Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 25-01-2024, n° 22/09264


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b


ARRÊT AU FOND

DU 25 JANVIER 2024


N°2024/.


Rôle N° RG 22/09264 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJUQ5


CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PRÉVOYANCE ET D'ASS URANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V.)


C/


[R] [K] épouse [X]


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


- Me Malaury RIPERT


- Me Dimitri PINCENT


Décision déférée à la Cour :


Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 23 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/01745.



APPELANTE


CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PRÉVOYANCE ET D'ASS URANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V.), demeurant [… …]


représentée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS, dispensé en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile🏛 d'être représentée à l'audience


INTIMEE


Madame [R] [K] épouse [X], demeurant [… …]


représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, dispensé en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience


*-*-*-*-*


COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :


Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller


Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024.


ARRÊT


Contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024


Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Par deux courriers du 22 avril 2020, la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) a notifié à Mme [Aa] née [K] le montant mensuel de sa retraite de base à hauteur de 80,90 euros et celui de sa retraite complémentaire à hauteur de 37,76 euros à compter du 1er avril 2020.


Par lettre recommandée datée du 14 mai 2020, Mme [K] a contesté ces décisions devant la commission de recours amiable de la CIPAV.


A défaut de réponse, Mme [K] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille par courrier recommandé expédié le 6 juillet 2021.



Par jugement rendu le 23 juin 2022, le tribunal a:

- déclaré le recours de Mme [K] recevable,

- condamné la CIPAV à rectifier les points de retaite complémentaire et les points de retraite de base acquis par Mme [K] sur la période 2011-2019 comme suit :


Année


Points de retraite de base


Points de retraite complémentaire


2011


21404


40


2012


232,9


40


2013


312,2


36


2014


280


36


2725


385


72


2016


402


72


2017


356


36


2368


318


36


2019


199,4


36


- condamné la CIPAV à revaloriser les pensions du régime de base et de retraite complémentaire de Mme [K] conformément au tableau ci-dessus, avec paiement des arrérages à compter du 1er juillet 2021, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

- débouté la CIPAV de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la CIPAV à payer à Mme [K] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

- condamné la CIPAV à payer à Mme [K] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamné la CIPAV aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.



Par courrier électronique du 28 juin 2022, la CIPAV a interjeté appel du jugement.


A l'audience du 14 décembre 2023, la CIPAV dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions communiquées à la partie adverse le 5 juillet 2023. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- déclarer le recours formé par Mme [K] irrecevable,

- subsidiairement, attribuer à Mme [K] les points de retraite de base et de retraite complémentaire suivants :


Année


Points de retaite de base


Points de retraite complémentaire


2011


14102


10


2012


15107


10


2013


206,0


9


2014


184,8


18


2015


25271


27


2016


279,5


40


2017


243,0


33


2018


21292


29


2019


133,1


18


- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [K] à lui verser la somme de 600 euros à titre de frais irrépétibles.


Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait d'abord valoir que le recours de Mme [K] est irrecevable pour forclusion au motif qu'alors qu'elle a saisi la commission de recours amiable par courrier du 14 mai 2020, elle n'a saisi la juridiction de sécurité sociale que le 6 juillet 2021, bien après le terme du délai de deux mois courant à compter du rejet implicite de son recours par la commission.

Sur le calcul des points de retraite, elle rappelle d'abord que le régime de l'auto-entrepreneur duquel relève Mme [K] n'est ouvert qu'aux travailleurs non salariés dont le chiffre d'affaires est inférieur à un certain seuil fixé règlementairement. Elle explique que les auto-entrepreneurs cotisent auprès de l'URSSAF qui redistribue ensuite un pourcentage des cotisations à chaque organisme collecteur dont la CIPAV, de sorte qu'elle ne perçoit que 52,5% du forfait social acquitté par l'auto-entrepreneur, dont 30% sont affecté au régime de retraite de base, 20% au régime complémentaire et 2,5% au régime d'invalidité décès. Elle insiste sur le fait que le système de retraite français reposant sur une système contributif, il est prévu une stricte proportionnalité entre les droits acquis et les cotisations payées.

Elle fait valoir qu'aux fins d'obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun dans le cadre duquel les cotisations sont calculées sur le revenu professionnel déclaré, c'est-à-dire le bénéfice non commercial (BNC) pour la période antérieure à 2016, les cotisations de l'auto-entrepreneur sont calculées sur son chiffre d'affaires après abattement de 34% pour reconstituer un revenu correspondant au BNC. Elle en conclut que Mme [K] fait erreur en se fondant sur son chiffres d'affaires pour calculer ses points de retraite de base et complémentaire sur la période antérieure à 2016.

Elle détaille le calcul opéré pour les points de retraite de base pour chaque année de 2011 à 2015 en prenant en compte le BNC de l'assurée, calculé à partir de son chiffre d'affaires déclaré sur l'année, duquel est déduit un abattement de 34% et en le divisant par la valeur du point d'achat prévu par tranche de revenus. Elle détaille ensuite les points de retraite de base pour chaque année de 2016 à 2019 en appliquant le forfait social au chiffres d'affaire déclaré sur l'année, puis en appliquant le taux de 25% sur la tranche 1 et de 5% sur la tranche 2, avant de diviser le résultat par la valeur du point d'achat.

En outre, elle rappelle que le décret n° 79-262 du 21 mars 1979🏛 ayant institué le régime de retraite complémentaire obligatoire pour les affiliés de la CIPAV a prévu 8 classes de cotisations portant attribution annuelle d'un certain nombre de points. Elle précise que les assurés ont droit aux prestations pour lesquelles ils justifient du versement de cotisations, qu'il s'agisse de cotisations acquittées personnellement ou de cotisations versées par l'Etat en application de dispositions législatives ou règlementaires. Sur ce point, elle explique qu'il convient de distinguer d'une part, la période de 2009 à 2015 sur laquelle la loi a prévu le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale pour couvrir la perte de recette induite par le régime et pendant laquelle, il convient, en conséquence, de vérifier ce qui a été versé par l'adhérent et par l'Etat au titre de la compensation pour déterminer le nombre de points, et d'autre part, la période à compter du 1er janvier 2016 date à laquelle la compensation de l'Etat a été supprimée, pour laquelle il convient de vérifier ce qui a été versé par l'adhérent au titre de la retraite complémentaire pour attribuer les droits correspondant aux cotisations payées. Elle considère que dès lors que le bénéfice du régime d'auto-entrepreneur est subordonné au chiffre d'affaires inférieur à un seuil réglementaire, l'adhérent ne peut bénéficier du nombre de points attribué en cas de revenus supérieurs à ce montant. Elle détaille ainsi le calcul du nombre de points attribué, opéré pour chaque année en fonction de ces principes.

Enfin, elle considère qu'à défaut de démontrer une quelconque faute de sa part, qui ne saurait résulter d'une divergence d'interprétation des textes applicables à la situation litigieuse, la demande en dommages et intérêts doit être rejetée.


Mme [K], dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions communiquées à la partie adverse le 10 août 2023. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 5.000 euros pour appel abusif,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 4.000 euros à titre de frais irrépétibles.


Au soutien de ses prétentions, l'intimée n'invoque aucun moyen au soutien de la recevabilité de son recours.

Sur l'attribution de points de retraite complémentaire, elle fait valoir l'arrêt de la Cour de cassation en date du 23 janvier 2020 n° 18-15.542⚖️, selon lequel, le nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié déterminée en fonction de son revenu d'activité, pour démontrer que la CIPAV ne peut pas allouer un nombre de points inférieur à celui de la classe à laquelle le revenu de l'auto-entrepreneur correspond. Elle considère, en outre, que les règles financières entre l'Etat et la CIPAV ne concernent pas l'auto-entrepreneur et ne lui sont pas opposables, de sorte que ni la compensation de l'Etat ayant pris fin le 31 décembre 2015, ni la ventilation du forfait social entre les différents organismes, entrée en vigueur le 13 décembre 2018, ne peut influer sur la comptabilisation des droits acquis. Elle indique que cette méthode de calcul est conforme à l'article 2 du décret 79-262 du 21 mars 1979🏛 qui vise l'octroi de points 'forfaitaire' et non 'proportionnel'.

Elle fait également valoir l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale🏛 pour démontrer que le revenu de référence servant de base de calcul des cotisations des auto-entrepreneurs est le chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisées le mois ou le trimestre précédent, pour garantir aux auto-entrepreneurs l'acquisistion de droits identiques à ceux des professionnels libéraux classiques. Elle considère que la même assiette doit être retenue pour la détermination des trimestres acquis que pour la détermination des points de retraite. Elle ajoute que l'assiette retenue par la CIPAV sur la période de 2009 à 2015 en calculant un BNC théorique, n'a aucun fondement textuel. Elle en conclut qu'aucune contestation n'existant sur le paiement effectif des cotisations spécifiques au régime d'auto-entreprise, les points de retraite complémentaire acquis s'établissent conformément au dispositif du jugement critiqué.

Elle indique que la formule de calcul des points de retraite de base des auto-entrepreneurs ne fait pas débat, mais qu'elle s'oppose à la prise en compte, comme assiette de revenu, du BNC théorique dont se prévaut la caisse en appliquant un abattement de 34% sur son chiffre d'affaires. Elle se fonde sur des arrêts de la cour d'appel de Paris, de Versailles et d'Orléans pour démontrer que ses droits doivent être revalorisés sur la base de 2.697,8 points.

Elle fait encore valoir que l'application erronée des règles par la CIPAV lui faisant subir une minoration de ses droits à la retraite constitue une faute de sa part qui lui cause un stress qui doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts.

Elle ajoute que l'appel de la caisse n'est destiné qu'à la décourager dans ses démarches tendant à faire valoir ses droits et a vocation à faire comprendre à l'auto-entrepreneur qu'il n'a pas intérêt à retourner en justice et procède ainsi de la malice. Elle considère que c'est au mépris de sa mission de service public que la CIPAV refuse de mettre en oeuvre le principe dégagé par la Cour de cassation dès 2020 en l'absence de condamnation judiciaire expresse et individuelle et qu'elle contribue ainsi à l'engorgement inutile du rôle de la cour. Elle en conclut que le préjudice moral qui en résulte doit être réparé par l'allocation de la somme de 5.000 euros sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article 32-1 du code de procédure civile🏛.


Il convient de se reporter aux conclusions auxquelles se réfèrent les parties dispensées de comparaître à l'audience pour un plus ample exposé du litige.



MOTIFS DE LA DECISION


Sur la recevabilité du recours de Mme [K] suite à la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable


Aux termes de l'article R.142-6 du code de la sécurité sociale🏛 : ' Lorsque la décision (...) de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée.

Le délai de deux mois prévu à l'alinéa précédent court à compter de la réception de la réclamation par l'organisme de sécurité sociale.(...)'


L'article R.142-1-A III indique en outre que : 'S'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande.'


En l'espèce, il n'est pas discuté que Mme [K] a formé un recours contre les décisions de la CIPAV notifiées par deux courriers du 22 avril 2020, par l'envoi d'une lettre recommandée datée du 14 mai 2020 reçue par la commission de recours amiable au mois de mai suivant, le jour exact de la réception du courrier sur l'accusé de réception étant difficilement lisible.


Il s'en suit que Mme [K] a bien respecté le principe du recours préalable amiable avant de saisir le tribunal compétent.


Il n'est pas non plus discuté que Mme [K] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille par courrier expédié le 6 juillet 2021, soit plus de deux mois suivant la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable intervenue, deux mois après sa saisine, soit au mois de juillet 2020.


Cependant, à défaut pour la caisse de justifier avoir mentionné le délai de recours dans un accusé de réception de la saisine de la commission de recours amiable, le délai de forclusion ne peut valablement être opposé à Mme [K].


Son recours doit donc être déclaré recevable.


Sur la détermination de l'assiette du calcul des points de retraite de base


En application de l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses versions successives issues de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009🏛, de la loi n°2012-1404 en date du 17 décembre 2012, et de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015🏛, et devenu L. 613-7 du même code à compter du 14 juin 2018 : par dérogation à l'article L. 131-6-2, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts🏛🏛 peuvent opter, sur simple demande, pour que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux dits articles du code général des impôts de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.


Il résulte de ces dispositions que les auto-entrepreneurs bénéficient d'un régime dérogatoire quant à l'assiette et aux taux des cotisations et contributions de sécurité sociale et que celles dont ils sont redevables sont calculées mensuellement ou trimestriellement, sur la base de leur chiffre d'affaires.


En outre, les dispositions de l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, définissant les modalités de la compensation financière de l'Etat aux fins d'inciter une adhésion au statut des auto-entrepreneurs, sont étrangères aux rapports entre la CIPAV et ses cotisants auto-entrepreneurs, d'autant que l'adhésion de ces derniers résulte non point d'une adhésion volontaire mais du caractère obligatoire des dispositions législatives et réglementaires applicables.


Il s'ensuit que la caisse ne peut utilement arguer de l'incidence d'un dispositif législatif et réglementaire ayant pour objet l'incitation à l'adhésion au statut d'auto-entrepreneur aux fins de justifier l'application d'un abattement sur le chiffre d'affaires réalisé par l'auto-entrepreneur pour déterminer l'assiette du calcul des points de retraite de base.


De même, la répartition des montants de cotisations sociale recouvrées pour les adhérents de la CIPAV relevant du régime de l'auto-entrepreneur, prévue à l'article D.131-5-3 du code de la sécurité sociale🏛, à compter du 13 décembre 2018, n'a aucune incidence sur les modalités de calcul des droits à la retraite.


Il s'en suit que dès lors que le montant des revenus d'activité de l'adhérente et le paiement afférent de ses cotisations ne sont pas discutés, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la CIPAV à rectifier l'assiette de calcul des points de retraite de base en prenant en compte les revenus d'activité de l'adhérente sans appliquer aucun abattement pour les années 2011 à 2015 et en n'appliquant pas un taux de répartition des montants de cotisations.


Sur la demande tendant à la revalorisation de la retraite complémentaire


L'article 2 du décret n°79- 262 du 21 mars 1979, dispose que le régime d'assurance vieillesse complémentaire des indépendants relevant de la CIPAV comporte huit classes de cotisation A, B, C, D, E, F, G et H portant attribution annuelle d'un certain nombre de points. Il y est précisé que les montants des cotisations des classes B, C, D, E, F, G et H sont respectivement égaux à 2,3,5,7,11,12 et 13 fois le montant de la cotisation de la classe A et que la cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5, son revenu d'activité tel que défini à l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale🏛.


Il résulte de ces dispositions, seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité.


Or, comme il a été vu plus haut, il résulte de l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses versions successives issues de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009, de la loi n°2012-1404 en date du 17 décembre 2012, et de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, et devenu L. 613-7 du même code à compter du 14 juin 2018 que les auto-entrepreneurs bénéficient d'un régime dérogatoire quant à l'assiette et aux taux des cotisations et contributions de sécurité sociale et que celles dont ils sont redevables sont calculées mensuellement ou trimestriellement, sur la base de leur chiffre d'affaires.


Il s'en suit que le revenu d'activité à prendre en compte pour déterminer la classe de cotisations applicable à l'auto-entrepreneur concerné et le nombre de points de retraite complémentaire en découlant, est son chiffre d'affaires.


Les dispositions de l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, définissant les modalités de la compensation financière de l'Etat aux fins d'inciter une adhésion au statut des auto-entrepreneurs, sont étrangères aux rapports entre la CIPAV et ses cotisants auto-entrepreneurs, d'autant que l'adhésion de ces derniers résulte non point d'une adhésion volontaire mais du caractère obligatoire des dispositions législatives et réglementaires applicables.


Il s'ensuit que la caisse ne peut utilement arguer de l'incidence d'un dispositif législatif et réglementaire ayant pour objet l'incitation à l'adhésion au statut d'auto-entrepreneur aux fins de retenir une classe de cotisations inférieure à celle à laquelle les revenus d'activité de l'auto-entrepreneuse lui ouvraient droit, en appliquant au chiffre d'affaires un abattement de 34% pour déterminer la classe de cotisations applicable et le nombre de point attribués.


De même, les dispositions statutaires se situant dans la hiérarchie des normes à un niveau inférieur aux dispositions légales et réglementaires, la caisse ne peut pas non plus utilement opposer à l'intimée ses statuts, et en particulier son article 3.12 prévoyant une possibilité de réduction du montant des cotisations pour les assurés dont les revenus d'activité sont inférieurs à un seuil fixé annuellement par le conseil d'admnistration de la CIPAV, d'autant que le nombre de points n'est pas attribué en fonction des cotisations acquittées, mais en fonction du revenu d'activité.


Enfin, c'est en vain que la caisse prétend que les auto-entrepreneurs, étant soumis à un seuil de chiffre d'affaires, ne peuvent prétendre au nombre de points prévus en cas de revenus supérieurs à ce seuil, dans la mesure où les conditions d'ouverture du droit au bénéfice du statut d'auto-entrepreneur est sans incidence sur les modalités de calcul des points de retraite complémentaire.

Il s'en suit que dès lors que le montant des revenus d'activité de l'adhérente et le paiement afférent de ses cotisations ne sont pas discutés, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la CIPAV à rectifier l'assiette de calcul des points de retraite complémentaire en prenant en compte son chiffre d'affaires pour déterminer la classe de cotisations et le nombre de point attribués y afférent.


Sur la demande d'indemnisation du préjudice moral de l'adhérente


Aux termes de l'article 1240 du code civil🏛, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'


Comme l'ont pertinemment rappelé les premiers juges, compte tenu du fait que la Cour de cassation a clairement arrêté une position juridique en 2020 et qu'elle a été suivie par plusieurs cour d'appel, en conservant une interprétation erronée des textes applicables, la caisse impose à l'adhérente de contester le calcul de sa retraite devant la commission de recours amiable, puis devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale, et encore en appel, pour obtenir gain de cause, sans pourtant opposer aucun fondement juridique nouveau.


Ce manquement est constitutif d'une faute qui cause à l'adhérente un préjudice moral compte tenu du stress résultant des démarches juridiques à accomplir, dont l'allocation de la somme de 2.000 euros répare justement.


Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.


Sur les frais et dépens


L'appelante, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile🏛.


En application de l'article 700 du même code🏛, la caisse sera également condamnée à payer à Mme [K] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.



PAR CES MOTIFS


La cour statuant publiquement par décision contradictoire,


Confirme le jugement en toutes ses dispositions,


Y ajoutant,


Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à Mme [K] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles en cause d'appel,


Déboute la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de sa demande en frais irrépétibles,


Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse au paiement des dépens de l'appel.


Le greffier La présidente

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