Jurisprudence : CE Contentieux, 30-12-1998, n° 180010

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 180010

SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS

Lecture du 30 Decembre 1998

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 1ère et 4ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 1ère sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu l'ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 avril 1996, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'tat le 20 mai 1996 et renvoyant au Conseil d'Etat, par application des dispositions de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée pour le SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS ;

Vu la demande, enregistrée le 21 juin 1995 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, présentée pour le SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS, dont le siège est 272, rue Sainte-Catherine à Bordeaux, représenté par son secrétaire général en exercice ; le SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS demande l'annulation de l'arrêté en date du 30 mars 1995 par lequel le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a étendu un avenant départemental (Gironde) à la convention collective nationale de la coiffure ; . . . . . . . . . . . . .

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Prada Bordenave, Maître des Requêtes, - les observations de Me Choucroy, avocat du SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS, - les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la convention collective nationale de la coiffure signée le 3 juillet 1980 a été étendue par un arrêté ministériel du 5 décembre 1980, sous réserve de l'application des articles L. 221-1 et suivants du code du travail relatifs au repos hebdomadaire ; que l'article 10 de la convention consacré aux "horaires" de travail prévoit dans son paragraphe H, intitulé "Dérogations", que "Dans les villes touristiques, de saison", des dispositions particulières pourront être prises par voie d'avenant et que des "dérogations" pourront porter "sur la répartition des heures de travail, le repos hebdomadaire et la fixation des congés payés" ;

Considérant que l'accord du 21 février 1994 relatif au repos hebdomadaire dans le département de la Gironde, après avoir posé en principe, dans son article 1er, que le repos hebdomadaire de deux jours consécutifs prévu par la convention collective nationale est fixé au dimanche et au lundi, stipule cependant dans son article 2 que, pour les coiffeurs exerçant sur la zone du littoral dite "à vocation touristique balnéaire", les "dispositions contenues dans l'article 1er sont suspendues pendant les mois de juillet et d'ao–t" ; que la requête du SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS tend à l'annulation de l'arrêté en date du 30 mars 1995 par lequel le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a étendu l'avenant départemental du 21 février 1994 ; En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :

Considérant que M. Hubert Martin, sous-directeur de la négociation collective, qui a signé, au nom du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, l'arrêté du 30 mars 1995, avait reçu, par arrêté du 5 avril 1994 publié au Journal officiel du 14 avril 1994, délégation régulière à cet effet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur des relations du travail et le chef de service qui avaient eux-mêmes reçu délégation n'aient pas été absents ou empêchés à la date du 30 mars 1995 ; que, dans ces conditions, le SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué émanerait d'une autorité incompétente ; En ce qui concerne les conditions de négociation de l'avenant :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 132-2 du code du travail : "La convention ou l'accord collectif de travail est un acte... qui est conclu" en ce qui concerne les employeurs, par "une ou plusieurs organisations syndicales... ou tout autre groupement d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement..." ; qu'en vertu de l'article L. 133-1 du code, la convention de branche ou l'accord professionnel, leurs avenants ou annexes doivent, pour pouvoir être étendus, avoir été négociés et conclus en commission composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ; que selon l'article L. 132-5 du code, les conventions et accords collectifs de travail déterminent leur champ d'application territorial et professionnel ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la Fédération nationale de la coiffure et la Confédération nationale de la coiffure, toutes deux signataires de l'avenant litigieux sont représentatives de la profession dans le département de la Gironde et sont, en outre, affiliées aux organisations représentatives signataires de la convention collective nationale de la coiffure ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ces organisations avaient qualité pour participer à la négociation de l'accord ; Considérant, en revanche, que le syndicat requérant n'est pas affilié à l'une des organisations syndicales d'employeurs ayant signé la convention collective nationale de la coiffure ; qu'il n'apporte au surplus aucun élément permettant de le regarder comme représentatif dans le département de la Gironde ; que, par suite et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait d– être associé aux négociations préalables à la conclusion de l'avenant litigieux ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les syndicats signataires de l'avenant avaient, conformément aux exigences posées par les articles L. 411-3 et R. 411-1 du code du travail, déposé leurs statuts à la mairie de Bordeaux ; que, par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que l'avenant, objet de l'arrêté d'extension, aurait été signé par des syndicats dépourvus d'existence légale ; que la circonstance que les syndicats de salariés signataires n'auraient pas compris de section "coiffure" est sans incidence sur leur existence légale ; En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité en la forme de l'avis exigé par l'article L. 133-8 du code du travail :

Considérant qu'eu égard à la circonstance que la sous-commission des conventions et accords s'est prononcée en faveur de l'extension de l'accord et n'a proposé l'exclusion d'aucune clause et au fait que la Confédération générale du travail, seul syndicat se prononçant en sens contraire, a eu l'occasion d'exprimer les raisons de son désaccord par des observations auxquelles l'avis se réfère expressément et qui figurent au procès-verbal joint, l'avis émis par la sous-commission des conventions et accords de la commission nationale de la négociation collective, agissant dans le cadre des compétences qui lui sont conférées par l'article L. 136-3 du code du travail, sur l'extension de l'accord litigieux, doit être regardé comme satisfaisant à l'exigencede motivation résultant des dispositions de l'article L. 133-8 du code du travail ; En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article L. 132-6 du code du travail :

Considérant que les dispositions de l'article L. 132-6 du code du travail qui prévoient que : "La convention ou l'accord collectif de travail est conclu pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée" n'imposaient pas que l'avenant en cause, pris en application de l'article 10 de la convention collective de la coiffure, mentionne explicitement qu'il a été conclu pour une durée indéterminée, à l'instar de la convention collective nationale dont il assure la mise en oeuvre ; En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des dispositions législatives relatives au repos hebdomadaire :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 132-4 du code du travail : "La convention et l'accord collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables auxsalariés que celles des lois et règlements en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public de ces lois et règlements" ; que sont au nombre des dispositions présentant un caractère d'ordre public, en tant qu'elles assurent aux travailleurs des garanties minimales, les dispositions du code du travail relatives au repos hebdomadaire ; Considérant, toutefois, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de la convention collective nationale prévoyant qu'il pourrait être dérogé par voie d'avenant au repos hebdomadaire n'ont été étendues que sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code du travail ; qu'il résulte clairement de ses énonciations comme de son annexe que l'avenant litigieux prévoit que le repos hebdomadaire est fixé au dimanche et au lundi et instaure une dérogation, pendant les mois de juillet et ao–t, pour les communes de la zone littorale à vocation touristique et balnéaire, dans lesquelles, selon la répartition de l'horaire hebdomadaire de travail, le jour de repos autre que le dimanche pourra soit devenir mobile, soit être transformé en jour de congé ; qu'il suit de là que la contestation de la validité de ces stipulations au regard de celles de la convention collective nationale ou des prescriptions du code du travail relatives au repos dominical n'est pas sérieuse ; En ce qui concerne le moyen tiré de la rupture d'égalité :

Considérant que le fait que, selon l'article L. 133-8 du code du travail, les dispositions d'un accord professionnel puissent être "rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application" de l'accord, ne s'oppose pas à ce qu'une convention ou un accord collectif comporte des stipulations qui prennent en compte le particularisme de la situation de certaines catégories de salariés, dès lors que les distinctions ainsi opérées ne tombent pas sous le coup des discriminations prohibées en vertu notamment de la loi ou des principes généraux du droit ;

Considérant que les dispositions susanalysées de l'avenant litigieux ont pour objet de prendre en compte les conditions particulières d'exercice de la profession de coiffeur dans les communes touristiques de la zone littorale du département de la Gironde pendant la période estivale, sans instaurer de discrimination illicite ; qu'ainsi, la contestation des stipulations de l'accord au regard du principe d'égalité n'est pas non plus sérieuse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté portant extension de l'avenant signé le 21 février 1994 à la convention collective nationale de la coiffure ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES COIFFEURS AQUITAINS et au ministre de l'emploi et de la solidarité.

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