Jurisprudence : TA Nancy, du 28-12-2023, n° 2200959

TA Nancy, du 28-12-2023, n° 2200959

A14112DM

Référence

TA Nancy, du 28-12-2023, n° 2200959. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/104002950-ta-nancy-du-28122023-n-2200959
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Abstract

► Est confirmée la révocation des quatre policiers de la brigade anti criminalité de nuit de Nancy pour des faits de harcèlement et d'insubordination.


Références

Tribunal Administratif de Nancy

N° 2200959

Chambre 3
lecture du 28 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 mars 2022 et le 25 octobre 2023, M. D I, représenté par Me Boussoum, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2022 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer dans ses fonctions à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- la procédure est viciée par les irrégularités qui affectent l'enquête administrative ;

- la procédure est irrégulière en raison de la partialité des membres du conseil de discipline, dont certains relèvent du syndicat qui s'est exprimé publiquement sur son dossier, et en raison de l'irrégularité de la convocation et de la tenue du conseil de discipline durant lequel il n'a pas été présumé innocent ;

- la sanction est fondée sur des propos issus d'un groupe de discussion privé d'un réseau social, recueillis en méconnaissance de l'obligation de loyauté qui incombe à son employeur et du droit au respect de la vie privée tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 et par l'article 9 du code civil🏛 ;

- ces propos qui n'ont pas été prononcés publiquement, ne sont pas constitutifs d'une faute ;

- la matérialité des autres faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- il n'a commis aucun manquement à ses obligations statutaires et déontologiques au cours de son service et en dehors du service ;

- la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en raison des irrégularités affectant l'enquête administrative est inopérant ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982🏛 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984🏛 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995🏛 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004🏛 ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- l'arrêté du 23 septembre 2014 instituant les commissions administratives paritaires compétentes à l'égard des fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Philis,

- les conclusions de M. Bastian, rapporteur public,

- les observations de Me Lejars-Riccardi, représentant M. I, et les observations de M. I.

Une note en délibéré, enregistrée pour le ministre de l'intérieur et des outre-mer le 8 décembre 2023, n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. I a intégré la police nationale le 1er décembre 2003 en qualité de gardien de la paix. Il a été affecté à la circonscription de sécurité publique (CSP) de Nancy à compter du 1er septembre 2007 et a rejoint la brigade anti-criminalité (BAC) de nuit de cette circonscription à compter du mois de février 2008 jusqu'à son affectation à la brigade canine le 1er juillet 2019. A la suite d'un rapport du commissaire de police, chef du service d'intervention d'aide et d'assistance de proximité de la CSP de Nancy au directeur départemental de la sécurité publique de Meurthe-et-Moselle, en date du 27 juin 2018, l'inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie, le 1er octobre 2018, de faits relatifs au comportement de certains agents de la BAC de nuit, dont celui de M. I. Les conclusions de l'enquête administrative diligentée par l'IGPN ont conduit l'administration à engager une procédure disciplinaire à l'encontre de M. I. Le 11 octobre 2021, M. I a comparu devant la commission administrative paritaire interdépartementale Grand Est, compétente à l'égard des fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, siégeant en formation disciplinaire qui a émis un avis favorable à une sanction de révocation. Par un arrêté du 7 mars 2022, le ministre de l'intérieur l'a révoqué de ses fonctions. Par la présente requête, M. I demande l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 11-2 du code de procédure pénale🏛 : " I.-Le ministère public peut informer par écrit l'administration des décisions suivantes rendues contre une personne qu'elle emploie () lorsqu'elles concernent un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement : / 1° La condamnation, même non définitive ; / 2° La saisine d'une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d'instruction ; / 3° La mise en examen. / Le ministère public ne peut procéder à cette information que s'il estime cette transmission nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l'ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens. () ".

3. M. I fait valoir que, compte tenu du lien hiérarchique existant entre l'agent de l'IGPN chargé de l'enquête administrative et l'agent de l'IGPN chargé de l'enquête judiciaire, le premier étant le supérieur du second, celui-ci a pu accéder aux pièces de la procédure judiciaire avant la fin de l'enquête judiciaire et que son audition devant l'enquêteur est entachée d'irrégularité. Toutefois, d'une part, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête préalable à la procédure disciplinaire est inopérant à l'encontre de celle-ci. En tout état de cause, il ressort du rapport de l'enquête administrative de l'IGPN que M. I a pu répondre à l'ensemble des griefs le concernant lors de son audition le 21 juillet 2020. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a obtenu, le 27 juillet 2021, l'accord du procureur de la République auprès du tribunal judiciaire de Nancy, saisi le 27 janvier 2021, aux fins d'exploiter certains éléments de la procédure judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 11-2 du code de procédure pénale, avant d'engager la procédure disciplinaire en litige. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure conduite à son encontre doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, si Mme F, en sa qualité de déléguée nationale du syndicat Force Ouvrière, a pris position publiquement sur un réseau social au sujet de la situation d'agents de la BAC de nuit à Nancy, elle l'a fait en des termes mesurés qui, loin de caractériser une animosité personnelle à l'égard des agents poursuivis, dénonçaient surtout les faits de racisme au sein de la police. Par ailleurs, à supposer que certains membres de la formation disciplinaire de la commission administrative paritaire interdépartementale Grand Est aient été membres de ce même syndicat, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient fait preuve d'une partialité particulière à l'encontre de M. I, alors au demeurant que celui-ci a pu obtenir la récusation d'un représentant du personnel, conformément aux dispositions de l'article 43 du décret susvisé du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. () ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. () ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " () / Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. "

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le requérant a été régulièrement convoqué par un courrier du président de la formation disciplinaire de la commission administrative paritaire interdépartementale Grand Est du 8 septembre 2021, dont il a accusé réception le 21 septembre 2021. La circonstance que d'autres agents auraient été convoqués au même moment est sans incidence sur la régularité de la procédure. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. I, informé notamment de la possibilité de se faire assister d'un ou plusieurs défenseurs de son choix, de présenter des observations écrites et de citer des témoins, a fait usage de cette faculté lors de la séance du 11 octobre 2021 en présentant des observations écrites en amont de la réunion, en se faisant assister par M. J et en citant M. E en qualité de témoin, lesquels ont présenté des observations orales lors de sa comparution devant le conseil de discipline. Le procès-verbal de la séance indique notamment que la parole a été donnée en dernier à M. I, qui n'a rien ajouté. A supposer que le requérant ait entendu se prévaloir du principe de la présomption d'innocence, celui-ci ne fait pas obstacle à ce que l'administration prononce une sanction administrative sur le fondement de faits qui font aussi l'objet d'une procédure judiciaire. M. I n'est ainsi fondé ni à soutenir que le conseil de discipline se serait tenu dans des conditions irrégulières, ni à se prévaloir, le cas échéant, de la méconnaissance du principe de la présomption d'innocence.

7. En quatrième lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

8. Il résulte de ce qui précède que si des pièces et documents doivent en principe être écartés des débats dès lors qu'ils ont été obtenus en méconnaissance de l'obligation de loyauté à laquelle l'employeur public est tenu vis-à-vis de ces agents, une telle méconnaissance n'a pas pour effet, en tant que telle, de vicier l'ensemble de la procédure.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les propos tenus dans un groupe de discussion issu d'un réseau social ont été portés spontanément et délibérément à la connaissance de l'administration par l'un des membres de ce groupe, lui-même agent de la BAC de nuit. La circonstance que cet agent n'ait pas recueilli le consentement des autres membres du groupe, également en fonction au sein de la BAC de nuit, est sans incidence sur l'obligation de loyauté qui pèse sur l'administration. Dès lors, l'administration pouvait, sans méconnaître une telle obligation, se fonder sur ces faits ainsi révélés, lesquels présentent d'ailleurs un degré de gravité particulier. Le ministre de l'intérieur n'a en tout état de cause pas davantage méconnu le droit au respect de la vie privée tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil. Dans ces conditions, M. I n'est pas fondé à demander que les propos tenus dans le groupe de discussion du réseau social en litige soient écartés des débats.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique : " L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. " Aux termes de l'article L. 121-2 de ce code : " () / L'agent public traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité. " Aux termes de l'article R. 434-2 du code de la sécurité intérieure🏛 : " () Au service des institutions républicaines et de la population, policiers et gendarmes exercent leurs fonctions avec loyauté, sens de l'honneur et dévouement. / Dans l'accomplissement de leurs missions de sécurité intérieure, la police nationale, force à statut civil, et la gendarmerie nationale, force armée, sont soumises à des règles déontologiques communes et à des règles propres à chacune d'elles. Ces dernières sont précisées à la section 4 du présent chapitre. " Aux termes de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure🏛 : " Le policier () ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale (). Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation. " Aux termes de l'article R. 434-14 dudit code : " () / Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération. " Aux termes de l'article R. 434-26 de ce même code🏛 : " Les policiers et gendarmes de tous grades auxquels s'applique le présent code de déontologie en sont dépositaires. Ils veillent à titre individuel et collectif à son respect. " et aux termes de l'article R. 434-29 : " () / Lorsqu'il n'est pas en service, il s'exprime librement dans les limites imposées par le devoir de réserve et par la loyauté à l'égard des institutions de la République. () ". Aux termes de l'article R. 434-44 du même code : " Le policier et le gendarme accomplissent leurs missions en toute impartialité. / Ils accordent la même attention et le même respect à toute personne et n'établissent aucune distinction dans leurs actes et leurs propos de nature à constituer l'une des discriminations énoncées à l'article 225-1 du code pénal🏛. " Aux termes de l'article 29 du décret susvisé du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public. ", et aux termes de l'article 30 de ce décret : " Le fonctionnaire actif des services de la police nationale, quelle que soit sa position, ne peut exercer une activité de nature à jeter le discrédit sur la fonction ou à créer une équivoque préjudiciable à celle-ci. () ". Aux termes de l'article 111-6 du règlement général d'emploi de la police nationale annexé à l'arrêté susvisé du 6 juin 2006 : " Dans le respect des lois et règlements en vigueur, notamment du code de déontologie de la police nationale, tout fonctionnaire de police a le devoir d'exécuter loyalement les instructions et les ordres qui lui sont donnés par l'autorité supérieure. Il est responsable de leur exécution, ou des conséquences de leur inexécution, dont il a l'obligation de rendre compte. / L'autorité compétente prend les mesures propres à sauvegarder les intérêts du service lorsque le comportement professionnel ou privé du fonctionnaire () apparaissent de nature à jeter le discrédit sur sa fonction ou le service auquel il appartient, ou à créer une équivoque préjudiciable à ceux-ci. " Aux termes de l'article 113-10 de cette même annexe : " () / En tout temps, en service ou hors service, ils s'abstiennent, en public, de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur l'institution à laquelle ils appartiennent. / () ".

11. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier et, dans l'affirmative, s'ils présentent un caractère fautif de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

12. Par ailleurs, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.

13. Pour prononcer la sanction de révocation le 7 mars 2022 à l'encontre de M. I, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur sa défiance à l'égard de M. C, son supérieur hiérarchique, sur ses agissements répétés à l'égard de Mme B, de M. A G et de M. K qui ont eu pour effet de dégrader leurs conditions de travail et leur état de santé, sur son refus systématique de saluer et d'échanger avec M. H, ainsi que sur les propos qu'il a tenus dans le fil de discussion d'un groupe d'un réseau social stigmatisant, en raison de ses origines maghrébines, M. A G.

14. Par un arrêt du 8 juin 2023, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Nancy a reconnu M. I coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné à une peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis, assortie d'une interdiction d'exercer la profession de policier pendant 2 ans, et à 6 amendes de 300 euros chacune pour l'infraction de harcèlement moral de M. A G, commise entre septembre 2017 et décembre 2018, et pour l'infraction d'injure non publique en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion commise les 6 et 11 octobre 2017, les 11 et 28 novembre 2017, le 12 décembre 2017 et en janvier 2018 à Nancy.

Bien que M. I conteste la matérialité des faits relevés par l'administration en se prévalant d'une " guerre de clans " ou encore de l'insuffisance de certains de ses collègues, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la décision rendue par le juge pénal, devenue définitive en ce qui le concerne, que M. I a contribué, par ses agissements répétés, à la détérioration des conditions de travail et de l'état de santé de M. A G et a tenu, à plusieurs reprises, des propos racistes et discriminants pour désigner cet agent de la BAC de nuit, de nature à encourager sa mise à l'écart lors de l'exercice de ses fonctions, dans le fil d'une discussion sur un réseau social, au sein d'un groupe composé de collègues de sa brigade, qu'il qualifie lui-même de " défouloir ". Il n'a pas davantage adopté un comportement modérateur ou dissuasif pour les commentaires émis par les autres membres de ce groupe. Si le requérant se prévaut de l'impossibilité pour l'entreprise propriétaire du réseau social de retrouver les pseudonymes des utilisateurs du fil de discussion, les constatations matérielles des faits par le juge pénal permettent de tenir pour établie la teneur de cette conversation. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner la matérialité des autres griefs fondant la décision en litige, les griefs tenant à la situation de harcèlement moral de M. A G, en raison du comportement de M. I, et aux propos dénigrants à connotation raciste qu'il a tenus dans un fil de discussion sur un réseau social sont établis et constituent, à eux-seuls, des manquements graves et caractérisés aux obligations mentionnées au point 10, notamment aux obligations de réserve, d'exemplarité et de dignité auxquelles sont astreints les fonctionnaires de police. La circonstance que les commentaires de M. I ont été tenus dans un groupe de discussion qui n'était ouvert qu'à ses membres est sans incidence dès lors que le comportement d'un agent public, y compris dans sa vie privée, peut avoir pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration, ce qui a été le cas en l'espèce. Par suite, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas inexactement qualifié ces faits en retenant leur caractère fautif.

15. En vertu de l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique, reprenant les dispositions de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. La sanction de révocation relève du quatrième groupe.

16. Alors même que M. I a atteint les objectifs qui lui étaient assignés tout le long de sa carrière de policier, l'administration n'a pas pris, eu égard à la gravité des fautes commises par cet agent, une sanction disproportionnée en révoquant M. I.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 mars 2022 doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction sous astreinte.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. I demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. I est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D I et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de la zone de défense et de sécurité Est.

Délibéré après l'audience publique du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Di Candia, président,

Mme Bourjol, première conseillère,

Mme Philis, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

La rapporteure,

L. Philis

Le président,

O. Di Candia

La greffière,

L. Bourger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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