N° 1401285
ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et autres
Mme Ody, Rapporteur
M. Rivas, Rapporteur public
Audience du 18 juin 2015
Lecture du 17 juillet 2015
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Nantes
(6ème Chambre)
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 février et 6 novembre 2014, et le 15 janvier 2015, l'association France Nature Environnement, l'association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Bretagne Vivante - SEPNB, l'association Ligue de Protection des Oiseaux - délégation Loire-Atlantique, l'association SOS Loire Vivante - ERN France et l'association Eau et Rivières de Bretagne (ERB) demandent au Tribunal, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé l'Etat, direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Pays de la Loire, sur le fondement des dispositions de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, à aménager la desserte routière du futur aéroport du Grand Ouest sur les communes de Malville, Fay-de-Bretagne, Vigneux-de-Bretagne, Notre-Dame-des-Landes, Treillières, Grandchamp-des-Fontaines et Temple-de-Bretagne ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la procédure d'enquête publique est entachée d'irrégularités ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'objectif de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau énoncé à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;
- l'arrêté attaqué ne respecte pas les dispositions relatives aux zones humides du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne 2010-2015, du schéma d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Vilaine et du schéma d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Estuaire de la Loire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 juin et 26 décembre 2014, le préfet de la Loire-Atlantique, représenté par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les requérantes n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 2 juillet 2014, le préfet de la région Pays de la Loire, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les requérantes n'est fondé.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de ce que la clôture d'instruction était susceptible d'intervenir à compter du 7 novembre 2014 avec effet immédiat.
Un mémoire présenté pour l'Etat a été enregistré le 9 février 2015.
Par une ordonnance du 9 février 2015, la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody, conseiller,
- les conclusions de M. Rivas, rapporteur public,
- et les observations de M. H, représentant les associations requérantes et de Me Rouhaud, représentant le préfet de la Loire-Atlantique.
Une note en délibéré présentée par les requérantes a été enregistrée le 25 juin 2015.
1. Considérant que, par un décret du 9 février 2008, les travaux nécessaires à la réalisation du projet d'aéroport du Grand Ouest - Notre-Dame-des-Landes, de sa desserte routière, de voies nouvelles ou de recalibrage de voies existantes et des ouvrages d'assainissement ont été déclarés d'utilité publique ; que, par une convention du 23 décembre 2010, approuvée par décret du 29 décembre 2010, l'Etat a consenti à la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest une délégation de service public portant, pour l'aérodrome de Notre-Dame-des-Landes, sur la conception, le financement, les acquisitions foncières, la construction, la mise en service ainsi que la mise en oeuvre du plan de gestion agro-environnemental, du droit de délaissement et des mesures d'accompagnement territorial (amélioration et rétablissements de voirie) ; que, par un arrêté du 20 décembre 2013, le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest à réaliser et exploiter la plate-forme aéroportuaire du Grand Ouest et à aménager le programme viaire et la VC 3, en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ; que, par l'arrêté attaqué du même jour, le préfet de la Loire-Atlantique a, par ailleurs, autorisé l'Etat, direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Pays de la Loire, à réaliser la desserte routière de la future plate-forme aéroportuaire, en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement. " ; qu'aux termes de l'article R. 214-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / II.-Cette demande, remise en sept exemplaires, comprend : (
) / 4° Un document : / a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; / (
) d) Précisant s'il y a lieu les mesures correctives ou compensatoires envisagées. (
) 5° Les moyens de surveillance prévus et, si l'opération présente un danger, les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident ; (
) " ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'incidences ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
3. Considérant, d'une part, que la desserte routière projetée consiste en la réalisation d'une 2 x 2 voies de près de 12 km reliant la RN 165 (axe Nantes - Brest) et la RN 137 (axe Nantes - Rennes) ; qu'il résulte de l'instruction que sont prévues des mesures visant à remédier à la pollution chronique due au fonctionnement et à l'exploitation de l'infrastructure routière et aux pollutions saisonnières ; qu'ainsi, s'agissant des pollutions chroniques, onze bassins et six noues de traitement multifonctions collectent les eaux de ruissellement tout au long du parcours ; que, s'agissant des pollutions saisonnières, les dépendances vertes sont traitées sans produits phytosanitaires, à l'exception de certains espaces proches des équipements de sécurité et difficiles d'accès ; qu'en outre, l'utilisation des sels de déverglaçage sera restreinte ; qu'il résulte de l'ensemble du dispositif présenté dans l'arrêté attaqué et le dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau que l'impact sur l'aspect qualitatif des eaux superficielles est limité ;
4. Considérant, d'autre part, que les requérants se prévalent de plusieurs avis rendus à l'occasion de l'instruction des dossiers relatifs aux espèces protégées et du rapport rendu en avril 2013 par le collège d'experts scientifiques désigné à la suite de l'avis de la commission d'enquête afin de procéder à l'analyse du système de compensation retenu par le pétitionnaire, pour soutenir que les fonctionnalités hydrologiques et biogéochimiques, ainsi que l'état initial de la biodiversité des zones humides impactées par le projet litigieux ont été mal analysés dans le document d'incidences ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'afin de tenir compte des critiques formulées par ledit collège d'experts scientifiques, des analyses complémentaires sur les eaux superficielles et les eaux souterraines ont été réalisées en 2013, lesquelles précisent les résultats contenus dans le dossier de demande d'autorisation soumis à l'enquête publique sans pour autant en révéler le caractère erroné ou trompeur ; qu'en outre, la commission locale de l'eau du schéma d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Vilaine a émis le 3 juillet 2012 un avis favorable en soulignant la qualité générale du dossier et la bonne description de l'état initial et des impacts ; qu'enfin, s'il résulte de l'instruction, notamment des relevés phytosociologiques réalisés en juillet 2013 par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Pays de la Loire que certains habitats d'intérêt communautaire n'ont pas été répertoriés, il est toutefois établi que le contenu du document litigieux est en relation avec les incidences prévisibles du projet en cause sur les zones humides et que de telles lacunes dans le document d'incidences n'ont eu pour effet ni de nuire à l'information complète de la population à l'occasion de l'enquête publique ni d'exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'autorisation est accordée après enquête publique et, le cas échéant, pour une durée déterminée. (
) " ; qu'aux termes de l'article R. 214-8 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'opération pour laquelle l'autorisation est sollicitée est soumise à enquête publique dès que le dossier est complet et régulier. / A cette fin, le dossier est assorti de l'avis de l'autorité administrative compétente en matière d'environnement si cet avis est requis en application de l'article L. 122-1 et s'il est disponible. " ;
6. Considérant que, contrairement aux allégations des requérantes, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement que le document d'incidences établi en application de l'article R. 214-6 du même code doive faire l'objet d'un avis de l'autorité environnementale ; qu'en revanche, il ressort des dispositions du même article L. 122-1 du code de l'environnement auxquelles fait expressément référence l'article précité R. 214-8 du même code et de la nomenclature annexée à l'article R. 122-1 du même code, que le projet de desserte routière litigieux qui a des incidences notables sur l'environnement nécessite la réalisation d'une étude d'impact transmise pour avis à l'autorité administrative compétente en matière d'environnement ; qu'il est constant qu'une telle étude a été réalisée en 2006 à l'occasion de la déclaration d'utilité publique et qu'un avis de l'autorité environnementale a alors été émis ; qu'au demeurant, cette étude d'impact et cet avis ont été annexés au dossier de demande d'autorisation et mis ainsi à la disposition du public, lors de l'enquête publique qui s'est tenue du 21 juin au 7 août 2012 ; que, dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer la méconnaissance des dispositions des articles R. 214-8 et L. 122-1 du code de l'environnement ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires, à la condition qu'elles soient précises et inconditionnelles, il est toutefois constant que les articles L. 122-1 et L. 122-7 du code de l'environnement assurent la transposition en droit interne des dispositions de l'article 6 § 1 de la directive susvisée du 27 juin 1985, lesquelles sont, en toute hypothèse, en raison de leur imprécision, dépourvues d'effet direct ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions transitoires énoncées à l'article 17 du décret susvisé du 29 décembre 2011 que l'article R. 214-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er juin 2012, ne s'applique toutefois qu'aux projets pour lesquels l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête publique est publié à compter du premier jour du sixième mois après la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 123-19 du code de l'environnement, soit précisément à compter du 1er juin 2012 ; que si l'enquête publique préalable à l'arrêté attaqué s'est déroulée, après prorogation, du 21 juin au 7 août 2012, il est toutefois constant que l'arrêté du 15 mai 2012 portant ouverture et organisation de cette enquête publique a été publié le 25 mai suivant ; qu'il s'ensuit que les dispositions régissant la procédure d'enquête publique restaient celles applicables avant le 1er juin 2012 ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 214-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'opération pour laquelle l'autorisation est sollicitée est soumise à enquête publique dès que le dossier est complet et régulier. / (
) L'enquête publique est réalisée dans les conditions prévues, selon les cas, par les articles R. 11-4 à R. 11-14 ou par les articles R. 11-14-1 à R. 11-14-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. " ; que si les requérants soutiennent que les avis des commissions locales de l'eau des schémas d'aménagement et de gestion des eaux des bassins Vilaine et Estuaire de la Loire devaient être joints au dossier d'enquête publique en application des dispositions de l'article R. 123-6 du code de l'environnement, il résulte toutefois des dispositions transitoires précédemment évoquées et de l'article précité R. 214-8 du code de l'environnement que les dispositions dont se prévalent les requérantes ne régissaient pas la procédure d'enquête publique à l'issue de laquelle a été édicté l'arrêté litigieux ; qu'en toute hypothèse, les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique auxquelles renvoie l'article précité R. 214-8 du code de l'environnement n'imposaient pas la production de ces avis ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que, pour les motifs évoqués au point 8, les requérantes ne sauraient utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-8 du code de l'environnement selon lesquelles le dossier d'enquête publique est communicable aux associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 et à leurs frais, dès lors que lesdites dispositions ne s'appliquaient pas à l'enquête publique en cause ; qu'il ressort, en outre, du rapport de la commission d'enquête que le dossier d'enquête publique a été mis à disposition du public sur le site internet de la préfecture de la Loire-Atlantique pendant toute la durée de ladite enquête ; qu'en toute hypothèse, en recevant communication du dossier le 29 juin 2012, les associations requérantes ont bénéficié d'un délai utile pour en prendre connaissance et faire part de leurs observations au cours de l'enquête publique qui s'est tenue jusqu'au 7 août suivant ;
En ce qui concerne la compatibilité de l'arrêté attaqué avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne 2010-2015 et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux des bassins Vilaine et Estuaire de la Loire :
11. Considérant qu'aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux " ; que l'orientation n° 8 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire-Bretagne 2010-2015 vise la préservation des zones humides et de la biodiversité ; que l'article 8A préconise la préservation de ces zones ; que l'article 8B-2 dispose : " Dès lors que la mise en oeuvre d'un projet conduit, sans alternative avérée, à la disparition de zones humides, les mesures compensatoires proposées par le maître d'ouvrage doivent prévoir, dans le même bassin versant, la recréation ou la restauration de zones humides équivalentes sur le plan fonctionnel et de la qualité de la biodiversité. A défaut, la compensation porte sur une surface égale à au moins 200 % de la surface supprimée. La gestion et l'entretien de ces zones humides doivent être garantis à long terme. " ; que l'orientation n° 11 du même SDAGE vise à " préserver les têtes de bassin versant " ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-5-1 du code de l'environnement : " I. - Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux comporte un plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques définissant les conditions de réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 212-3, notamment en évaluant les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre du schéma. (
)" ; qu'aux termes de l'article L. 212-5-2 du même code : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise. " ; qu'aux termes de l'article 2 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du bassin Estuaire de la Loire : " Dans le cas où le maître d'ouvrage doit compenser un aménagement portant sur un écosystème très important en surface et constitué principalement de zones humides, il pourra proposer une démarche de compensation (ainsi que ses éventuelles mesures d'accompagnement) privilégiant la recréation ou la restauration de fonctions écologiques majeures de cet écosystème et se traduisant par un bilan positif à l'échelle de ces fonctions majeures de l'écosystème. " ; qu'aux termes des propositions d'action du SAGE du bassin Vilaine : " Les zones humides - 95. De façon générale, les acteurs publics (État, collectivités Locales et leurs groupements, Établissements publics et organismes assurant des missions de service public) s'interdisent de mettre en place ou de promouvoir les actions pouvant entraîner la dégradation significative de ces milieux. Les mesures compensatoires à la dégradation de ces milieux par des travaux d'intérêt public devront prévoir la création ou la restauration de zones humides avec comme objectif que le bilan global de l'échange soit positif pour le milieu (en termes de surface et de biodiversité). " ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la méthode de compensation prescrite à l'article 20 de l'arrêté attaqué prévoit que le besoin compensatoire résulte de l'analyse des enjeux des surfaces concernées et des impacts résiduels pour chacune des trois fonctions " biogéochimie ", " hydrologie " et " biodiversité " attachées aux zones humides ; qu'à chaque niveau d'impact résiduel retenu correspond un coefficient de définition du besoin compensatoire croissant, du niveau d'incidence le plus faible jusqu'au niveau d'incidence le plus fort ; que la surface concernée par l'impact résiduel est multipliée par le coefficient correspondant, afin d'obtenir le besoin compensatoire, exprimé en unités de compensation (UC) ; que pour répondre au besoin compensatoire, des mesures compensatoires sont mises en oeuvre sur des parcelles situées à proximité du projet dans le même bassin versant ; que le niveau de plus-value fonctionnelle apportée par la mise en oeuvre d'une mesure compensatoire est fonction de l'état initial de la parcelle, du type de mesure compensatoire et des mesures complémentaires de création ou renforcement de mares et de haies ; qu'en fonction de la plus-value fonctionnelle retenue, un coefficient est affecté à la parcelle permettant de traduire, en unités de compensation, la plus-value apportée par la mesure compensatoire mise en oeuvre sur cette parcelle ; que la réponse au besoin compensatoire, également exprimée en unités de compensation (UC), est obtenue en multipliant la surface de la parcelle choisie pour la mise en oeuvre de la mesure compensatoire par le coefficient de plus-value qui lui est affecté ; qu'il résulte de l'article 22 de l'arrêté qu'à ce système général de compensation s'ajoute la prise en compte des habitats remarquables, des mares et des haies à raison de leur fort intérêt patrimonial ; qu'ainsi chaque habitat remarquable impacté doit être compensé par une surface minimale de même nature déterminée par l'application de ratios surfaciques allant de 2 à 10 ; que les mares détruites seront compensées à hauteur de deux mares créées pour une mare détruite ; qu'enfin, la destruction des haies est compensée par une recréation de linéaire équivalent au linéaire détruit ; qu'en application du système de compensation précédemment décrit, le besoin compensatoire de la desserte routière a été évalué à 176 UC, dont 37 UC dans le bassin versant de l'Isac appartenant au bassin Vilaine, situé au nord du projet, 98 UC dans le bassin versant du Gesvres, 8 UC dans le bassin versant de l'Etier de Cordemais et 33 UC dans le bassin versant de l'Hocmard, ces trois derniers bassins versants appartenant au bassin Estuaire de la Loire ;
14. Considérant, en premier lieu, que les requérantes ne sauraient utilement invoquer l'existence d'alternatives avérées à l'implantation de la future plate-forme aéroportuaire à l'appui de leurs conclusions dirigées contre l'arrêté litigieux autorisant seulement la réalisation de la desserte routière au titre de la loi sur l'eau ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les quatre bassins versants touchés par le projet sont ceux du Gesvres, de l'Etier de Cordemais, de l'Hocmard et de l'Isac ; que l'article 20 de l'arrêté attaqué prévoit que les mesures compensatoires devront intervenir dans ces quatre bassins versants, ainsi qu'il a été dit au point 13 ; qu'aux termes de l'article 21 : " des mesures compensatoires sont mises en oeuvre sur des parcelles situées à proximité du projet dans le même bassin versant. " ; que l'article 21.2 relatif à la localisation des mesures compensatoires précise qu'elles sont " mises en oeuvre au plus proche du projet, à l'intérieur des zones enveloppes représentées sur la carte jointe en annexe 4. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que dans l'hypothèse où des zones enveloppes, bien que présentées à l'annexe 4, ne seraient pas incluses dans les quatre bassins versants retenus dans l'article 20, elles ne pourraient être utilisées pour la mise en oeuvre de mesures compensatoires ; que, dans ces conditions, les prescriptions de l'arrêté attaqué relatives à la localisation des mesures compensatoires ne sont pas incompatibles avec l'article 8B-2 du SDAGE du bassin Loire-Bretagne 2010-2015 ;
16. Considérant, en troisième lieu, que si l'article 21.3 de l'arrêté contesté cite parmi les mesures éligibles à la compensation la " gestion des prairies naturelles ", il est, toutefois, précisé qu'il ne s'agit que d'une mesure associée à des opérations de " création et entretien de mares " et de " création et renforcement des réseaux de haies bocagères " ; qu'il s'ensuit que la gestion des prairies naturelles ne se conçoit pas comme une mesure compensatoire en tant que telle, mais précisément comme une mesure complémentaire à de véritables mesures compensatoires ; que, par suite, l'article 21.3 n'apparaît pas incompatible avec l'article 8B-2 du SDAGE ;
17. Considérant, en quatrième lieu, que les requérantes soutiennent que la méthodologie de compensation et le dispositif de mutualisation des besoins et offres de compensation au moyen des unités de compensation ne permettent pas une compensation totale des fonctions identifiées et rendent impossibles le suivi et le contrôle des fonctions réellement compensées au regard de celles impactées ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été exposé au point 13, que le système de compensation retenu tient compte des caractéristiques et des fonctions " biogéochimie ", " hydrologie " et " biodiversité " attachées aux zones humides pour déterminer à la fois le niveau d'enjeux pour chaque parcelle impactée et les mesures de compensation à mettre en oeuvre en réponse au besoin compensatoire ; qu'en outre, les habitats remarquables dont la fonctionnalité " biodiversité " représente un fort enjeu font l'objet de ratios surfaciques ; qu'en application de l'article 22.1.1 de l'arrêté attaqué, chaque habitat remarquable sera compensé par une surface minimale de même nature ; que l'article 22.3 consacré à la traçabilité des fonctions écologiques restaurées prévoit également des surfaces minimales à réaliser variant selon les fonctions impactées et l'enjeu de ces fonctions ; qu'il résulte encore des dispositions de l'article 21 de l'arrêté litigieux que les mesures compensatoires sont mises en oeuvre sur des parcelles situées à proximité du projet dans le même bassin versant, à l'intérieur de zones enveloppes présentant des similitudes de milieux avec les zones humides impactées, déterminées sur la carte jointe en annexe 4 de l'autorisation ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est, au demeurant, pas allégué que les zones humides de plateau présenteraient des fonctions exclusives qui ne pourraient être retrouvées par la mise en oeuvre de mesures compensatoires dans des zones humides liées à des cours d'eau ; que si elles soutiennent que les coefficients déterminant le besoin et la réponse compensatoires ne seraient pas suffisamment justifiés, les requérantes ne démontrent, toutefois, pas que ces coefficients seraient incompatibles avec le SDAGE du bassin Loire-Bretagne 2010-2015 ; qu'il résulte de l'instruction que les zones de délaissés incluses dans l'emprise de la concession et les zones enveloppes situées en dehors de l'emprise ont fait l'objet d'une analyse respectivement en pages 196 à 210 du dossier de demande d'autorisation ; qu'en outre, l'article 22.2 de l'arrêté attaqué prévoit que les parcelles présélectionnées pour la mise en oeuvre de mesures compensatoires doivent faire l'objet d'un diagnostic environnemental préalable comportant un volet écologique et, le cas échéant, un volet agronomique, ce diagnostic visant à déterminer les caractéristiques initiales de la parcelle et à définir les mesures compensatoires envisageables, ainsi que les coefficients de plus-value associés ; qu'à supposer qu'une erreur de plume se soit glissée dans l'article 22.1.3 de l'arrêté qui prévoit la recréation de 17,5 km de haies, une telle erreur est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments et alors même que le collège d'experts scientifiques a invalidé la méthode, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le système de compensation retenu dans l'arrêté attaqué est incompatible avec l'article 8B-2 du SDAGE du bassin Loire-Bretagne 2010-2015 qui préconise que les mesures compensatoires proposées par le maître d'ouvrage doivent prévoir, dans le même bassin versant, la recréation ou la restauration de zones humides équivalentes sur le plan fonctionnel et sur le plan de la qualité de la biodiversité ;
18. Considérant, en cinquième lieu, que l'article 21.4 de l'arrêté attaqué prévoit que les mesures compensatoires qui sont mises en oeuvre sur des terrains non acquis par le maître d'ouvrage nécessitent la conclusion d'accords avec des exploitants agricoles, et le cas échéant, avec des organismes gestionnaires de foncier ou compétents en matière d'environnement ou les propriétaires de ces terrains ; que la méconnaissance par son titulaire des prescriptions énoncées par l'autorisation administrative qui lui a été accordée, si elle est susceptible d'exposer ce dernier aux sanctions prévues par les lois et règlements, est par elle-même sans influence sur la légalité de cette autorisation ; qu'il s'ensuit que les requérantes ne sauraient utilement invoquer l'absence de garantie de mise en oeuvre effective et pérenne des mesures compensatoires à raison selon elles des difficultés de la contractualisation et de l'absence de chiffrage du coût de ces mesures ; qu'en toute hypothèse, l'article 21.5 de l'arrêté litigieux impose un calendrier de mise en uvre des mesures compensatoires, lequel prévoit notamment que 100 % des unités de compensation et 100 % des surfaces à compenser au titre des habitats remarquables seront engagés à la mise en service de l'aéroport ; qu'il ressort, par ailleurs, de l'article 23 relatif au suivi et à l'évaluation de la mise en oeuvre de la compensation des zones humides qu'un suivi semestriel dit " suivi intermédiaire " et un suivi annuel par un bilan transmis au service de la police de l'eau sont mis en place ; qu'en outre, des sites témoins sont choisis et observés afin de suivre l'évolution naturelle des milieux et pouvoir vérifier la pertinence des travaux de génie écologique mis en oeuvre ; que l'article 24 consacré à l'organisation de l'ensemble du suivi environnemental prévoit également l'instauration de différents réseaux de suivi tant en phase de chantier qu'en phase d'exploitation ; qu'il résulte, enfin, de l'instruction que l'arrêté litigieux impose la mise en place d'un observatoire environnemental chargé de s'assurer de la bonne application de l'ensemble des mesures proposées par l'arrêté et d'un comité scientifique chargé d'expertiser la mise en uvre de l'ensemble des mesures environnementales ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué est incompatible avec le SDAGE du bassin Loire-Bretagne 2010-2015 ;
Sur la violation de l'objectif de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau énoncé par l'article L. 211-1 du code de l'environnement :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; (
) " ; que pour les motifs énoncés aux points 13 à 18, les prescriptions de l'arrêté attaqué permettent de garantir une compensation satisfaisante de l'atteinte portée aux zones humides et ne sont ainsi pas contraires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;
21. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé l'Etat, direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Pays de la Loire, à aménager la desserte routière du futur aéroport du Grand Ouest, en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ; que, par suite, leur requête doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il ne paraît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par l'association France Nature Environnement, l'association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Bretagne Vivante - SEPNB, l'association Ligue de Protection des Oiseaux - délégation Loire-Atlantique, l'association SOS Loire Vivante - ERN France et l'association Eau et Rivières de Bretagne (ERB) est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'association France Nature Environnement, à l'association France Nature Environnement Pays de la Loire, à l'association Bretagne Vivante - SEPNB, à l'association Ligue de Protection des Oiseaux - délégation Loire-Atlantique, à l'association SOS Loire Vivante - ERN France, à l'association Eau et Rivières de Bretagne (ERB), au préfet de la région Pays de la Loire et au préfet de la Loire-Atlantique.