Jurisprudence : CE Avis, 22-05-1996, n° 176895

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 176895

M. LAUTARU

Lecture du 22 Mai 1996

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


(Section du contentieux, 10ème et 7ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 10ème sous-section, de la Section du Contentieux, Vu, enregistré le 16 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 4 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur la demande de M. Lucien LAUTARU tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 août 1995 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a ordonné sa reconduite à la frontière, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif de transmettre au Conseil d'Etat le dossier de cette demande, en soumettant à son examen la question suivante : "Pour déterminer la formation de jugement compétente pour connaître des conclusions dirigées contre un arrêté portant "reconduite d'office" à la frontière d'un étranger "signalé aux fins de non-admission", pris sur le fondement des dispositions de l'article 26 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, doit-on considérer, au regard des dispositions des articles 22-II et III et 22 bis de ladite ordonnance, que le législateur a entendu par l'article 26 bis expressément exclure la compétence, en la matière, du juge unique de la reconduite à la frontière et par là même priver les étrangers concernés du droit à un recours suspensif assorti de conditions de recevabilité dérogatoires du droit commun, alors même que l'étranger signalé n'aurait fait l'objet auparavant d'aucune mesure d'éloignement ou de toute autre mesure exécutoire prise par un Etat signataire de la convention de Schengen ?" ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son article 12 ;

Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes, - les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ; REND L'AVIS SUIVANT 1°) L'article 6 de la loi du 26 février 1992, qui, en vertu de l'article 10 de la même loi, est entré en vigueur en même temps que la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, laquelle a été publiée par décret du 21 mars 1995, dispose : L'article 26 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est complété par un second alinéa ainsi rédigé : "Lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la communauté économique européenne a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et qu'il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent décider qu'il sera d'office reconduit à la frontière.". Il résulte tant de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi, que de leur rapprochement avec les articles 22 et 22 bis de la même ordonnance que le législateur a entendu instituer une procédure de reconduite d'office à la frontière distincte de celle des arrêtés de reconduite à la frontière prévus à l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, et soumise à des règles de contrôle juridictionnel différentes. Alors que les arrêtés de reconduite à la frontière, qui ne sont exécutoires qu'à l'expiration d'un délai de 24 heures suivant leur notification, peuvent, en vertu de l'article 22 bis, faire l'objet, dans ce même délai, d'une demande d'annulation formée devant le président du tribunal administratif, qui a un effet suspensif et doit être jugée dans un délai de quarante-huit heures, les décisions de reconduite d'office à la frontière ne peuvent faire l'objet que d'une demande d'annulation devant le juge administratif de droit commun, statuant selon la procédure ordinaire, assortie, le cas échéant, d'une requête présentant des conclusions à fin de sursis à exécution. 2°) L'usage par le représentant de l'Etat de la procédure de reconduite d'office à la frontière est légalement subordonné à l'existence d'un signalement de l'étranger concerné, aux fins de non-admission, en vertu d'une décision exécutoire émanant d'un autre Etat partie à la convention de Schengen. Dans l'hypothèse où le représentant de l'Etat aurait prononcé une décision de reconduite d'office à la frontière en l'absence d'un signalement aux fins de nonadmission intervenu en vertu d'une décision exécutoire, il ne s'ensuivrait pas que le juge administratif de droit commun cesserait d'être compétent pour statuer sur le recours formé contre cette décision ; il lui appartiendrait seulement, dans l'exercice de son contrôle sur la légalité de ladite décision, de tirer les conséquences de cette situation. Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Lille, à M. Lucien LAUTARU, au préfet du Pas-de-Calais, au Garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'intérieur. Il sera publié au Journal Officiel de la République Française.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.