Jurisprudence : CE Contentieux, 09-12-2022, n° 451500, publié au recueil Lebon

CE Contentieux, 09-12-2022, n° 451500, publié au recueil Lebon

A11868YL

Référence

CE Contentieux, 09-12-2022, n° 451500, publié au recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90569367-ce-contentieux-09122022-n-451500-publie-au-recueil-lebon
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Abstract

01-09-01-02-01 1) En cas d’annulation, par une décision du juge d’appel, du jugement ayant prononcé l’annulation de la décision portant révocation d’un agent public, et sous réserve que les motifs de cette décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision de révocation, l’autorité compétente ne peut retirer la décision de réintégration prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l’administration de la décision rendue en appel. ...2) Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l’arrêt ayant confirmé la révocation de l’agent, l’autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision de réintégration, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision qui, après cassation, confirme en appel l’annulation du premier jugement. Dans tous les cas, elle doit, avant de procéder au retrait, inviter l’agent à présenter ses observations.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 451500

Séance du 18 novembre 2022

Lecture du 09 décembre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, Section du Contentieux)


Vu la procédure suivante :

M. B A a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil de suspendre l'exécution de l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel le département de la Seine-Saint-Denis a retiré la décision du 8 septembre 2017 qui avait suspendu, à compter du 13 juillet 2017, l'exécution de la décision du 26 avril 2017 prononçant sa révocation et l'avait réintégré provisoirement dans ses fonctions. Par une ordonnance n° 2102787 du 25 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, a suspendu l'exécution de la décision du 19 janvier 2021 et a enjoint au département de la Seine-Saint-Denis de réintégrer M. A jusqu'à ce qu'il soit statué au fond.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 19 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Seine-Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984🏛 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat du département de la Seine-Saint-Denis, et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B A ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil que M. A, adjoint administratif de seconde classe au sein du département de la Seine-Saint-Denis depuis 2012, a été titularisé dans le corps des adjoints administratifs territoriaux à compter du 1er septembre 2013. Par une décision du 26 avril 2017, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a infligé à M. A la sanction disciplinaire de révocation à compter du 15 mai 2017. L'exécution de cette sanction a d'abord été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 13 juillet 2017, qui a ordonné la réintégration provisoire de l'intéressé, puis la sanction a été annulée par un jugement du 22 janvier 2018, lequel a ordonné la réintégration de l'intéressé à compter du 15 mai 2017. Toutefois, le département de la Seine-Saint-Denis a fait appel de ce jugement et la cour administrative d'appel de Versailles l'a annulé par un arrêt du 4 décembre 2019. Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, pendant devant le Conseil d'Etat. Entretemps, en exécution de l'ordonnance de suspension du juge des référés du 13 juillet 2017, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis avait, par une décision du 8 septembre 2017, réintégré, à titre provisoire, M. A. Par une décision du 19 janvier 2021, la même autorité a retiré cette décision du 8 septembre 2017. M. A a demandé au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, de suspendre l'exécution de la décision du 19 janvier 2021. Par une ordonnance du 25 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande. Le département de la Seine-Saint-Denis se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative🏛 : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " et de l'article L. 522-1 du même code🏛 : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale ". Ces dispositions font obligation au juge des référés, sauf dans le cas où il est fait application des dispositions de l'article L. 522-3 du même code🏛, de communiquer aux parties avant la clôture de l'instruction, par tous moyens, notamment en les mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit dont il n'a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil que ce dernier a statué sans audience en application de l'article 3 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif, après avoir fixé la date de clôture de l'instruction au 22 mars à 12 heures et que si le mémoire en réplique de M. A, déposé le même jour à 10 heures et qui contenait deux pièces annexées, n'a été communiqué au département qu'à 11 heures 30, les deux productions n'apportaient pas d'élément nouveau. Dès lors, le département n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance qu'il attaque serait intervenue sans que le caractère contradictoire de la procédure ait été respecté.

5. En deuxième lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. C'est sans dénaturation des faits que le juge des référés, pour regarder la condition d'urgence comme satisfaite, a relevé que la décision contestée avait pour effet de faire perdre à M. A le bénéfice de l'intégralité de sa rémunération, qu'il justifiait de charges mensuelles incompressibles d'environ 900 euros alors que sa compagne n'avait pas de revenus et que le couple avait un enfant à charge né le 12 février 2019, et que s'il avait perçu une allocation de retour à l'emploi pour le mois de février 2021, elle était de faible montant.

7. En troisième lieu, en cas d'annulation, par une décision du juge d'appel, du jugement ayant prononcé l'annulation de la décision portant révocation d'un agent public, et sous réserve que les motifs de cette décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision de révocation, l'autorité compétente ne peut retirer la décision de réintégration prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l'administration de la décision rendue en appel. Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l'arrêt ayant confirmé la révocation de l'agent, l'autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision de réintégration, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l'annulation du premier jugement. Dans tous les cas, elle doit, avant de procéder au retrait, inviter l'agent à présenter ses observations.

8. Lorsque la réintégration d'un agent public révoqué a été prise en exécution d'une décision de justice, l'intéressé a droit de percevoir la rémunération correspondant à ses fonctions. Il ne peut en aller différemment qu'en cas d'absence de service fait, lorsque cette absence résulte du refus de l'agent d'effectuer les missions qui lui sont alors confiées ou lorsqu'une mesure ordonnée par l'autorité judiciaire fait obstacle à l'exercice par l'intéressé de toute fonction au sein des services de son administration. Les sommes ainsi versées à titre de rémunération ne peuvent, sauf absence de service fait dans les conditions précédemment énoncées, faire l'objet d'une répétition.

9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a, par arrêté du 8 septembre 2017, réintégré à titre provisoire M. A dans ses fonctions, en exécution de l'ordonnance du 13 juillet 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, avant de retirer cette décision par arrêté du 19 janvier 2021, à la suite de l'arrêt du 4 septembre 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles, infirmant le jugement du 22 janvier 2018 du même tribunal qui avait annulé la décision de révocation. Ainsi qu'il a été dit au point 7, cette décision de réintégration ne pouvait être retirée que dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement. Par suite, en retenant comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce qu'à la date du 19 janvier 2021 le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement retirer la décision de réintégration prise à la suite de la suspension de la décision du 26 avril 2017 portant révocation de M. A, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil n'a pas commis d'erreur de droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le département n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du département de la Seine-Saint-Denis est rejeté.

Article 2: La présente décision sera notifiée au département de la Seine-Saint-Denis et à M. B A.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 novembre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Rémy Schwartz, M. Jacques-Henri Stahl, Mme Christine Maugüé, présidents adjoints de la section du contentieux ; M. Guillaume Goulard, Mme Isabelle de Silva, M. Nicolas Boulouis, Mme Maud Vialettes, M. Bertrand Dacosta, Mme Gaëlle Dumortier, M. Olivier Japiot, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat, et Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 9 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :

Signé : Mme Juliana Nahra

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Vella

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