Le procureur général près la cour d'appel d'Agen et Mme [O] [L], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 16 août 2023, qui a relaxé M. [H] [X] du chef d'outrages à magistrat.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [O] [L], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Examen de la recevabilité du mémoire du procureur général près la cour d'appel d'Agen
5. Le mémoire du procureur général est parvenu par courrier le 25 septembre 2023 au greffe de la chambre criminelle suite au pourvoi formé le 21 août précédent par ce magistrat.
6. Dès lors, ce mémoire, qui ne répond pas aux exigences de l'
article 585-2 du code de procédure pénale🏛 pour être parvenu au greffe de la Cour de cassation plus d'un mois après la date du pourvoi, sans qu'une dérogation ait été sollicitée et accordée par le président de la chambre criminelle, n'est pas recevable et ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir.
7. En conséquence, le procureur général sera déchu de son pourvoi par application de l'
article 590-1 du code de procédure pénale🏛.
Examen du moyen proposé pour Mme [L]
Enoncé du moyen
8. Le moyen, pris en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il relaxé M. [X] pour les faits d'outrage à magistrat et a débouté Mme [Ab] de sa demande de dommages et intérêts, alors :
« 1°/ que l'outrage à magistrat est caractérisé lorsque l'auteur des propos outrageants sait qu'ils seront rapportés à la personne visée, peu important que les propos revêtent un caractère public ; qu'en considérant que les propos tenus à l'égard de la partie civile n'étaient pas qualifiables d'outrage à magistrat et devaient être appréhendés exclusivement sous les qualifications de la
loi du 29 juillet 1881🏛 au seul motif qu'ils avaient un caractère public, la cour d'appel a méconnu l'
article 434-24 du code pénal🏛, ensemble les
articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881🏛🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 434-24 du code pénal :
9. Toute expression outrageante, qu'elle s'adresse directement ou par la voie d'un rapporteur nécessaire à un magistrat de l'ordre judiciaire, dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice, entre dans les prévisions de ce texte, même si elle présente un caractère public.
10. Pour infirmer le jugement ayant retenu la culpabilité du prévenu du chef d'outrages à magistrat et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué rappelle que, lors d'une audience, cette dernière a évoqué les publications de M. [X] sur sa page Facebook relatives au litige en cours et que celui-ci a annoncé vouloir les poursuivre tant que l'enfant ne lui serait pas rendu.
11. Le juge d'appel constate que, par la suite, M. [X] a diffusé, par ce même canal, une vidéo qui le montrait lisant la décision de justice rendue par cette juge en l'accompagnant de propos tels que « vous êtes des guignols, des nuls, imperformants, inefficaces, dangereux, vous êtes dangereuse madame la juge », en la qualifiant de « folle » et « criminelle » et en ajoutant « ça va très mal se passer (...) je vous le dis madame la juge, je vous le dis dans les yeux ».
12. Le juge énonce qu'il n'est pas contesté que les faits d'outrage reprochés ont été réalisés par M. [Aa] sur sa page de ce réseau social ouverte au public.
13. Il en conclut que les paroles outrageantes de M. [Aa] ont été rendues publiques, de sorte que l'infraction d'outrage n'est pas caractérisée.
14. Il ajoute qu'une requalification des faits doit être écartée dès lors que la juridiction saisie n'est pas autorisée à substituer à la qualification de droit commun adoptée par la partie poursuivante une qualification empruntée à la loi sur la liberté de la presse.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne pouvait relaxer le prévenu au seul motif que les propos litigieux présentaient un caractère public, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
16. En effet, il lui appartenait de rechercher, alors qu'elle constatait que la partie civile savait que le prévenu postait sur son compte Facebook des messages relatifs à la procédure, si les propos litigieux, la prenant explicitement à partie, ne s'adressaient pas directement à elle, auraient-ils même été tenus publiquement.
17. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second grief.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation à intervenir ne porte que sur les dispositions relatives à l'action civile, les dispositions pénales prononçant la relaxe sur l'action publique étant définitives en raison de la déchéance du pourvoi du procureur général.