Jurisprudence : TA Versailles, du 08-11-2022, n° 2102988


Références

Tribunal Administratif de VERSAILLES

N° 2102988

7éme chambre
lecture du 08 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2021, Mme B A, représentée par Me Fouret, demande au tribunal :

1°) d'annuler la délibération du 2 décembre 2020 du jury d'admission à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) en tant que son nom ne figure pas sur la liste des admis, ainsi que la décision du 2 février 2021 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne de la convoquer de nouveau aux épreuves orales d'admission de l'examen d'entrée au CRFPA de l'année 2020 ou, à tout le moins, à l'épreuve d'exposé-discussion, et de convoquer de nouveau le jury pour qu'il délibère une nouvelle fois de son cas, après la tenue de la nouvelle épreuve ;

3°) de mettre à la charge de l'université d'Evry-Val-d'Essonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- les décisions attaquées ont été prises au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que son épreuve d'exposé-discussion a eu lieu dans une salle sans public, en méconnaissance des dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 17 octobre 2016🏛, qui ont pour but de garantir l'impartialité du jury et l'égalité de traitement entre les candidats ;

- elles méconnaissent le principe d'égalité ; elle a été victime d'une rupture d'égalité de la part du jury, compte tenu de l'erreur ayant affecté l'un des trois exercices de l'épreuve de droit fiscal qu'elle avait choisie, qui a amené à la neutralisation de cet exercice mais a entraîné une déstabilisation des candidats ainsi qu'un changement dans la pondération de la notation des exercices, alors que les candidats ayant composé dans les autres matières que le droit fiscal n'ont été confrontés à aucune difficulté.

La requête a été communiquée à la présidente de l'université de Paris-Saclay, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2022, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;

- le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- l'arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mathé, rapporteure,

- et les conclusions de M. Armand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B A, candidate à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) inscrite à l'Institut d'études judiciaires (IEJ) de l'université d'Evry-Val-d'Essonne / Paris-Saclay, a été déclarée ajournée à l'issue de la phase d'admission par une délibération du 2 décembre 2020. Par un courrier réceptionné le 18 janvier 2021, Mme A a formé un recours gracieux contre cette délibération, qui a été rejeté par une décision du 2 février 2021 notifiée le 10 février 2021. Mme A demande l'annulation de la délibération du 2 décembre 2020 en tant que son nom ne figure pas sur la liste des admis, ainsi que de la décision rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'épreuve d'admissibilité de droit fiscal :

2. Aux termes de l'article 51 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat : " () pour être inscrits dans un centre régional de formation professionnelle, les candidats doivent avoir subi avec succès l'examen d'accès au centre, dont le programme et les modalités sont fixés par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de l'enseignement supérieur, après avis du Conseil national des barreaux. / Cet examen comporte des épreuves écrites d'admissibilité et une ou plusieurs épreuves d'admission. () " Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 17 octobre 2016🏛 fixant le programme et les modalités de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats : " L'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats, prévu à l'article 51 du décret du 27 novembre 1991 susvisé, a lieu une fois par an. / L'examen, dont le programme est annexé au présent arrêté, comporte des épreuves écrites d'admissibilité et des épreuves orales d'admission. () ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Les épreuves d'admissibilité comprennent : / () 3° Une épreuve destinée à vérifier l'aptitude à résoudre un ou plusieurs cas pratiques ou à rédiger une ou plusieurs consultations, d'une durée de trois heures, au choix du candidat, exprimé lors du dépôt de son dossier d'inscription, dans l'une des matières suivantes : / () - droit fiscal. / La note est affectée d'un coefficient 2. / () ".

3. Le principe d'égalité n'implique pas que des personnes placées dans des situations différentes soient traitées de manière identique. En outre, il ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

4. Il ressort des pièces du dossier que, sur décision de la commission nationale de l'examen d'accès au CRFPA, qui avait pris connaissance des difficultés soulevées par le sujet de droit fiscal dont il a été estimé que l'un des exercices ne se rattachait pas de manière évidente au programme de la matière, l'exercice en cause n'a pas été noté et les points initialement affectés à celui-ci ont été redistribués aux autres exercices de l'épreuve. La requérante, qui a fait l'objet d'un traitement identique aux autres candidats qui ont également choisi l'épreuve de droit fiscal et qui se trouvent ainsi dans une situation similaire à la sienne, n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été victime d'une rupture d'égalité par rapport aux candidats ayant choisi une autre matière, qui ne sont pas placés dans une situation identique à la sienne. Par suite, et en tout état de cause, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'épreuve d'admission d'exposé-discussion :

5. D'une part, aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 17 octobre 2016🏛 fixant le programme et les modalités de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats : " Nul ne peut se présenter aux épreuves d'admission s'il n'a été déclaré admissible par le jury. / Les épreuves orales d'admission comprennent : / 1° Un exposé de quinze minutes, après une préparation d'une heure, suivi d'un entretien de trente minutes avec le jury, sur un sujet relatif à la protection des libertés et des droits fondamentaux permettant d'apprécier les connaissances du candidat, la culture juridique, son aptitude à l'argumentation et à l'expression orale. / Cette épreuve se déroule en séance publique. / La note est affectée d'un coefficient 4. / () Les épreuves d'admission sont notées de 0 à 20. "

6. D'autre part, aux termes de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire : " Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit entre 18 heures et 6 heures du matin à l'exception des déplacements pour les motifs suivants, en évitant tout regroupement de personnes : / 1° Déplacements à destination ou en provenance () c) Du lieu d'organisation d'un examen ou d'un concours () ".

7. Enfin, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'épreuve d'exposé-discussion de l'examen d'entrée au CRFPA que Mme A a subie en novembre 2020, ne s'est pas déroulée en séance publique, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 17 octobre 2017. Si l'université d'Evry-Val-d'Essonne fait valoir que l'objectif national était de limiter, autant que possible, les déplacements et les regroupements de personnes, comme cela ressort des dispositions du décret du 30 octobre 2020, l'épreuve en litige pouvait toutefois se dérouler en séance publique, le public pouvant être constitué par un nombre très réduit de personnes ayant été autorisées à se rendre sur le lieu d'organisation de l'examen, sans méconnaître les dispositions du décret du 30 octobre 2020. Dans ces conditions, la délibération par laquelle le jury de l'examen d'entrée au CRFPA a arrêté la liste des candidats admis est intervenue au terme d'une procédure irrégulière. En outre, la méconnaissance des règles de publicité lors de cette épreuve orale, qui ont pour objet d'assurer l'impartialité du jury ainsi que l'égalité de traitement entre les candidats, a nécessairement privé Mme A d'une garantie.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation de la délibération du 2 décembre 2020 du jury d'admission à l'examen d'entrée au CRFPA en tant que son nom ne figure pas sur la liste des admis, ainsi que de la décision du 2 février 2021 rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Compte tenu de ses motifs, et dès lors que l'autre moyen de la requête n'est pas de nature à entraîner l'annulation des décisions attaquées, le présent jugement implique seulement mais nécessairement que l'université Paris-Saclay organise de nouveau au profit de Mme A l'épreuve d'exposé-discussion devant un jury pour se prononcer sur son admission dans des conditions régulières. Il y a lieu d'adresser à la présidente de l'université Paris-Saclay une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement pour y procéder.

Sur les frais du litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Paris-Saclay la somme de 1 000 euros à verser à la requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'université d'Evry-Val-d'Essonne à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La délibération du 2 décembre 2020 par laquelle le jury d'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats de l'université Paris-Saclay a arrêté la liste des candidats admis est annulée en tant qu'elle a déclaré Mme A ajournée à l'issue des épreuves d'admission de la session 2020.

Article 2 : La décision du 2 février 2021 prise sur recours gracieux est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la présidente de l'université Paris-Saclay de réunir le jury d'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats afin qu'il fasse subir à Mme A l'épreuve d'exposé-discussion dans des conditions régulières, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement.

Article 4 : L'université Paris-Saclay versera à Mme A la somme de 1 000 (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'université d'Evry-Val-d'Essonne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A, à l'université de Paris-Saclay et à l'université d'Evry-Val-d'Essonne.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ouardes, président,

- M. de Miguel, premier conseiller,

- Mme Mathé, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

signé

C. MathéLe président,

signé

P. OuardesLa greffière,

signé

C. Benoit-Lamaitrie

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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