Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 08-02-1984, n° 35004

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 35004

M. Jean Grandry

Lecture du 08 Février 1984

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 8ème Sous-Section


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 1981 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean Grandry, demeurant 18, avenue André à Vaucresson (Hauts-de-Seine), et tendant à ce que le Conseil d'Etat:

1°) réforme le jugement du 26 mars 1981, en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une réduction des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à l'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, au titre des années 1969, 1970, 1971 et 1972;

2°) lui accorde la décharge de l'imposition supplémentaire, concernant l'année 1969, et la réduction des autres impositions contestées;


Vu le code général des impôts;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1977;


Vu la loi du 30 décembre 1977;


Vu la loi du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984, notamment son article 93-II.

Considérant que M. Grandry, qui a été assujetti à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, au titre de l'année 1969, et à l'impôt sur le revenu, au titre des années 1970, 1971 et 1972, sur le fondement de l'article 168 du code général des impôts, demande la réformation du jugement susvisé du tribunal administratif de Paris, en tant que ledit jugement ne lui a pas accordé la décharge entière de la cotisation dont il a été déclaré redevable au titre de 1969 et n'a accordé qu'une réduction, selon lui insuffisante, des cotisations afférentes aux années 1970, 1971 et 1972; que, par la voie du recours incident, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, demande le rétablissement des bases d'imposition à raison desquelles M. Grandry a été initialement imposé, à concurrence de 77 700 F au titre de 1969, 74 700 F au titre de 1970, 74 200 F au titre de 1971 et 72 000 F au titre de 1972;

Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 1968 et 1968: "1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu des personnes physiques est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, des majorations prévues au 2, lorsque cette somme est supérieure à 15 000 F"; que, pour les années d'imposition suivantes, ce texte a été complété par l'article 69 de la loi du 21 décembre 1970, ultérieurement codifié au 2 bis de l'article 168, aux termes duquel: "La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barême et des majorations prévues aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers pour l'année de l'imposition et l'année précédente le montant du revenu net global déclaré"; qu'enfin, aux termes du 3 de l'article 168, applicable aux quatre années d'imposition litigieuses: "Les contribuables ne pourront faire échec à l'imposition résultant des dispositions qui précèdent en faisant valoir que leurs revenus imposables à l'impôt sur le revenu des personnes physiques (ou à l'impôt sur le revenu) seraient inférieurs aux bases d'imposition résultant du barème ci-dessus. Toutefois, lorsque la différence entre la base d'imposition forfaitaire résultant de l'application des dispositions qui précèdent et le revenu déclaré provient, en totalité ou en partie, du fait que le contribuable a disposé de revenus expressément exonérés de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (ou de l'impôt sur le revenu) par une disposition particulière, l'intéressé peut, à condition d'en apporter la preuve, obtenir que la base d'imposition forfaitaire soit diminuée du montant desdits revenus exonérés";

Considérant que, pour demander la décharge de l'imposition qui lui a été assignée au titre de l'année 1969, M. Grandry soutient que la disproportion marquée entre son train de vie et les revenus qu'il a déclarés n'aurait pas été constatée au cours de l'année précédente, ainsi que le prescrivent les dispositions précitées du 2-bis de l'article 168; que, toutefois, les dispositions invoquées, issues, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de l'article 69 de la loi du 21 décembre 1970, n'étant pas en vigueur en 1969, le moyen du requérant ne peut, en tout état de cause, être accueilli;

Considérant que, pour demander la réduction des impositions qui lui ont été assignées au titre des années 1970, 1971 et 1972 M. Grandry se prévaut des erreurs dont serait entachée, selon lui, la valeur locative attribuée par l'administration à son habitation principale et les valeurs retenues pour deux des véhicules dont il a disposé; que le ministre, par son recours incident, demande que les revenus de bons de caisse dont le requérant prétend avoir disposé ne soient pas regardés comme des revenus exonérés, au sens du 3 de l'article 168 du code;

Considérant, sur le premier point, que le requérant disposait d'un pavillon de 170 m2, entouré d'un jardin de 700 m2, sis dans un quartier résidentiel de Vaucresson (Hauts-de-Seine), et dont la valeur locative a fait l'objet d'une évaluation identique de 24 000 F pour chacune des années d'imposition en litige; qu'il est constant que, dans les estimations qu'il oppose à celle de l'administration, le requérant ne prend pas en compte l'existence dudit jardin et ne formule, par ailleurs, aucune critique des éléments de comparaison fournis par l'administration concernant plusieurs immeubles situés dans la même localité, et qui corroborent la valeur locative retenue;

Considérant, sur le deuxième point, que M. Grandry ne peut se prévaloir de l'inscription de deux véhicules, retenus par le service dans le calcul des bases d'imposition, au bilan de la société anonyme Meffray dont le contribuable était le président-directeur-général, pour déduire de ce seul fait que ces véhicules étaient utilisés à des fins exclusivement professionnelles, et ne pouvaient, par suite, pas être pris en compte pour la détermination de ses bases d'imposition; que, s'agissant du véhicule "Mehari", dont l'utilisation professionnelle à titre principal a été reconnue par l'administration, celle-ci était en droit de retenir comme valeur de cet élément de train de vie la moitié du prix, toutes taxes comprises, que le requérant aurait dû verser pour acquérir ledit véhicule, et non le prix hors taxe sur la valeur ajoutée qui figurait au bilan de la société anonyme Meffray; que si, s'agissant du véhicule "Peugeot", il est constant que la valeur retenue en 1972 a été surestimée de 372 F, cette erreur est sans incidence sur le montant de l'imposition, celle-ci, au titre de ladite année, ayant été fixée à 72.000 F, alors que l'administration aurait été en droit, en appliquant le barème aux éléments de train de vie retenus, de porter cette base à 73 726 F, après rectification de la valeur du véhicule "Peugeot";

Considérant, sur le troisième point, que, si le tribunal administratif a fait droit aux conclusions de M. Grandry, en tant qu'elles avaient pour objet, en application des dispositions précitées du 3 de l'article 168 du code général des impôts, de déduire des bases forfaitaires d'imposition litigieuses les intérêts perçus sur des bons de caisse, qui, soumis au prélèvement libératoire prévu à l'article 125 A du code, étaient libérés de l'impôt sur le revenu, l'attestation bancaire produite par le requérant mentionne le caractère anonyme de ces bons de caisse et ne permet pas, en tout état de cause, de regarder les intérêts y afferents comme des revenus perçus par le contribuable lui-même; qu'il y a lieu, dès lors, d'accueillir, sur ce point, les conclusions du recours incident du ministre et de réintégrer dans les bases d'imposition de chacune des années en litige, la déduction des intérêts susmentionnés, prononcée à tort par le tribunal administratif;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans que M. Grandry puisse utilement faire état des difficultés professionnelles qui, au cours des années dont s'agit auraient entraîné une diminution effective de ses revenus, ni solliciter une expertise qui serait en l'expèce frustratoire que les bases d'imposition du requérant, au titre de chacune des années d'imposition en litige doivent être rétablies aux mentants susmentionnés, initialement arrêtés par l'administration; qu'il y a lieu de réformer en conséquence le jugement attaqué du tribunal administratif de Paris.

DECIDE

Article 1er: M. Grandry est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu des personnes physiques à raison de droits correspondant à une base d'imposition de 77 700 F au titre de l'année 1969 et de l'impôt sur le revenu à raison de droits correspondant à une base d'imposition de 74 700 F au titre de l'année 1970, de 74 200 F au titre de l'année 1971 et de 72 000 F au titre de l'année 1972.

Article 2: Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 26 mars 1981, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3: La requête de M. Grandry est rejetée.

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