Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 01-12-2022, n° 21/13222, Infirmation partielle

CA Aix-en-Provence, 01-12-2022, n° 21/13222, Infirmation partielle

A16158YH

Référence

CA Aix-en-Provence, 01-12-2022, n° 21/13222, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90579260-ca-aixenprovence-01122022-n-2113222-infirmation-partielle
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2


ARRÊT

DU 01 DECEMBRE 2022


N°2022/806


Rôle N° RG 21/13222 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BICW4


S.A.S.U.AAA


C/


[J] [R] épouse [D]

[H] [D]

S.C.I. DE OUDE EIK


Copie exécutoire délivrée le :

à :


Me Romain CHERFILS


Me Olivier AVRAMO


Décision déférée à la Cour :


Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 01 septembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/05281.



APPELANTE


S.A.S.U. STR

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 9]


représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Philippe BARTHELEMY de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant


INTIMES


Madame [Aa] [R] épouse [D]

Née le [Date naissance 4] 1972 à [Localité …] (…), … [… …]


Monsieur [H] [D]

Né le [Date naissance 3] 1957 à [… …] (…), … [… …]


…. DE OUDE EIK

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]


représentés par Me Olivier AVRAMO, avocat au barreau de TOULON, plaidant


*-*-*-*-*



COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 25 octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Catherine OUVREL, Conseillère, et Mme Angélique NETO, Conseillère, chargées du rapport.


Mme Catherine OUVREL, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère


Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 décembre 2022.


ARRÊT


Contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 décembre 2022.


Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSÉ DU LITIGE


Monsieur [H] [D] est associé et co-gérant de la SCI De Oude Eik, constituée pour les besoins de l'acquisition en 1999 d'un bien, cadastré AI[Cadastre 6], situé [Adresse 2] à [Localité 10], en zone Nh du PLU et classée Natura 2000, à proximité de la plage de Pampelonne. Il occupe ce bien avec son épouse, madame [Aa] [R] épouse [D].


Depuis le début de l'été 2021, les parcelles voisines, cadastrées AI[Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 5], sont exploitées par la SASU STR qui exerce une activité de restauration, bar, piscine avec animation par un disc jockey et club pour enfants, sous l'enseigne 'Gigi'.


Soutenant que cet établissement était source de nuisances sonores quotidiennes, de 12 heures à 20 heures, en raison du niveau élevé de la musique, madame [Aa] [R] épouse [D] et monsieur [H] [D] ont requis un huissier de justice qui a dressé un constat les 18, 20, 22, 24 juillet et 6 août 2021 : un niveau entre 58 et 84 décibels était relevé.


Invoquant la violation des dispositions du code de la santé publique et un trouble manifestement illicite, la SCI De Oude Eik, madame [Aa] [R] épouse [D] et monsieur [H] [D] ont saisi le juge des référés.



Par ordonnance en date du 1er septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :


rejeté les exceptions d'incompétence des juridictions civiles et des référés,

ordonné à la SASU STR de cesser sans délai toute diffusion de musique, quel qu'en soit le moyen, au sein de l'établissement 'Gigi', situé [Adresse 1] à [Localité 10], au delà des limites prévues par les articles R 1336-6 à R 1336-8 du code de la santé publique🏛🏛, et ce, sous astreinte de 5 000 € par infraction à la présente ordonnance, constatée dans des conditions conformes à l'arrêté du 5 octobre 2006 modifié relatif aux modalités de mesurage des bruits du voisinage, et, au moyen d'appareils répondant aux exigences de l'arrêté du 27 octobre 1989 relatif à la construction et au contrôle des sonomètres,

condamné la SASU STR à verser à la SCI De Oude Eik, madame [Aa] [R] épouse [D] et monsieur [H] [D] la somme provisionnelle de 2 000 € au titre du préjudice de jouissance,

condamné la SASU STR à verser à la SCI De Oude Eik, madame [Aa] [R] épouse [D] et monsieur [H] [D] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 outre les dépens,

ordonné l'exécution de l'ordonnance au seul vu de la minute,

débouté les parties de leurs autres demandes.



Selon déclaration reçue au greffe le 14 septembre 2021, la SASU STR a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes les dispositions de l'ordonnance déférée dûment reprises.


Par dernières conclusions transmises le 12 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SASU STR demande à la cour de :


réformer et mettre à néant la décision entreprise,


In limine litis :


se déclarer incompétente et juger que seul le tribunal de police est compétent s'agissant potentiellement de contraventions de 5ème classe à les supposer avérées,

se déclarer incompétente eu égard aux difficultés sérieuses tendant à l'application des articles R 1336-1 à 1336-7 du code de la santé publique🏛🏛,


Au fond :


dire que les intimés ne sauraient globaliser sur l'établissement 'Gigi' le bruit émis par la plage de [Localité 14] en elle-même,

dire nuls les constats établis par maître [Z], ce dernier n'étant pas en possession du matériel technique homologué et n'ayant pas procédé aux mesures du bruit résiduel tel que prévu et n'ayant pu ainsi mesurer l'émergence globale de ce bruit, maître [Z] n'étant pas habilité pour effectuer de telles mesures, et les experts reconnaissant n'avoir pu le faire,

dire la cour incompétente dans la mesure où les textes du code de la santé publique renvoient à des sanctions pénales relatives aux contraventions de 5ème classe alors qu'aucune contravention n'a été dressée et qu'il est indirectement demandé d'établir par le biais d'une astreinte de 10 000 € par jour,

rejeter la demande d'astreinte par infraction constatée, aucune personne habilitée visée ne pouvant constater les dites infractions,

déclarer irrecevable la demande nouvelle de condamnation au paiement d'une somme de 15 000 € sollicitée par les intimés, en application de l'article 564 du code de procédure civile🏛,


En tout état de cause :


débouter la SCI De Oude Eik, madame [Aa] [R] épouse [D] et monsieur [H] [D] de toutes leurs demandes,

condamner la SCI De Oude Eik, madame [Aa] [R] épouse [D] et monsieur [H] [D] à lui régler la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 outre les dépens avec distraction.


La SASU STR fait valoir la situation des lieux et la proximité de la villa des intimés, non seulement de son établissement, mais encore d'autres établissements pouvant occasionner du bruit (Nikki Beach [Localité 15], Verde Beach, La réserve à la plage), du chemin d'accès principal à la plage de [Localité 13] qui reçoit 30 000 personnes par jour, et de la présence d'un parking jouxtant leur propriété. Elle se défend donc de ce que l'établissement 'Gigi' soit le réceptacle de tous les bruits d'ambiance créés sur cette plage, notoirement connue et très fréquentée. Elle fait valoir au contraire que son établissement est loué pour son calme et sa sérénité.


In limine litis, la SASU STR invoque l'incompétence de la cour au profit du tribunal de police s'agissant de sanctionner une contravention de 5ème classe, à la supposer constituée. Faute de contrôle par des agents assermentés, à l'aide des appareils homologués à cette fin, conformément à l'article L 571-18 du code de l'environnement🏛, ce que n'est pas maître [Z], huissier de justice, et mesures auxquelles il n'a pu valablement procédé, elle estime ses procès-verbaux nuls. Elle ajoute que dans ces procès-verbaux, l'huissier a nécessairement procédé par amalgame avec les bruits environnants, générés pas les autres établissements de plage situés à proximité. Elle fait valoir que le constat de l'huissier de justice ne respecte pas les formes imposées par les articles R 1336-6 et R 1336-7 du code de la santé publique🏛🏛, ne faisant pas état de l'émergence global et des valeurs résiduelles. Elle dénie donc toute force probante aux constats de l'huissier de justice.


S'agissant de l'appréciation du trouble anormal du voisinage, la SASU STR fait valoir qu'elle relève des seuls pouvoirs du juge du fond. Elle soutient que l'interdiction qui lui a été faite par le premier juge est impossible faute de désignation d'une personne habilitée pour constater une éventuelle infraction. La SASU STR met en avant des contradictions dans l'ordonnance entreprise qui a rejeté les exceptions d'incompétence par elle soulevées, a reconnu une certaine valeur probante aux constats d'huissier de justice pourtant imprécis, non réalisés avec des sonomètres homologués et n'identifiant pas les émergences globales et résiduelles imputables à l'établissement 'Gigi' seulement, mais, lui a par ailleurs, fait interdiction de diffuser de la musique prévoyant un constat de ces infractions par référence aux normes non respectées pour en établir la réalité.

La SASU STR soutient que les deux rapports d'expertise [I] et [O] sont inexploitables comme étant non contradictoires, vagues et imprécis, dépourvus de toute mesure du bruit résiduel alors que de nombreuses autres sources de nuisances sonores ont été identifiées (hélicoptères, autres restaurants et bar, passage des véhicules, etc) et qu'aucune mesure a été réalisée sur 24 heures, donc en dehors du temps de diffusion de la musique par l'établissement 'Gigi'.


Par ailleurs, la SASU STR s'oppose à la demande de provision, la considérant d'abord irrecevable comme étant nouvelle en appel, et soutenant qu'elle est infondée.


Par dernières conclusions transmises le 30 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI De Oude Eik, madame [Aa] [R] épouse [D], et monsieur [H] [D] sollicitent de la cour qu'elle :


les reçoive en leur appel incident,

réforme l'ordonnance du 1er septembre 2021 sur le montant de l'astreinte fixée et limitée à 5 000 € par infraction constatée,

ordonne à la SASU STR de cesser sans délai toute diffusion de musique, que qu'en soit le moyen, au sein de l'établissement 'Gigi', situé [Adresse 1] à [Localité 10], au delà des limites prévues par les articles R 1336-6 à R 1336-8 du code de la santé publique🏛🏛, et ce, sous astreinte de 100 000 € par infraction à la présente ordonnance, constatée dans des conditions conformes à l'arrêté du 5 octobre 2006 modifié relatif aux modalités de mesurage des bruits du voisinage, et, au moyen d'appareils répondant aux exigences de l'arrêté du 27 octobre 1989 relatif à la construction et au contrôle des sonomètres,

confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus sauf à ajuster le montant de la provision accordée au titre du préjudice de jouissance,


Y ajoutant :


condamne par provision la SASU STR à leur payer la somme de 15 000 € à valoir sur la réparation du préjudice de jouissance à intervenir, au vu de la persistance du trouble à la suite de l'ordonnance rendue le 1er septembre 2021,

condamne la SASU STR à leur payer la somme de 12 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 outre les dépens avec distraction.


Les intimés contestent toute exception d'incompétence, faisant valoir que l'existence d'une infraction prévue et réprimée par le code de la santé publique ne les prive en rien d'agir devant le juge civil des référés, sur la notion de trouble anormal du voisinage. De même, ils estiment que le juge des référés est parfaitement compétent pour se prononcer dans ce cadre au titre d'un potentiel trouble manifestement illicite.


Les intimés invoquent un trouble anormal du voisinage à raison du bruit impulsionnel, répétitif et permanent généré par l'établissement 'Gigi' exploité par l'appelant, alors qu'eux-mêmes se sont installés antérieurement. Ils soulignent que la conformité d'une construction aux règles du droit de l'urbanise n'a jamais fait obstacle à la reconnaissance d'un trouble anormal du voisinage, de sorte que le fait que la SASU STR ait reçu les autorisations idoines, n'empêche pas la constitution d'un trouble manifestement illicite. Ils ajoutent n'avoir pas eu à se plaindre au préalable, depuis leur acquisition en 1999, malgré la présence d'autres restaurants de plage à proximité. Ils dénoncent une diffusion de musique forte et permanente depuis l'ouverture de l'établissement à l'été 2021, outre le vacarme généré par le club enfants des hôtes du restaurant. Ils s'appuient à ce titre sur les articles R 1336-1 et suivants du code de la santé publique🏛. Ils soutiennent que le procès-verbal d'huissier de justice est parfaitement valable quant aux constatations réalisées, quand bien même ce dernier n'a effectivement pas le pouvoir de dresser un procès-verbal d'infraction. En tout état de cause, ils indiquent avoir fait procéder, avec leur voisin, à une expertise confiée à monsieur [Ab] et à monsieur [Ac], tous deux experts ; celle-ci a révélé une émergence globale et une émergence spectrale nettement supérieur aux limites réglementaires, le bruit provenant directement de l'établissement 'Gigi', seul établissement alors ouvert.

Les intimés se plaignent également d'un trouble anormal du voisinage à raison du trafic routier induit par la fréquentation de l'établissement sur un chemin ne comportant qu'une voie de circulation et constituant une impasse.


Aussi, les intimés sollicitent qu'il soit mis un terme à leur trouble manifestement illicite et demandent l'augmentation du montant de l'astreinte, eu égard au chiffre d'affaire de l'établissement, afin qu'elle soit réellement comminatoire.


Sur la provision, les intimés soutiennent que le trouble sonore est incontestable et qu'il leur cause un grave préjudice de jouissance qui s'est accru depuis l'ordonnance dans la mesure où la SASU STR n'a pas exécuté celle-ci.


L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 11 octobre 2022.


MOTIFS DE LA DÉCISION


La cour d'appel précise, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations', de 'prise d'acte' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.


Sur les exceptions d'incompétence


Au profit du tribunal de police


En vertu de l'article L 1336-1 du code de la santé publique🏛, les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l'audition du public et la santé des riverains. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.


Par application des articles R 1336-1 et R 1336-2 du même code🏛🏛, les conditions de diffusion d'une musique amplifiée sont définies, et, les contrôles de l'application des dispositions de l'article R 1336-1 et de l'arrêté pris pour son application sont réalisés par les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L 571-18 du code de l'environnement🏛.


Il n'est pas contesté que les manquements à de telles mesures relèvent du pouvoir de police exercé par l'Etat et certaines collectivités territoriales, les agents assermentés en vue de la recherche et de la constatation des infractions aux dispositions de lutte contre le bruit étant seuls aptes à les constater. Ces manquements constituent potentiellement des contraventions de 5ème classe dont le contentieux ressort du tribunal de police.


Toutefois, les intimés, riverains de l'établissement dénoncé comme diffusant une musique à un niveau élevé, ne recherchent pas ici la sanction d'une telle infraction, mais dénoncent les troubles qui leur seraient ainsi causés, recherchant la responsabilité de cet établissement, au plan civil. Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a écarté l'exception d'incompétence soulevée. L'ordonnance entreprise sera confirmée à ce titre.


Sur l'incompétence du juge des référés


La SASU STR soulève l'incompétence du juge des référés soutenant que seul le juge du fond est compétent pour apprécier les prétentions de madame [Aa] [R] épouse [D], monsieur [H] [D] et la SCI De Oude Eik, au titre d'un trouble anormal du voisinage.


Or, les intimés ont agi sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile🏛 en vue de dénoncer un potentiel trouble manifestement illicite.


D'une part, le moyen soulevé par la SASU STR ne caractérise pas une exception d'incompétence, mais ressort de la détermination de l'ampleur des pouvoirs du juge des référés. D'autre part, sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile🏛, il ressort effectivement des pouvoirs du juge des référés de déterminer l'existence, ou non, du caractère manifeste d'un trouble anormal du voisinage résultant des nuisances sonores reprochées à la SASU STR à raison de son activité. Là encore, c'est à juste titre que le premier juge a écarté toute incompétence et l'ordonnance entreprise sera confirmée.


Sur la validité des constats d'huissier de justice


La SASU STR conteste la validité des procès-verbaux de constat dressé par maître [Z], huissier de justice, tant à raison du matériel technique employé que du fait du défaut d'habilitation de cet auxiliaire de justice.


En effet, ainsi que rappelé ci-dessus, le constat des infractions pénales prévues et réprimées par le code de la santé publique est attribué aux agents de l'Etat et des collectivités territoriales commissionnés et assermentés en vertu du décret 95-409 du 18 avril 1995. Tel n'est pas le cas de l'huissier de justice ici concerné, mais tel n'a pas été non plus l'objet de son mandat.


Il n'est pas ici question de déterminer l'existence d'une infraction pénale ou non, ce qui excéderait les pouvoirs de la présente juridiction. Pour autant, la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite peut être rapportée par tous moyens, dont un tel procès-verbal de constat.


Un tel acte, réalisé à la demande d'une ou plusieurs parties, fait foi jusqu'à preuve du contraire en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945🏛 relative aux statuts des huissiers de justice, au titre des constatations réalisées par cet officier ministériel. Le champ des constatations concernées n'est pas délimité. Ce procès-verbal de constat ne peut en revanche valoir au-delà de ce qu'il constate, et ne vaut notamment pas procès-verbal d'infraction au sens des dispositions sus-visées. Il ne vaut pas non plus expertise acoustique. La qualité de l'appareil de mesure employé pour relever les bruits environnants et la méthode employée par l'huissier de justice ne peut être celle d'un expert ; elles sont discutables au même titre qu'un autre élément de preuve de même valeur. La validité du procès-verbal de constat n'est pas conditionnée par le respect des formes des articles R 1336-6 et R 1336-7 du code de la santé publique🏛🏛.


Dans ces conditions, les procès-verbaux de constat de maître [Z] sont des éléments de preuve valables et recevables devant la présente juridiction, sans qu'il leur soit conféré une valeur plus importante que celle qu'ils ont. Aucune nullité de ces procès-verbaux ne peut être valablement retenue, ce qu'a justement jugé le premier juge.


Sur la demande de cessation de toute diffusion de musique


Par application de l'article 835 du code de procédure civile🏛, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.


Le trouble manifestement illicite se caractérise par toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. En outre, aucune condition d'urgence ou d'absence de contestation sérieuse n'est requise pour l'application de l'article susvisé.


L'illicéité du fait ou de l'action critiquée peut résulter d'une règle de droit mais aussi d'un simple usage. Elle doit être évidente.


Si la condition de l'absence de contestation sérieuse du droit invoqué n'est pas requise par l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile🏛. Pour autant, une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.


Il est de principe que 'nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage', un tel trouble étant susceptible de constituer un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile🏛. Ainsi, le juge des référés a le pouvoir de constater son existence dès lors que la preuve en est faite avec l'évidence requise.


Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit en toute hypothèse rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s'exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle). L'anormalité du trouble de voisinage s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut.


Le décret du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage a inséré dans le code de la santé publique un certain nombre de dispositions destinées à lutter contre le bruit qui ont été depuis modifiées par le décret du 7 août 2017.


Ainsi, en application de l'article L 1336-1 du code de la santé publique🏛, les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l'audition du public et la santé des riverains. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.


L'article R 1336-5 du même code dispose, de manière générale, qu'aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.


En outre, l'article R 1336-4 du même code🏛 renvoie en son dernier alinéa aux articles R 571-25 et suivants du code de l'environnement🏛, s'agissant des prescriptions applicables en matière de lutte contre le bruit aux lieux ouverts au public ou recevant du public accueillant des activités de diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés.


L'article R 571-25 du code de l'environnement🏛 dispose que, sans préjudice de l'application de l'article R 1336-1 du code de la santé publique🏛, l'exploitant du lieu, le producteur, le diffuseur qui dans le cadre d'un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, le responsable légal d'une activité se déroulant dans un lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, et impliquant la diffusion de sons amplifiés est tenu de respecter les prescriptions générales de fonctionnement définies dans la présente sous section.


En vertu de l'article R 571-26 du code de l'environnement🏛, les bruits générés par les activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public ne peuvent par leur durée, leur répétition ou leur intensité porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.


L'article R 1336-5 du code de la santé publique🏛 prévoit qu'aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité. L'article suivant dispose que si le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Lorsque le bruit mentionné à l'alinéa précédent, perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l'atteinte est également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit, définie à l'article R 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Toutefois, l'émergence globale et, le cas échéant, l'émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l'intérieur des pièces principales d'un logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas.


En vertu de l'article R 1336-7 du code de la santé publique🏛, l'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause.


En l'occurrence, madame [Aa] [R] épouse [D] et monsieur [H] [D] se plaignent, tout comme leur voisin, monsieur [E] [Y], principalement des nuisances sonores générées tant par la diffusion de musique amplifiée, que par les bruits émanant du club enfant de l'établissement 'Gigi', exploité par la SASU STR, depuis l'été 2021, sur la parcelle voisine, dont l'entrée se situe en face de la leur, chemin des barraques à [Localité 14].


La présence d'autres établissements festifs et restaurants de plage à proximité de la parcelle des intimés, aux abords de la plage de [Localité 13] à [Localité 14], pour certains depuis des années, n'est pas contesté, ni contestable, étant observé que les intimés sont propriétaires de leur bien depuis 1999, donc bien avant la transformation par la SASU STR de la villa H, uniquement à destination d'habitation, en établissement comprenant un restaurant de 240 couverts, un bar, une piscine avec animation par un disc-jockey et un club pour enfants dénommé 'le Gigi Circus', se présentant comme l'un des nouveaux endroits en vogue dans le golfe de [Localité 15].


Pour autant, ce n'est qu'à compter de l'installation de l'établissement 'Gigi' que les intimés se sont plaints des nuisances générées par le bruit et par le trafic routier induit, étant observé que celui-ci se situe à 150 mètres de chez eux, les autres établissements diffusant de la musique se situant plus loin, derrière la SASU STR, et les exposant moins directement au bruit. En effet, il est justifié de la gronde de riverains dans la presse et d'un dépôt de plainte de la part des intimés.


La conformité de la construction des installations par la SASU STR avec les règles de l'urbanisme ainsi que le fait que l'appelante ait obtenu les autorisations idoines d'exploitation ne font aucunement obstacle à la reconnaissance d'un trouble manifestement illicite au détriment des voisins.


Or, les intimés justifient avoir alerté le maire de [Localité 14] ainsi que le préfet du Var à raison des nuisances dénoncées. Il est également justifié de ce que, dans le cadre de pouvoir de police administrative du maire, un procès-verbal n°2021-051, du 20 juillet 2021 à 17 heures 15, a été dressé par des agents de police municipale, transmis au préfet, à raison des nuisances sonores générées par l'établissement 'Gigi'.


Aux termes du procès-verbal de constat réalisé par maître [Z], huissier de justice, entre les 18 et 24 juillet 2021, sont relevés, dans la zone résidentielle et d'habitations où se situe la parcelle des intimés, des nuisances sonores, des allées et venues et un trafic induit sur le chemin des barraques non conforme avec l'exiguïté des lieux. L'huissier de justice a procédé à des mesures à l'aide d'un sonomètre. Certes, ces constatations ne valent ni procès-verbal d'infraction conforme aux dispositions sus-visées du code de la santé publique et du code de l'environnement, ni expertise acoustique. Néanmoins, elles sont un moyen de preuve recevable dans les limites des mesures effectuées. Ainsi, le 19 juillet 2021 à 19 heures, l'huissier de justice relève un niveau de son élevé, sur la terrasse des époux [D] (71,5dB) à raison de la forte ambiance musicale émanant de la SASU STR. Le 20 juillet 2021 à 17 h 30, l'huissier de justice mesure entre 57,3 dB et 84,5 dB au même endroit. A 7 heures 50 et 10 heures le 21 juillet 2021, l'huissier constate le grand bruit et les embouteillages induits par les camions de livraison de l'établissement appelant. Le 22 juillet 2021 à 17 heures 50, l'huissier de justice constate une musique en provenance de 'Gigi', très forte chez les époux intimés, relevant des décibels entre 58,8 et 78,9. Lors d'un autre procès-verbal de constat réalisé le 6 août 2021, maître [Z] relate une émanation musicale forte au niveau du portail des intimés, face à l'entrée de l'établissement 'Gigi', mesurée entre 77,2 dB et 78,9 dB, faisant état d'un niveau sonore très élevé.


Les époux [D] et leur voisin ont sollicité une expertise amiable, non contradictoire, de mesure acoustique de la part de monsieur [U] [I], par ailleurs expert près la cour d'appel, qui, dans un rapport du 6 septembre 2021, mais à raison de mesures réalisées le 26 août 2021, a procédé à différentes mesures, en des lieux distincts, avec des appareils dont l'homologation ne peut être contestée. Monsieur [Ab] indique ainsi que la diffusion de musique amplifiée dans l'après-midi s'est avérée particulièrement bruyante, ainsi que l'activité du club 'Gigi Circus' avec jeux d'enfants, animateurs, cris tout au long de l'après-midi. Monsieur [I] a constaté le bruit des clients et des véhicules accru en fin de journée. Concernant le mesurage du bruit, monsieur [I] s'est positionné au domicile des époux [D] et chez monsieur [E] [Y] entre 13 heures et 20 heures. Il indique que c'est bien l'activité de l'établissement 'Gigi' qui a pu être identifié, compte tenu du type d'activité de celui-ci, notamment les jeux d'enfants, le type de musique diffusée et l'horaire de fermeture, à la différence des autres établissements potentiellement bruyants situés à proximité. Pour autant, monsieur [I] indique tenir compte d'une possible augmentation du bruit ambiant à raison des autres établissements, des passages répétés d'hélicoptères, et à raison du vent, ce dont il déduit une minimisation du bruit perçu en provenance de 'Gigi'. Monsieur [I] indique avoir isolé ce bruit résiduel sur les périodes entre 13 heures et 15 heures, et au delà de 19 heures, correspondant à une activité musicale modérée au sein de l'établissement 'Gigi'. Ainsi, chez les époux [D], monsieur [U] [I] conclut à 'une émergence du bruit comprise entre 8 et 10 dB(A), soit nettement supérieure à l'émergence maximales réglementaire de 6 dB(A)', compte tenu de la durée cumulée d'activité comprise entre 4 et 8 heures par jour. Il ajoute que 'l'émergence spectrale est comprise entre 7 et 10 dB dans différentes bandes de fréquences ; elle est nettement supérieure aux limites réglementaires'. Ainsi, monsieur [I] définit le bruit perçu tant chez les époux [D], que chez monsieur [E] [Y], comme étant 'important et particulièrement gênant, sans véritable moment de répit entre 13 et 20 heures'. Il conclut au fait que les émergences globale et spectrale mesurées sont supérieures, voire nettement supérieures aux valeurs réglementaires maximales en matière de bruit de voisinage. Les mesures de décibels réalisées par monsieur [I] sont concordantes avec celles relevées par l'huissier de justice, maître [Z], dans ses procès-verbaux de constat.


Ces éléments objectifs, répétés, précis et concordants ne peuvent être utilement combattus par des articles de presse vantant les mérites du calme et de l'ambiance 'havre de paix' de la villa 'alla grande' et de l'établissement 'Gigi' dans son ensemble, ces derniers étant des indications publicitaires ponctuelles. De même, force est de constater que la pose d'un limitateur dans la chaîne d'amplifications de la sonorisation de l'établissement, dont il est justifié le 11 août 2021, n'est pas suffisante.


En définitive, la démonstration d'une diffusion de musique amplifiée par la SASU STR, continue entre 13 heures et 20 heures, chaque jour, de juin à septembre, avec une plus forte activité entre 15 heures et 19 heures, est démontrée, tout comme il est établi que le bruit généré excède les niveaux réglementaires admis dans ce type de circonstances, tant en termes d'intensité, que de durée et de fréquence. De même, les nuisances générées par l'activité du club pour enfants sont établies comme constituant une source sonore, régulière, continue, très élevée et très gênante.


Il résulte de ce qui précède que les pièces versées au dossier suffisent à démontrer, avec l'évidence requise en référé, l'existence d'un trouble né et actuel au jour du prononcé de l'ordonnance critiquée, trouble consistant en des nuisances sonores importantes, contrevenant aux dispositions légales et réglementaires sus-mentionnées et excédant les inconvénients normaux de voisinage, causant un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.


Il est en outre manifeste que le trouble ainsi caractérisé persiste au jour du présent arrêt en dépit de la décision rendue. En effet, un deuxième procès-verbal d'infraction a été dressé par les agents municipaux assermentés le 18 septembre 2021 à 17 heures 40. Selon procès-verbal de constat de maître [Z] des 5 et 7 septembre 2021, il appert que des mesures de décibels comprises entre 54,9 dB et 83,5 dB ont été enregistrées en plein après-midi. L'huissier de justice a également pu constater l'émission d'une diffusion musicale en provenance de l'établissement 'Gigi' en continu. De plus, le 11 septembre 2021, l'huissier de justice accompagné d'un expert acousticien, monsieur [V] [O], a mis en évidence la prise de mesures acoustiques en trois lieux, entre 13 heures et 19 heures 30, au domicile des intimés. Ce dernier indique prendre en compte un niveau sonore résiduel à partir des périodes de diffusion sonore moins intense par l'établissement 'Gigi', en retenant à ce titre les mesures avant 14 heures 20 et après 19 heures 15, correspondant à une moindre activité de l'établissement concerné, dans la mesure où la diffusion musicale ne pouvant être totalement coupée, aucune mesure du bruit résiduel sans celle-ci n'est possible. Dès lors, contrairement à ce qu'affirme la SASU STR, les experts intervenus, certes non contradictoirement, tant monsieur [I] que monsieur [Ac], se sont attachés à retenir une valeur sonore résiduelle pour comparer avec les émergences globales et spectrales. Ils en déduisent tous deux que leurs mesures en période intense conduisent à des valeurs, a minima, nécessairement moindre que celles qui pourraient être retenues en comparaison avec un bruit résiduel, hors toute musique (minoration de plus ou moins 2 dB). Monsieur [O] déduit de ces mesures que 'pour 6 des 7 essais l'activité musicale provenant du restaurant du 'Gigi' ne respecte pas les articles R 1336-6 et suivants tant en termes d'émergences globales qu'en termes d'émergences spectrales dans les bandes octaves'. Monsieur [O] ajoute que les bruits constatés proviennent bien de l'établissement incriminé, les autres restaurants de plage susceptibles d'être bruyant étant fermés ce jour-là.


Au vu de l'ensemble de ces éléments, il appert donc que le trouble manifestement illicite est constitué et que l'ordonnance entreprise doit être confirmée sur ce point.


S'agissant de la mesure ordonnée afin de faire cesser le trouble, le juge doit veiller à ce qu'elle demeure proportionnée aux intérêts en présence.


Or, le premier juge a justement ordonné, non pas la cessation de toute diffusion de musique par l'établissement 'Gigi' exploité par la SASU STR, mais la cession de toute musique excédant les normes fixées aux articles R 1336-6 à R 1336-8 du code de la santé publique🏛🏛 comme fixant la limite de ce qui peut être considéré comme des inconvénients normaux de voisinage. De plus, si aucune personne n'est précisément définie pour constater les éventuelles infractions, force est de constater que le premier juge a justement fixé les conditions dans lesquelles ces infractions doivent être établies, par référence à l'arrêté du 5 octobre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits du voisinage qui définit la norme de référence. Aussi, la condamnation prononcée apparaît adaptée et exécutable ; elle doit être confirmée.


En revanche, le montant de l'astreinte prévu par le premier juge est manifestement insuffisant dès lors que cette mesure de coercition qui a pour but de permettre l'exécution de l'obligation posée n'a pas permis le respect de celle-ci, au vu de la persistance évidente du trouble manifestement illicite. En l'état des intérêts financiers concernés, tant du côté de la SASU STR que du côté des intimés, propriétaires individuels, et en vue de permettre une réelle exécution de la mesure, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise quant au montant de l'astreinte fixée désormais à 70 000 € par infraction constatée.


Sur la demande de provision


Par application de l'article 835 du code de procédure civile🏛, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.


Il convient de rappeler qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, qui n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.


Sur la recevabilité de la demande


Par application de l'article 564 du code de procédure civile🏛, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.


En vertu de l'article 566 du code de procédure civile🏛, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'occurrence, les intimés sollicitent l'augmentation du montant de leur provision au titre de la réparation de leur préjudice de jouissance, allouée à hauteur de 2 000 € en première instance. Il s'agit ici d'une demande d'appel incident, mais aucunement d'une demande nouvelle soumise à la cour, la prétention tendant à une indemnisation provisoire des préjudices subis par les époux [D] étant déjà déférée au premier juge.


Cette demande est donc recevable.


Sur le bien fondé


En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil🏛, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.


Le trouble sonore avéré au domicile des époux [D], continu et répété chaque après-midi sur la période de juin à septembre, au cours des étés 2021 et 2022, a indéniablement généré pour eux un trouble de jouissance, altérant leur santé et leur quiétude, et les empêchant de jouir normalement de leur bien. Leur préjudice est donc établi sans contestation sérieuse.


Compte tenu de la persistance du trouble au delà de la décision entreprise, la provision accordée en première instance en indemnisation de leur préjudice doit être augmentée et fixée à 4 000 €.


Sur l'article 700 du code de procédure civile🏛 et les dépens


La SASU STR qui succombe au litige sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de madame [Aa] [R] épouse [D], monsieur [H] [D] et la SCI De Oude Eik les frais, non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés pour leur défense.

L'indemnité qui leur a été allouée à ce titre en première instance sera confirmée et il convient de leur allouer une indemnité complémentaire de 4 000 euros en cause d'appel.


L'appelante supportera en outre les dépens de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fixé le montant de l'astreinte assortissant la condamnation prononcée à la somme de 5 000 € et en ce qu'elle a alloué à madame [Aa] [R] épouse [D], monsieur [H] [D] et et la SCI De Oude Eik une provision de 2 000 € à valoir sur leur préjudice de jouissance,


Confirme l'ordonnance entreprise en ses autres dispositions,


Statuant à nouveau et y ajoutant :


Dit que l'astreinte assortissant la condamnation de la SASU STR à faire cesser toute diffusion de musique, telle que précisée par le premier juge, est fixée à 70 000 euros par infraction constatée dans les formes définies par le premier juge,


Déclare recevable la demande de provision présentée par les intimés,


Condamne la SASU STR à verser à madame [Aa] [R] épouse [D], monsieur [H] [D] et la SCI De Oude Eik la somme provisionnelle globale de 4 000 € à valoir sur la réparation de leur préjudice de jouissance,


Condamne la SASU STR à payer à madame [Aa] [R] épouse [D], monsieur [H] [D] et la SCI De Oude Eik la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


Déboute la SASU STR de sa demande sur ce même fondement,


Condamne la SASU STR au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


La Greffière Le Président

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