet 1994

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 2ème et 6ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 2ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 30 octobre 1991 et 28 février 1992, présentés pour la S.A. COOPERATIVE D'ACHAT MUTUALISTE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF) ; la CAMIF demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande du 29 avril 1991 tendant à l'abrogation du décret 85-801 du 30 juillet 1985 relatif à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) et de l'article 34 du code des marchés publics ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 34 de la constitution ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant les communautés européennes ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :- le rapport de Mme Chemla, Auditeur, - les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de la S.A. COOPERATIVE D'ACHAT MUTUALISTE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF) et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de l'Union des groupements d'Achats Publics (UGAP), - les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la S.A. COOPERATIVE D'ACHAT MUTUALISTE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF) a demandé au Premier ministre l'abrogation du décret du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) et de l'article 34 du code des marchés publics en tant qu'il concerne cet établissement ; qu'elle attaque le refus implicite opposé à sa demande ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le décret du 30 juillet 1985 a érigé en établissement public industriel et commercial le service administratif créé sous la même dénomination (UGAP) auprès du ministre de l'économie et des finances par le décret n° 68-54 du 17 janvier 1968 et regroupant les moyens de services d'approvisionnement appartenant antérieurement à différentes administrations centrales ; que l'alinéa 2 de l'article 1er du décret du 30 juillet 1985 dispose : "Cet établissement a pour objet d'acheter et de céder des produits et services destinés aux personnes publiques et aux organismes de statut privé assurant une mission de service public, d'apporter à ces personnes et organismes l'assistance technique dont ils peuvent avoir besoin en matière d'équipement et d'approvisionnement et d'apporter son concours à des opérations d'exportation d'intérêt général" ; qu'aux termes de l'article 34 du code des marchés publics : "Les services de l'Etat et les établissements publics de l'Etat, quel que soit leur caractère, peuvent demander que leurs achats de matériels soient effectués par l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) ... Les départements, les communes et leurs établissements publics bénéficient de la même possibilité. Les services civils de l'Etat, même dotés de l'autonomie financière, et les établissements publics de l'Etat autres que ceux ayant le caractère industriel et commercial doivent faire appel à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) pour leurs achats de véhicules et engins automobiles..." ;
Sur le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires contestées seraient entachées d'incompétence ; Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à son objet, à la nature de ses activités et aux règles de tutelle auxquelles cet établissement est soumis, l'UGAP est comparable à l'Economat des armées, établissement public industriel et commercial créé par la loi n° 59-869 du 22 juillet 1959 et chargé, sous la tutelle de l'Etat, de l'approvisionnement en denrées et fournitures des corps de troupes ; qu'ainsi l'UGAP ne peut être regardé comme constituant à elle seule une catégorie d'établissements publics ; que le moyen tiré de ce que le décret du 30 juillet 1985 créant cet établissement aurait été pris en méconnaissance de la disposition de l'article 34 de la constitution selon laquelle la loi fixe les règles concernant "la création de catégories d'établissements publics" doit par suite être écarté ; Considérant, en second lieu, que les dispositions précitées du code des marchés publics prévoient une simple faculté et non l'obligation, pour les départements et les communes, de recourir aux services de l'UGAP ; que, ni ces dispositions, ni celles du décret du 30 juillet 1985 définissant le statut et les règles de fonctionnement de l'UGAP, n'ont pour effet de restreindre les compétences des assemblées délibérantes des collectivités locales en matière demarchés de produits et de services ; qu'ainsi lesdites dispositions n'ont pas davantage été édictées en méconnaissance du même article 34 en tant qu'il réserve à la loi "la détermination des principes fondamentaux... de la libre administration des collectivités locales"... ;
Considérant enfin qu'il appartient aux autorités dotées du pouvoir réglementaire de prendre les mesures d'organisation propres à assurer le bon fonctionnement des services publics ; qu'en érigeant l'UGAP en établissement public, en confiant à cet établissement la centralisation des achats de véhicules des administrations de l'Etat, en prévoyant que les commandes passées à l'UGAP sont dispensées de marchés et en aménageant, pour les achats effectués par l'UGAP, certaines règles du code des marchés, les auteurs des dispositions contestées se sont bornés à prendre de telles mesures d'organisation afin de permettre, selon les modalités paraissant les plus appropriées, l'approvisionnement dans de bonnes conditions de qualité et de coût des services publics ; que, ce faisant, et nonobstant l'existence d'intermédiaires privés vendant sur catalogue aux administrations publiques et dont le chiffre d'affaires serait, selon la requérante, susceptibles d'être affecté par les dispositions en cause, ces dernières n'ont, en tout état de cause, nullement porté atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ; que la CAMIF n'est par suite pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait, en raison d'une telle atteinte, disposé en l'espèce dans une matière que l'article 34 de la constitution réserve à la loi ;
Sur le moyen tiré de ce que le maintien des dispositions litigieuses serait contraire aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la concurrence :
Considérant qu'il résulte des termes de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les règles qui y sont définies ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant que celles-ci se livrent à des activités de production, de distribution et de service ; que l'organisation, par le pouvoir réglementaire du service des achats publics, n'est pas constitutif d'une telle activité ; que, dès lors, si l'UGAP, est, pour les opérations auxquelles elle se livre, soumise aux règles susindiquées, la CAMIF, n'est pas fondée à soutenir que les dispositions litigieuses se heurteraient à la prohibition des pratiques anticoncurrentielles définies aux articles 7 et 8 de l'ordonnance susmentionnée du 1er décembre 1986 ; que le moyen tiré de ce que le maintien en vigueur de ces dispositions serait contraire aux prescriptions de ladite ordonnance doit par suite être écarté ;
Sur la contrariété alléguée des dispositions contestées avec les stipulations du Traité de Rome :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 90 du Traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne : "Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent Traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus" ; que la CAMIF soutient que les dispositions litigieuses seraient contraires aux stipulations des articles 7, 85 et 86 du Traité ; Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les textes dont la CAMIF a demandé l'abrogation n'ont ni pour objet ni pour effet d'instituer, contrairement aux stipulations de l'article 7 susindiqué, une quelconque discrimination fondée sur la nationalité des fournisseurs ou prestataires des services de l'administration et qu'ils ne contiennent aucune disposition susceptible de comporter par elle-même l'un des effets de nature à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence dans les échanges entre les Etats membres de la communauté économique européenne énumérés aux articles 85 et 86 susmentionnés ; que le moyen doit parsuite être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la S.A. COOPERATIVE D'ACHAT MUTUALISTE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF) est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la S.A. COOPERATIVE D'ACHAT MUTUALISTE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF), à l'Union des groupements d'achat publics (UGAP), au Premier ministre et au ministre de l'économie.

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