Jurisprudence : CA Douai, 09-03-2023, n° 21/05179, Infirmation


République Française

Au nom du Peuple Français


COUR D'APPEL DE DOUAI


TROISIEME CHAMBRE


ARRÊT DU 09/03/2023


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N° de MINUTE : 23/86

N° RG 21/05179 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T4CD


Jugement (N° 20/00789) rendu le 12 Août 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai



APPELANT


Monsieur [Aa] [S]

né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 7]


Représenté par Me Guy Delomez, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué


INTIMÉES


SA Allianz Iard

[Adresse 1]

[Localité 8]


SARL Nord Diagnostic et Infiltrometrie

[Adresse 3]

[Localité 5]


Représentées par Me Bruno Bufquin, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistées de Me Jean-Marc Perez, avocat au barreau de Paris



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé


DÉBATS à l'audience publique du 15 décembre 2022 après rapport oral de l'affaire par Yasmina Belkaid

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.


ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 novembre 2022


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Exposé du litige


Le 29 avril 2015, M. [S] a acquis la propriété d'un immeuble situé [Adresse 4].


L'acte de vente comportait un rapport de diagnostic établi le 10 juin 2014 par la société Nord Diagnostic et Infiltrometrie exerçant sous l'enseigne Arliane qui concluait à l'absence d'amiante dans l'immeuble.


Le 27 mai 2015, M. [S] a fait établir un nouveau diagnostic par la société Expert Habitat Diagnostics qui a révélé la présence d'amiante en toiture.


Le 13 juillet 2015, il a mis en demeure la société Arliane de supporter le coût de la dépose et du remplacement de la couverture de l'immeuble, en vain.


Par acte d'huissier de justice du 4 août 2016, M. [S] a alors saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 8 novembre 2016, a ordonné une mesure d'expertise et désigné M. [M] [Ab] à cet effet.


L'expert judiciaire a déposé son rapport le 3 octobre 2019, concluant à la présence d'amiante dans les ardoises en toiture de l'immeuble et dans celles entreposées dans le grenier ainsi que le plafond de la cage d'escalier.


C'est dans ces conditions que M. [Aa] [S] a assigné la société Nord diagnostic et Infiltrométrie et son assureur, la société Allianz devant le tribunal judiciaire de Cambrai en responsabilité et réparation.



Par un jugement rendu le 12 août 2021, le tribunal judiciaire de Cambrai a :


Débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens

Dit que les frais d'expertise seront partagés par moitié entre d'une part M. [S] et d'autre part la société Nord Diagnostic et Infiltrométrie exerçant sous l'enseigne Arliane et la société Allianz IARD

Débouté les parties du surplus de leurs demandes



Par déclaration du 7 octobre 2021, M. [Aa] [S] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.


Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2022, M. [S] demande à la cour de :


Le déclarer recevable et bien-fondé en son appel du jugement du Tribunal Judiciaire de Cambrai du 12 août 2021,

L'infirmer en toutes ses dispositions


Statuant à nouveau, au visa des dispositions des articles 1382 et 1383 du code Civil🏛🏛 dans leurs rédactions applicables au litige, L271-4 du code de la construction et de l'habitation🏛, L4412-2 du code du travail🏛, des articles L4741-1 AL1 5°, L.4511-1, R.4511-1, R4512-6, R.4512-7, R.4512-8, R.4512-9, R.4512-10, R.4512-11, R.4512-12, R.4513-4 du code du travail et de l'article 1 de l'arrêté ministériel du 10 mai 1994


confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Nord Diagnostic Infiltrométrie a commis une faute en omettant de mentionner la présence d'amiante dans l'immeuble acquis par M.[S],

dire que la société Nord Diagnostic Infiltrométrie sera tenue par son engagement à prendre en charge le coût de l'ensemble des travaux nécessaires au désamiantage en application des articles 1101, 1126, 1370 et 1371 du code civil🏛🏛🏛🏛 dans leur rédaction applicable à l'époque de cet engagement.

en conséquence la condamner avec son assureur la compagnie Allianz à réparer l'entier préjudice en résultant et in solidum à lui payer les sommes suivantes :


Travaux de désamiantage 27.149,57 € TTC

Diagnostic amiante avant travaux 496,00 € TTC

Plan de retrait destiné à évaluer et intégrer les conditions de prévention des risques préalables : mémoire

dire d'une part que le montant HT desdites sommes sera réévalué à la date de leur paiement sur la base de l'indice BT 01, avec comme indice de base celui en vigueur en juillet 2018, date du devis ADC, et multiplicateur celui en vigueur à la date du règlement, et d'autre part que la TVA applicable en majoration sera celle en vigueur à la date du paiement.

Résistance abusive et gêne dans les conditions d'existence 5.000,00 euros


condamner les mêmes dans les mêmes conditions à lui payer la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais de la procédure de référé, les frais d'expertise judicaire et la facture de la société Expert Habitat du 10 juin 2015 ainsi qu'aux entiers dépens et frais de la procédure d'appel,

Dire que la provision de 3 000 allouée par le juge des référés sera à déduire des condamnations prononcées,

Débouter les intimées de leurs demandes,

à titre subsidiaire et aux cas où la cour retiendrait la perte de chance, condamner les intimées in solidum à lui payer la somme de 130 000 euros outre les frais de vente au titre de la perte de chance,

Plus subsidiairement, condamner les intimées à lui payer la somme de 27 149,52 euros TTC outre 496 euros au titre du diagnostic amiante et au coût du plan de retrait repris dans les mêmes conditions d'indexation de réévaluation et de TVA applicable.


Au soutien de ses prétentions, M. [S] fait valoir que :


Sur la responsabilité :


Le jugement critiqué doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du diagnostiqueur sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil🏛🏛,

Cette erreur est à l'origine de son préjudice évalué par l'expert dès lors que la présence d'amiante n'a pas été intégrée dans la discussion du prix de vente,

Le diagnostiqueur qui a reconnu sa responsabilité, s'était d'ailleurs engagé à prendre en charge les travaux de désamiantage et cet accord a été dénaturé par les premiers juges,

Il n'avait pas connaissance de la présence d'amiante, celle-ci, d'une part, ayant été révélée par son couvreur après la vente, d'autre part, occultée à l'intérieur du grenier et enfin oubliée dans le sous-sol,

Sa qualité d'agent immobilier est indifférente d'autant que l'établissement d'un diagnostic amiante est obligatoire et que le diagnostiqueur est tenu à une obligation de résultat,


Sur les préjudices :


Il ne demande pas le remplacement de la charpente qui n'est au demeurant pas nécessaire, comme le prétendent les appelants, ni le remplacement de la toiture mais l'indemnisation de son préjudice résultant du coût des travaux de désamiantage, qui ne correspond pas à une perte de chance de ne pas contracter ou de solliciter une réduction du prix de vente comme l'ont jugé les premiers juges qui ont en outre refusé à tort de l'indemniser sur ce fondement à hauteur du montant de ces travaux,

En vertu du principe de réparation intégrale, son préjudice correspond donc au coût des travaux de désamiantage dont le devis de la société ADC a été validé par l'expert à hauteur de la somme de 27 149,57 euros et correspondant aux travaux de retrait et de réfection de la toiture et de retrait, traitement et réfection du conduit au sous-sol,

Son préjudice est également constitué outre du coût du diagnostic amiante avant travaux (496 euros), de celui du plan de retrait qualifié également de plan de prévention des risques préalables, dont mémoire, qui doit être obligatoirement établi avant l'exécution effective des travaux outre la TVA en vigueur à la date du règlement et l'indexation sur la base de l'indice BT 01,

Si le raisonnement de l'assureur, qui invoque la perte de chance, était suivie, son préjudice serait éventuellement fixé à la somme de 130 000 euros correspondant au prix payé pour l'acquisition de l'immeuble,

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, les démarches précontentieuses et les opérations d'expertise judiciaire ont perturbé ses conditions de vie,

La demande de condamnation in solidum des intimées à l'indemniser des préjudices subis exclut la demande d'application de la franchise formée par l'assureur,


Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 22 juin 2022, la société Allianz Iard et la société Nord Diagnostic et Filtrométrie (Arliane) demandent à la cour de :


confirmer le jugement en toutes ses dispositions y compris en qu'il a ordonné le partage par moitié des frais d'expertise,

à titre subsidiaire, dire que le préjudice de M. [S] ne peut s'analyser qu'en une perte de chance d'avoir pu négocier le prix de vente,

déclarer irrecevable comme nouvelle la demande d'indemnisation sur le fondement de la perte de chance par application de l'article 564 du code de procédure civile🏛,

en toute hypothèse, déclarer mal fondée cette demande en ce qu'elle correspond au prix d'acquisition de l'immeuble et limiter le préjudice de perte de chance à un pourcentage du montant des travaux de désamiantage qui s'élève à 9 148,54 euros HT,

plus subsidiairement, limiter le préjudice de perte de chance à la somme de 13 000 euros,

au cas où la cour retiendrait le droit à indemnisation du coût des travaux de désamiantage, limiter l'indemnisation de M. [S] à la somme de 9 148,54 euros,

Débouter M. [S] su surplus de ses demandes,

Juger que la société Allianz Iard ne sera tenue que franchise contractuelle de 1 000 euros déduite,

Condamner M. [S] aux dépens de l'appel


Les intimées reconnaissent que la toiture de l'immeuble présentait de l'amiante qui avait été détectée par le diagnostiqueur, la société Arliane qui a toutefois, par erreur, omis de le retranscrire dans son rapport.


Elles considèrent que cette erreur n'est pas constitutive d'une faute et n'est pas de nature à caractériser un préjudice indemnisable au profit de M. [S] en invoquant les moyens suivants :


M. [S], exerçant la profession d'agent immobilier, n'est pas un acquéreur profane et a eu nécessairement connaissance de la présence d'amiante ce qu'il a d'ailleurs constaté quelques jours après la vente,

Le replacement de la couverture, tel que demandé par M. [S], ne résulte pas de la présence d'amiante mais de l'état de dégradation d'une partie de la charpente qui présente un fléchissement visible à l''il nu même pour un profane et a fortiori par M. [S] et qui doit être reprise ainsi que cela ressort du devis de la société TTI ajoutant que le devis de l'entreprise Alexandre produit par l'appelant, outre qu'il est postérieur de 18 mois au dépôt du rapport d'expertise, émane d'un autoentrepreneur qui n'est ni couvreur ni charpentier et est contraire aux constatations et conclusions de l'expert judiciaire,

Les termes de la proposition amiable du diagnostiqueur en vue d'une transaction du 28 octobre 2015 ne constitue pas un engagement de sa part à prendre en charge le coût des travaux de désamiantage mais de simples pourparlers,

Les travaux de désamiantage ne sont pas nécessaires ou préconisés dans la mesure où il n'existe aucun danger sanitaire et où l'immeuble n'est pas impropre à sa destination, l'expert ayant lui-même précisé que les matériaux ne nécessitent qu'une évaluation périodique en raison de leur état,

Dans ces conditions, seul un préjudice lié à une perte de chance pouvait être indemnisé ce que M. [S] n'a pas demandé même à titre subsidiaire,

En toute hypothèse, cette perte de chance est minime compte tenu du montant du prix de vente et des travaux rendus nécessaires par l'état de la charpente, la valeur vénale de l'immeuble pour tenir compte de la présence d'amiante ayant été évaluée à un prix maximum inférieure de 13 000 euros au prix payé par M. [S] de sorte que l'éventuel préjudice de ce dernier doit être fixé à cette somme représentant environ la moitié du coût des travaux de désamiantage,

La demande tendant à l'indemnisation d'une perte de chance formée par M. [S] en cause d'appel constitue une demande nouvelle qui est irrecevable

En toute hypothèse, l'indemnité sollicitée au titre de la perte de chance correspond en réalité au prix de vente de l'immeuble et non à un pourcentage du coût des travaux de remplacement de la couverture évalué à 28 000 euros,

Subsidiairement seul le préjudice résultant du coût des travaux de désamiantage, à l'exclusion des travaux de remplacement de la couverture dus à la vétusté et des travaux chiffrés par la société ADC correspondant à des améliorations, est indemnisable soit à hauteur de la somme de 9 148,54 euros HT,

Plus subsidiairement, en cas de condamnation, la franchise contractuelle d'un montant de 1 000 euros devra rester à la charge de l'assuré


Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile🏛.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2022.



MOTIFS


Sur la responsabilité du diagnotiqueur


Il résulte de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation🏛 que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble garantit l'acquéreur contre le risque mentionné au 2° du 2e alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art, et qu'il se révèle erroné.


A cet égard, le diagnostiqueur doit procéder à une recherche systématique de l'ensemble des matériaux susceptibles de contenir de l'amiante et ne peut limiter son intervention à un simple contrôle visuel ou à certaines parties de l'immeuble.

En effet, en application des dispositions combinées des articles L. 1334-13 et R. 1334-18 du code de la santé publique🏛🏛, avant toute vente, le vendeur doit faire réaliser un repérage des matériaux et produits des listes A et B de l'annexe 13-9 dudit code contenant de l'amiante.


Le repérage des matériaux et produits de la liste A et B contenant de l'amiante consiste, selon les articles R. 1334-20 et R. 1334-21 du même code, à rechercher la présence desdits matériaux et produits accessibles sans travaux destructifs, à identifier et localiser les matériaux et produits qui contiennent de l'amiante et évaluer l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante. Lorsque la recherche révèle la présence de matériaux ou produits de la liste A ou B, et si un doute persiste sur la présence d'amiante dans ces matériaux ou produits, un ou plusieurs prélèvements de matériaux ou produits sont effectués par la personne réalisant la recherche. Ces prélèvements font l'objet d'analyses selon les modalités définies à l'article R. 1334-24 du code précité🏛.


Selon la norme NF X 46-020 dans sa version de décembre 2008 applicable en la cause, un matériau ou produit accessible défini comme celui que l'on peut atteindre soit par inspection visuelle directe soit après des investigations visuelles approfondies qui n'impliquent aucune dégradation de l'ouvrage ou du volume. Si un doute persiste sur la présence d'amiante dans les matériaux ou produits des listes A et B l'opérateur doit procéder à des prélèvements.


La responsabilité du diagnostiqueur ne se trouve engagée que lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et qu'il se révèle erroné.


Ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, l'inexécution d'une obligation contractuelle peut constituer une faute délictuelle si elle est directement à l'origine d'un dommage pour un tiers au contrat.


Dès lors, l'acquéreur d'un immeuble ayant reçu une information erronée est fondé à rechercher la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur en raison du dommage que lui cause la mauvaise exécution, par ce technicien, du contrat qu'il a conclu avec le vendeur.


Il est constant que préalablement à la vente de l'immeuble, la société Nord Diagnostic et Infiltrometrie, diagnostiqueur, est intervenue sur demande du vendeur afin d'établir les constats et diagnostics à remettre en application des dispositions de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation🏛.


A ce titre, la société Nord Diagnostic et Infiltrometrie était chargée de réaliser un diagnostic amiante de l'ensemble de l'immeuble à savoir des appartements du rez-de-chaussée, du 1er et du 2ème étage ainsi que des parties communes situées au sous-sol, au rez-de-chaussée, au 1er étage, au 2ème étage et en volume sous charpente.


Aux termes de ses quatre rapports de diagnostic amiante du 10 juin 2014, la société Nord Diagnostic et Infiltrometrie a conclu à l'absence d'amiante dans chacune des parties de l'immeuble.


Or, il est constant que le bien vendu comportait de l'amiante puisqu'il ressort du rapport de repérage établi par la société Expert Habitat le 27 mai 2015 que des produits amiantés ont été découverts sur plusieurs matériaux relevant de la liste B clairement identifiés par le rapport d'analyses du laboratoire.


Ces analyses ont été confirmées par l'expert judiciaire qui précise que la présence d'amiante a été détectée d'une part, dans les ardoises de type fibrociment en toiture de l'immeuble pour une quantité de 119 m², d'autre part, dans les ardoises de type fibrociment entreposés dans le grenier et le plafond de la cage d'escaliers pour une quantité de 1 m² et enfin, dans le conduit de type fibrociment en cave, sortie de cuve fioul pour une quantité de 0,8ml.


Selon l'expert, cet amiante était visible pour un diagnostiqueur, ce que ce dernier a admis tout en faisant valoir que l'absence de retranscription dans son rapport des matériaux amiantés en couverture de l'immeuble tels que décrits par l'expert procède d'une erreur.


Toutefois, cette erreur ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité, le seul constat du caractère erroné du rapport de diagnostic étant de nature à engager la responsabilité de la société Nord Diagnostic et Infiltrometrie.


Par ailleurs, cette dernière ne saurait davantage invoquer la qualité d'agent immobilier de M. [S], qui ne lui confère pas celle de spécialiste en matière de détection de l'amiante, laquelle est sans incidence sur l'étendue des obligations du diagnostiqueur dès lors que le diagnostic technique procède d'une obligation légale mise à la charge du seul professionnel dans le cadre d'une opération de vente ce qui lui impose de mettre en œuvre les techniques adaptées à la parfaite exécution de la mission confiée.


Il est ainsi établi que l'immeuble acquis par M. [S] contenait de l'amiante que la société Nord Diagnostic et Infiltrometrie n'avait pas mentionnée dans son rapport alors qu'il était détectable sans travaux destructifs.


La société Nord Diagnostic et Infiltrometrie a donc commis une faute à l'égard de M. [S] à l'origine du préjudice certain résultant des frais de travaux de désamiantage.


Sa responsabilité est donc engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil🏛.


Le jugement querellé sera donc confirmé de ce chef.


Sur le préjudice et son évaluation


Le diagnostiqueur, ayant délivré une information inexacte, doit être condamné à réparer un dommage qu'il n'a pas causé mais que sa négligence a empêché la victime d'éviter.


En cas d'erreur dans le diagnostic établi, le préjudice de l'acquéreur ne réside pas dans la perte de chance d'avoir pu acheter l'immeuble à un prix tenant compte des travaux à entreprendre, comme le soutiennent les intimées mais il correspond au coût des travaux de désamiantage que le diagnostiqueur est tenu d'indemniser (Cass. 3e civ., 19 mai 2016, n° 15-12.408⚖️), ce que demande précisément M. [S].


L'expert judiciaire, répondant aux chefs de mission, a chiffré le coût des travaux de désamiantage à la somme de 27 149,57 euros tout en précisant que l'état de conservation des plaques d'amiante litigieuses ne rend pas nécessaire le désamiantage au regard de la réglementation en vigueur et notamment des arrêtés du 12 décembre 2012 relatifs aux critères d'évaluation de l'état de conservation des matériaux et produits de la liste A contenant de l'amiante et au contenu du rapport de repérage et de l'arrêté du même jour 2012 relatif aux critères d'évaluation de l'état de conservation des matériaux et produits de la liste B contenant de l'amiante et du risque de dégradation lié à l'environnement ainsi que le contenu du rapport de repérage.


La liste A mentionnée à l'article R. 1334-20 du code de la santé publique🏛 vise les matériaux susceptibles par leur vieillissement de libérer de l'amiante à savoir les flocages, les calorifugeages et les faux-plafonds tandis que la liste B mentionnée à l'article R. 1334-21 du même code vise les matériaux susceptibles de libérer de l'amiante à l'occasion de travaux et concerne notamment les plafonds, les conduits et les toitures. Les premiers peuvent justifier des travaux de retrait ou de confinement et les deuxièmes ne conduisent pas à la nécessité d'une action de protection immédiate mais à une évaluation périodique dès lors que le risque de dégradation du matériau est faible.


L'expert précise dans un tableau en page 55 de son rapport la nature et la localisation des matériaux amiantés à savoir des ardoises en fibrociment se trouvant en couverture, dans les brisis et sur le plafond de la cage d'escalier ainsi que dans le grenier comme étant entreposées mais également un conduit de cuve fuel en sous-sol, l'ensemble de ces matériaux relevant de la liste B mentionnée à l'article R. 1334-21 du code de la santé publique🏛 précitée.


Les intimées se prévalent des conclusions de l'expert, dont la question 7 de sa mission a été modifiée par le juge chargé du contrôle des expertises aux fins, d'une part, d'évaluer l'état de conservation des plaques d'amiante litigieuses (point 7a) et, d'autre part de dire si le désamiantage est nécessaire au regard de la réglementation (point 7b).


L'expert indique que l'état de conservation des plaques d'amiante est dégradé (dégradations locales) et qu'au regard de la règlementation en vigueur, un désamiantage n'est pas nécessaire.


Néanmoins, si comme le font valoir les intimés, aucune règlementation n'impose de procéder au remplacement des matériaux de la liste B contenant de l'amiante, il n'en demeure pas moins que la certitude du préjudice de l'acquéreur est caractérisée du seul fait de la présence d'amiante alors même que le diagnostic obligatoire préalable à une vente a précisément pour but de garantir les acquéreurs de l'absence d'amiante.


Or, la présence d'amiante déprécie la valeur du bien. Elle empêche par ailleurs la réalisation de travaux dans des conditions normales et génère un surcoût significatif de protection ou de retrait des matériaux amiantés alors que l'état de dégradation des ardoises en couverture a été mis en évidence par l'expert et que M [S] est tenu de veiller à l'état de conservation de l'immeuble.


En conséquence, le diagnostiqueur doit indemniser l'intégralité du préjudice résultant de l'inexactitude de son rapport, même s'il n'est prouvé aucun danger sanitaire pour les occupants. (Cass 3e civ 9 juillet 2020, n°18-23.920⚖️).


C'est donc en vain que les intimées concluent à l'inexistence du préjudice de M. [S] à défaut de risque sanitaire, la présence d'amiante dont celui-ci n'avait pas été informé constituant en soi un préjudice.


M. [S] est donc bien fondé à solliciter le coût des travaux de désamiantage.

Le devis du 11 juillet 2018 de la société ADC sur la base duquel l'expert a évalué le préjudice de M. [S] correspond à des travaux de démontage de la couverture en amiante et de son remplacement ainsi que du retrait du conduit situé en sous-sol pour un coût total de 27 149,57 euros TTC étant précisé que l'expert a écarté les autres postes de travaux ne correspondant pas au désamiantage (diagnostic amiante, velux, écran sous toiture et contre lattage bois) et que le remplacement des ardoises de type fibrociment par des ardoises composites et non naturelles n'est pas constitutif d'une amélioration de l'existant comme le prétendent les intimées.


Par ailleurs, le coût des travaux de désamiantage évalué par l'expert inclut celui du plan de retrait chiffré à 562 euros par l'expert de sorte que M. [S] ne saurait réclamée le paiement d'une somme à ce titre alors en outre qu'étant formée pour mémoire, cette demande est indéterminée.


Les intimées ne sauraient voir limiter l'indemnisation du préjudice de M. [S] à la somme de 9 148,54 euros correspondant aux seuls travaux de démontage de la couverture et du conduit et à l'exclusion de ceux de remplacement de la couverture alors que s'il est établi que M. [S] envisageait des travaux de remplacement d'ardoises en toiture, l'expertise a révélé que l'ensemble des ardoises sur une surface de 112 m² est amiantée.


En outre, le retrait des plaques amiantés de couverture implique l'installation d'une nouvelle isolation en lieu et place de ces plaques en fibrociment étant en outre observé que le poste charpente n'est pas compris dans le devis partiellement validé par l'expert.


Par suite, le préjudice de M. [S] correspondant au coût des travaux de désamiantage sera évalué à la somme de 27 149,57 euros TTC.


Par ailleurs, il ne sera pas fait droit à la demande de M. [S] de paiement de la somme de 496 euros correspondant à la facture d'honoraires du 14 janvier 2019 de la société Agence Diagnostic Nord qui a établi un rapport de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant travaux, cette formalité étant obligatoire avant tous travaux, s'agissant d'un immeuble construit avant le 1er janvier 1997.


En définitive et étant rappelé que le principe et l'étendue de la garantie de la société Allianz ne sont pas discutés, la société Nord Diagnostic et Infiltrométrie et son assureur, la société Allianz, seront condamnés in solidum à payer à M. [S] la somme de 27 149,57 euros à titre de dommages et intérêts.


L'ancienneté du devis justifie que cette somme sera indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction entre la date du devis et l'arrêt.


Par ailleurs, s'agissant de l'opposabilité de la franchise contractuelle, l'article L. 112-6 du code des assurances🏛 prévoit que l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice, les exceptions opposables au souscripteur.


La société Allianz verse les conditions particulières de sa police d'assurance visant la franchise d'un montant de 1 000 euros.


Si l'opposabilité de la franchise au tiers lésé emporte le droit pour l'assureur de déduire son montant de l'indemnité susceptible d'être versée à celui-ci, il revient à l'assuré responsable de verser à la victime le montant de la franchise non pris en charge par l'assureur.


Dès lors, l'assureur et l'assuré sont condamnés in solidum à réparer le préjudice de M. [S] à hauteur de la somme de 26 149,57 euros, après déduction du montant de la franchise.


En outre, la société Nord diagnostic et Infiltrométrie sera condamnée à payer à M. [S] la somme de 1 000 euros e correspondant à la franchise contractuelle. 


Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive


Il n'est pas établi que la société Nord Diagnostic et Infiltrométrie a fait dégénérer en abus son droit de résister aux prétentions de M. [S], qui invoque au demeurant les démarches accomplies aux fins d'éviter une procédure judiciaire et la perturbation de ses conditions de vie, circonstances ne permettant pas de caractériser un abus de droit de la part du diagnostiqueur qui a contesté l'étendue des travaux à réaliser tout en formulant une proposition amiable de paiement du seul coût du désamiantage.


Dès lors, M. [S] sera débouté de sa demande indemnitaire pour résistance abusive


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile🏛


Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile🏛.


La société Nord Diagnostic et Infiltrométrie et la société Allianz, parties perdantes, doivent être condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance, qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire de M. [D], et d'appel, ainsi qu'à payer M. [S] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 au titre des procédures devant les premiers juges et d'appel.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Infirme le jugement rendu par le 12 août 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai en toutes ses dispositions ;


Statuant de nouveau et y ajoutant :


Dit que la société Nord Diagnostic et Infiltrométrie est responsable du préjudice subi par M. [Aa] [S] ;


Condamne in solidum la société Nord Diagnostic et Infiltrométrie et la société Allianz Iard à payer à M. [Aa] [S] la somme de 26 149,57 euros à titre de dommages et intérêts avec indexation sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction entre le 11 juillet 2018 et la date du présent arrêt ;


Condamne la société Nord Diagnostic et Infiltrométrie à payer à M. [Aa] [S] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts avec indexation sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction entre le 11 juillet 2018 et la date du présent arrêt ;


Déboute M. [Aa] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne in solidum la société Nord Diagnostic et Infiltrométrie et la société Allianz Iard à payer les dépens de premier instance comprenant les frais d'expertise de M. [D] ainsi que les entiers d'appel ;


Condame in solidum la société Nord Diagnostic et Infiltrométrie et la société Alianz Iard à payer à M. [Aa] [S] la somme de 6 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile🏛 ;


Déboute les parties de leurs autres demandes.


Le Greffier


Fabienne Dufossé


Le Président


Guillaume Salomon

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