Jurisprudence : Cass. civ. 1, 06-04-2022, n° 21-12.045, FS-B, Cassation

Cass. civ. 1, 06-04-2022, n° 21-12.045, FS-B, Cassation

A32157SU

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Cass. civ. 1, 06-04-2022, n° 21-12.045, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/83338157-cass-civ-1-06042022-n-2112045-fsb-cassation
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Abstract

Mots-clés : jurisprudence • avocats • experts-comptables • honoraires de résultat • loi "PACTE" S'il est désormais admis que les avocats ou les experts-comptables peuvent facturer des honoraires de résultat en complément d'autres honoraires, l'admission de ces honoraires pour ces derniers date de la récente loi " PACTE ". ► Un contrat conclu entre un expert-comptable et son client, en ce qu'il fixe les honoraires dus en fonction de tels résultats, est illicite et, partant, nul, de sorte que le montant des honoraires dus à l'expert-comptable doit être déterminé en fonction du travail fourni et du service rendu.


CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2022


Cassation


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 307 FS-B

Pourvoi n° B 21-12.045


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022


La société ATHMO, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg), a formé le pourvoi n° B 21-12.045 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pole 5, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. [Aa] [N], domicilié [… …], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat de la société ATHMO, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [N], et l'avis de M. Ab, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Ac, Ad, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Ab, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2020), par un accord conclu le 27 mai 2016, réitéré le 24 novembre suivant, la société Athmo, représentée par son dirigeant, M. [V], a cédé ses actions de la société Aciernet à la société Aciernet Capital.

2. Invoquant avoir assisté la société Athmo lors de la cession, M. [N], expert-comptable, l'a assignée en reconnaissance d'un contrat de louage d'ouvrage et paiement de la rémunération prévue dans un sms de M. [V] du 6 novembre 2015. La société Athmo a contesté l'existence d'un tel contrat et conclu, subsidiairement, à sa nullité en ce qu'il prévoyait uniquement des honoraires de résultat.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Athmo fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. [Ae], alors « qu'un contrat ne peut déroger à l'ordre public ; que les honoraires rémunérant les missions effectuées par un expert-comptable ne peuvent être calculés sur la base d'un pourcentage des résultats financiers obtenus par les clients ; que la fixation d'un honoraire de résultat constitue un manquement aux règles déontologiques d'ordre public gouvernant la profession d'expert comptable ; qu'en jugeant cependant que le contrat verbal conclu le 6 novembre 2015 entre la société Athmo et M. [N], expert-comptable, dans le cadre de la cession des actions de la société Aciernet n'encourait pas la nullité, tandis qu'il avait été conclu en méconnaissance de la règle déontologique d'ordre public prohibant le pacte de quota litis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et s'est fondée sur un motif inopérant tiré de l'absence d'illicéité de la prestation objet du contrat, a violé l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 novembre 1945 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-443 du 30 avril 2014🏛, applicable au litige, ainsi que l'article 6 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945🏛 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-443 du 30 avril 2014🏛 :

4. Selon ce texte, les honoraires de l'expert-comptable doivent constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu et ne peuvent en aucun cas être calculés d'après les résultats financiers obtenus par les clients.

5. Il en résulte qu'un contrat conclu entre un expert-comptable et son client, en ce qu'il fixe les honoraires dus en fonction de tels résultats, est illicite et, partant, nul, de sorte que le montant des honoraires dus à l'expert-comptable doit être déterminé en fonction du travail fourni et du service rendu.

6. Pour accueillir la demande de M. [N], après avoir admis l'existence d'un contrat de louage d'ouvrage et constaté qu'il prévoyait des honoraires de résultat, l'arrêt retient que les règles de déontologie, dont l'objet est de fixer les devoirs des membres de la profession, ne sont assorties que de sanctions disciplinaires et n'entraînent pas, à elles seules, la nullité des contrats conclus en infraction à leurs dispositions et que la société Athmo invoque une contrariété à l'ordre public sans toutefois la caractériser ni même l'expliciter.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president


Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat aux Conseils, pour la société ATHMO.

La société Athmo fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [N] la somme de 192 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2016, avec capitalisation, et à lui payer certaines sommes correspondant à 4% du prix complémentaire défini par l'article 3 du protocole d'accord du 27 mai 2016, dans l'hypothèse où, pendant la période comprise entre la date de réalisation et le 31 décembre 2017, la société Aciernet Capital (substituée à la société Tenareze Participations) procéderait en une ou plusieurs fois à une cession de plus de 51% du capital et des droits de vote de la société Aciernet, autre que toute cession au profit d'un affilié de la société Aciernet Capital ou de M. [S], à un prix de cession par action supérieur à 2 449 €, et quelles que soient les modalités de paiement du prix de revente, Ie complément de prix par action ainsi cédée étant égal à 80%, net de taxes et frais, de la différence entre le prix de revente et 2.449 €, multiplié par le nombre d'actions cédées par la société Aciernet Capital excédant le seuil de 51%, si la cession intervient avant le 30 juin 2017 inclus, 50%, net de taxes et frais, de la différence entre le prix de revente et 2.449 €, multiplié par le nombre d'actions cédées par la société Aciernet Capital excédant le seuil de 51%, si la cession intervient entre le 1er juillet et le 31 décembre 2017.

Alors qu' un contrat ne peut déroger à l'ordre public ; que les honoraires rémunérant les missions effectuées par un expert-comptable ne peuvent être calculés sur la base d'un pourcentage des résultats financiers obtenus par les clients ; que la fixation d'un honoraire de résultat constitue un manquement aux règles déontologiques d'ordre public gouvernant la profession d'expert-comptable ; qu'en jugeant cependant que le contrat verbal conclu le 6 novembre 2015 entre la société Athmo et M. [N], expert-comptable, dans le cadre de la cession des actions de la société Aciernet n'encourait pas la nullité, tandis qu'il avait été conclu en méconnaissance de la règle déontologique d'ordre public prohibant le pacte de quota litis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et s'est fondée sur un motif inopérant tiré de l'absence d'illicéité de la prestation objet du contrat, a violé l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 novembre 1945 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-443 du 30 avril 2014🏛, applicable au litige, ainsi que l'article 6 du code civil🏛.

Le greffier de chambre

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