Jurisprudence : CE 1/6 SSR., 26-06-2015, n° 365876

CE 1/6 SSR., 26-06-2015, n° 365876

A0110NMZ

Référence

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CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


365876


ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT


M. Didier Ribes, Rapporteur

M. Xavier de Lesquen, Rapporteur public


Séance du 3 juin 2015


Lecture du 26 juin 2015


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la procédure suivante :


Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 février 2013, 29 novembre 2013 et 19 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-995 du 23 août 2012 relatif à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme ;


2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :


- la Constitution, notamment son Préambule ;


- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;


- la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 ;


- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;


- le code général des collectivités territoriales ;


- le code de l'environnement ;


- le code de l'urbanisme ;


- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;


- les arrêts C-474/10 du 20 octobre 2011 et C-567/10 du 22 mars 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne ;


- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,


- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;


Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 juin 2015, présentée par le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité ;




1. Considérant que l'article 3 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, prévoit que différentes catégories de plans et programmes qu'elle vise doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale lorsqu'elles sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ;


2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme, pris pour la transposition des dispositions de cet article 3 : " I. - Font l'objet d'une évaluation environnementale, dans les conditions prévues par la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ainsi que ses annexes et par la présente section : / 1° Les directives territoriales d'aménagement et les directives territoriales d'aménagement et de développement durables ; / 2° Le schéma directeur de la région d'Île-de-France ; / 3° Les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur ; / 4° Les prescriptions particulières de massif prévues à l'article L. 145-7. / II. - Font également l'objet de l'évaluation environnementale prévue au premier alinéa du I les documents qui déterminent l'usage de petites zones au niveau local suivants : / 1° Les plans locaux d'urbanisme : / a) Qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, précitée, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés ; / b) Ou qui comprennent les dispositions des plans de déplacements urbains mentionnés aux articles 28 à 28-4 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ; / 2° Les cartes communales qui permettent la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations mentionnés à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; / 3° Les schémas d'aménagement prévus à l'article L. 146-6-1 du présent code. / III. - Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, précitée, les modifications des documents mentionnés aux I et II du présent article donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l'évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration. " ;


3. Considérant que l'annexe II à la directive du 27 juin 2001 précise les " critères permettant de déterminer l'ampleur probable des incidences visées à l'article 3, paragraphe 5 / 1. Les caractéristiques des plans et programmes, notamment : / - la mesure dans laquelle le plan ou programme concerné définit un cadre pour d'autres projets ou activités, en ce qui concerne la localisation, la nature, la taille et les conditions de fonctionnement ou par une allocation de ressources, / - la mesure dans laquelle un plan ou un programme influence d'autres plans ou programmes, y compris ceux qui font partie d'un ensemble hiérarchisé, / - l'adéquation entre le plan ou le programme et l'intégration des considérations environnementales, en vue, notamment de promouvoir un développement durable, / - les problèmes environnementaux liés au plan ou au programme, / - l'adéquation entre le plan ou le programme et la mise en œuvre de la législation communautaire relative à l'environnement (par exemple les plans et programmes touchant à la gestion des déchets et à la protection de l'eau). / 2. Caractéristiques des incidences et de la zone susceptible d'être touchée, notamment : / - la probabilité, la durée, la fréquence et le caractère réversible des incidences, / - le caractère cumulatif des incidences, / - la nature transfrontière des incidences, / - les risques pour la santé humaine ou pour l'environnement (à cause d'accidents, par exemple), / - la magnitude et l'étendue spatiale géographique des incidences (zone géographique et taille de la population susceptible d'être touchée), / - la valeur et la vulnérabilité de la zone susceptible d'être touchée, en raison: / - de caractéristiques naturelles ou d'un patrimoine culturel particuliers, / - d'un dépassement des normes de qualité environnementales ou des valeurs limites, / - de l'exploitation intensive des sols, / - les incidences pour des zones ou des paysages jouissant d'un statut de protection reconnu au niveau national, communautaire ou international. " ;


4. Considérant que le décret dont l'association France Nature Environnement demande l'annulation pour excès de pouvoir précise les conditions d'application de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme, notamment s'agissant de la détermination des documents d'urbanisme devant faire l'objet d'une évaluation environnementale, soit de manière systématique, soit après un examen au cas par cas par l'autorité administrative de l'Etat désignée à cet effet ;


Sur la légalité externe du décret attaqué :


5. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition n'imposait à l'auteur du décret attaqué de recueillir l'avis du Conseil national de la protection de la nature et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques ;


6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 5 de l'article 3 de la directive du 27 juin 2001, " les Etats membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. (.) " ; que le paragraphe 6 du même article précise : " Pour l'examen au cas par cas et pour la détermination des types de plans et programmes conformément au paragraphe 5, les autorités visées à l'article 6, paragraphe 3, sont consultées. " ; que, selon cette dernière disposition, " les Etats membres désignent les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement, sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en œuvre de plans et programmes. " ;


7. Considérant que, pour soutenir que ces dispositions ont été méconnues, l'association requérante se borne à faire valoir que l'auteur du décret attaqué n'a pas soumis à la consultation des autorités compétentes en matière d'environnement désignées par ce décret la liste limitative des types de documents d'urbanisme soumis à évaluation environnementale ; que toutefois, cette liste n'est pas fixée par le décret attaqué mais par l'article L. 121-10 du code de l'environnement, cité au point 2 et pris pour l'application de la directive du 27 juin 2001 ; que, par suite, le moyen invoqué par l'association requérante ne peut qu'être écarté ;


8. Considérant, en dernier lieu, qu'à la date du décret attaqué, il ne résultait ni de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, ni d'aucune autre disposition que l'autorité administrative mettant en œuvre une participation du public sur un projet de décret ayant une incidence sur l'environnement aurait dû rendre publique une synthèse des observations du public précisant celles de ces observations dont il avait été tenu compte ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'auteur du décret attaqué n'a pas rendu publique une telle synthèse ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;


Sur la légalité interne du décret attaqué :


9. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient l'association France Nature Environnent, les unités touristiques nouvelles mentionnées à l'article L. 145-9 du code de l'urbanisme ne peuvent être regardées comme des plans ou programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait illégalement omis de mentionner les unités touristiques nouvelles dans la liste des documents d'urbanisme soumis à évaluation environnementale ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;


10. Considérant, en deuxième lieu, que la liste limitative de documents d'urbanisme soumis à évaluation environnementale est, ainsi qu'il a été dit, fixée à l'article L. 121-10 du code de l'environnement, lequel ne comprend ni les plans d'exposition au bruit, ni les cartes communales qui ne permettent pas la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations susceptibles de porter une atteinte significative à un site Natura 2000 ; que, par suite, l'association requérante ne saurait utilement soutenir que le décret attaqué aurait méconnu la directive du 27 juin 2001 en ne soumettant pas à évaluation environnementale ces deux catégories de documents d'urbanisme ;


11. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 121-12 du code de l'urbanisme dispose que : " La personne publique qui élabore un des documents d'urbanisme mentionnés à l'article L. 121-10 transmet pour avis à une autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement le projet de document et son rapport de présentation. / L'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement est consultée, en tant que de besoin, sur le degré de précision des informations que doit contenir le rapport environnemental. " ; que ces dispositions transposent notamment le paragraphe 3 de l'article 6 de la directive aux termes duquel " les Etats membres désignent les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement, sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en œuvre de plans et de programme " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, qu'elles ne font pas obstacle à ce qu'une même autorité élabore le plan ou programme litigieux et soit chargée de la consultation en matière environnementale et n'impose pas, en particulier, qu'une autre autorité de consultation au sens de cette disposition soit créée ou désignée, pour autant que, au sein de l'autorité normalement chargée de procéder à la consultation en matière environnementale et désignée comme telle, une séparation fonctionnelle soit organisée de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir les missions confiées aux autorités de consultation par ces dispositions ;


12. Considérant qu'en désignant le préfet de département comme autorité compétente pour se prononcer sur l'évaluation environnementale des évolutions des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme lorsqu'ils font l'objet d'une mise en compatibilité avec une déclaration de projet décidée par le préfet de région, l'article 3 du décret n'a pas méconnu les exigences rappelées ci-dessus ;


13. Considérant, en revanche, qu'en confiant à la même autorité la compétence pour approuver le document d'urbanisme et la compétence consultative en matière environnementale, s'agissant du chapitre individualisé du schéma de cohérence territoriale valant schéma de mise en valeur de la mer et de la mise en compatibilité d'office par le préfet du plan local d'urbanisme ou du schéma de cohérence territoriale avec des documents supérieurs, sans prévoir de disposition de nature à garantir que la compétence consultative en matière environnementale serait exercée, au sein de cette autorité, par une entité disposant d'une autonomie effective, le décret attaqué a méconnu les exigences découlant du paragraphe 3 de l'article 6 de la directive ;


14. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme : " Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, précitée, les modifications des documents mentionnés aux I et II du présent article donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l'évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration. " ;

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