ETUDE : L'escroquerie et les infractions voisines (dépubl. le 22/12/2022)
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avec cacheDernière modification le 22-12-2022
L'escroquerie est une infraction complexe. Elle se caractérise par le fait de tromper, intentionnellement, une personne et de la déterminer, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge (C. pén., art. 313-1 N° Lexbase : L2012AMH).
Trois procédés peuvent être constitutifs de tromperie : l'usage de faux nom ou de fausses qualités, l'abus de qualité vraie et les manoeuvres frauduleuses. Est, par exemple, constitutif du premier procédé, l'usage par un individu de la fausse qualité de médecin pour obtenir la remise de sommes d'argent à titre d'honoraires (Cass. crim., 8 février 1995, n° 94-80.960 N° Lexbase : A8719ABK). Est constitutif d'un abus de qualité-vraie, le fait pour un avocat de se faire remettre de l'argent en affirmant faussement à sa victime qu'il convient de corrompre l'administrateur judiciaire pour obtenir des décisions favorables (Cass. crim., 30 juin 1999, n° 98-82009 N° Lexbase : A5746CKZ). Est, enfin, constitutif de manoeuvres frauduleuses, l'ouverture d'un compte dans le seul but de se faire délivrer un chéquier destiné à créer l'apparence d'une solvabilité et d'utiliser les chèques pour obtenir la remise de biens avec le dessein formé de ne pas en payer le prix (Cass. crim., 1 juin 2011, n° 10-83.568 FS-P+B+R N° Lexbase : A3251HTL).
Le délit d'escroquerie exige la remise d'une chose. Le délit ne peut, cependant, être établi que si les manoeuvres frauduleuses ont été déterminantes de la remise et antérieures à celle-ci (Cass. crim., 10 novembre 1999, n° 98-81.762 N° Lexbase : A5591AWY).
Les manoeuvres délictueuses doivent, également, avoir causé un préjudice à l'auteur de la remise ou à un tiers. Le préjudice n'est pas nécessairement pécuniaire. Il est caractérisé dès lors que l'acte opérant obligation n'a pas été librement consenti mais a été obtenu par des moyens frauduleux (Cass. crim., 28 janvier 2015, n° 13-86.772, F-P+B N° Lexbase : A7166NAN).
Enfin, le délit doit avoir été commis intentionnellement.
L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende (C. pén., art. 313-1 N° Lexbase : L2012AMH). En présence de circonstances aggravantes, l'emprisonnement est porté à 7 ans et l'amende à 750 000 euros (C. pén., art. 313-2 N° Lexbase : L0849IZH). La tentative est, également, punie des mêmes peines (c. pén., art. 313-3 N° Lexbase : L1902AME).
Arrêté du 26 juin 2020 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « traitement harmonisé des enquêtes et des signalements pour les e-escroqueries » (THESEE) ([LXB=L5317LX9) : cet arrêté autorise le ministre de l’Intérieur à mettre en œuvre un traitement de données à caractère personnel ayant pour finalité de permettre le dépôt de plaintes ou de signalements en ligne pour un certain nombre d’infraction commises sur internet, puis de centraliser et d’exploiter les éléments recueillis afin d’effectuer des rapprochements. |
Certaines infractions voisines de l'escroquerie sont, aussi, réprimées. Il en est, ainsi du délit de filouterie. Le délit consiste à solliciter et obtenir divers biens ou services tout en sachant qu'on est dans l'incapacité de payer ou simplement déterminé à ne pas le faire. Quatre catégories de filouterie sont visées par le Code pénal : la filouterie d'aliments ou de boisson, la filouterie de logement, la filouterie de carburants ou lubrifiants et, enfin, la filouterie de transport (C. pén., art. 313-5 N° Lexbase : L1987AMK).
L'entrave à la liberté des enchères, caractérisé par le fait d'écarter un enchérisseur ou de limiter les enchères ou les soumissions dans une adjudication publique, par dons, promesses, ententes ou tout autre moyen frauduleux, est, également, puni de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende (C. pén., art. 313-6 N° Lexbase : L7922IQH).
L'escroquerie au logement est, quant à elle, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Il s'agit du fait de mettre à disposition d'un tiers, en vue qu'il y établisse son habitation moyennant le versement d'une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l'autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d'usage de ce bien, (C. pén., art. 313-6-1 N° Lexbase : L0658DHT).
Enfin, le fait de vendre des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, ou de l'organisateur de ce spectacle, est puni de 15 000 euros d'amende (C. pén., art. 313-6-2 N° Lexbase : L3838ISX).
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► Lire : N. Catelan, Panorama de droit pénal des affaires (avril - novembre 2018), 2° Analyses biologiques vs manœuvres frauduleuses, Lexbase Pénal, 2018, n° 10 (N° Lexbase : N6413BXS)
Il en est ainsi lorsque l'escroquerie est réalisée :
- par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
- par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ;
- par une personne qui fait appel au public en vue de l'émission de titres ou en vue de la collecte de fonds à des fins d'entraide humanitaire ou sociale ;
- au préjudice d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
► Contenus liés :
R. Ollard, Confirmation de l'assouplissement du critère du commencement d'exécution punissable en matière de tentative d'escroquerie à l'assurance, in Lexbase éd. priv., 2009, n° 337 (N° Lexbase : N4906BIK)
Dès lors, encourt la cassation l’arrêt qui, pour déclarer le prévenu coupable de tentative d’escroquerie, relève qu'en se procurant neuf faux chèques et en insérant chacun de ceux-ci dans une enveloppe "lettre suivie" de la poste portant une adresse à lui remise par un mystérieux donneur d'ordre et en se rendant à Reims, loin de son domicile, pour y poster lesdites enveloppes, l’intéressé a bien commis le commencement d'exécution d'une tentative d'escroquerie, lequel n'a manqué son effet que par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, à savoir, la fouille de son véhicule par les douaniers.
La particularité de cette décision tient au fait qu’en l’espèce il s’agissait de chèques. La Cour de cassation juge en effet, en matière d’escroquerie à l’assurance, que seule la déclaration de sinistre constitue un commencement d’exécution justifiant une condamnation pour tentative d’escroquerie (Cass. crim., 17 décembre 2008, n° 08-82.085, F-P+F A1635ECK).
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Les peines complémentaires pouvant être prononcées sont :
1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;
2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;
3° La fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
5° L'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31 ;
6° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ;
7° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35.