N° H 24-86.812 F-B
N° 00369
ODVS
25 FÉVRIER 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 FÉVRIER 2025
M. [R] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 21 octobre 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a renvoyé la procédure au procureur de la République afin de saisir le juge d'instruction pour régularisation de sa mise en examen, a ordonné son maintien en détention et rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Cavalerie, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [R] [X], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Cavalerie, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une procédure portant sur un trafic de stupéfiants, M. [R] [X] a été mis en examen le 27 août 2010 des chefs précités pour des faits commis courant 2009 et jusqu'au 1er juin 2010.
3. Le 7 juillet 2011, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des mêmes chefs pour des faits commis courant 2009 et jusqu'au 25 août 2010.
4. Par jugement contradictoire à signifier du 27 janvier 2017, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu, non comparant ni représenté, coupable dans les termes de la prévention, l'a condamné à douze ans d'emprisonnement et a décerné à son encontre mandat d'arrêt.
5. Interpellé et extradé, l'intéressé, placé en détention provisoire, a interjeté appel de ce jugement.
6. Le 24 juin 2024, sa détention provisoire a été prolongée par ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels.
7. Devant la cour d'appel, le prévenu a fait valoir qu'il avait été condamné pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen et a sollicité en conséquence que soit prononcée la nullité du jugement du tribunal correctionnel et ordonnée sa mise en liberté.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir renvoyé la procédure au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille afin de saisir à nouveau le juge d'instruction pour régularisation de la mise en examen sans annuler le jugement de première instance, d'avoir rejeté sa demande de mise en liberté et d'avoir ordonné son maintien en détention, alors : « que la cour d'appel, qui constate que le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits pour lesquels il n'avait pas fait
l'objet d'une mise en examen, doit annuler le jugement qui a déclaré ce prévenu coupable de faits pour lesquels cette juridiction était irrégulièrement saisie ; qu'il lui appartient alors d'évoquer et de renvoyer au fond à une audience ultérieure, en application de l'
article 520 du code de procédure pénale🏛, sans possibilité, à l'égard du prévenu qui comparaissait libre devant le tribunal correctionnel, d'ordonner son maintien ou son placement en détention provisoire ; que, pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par le prévenu, la cour d'appel, après avoir constaté que le prévenu n'avait pas été régulièrement mis en examen de l'intégralité des faits pour lesquels il a été renvoyé par le magistrat instructeur, énonce qu'une ordonnance de renvoi irrégulière n'entraîne pas son annulation, pas plus qu'elle n'entraîne celle du jugement ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le prévenu avait été condamné pour des faits pour lesquels le tribunal correctionnel avait été irrégulièrement saisi, la cour d'appel, qui aurait dû annuler le jugement, sans possibilité, à l'égard de monsieur [Aa] qui avait comparu libre devant le tribunal correctionnel, ni de le maintenir en détention, le mandat d'arrêt décerné par cette juridiction étant nul, ni de le placer en détention provisoire, faute pour elle de disposer du pouvoir de prononcer une telle décision, la cour d'appel a violé les
articles 179, 385, 464-1 et 520 du code de procédure pénale🏛🏛🏛. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles 385, 512 et 520 du code de procédure pénale🏛 :
9. Il se déduit de ces textes que la cour d'appel qui constate que le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel en partie pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen doit renvoyer la procédure au ministère public pour régularisation et, après avoir annulé le jugement contesté, évoquer en application du dernier de ceux-ci.
10. Pour ne pas faire droit aux conclusions du prévenu qui faisait valoir la nullité de l'ordonnance de renvoi, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le prévenu avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen, se borne à énoncer qu'il y a lieu de renvoyer la procédure au ministère public et d'ordonner le renvoi de l'affaire à une date ultérieure.
11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui devait, dès ce stade de la procédure, annuler le jugement, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
12. La cassation est dès lors encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au refus d'annulation du jugement.
14. En effet, dès lors que la cour d'appel n'était pas dessaisie de la procédure, elle pouvait, par des motifs propres, en l'espèce non critiqués au moyen, ordonner le maintien en détention provisoire de l'intéressé (
Crim. 25 octobre 2022, pourvoi n° 22-84.785⚖️).
15. Une telle décision, qui se substitue au mandat d'arrêt décerné par le tribunal correctionnel, constitue un nouveau titre de détention, l'arrêt postérieur du 20 janvier 2025 de la même chambre ordonnant à nouveau le maintien en détention de l'intéressé constituant de surcroît et également un nouveau titre de détention.
16. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 21 octobre 2024, mais en ses seules dispositions ayant refusé d'annuler le jugement du tribunal correctionnel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à mise en liberté ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille vingt-cinq.