Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 15-11-2022, n° 451523, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 15-11-2022, n° 451523, mentionné aux tables du recueil Lebon

A13068TK

Référence

CE 1/4 ch.-r., 15-11-2022, n° 451523, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89791867-ce-14-chr-15112022-n-451523-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

30-02-05-01-06-01-045 Maître de conférences, affecté dans une université, n’ayant pas, par ses propos et son attitude, contribué à apaiser le climat de tension lors d’une manifestation étudiante au cours de laquelle, alors qu’étaient organisées des sessions d’examens, des manifestants avaient poursuivi et invectivé plusieurs membres du personnel administratif en charge de l’organisation des examens. ...Un tel comportement n’est pas constitutif d’un manquement à l’obligation de neutralité telle que prévue par l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 combiné avec l’article L. 952-2 du code de l’éducation.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 451523

Séance du 21 octobre 2022

Lecture du 15 novembre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Le président de l'université de Nantes a engagé contre M. A B, maître de conférences, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de cette université. Par une décision du 20 juillet 2018, la section disciplinaire a infligé à M. B la sanction du retard à l'avancement d'échelon pour une durée de six mois.

Par une décision du 11 février 2021, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a, sur appel de M. B, annulé cette décision et lui a infligé la sanction du retard à l'avancement d'échelon pour une durée de trois mois.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 avril et 9 juillet 2021 et le 18 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Nantes la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de l'université de Nantes ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le président de l'université de Nantes a engagé le 18 juin 2018 des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. B, maître de conférences, affecté dans cette université. Par une décision du 20 juillet 2018, la section disciplinaire du conseil académique de cette université a infligé à M. B la sanction du retard à l'avancement d'échelon pour une durée de six mois. Par une décision du 11 février 2021, contre laquelle M. B se pourvoit en cassation, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire a, sur appel de M. B, annulé la décision de la section disciplinaire et lui a infligé la sanction du retard à l'avancement d'échelon pour une durée de trois mois.

Sur l'intervention du syndicat SUD Education 44 :

2. Le syndicat SUD Education 44 justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien du pourvoi. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur le pourvoi :

3. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa version applicable au litige : " Dans l'exercice de ses fonctions, [le fonctionnaire] est tenu à l'obligation de neutralité ", ce qui implique pour l'agent de ne pas manifester dans l'exercice de ses fonctions ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses de quelque manière que ce soit. D'autre part, aux termes de l'article L. 952-2 du code de l'éducation🏛 : " Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d'objectivité ".

4. Il résulte des énonciations de la décision attaquée qu'après avoir relevé que M. B n'avait pas, par ses propos et son attitude, contribué à apaiser le climat de tension lors d'une manifestation étudiante le 18 mai 2018 au cours de laquelle, alors qu'étaient organisées des sessions d'examens, des manifestants avaient poursuivi et invectivé plusieurs membres du personnel administratif en charge de l'organisation des examens, le CNESER, statuant en formation disciplinaire, a jugé que M. B avait, ce faisant, méconnu son obligation de neutralité. En statuant ainsi, alors qu'un tel comportement n'est pas constitutif d'un manquement à l'obligation de neutralité telle que prévue par les dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983🏛 combinées avec celles de l'article L. 952-2 du code de l'éducation🏛, citées au point précédent, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Il n'en résulte pas pour autant que ce comportement ne puisse être examiné, si le CNESER en décidait ainsi, à l'aune d'autres obligations déontologiques, prévues, notamment par ces mêmes dispositions.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, M. B est fondé à demander l'annulation de la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Nantes le versement d'une somme de 3 000 euros à M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention du syndicat SUD Education 44 au soutien du pourvoi de M. B est admise.

Article 2 : La décision du 11 février 2021 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, est annulée.

Article 3 : L'affaire est renvoyée au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire.

Article 4 : L'université de Nantes versera une somme de 3 000 euros à M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'université de Nantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A B, au syndicat Sud Education 44 et à l'université de Nantes.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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