Le Quotidien du 14 août 2023 : Droit pénal spécial

[Jurisprudence] Conflits d’intérêts et de lois pénales dans le temps

Réf. : Cass. crim., 5 avril 2023, n° 21-87.217, FS-B N° Lexbase : A61569MX

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N5490BZD

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par Adeline Costes, Docteure de l’Université de Bordeaux

le 04 Août 2023

Mots-clés : prise illégale d’intérêts • conflits d’intérêts • droit pénal des affaires • application de la loi pénale dans le temps • non-rétroactivité de la loi pénale

La Cour de cassation se prononce sur la portée de la nouvelle rédaction de l’article 432-12 du Code pénal N° Lexbase : L1290MAZ réprimant la prise illégale d’intérêts. Elle confirme l’analyse de la doctrine suivant laquelle cette portée est faible en jugeant les nouvelles dispositions de cet article équivalentes aux anciennes et refuse, par suite, l’application rétroactive la loi nouvelle.


 

« On sait que l’action sur le temps est l’un des thèmes favoris des hommes de science — le voyageur de Langevin — des poètes, des philosophes et des romanciers. […] on remarquera, du côté du passé, que le mécanisme juridique de la rétroactivité traduit dans les faits ce désir de l’homme non pas de revivre son passé tel quel — qui le voudrait, heure après heure, et même dans l’inconnu ? — mais pour le modifier » [1]. C’est ainsi que les prévenus, dans l’affaire soumise à la Cour de cassation dans le présent arrêt, cherchaient à voire corriger non les faits, mais leur nature délictuelle, qui pourrait être remise en cause par la rétroactivité de la loi pénale nouvelle.

En l’espèce, une commune propose à des artisans d’acquérir pour leur installation des parcelles à un prix inférieur à celui du marché. Le conjoint de la directrice générale des services de la commune se porte candidat et obtient l’un des lots. Une promesse de vente est conclue entre lui et la commune, l’acte précisant que le lot attribué pouvait être cédé à toute société dont le gérant remplirait à titre personnel la condition d’immatriculation au registre des métiers. L’acte notarié portant acquisition du lot est ensuite signé entre la maire et la directrice générale des services de la commune mais en sa qualité de gérante de la société créée avec son conjoint, alors qu’elle ne remplissait pas la condition d’immatriculation posée par la promesse de vente. La directrice générale des services de la commune est poursuivie et condamnée par le tribunal correctionnel du chef de prise illégale d’intérêts, la maire pour complicité et le conjoint pour recel de ce délit. Les prévenus, après avoir relevé appel de cette décision, forment un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Par l’un des moyens proposés, les demandeurs au pourvoi soutenaient que, dès lors que les dispositions pénales nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes, la cour d’appel aurait dû, conformément à l’article 111-2 du Code pénal N° Lexbase : L2176AMK, appliquer l’article 432-12 du même code N° Lexbase : L1290MAZ dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2021, qui substitue à l’exigence d’un intérêt quelconque celle d’un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité. L’argument soulevé par le pourvoi est le suivant : la loi nouvelle, en précisant la notion d’intérêt, restreint le champ d’application de l’infraction de prise illégale d’intérêt. Ce n’est plus n’importe quel intérêt (un « intérêt quelconque »), mais celui « de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité » qui doit être identifié. Le cœur de l’argumentation conduit à soutenir que les deux types d’intérêt sont distincts et plus précisément encore que la notion d’intérêt quelconque est plus large que celui prévu par la loi nouvelle. Si l’on suit cet argument, il faut en déduire que la loi nouvelle est plus douce : si l’intérêt quelconque est plus large que celui de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’agent, le nouveau champ d’application de l’infraction est plus étroit de sorte que les faits auparavant qualifiables de prise illégale d’intérêt pourraient ne plus l’être.

La Cour de cassation devait donc déterminer quelle version de l’article 432-12 du Code pénal, ancienne ou nouvelle, était applicable, en particulier au regard du principe de rétroactivité in mituis. La Chambre criminelle rappelle les éléments de faits sur lesquels la cour d’appel s’est fondée avant de juger que « ces énonciations […] caractérisent le délit de prise illégale d’intérêts au regard du texte alors applicable », sans préciser toutefois lequel. Elle ajoute que « les prévisions de l’article 432-12 du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 aux termes de laquelle l’intérêt doit être de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’auteur du délit sont équivalentes à celles résultant de sa rédaction antérieure par laquelle le législateur, en incriminant le fait, par une personne exerçant une fonction publique, de se placer dans une situation où son intérêt entre en conflit avec l’intérêt public dont elle a la charge, a entendu garantir, dans l’intérêt général, l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions publiques (Cass. crim., 19 mars 2014, QPC n° 14-90.001, F-D N° Lexbase : A7643MHK ; Cass. crim., 20 décembre 2017, QPC n° 17-81.975, F-P+B+I N° Lexbase : A8911Y4S) » [2]. Elle rejette donc le pourvoi.

Répondre à l’interrogation qui lui était soumise nécessitait à la fois de mesurer, comme le pourvoi l’y invitait, la nouveauté apportée par la réécriture de l’article 432-12 du Code pénal (I.), préalable nécessaire à la détermination de la version applicable en la cause (II.).

I. La nouveauté apportée par la réécriture de la prise illégale d’intérêt

Au soutien de leur pourvoi, chacun des prévenus alléguait que la loi du 22 décembre 2021 N° Lexbase : Z459921T, en précisant la notion d’intérêt, avait restreint le champ d’application de l’infraction de prise illégale d’intérêt. Là où ils distinguaient une nouveauté substantielle apportée par la réécriture de cette infraction et affectant la définition du comportement incriminé, la Chambre criminelle n’y a vu cependant qu’une nouveauté formelle –seule la forme, le contenant de la norme, se trouve modifiée et non son champ d’application, son contenu – dès lors qu’elle conclut à l’équivalence des dispositions anciennes et nouvelles.

La nouveauté formelle apportée par la réécriture de la prise illégale d’intérêt ne fait pas l’objet de discussion, certainement parce qu’elle ne fait aucun doute : là où le texte ancien sanctionnait la prise d’un intérêt quelconque, le nouveau réprime celle d’un intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’agent. Le texte d’incrimination a incontestablement fait l’objet d’une réécriture. Ce qui était en réalité déterminant, c’était d’identifier si cette modification formelle du texte d’incrimination entraînait une modification d’ordre substantiel : celle de réduire ou d’élargir le champ d’application originel de l’incrimination. Pour conclure à l’absence de nouveauté substantielle apportée par la réécriture de la prise illégale d’intérêt, la Cour a dû procéder à la comparaison du droit ancien et du droit nouveau, ce qu’elle fait en se référant à la jurisprudence rendue en application de la loi ancienne [3].

En confrontant la notion d’intérêt quelconque telle qu’elle a été interprétée par la jurisprudence jusqu’alors et celle nouvellement consacrée par le législateur, il apparaît que les deux qualificatifs n’ont pas la même fonction. On peut, en effet, avoir l’impression que l’épithète « quelconque » a précisément pour seule fonction de qualifier l’intérêt, impression qui est d’ailleurs confirmée à la fois par la jurisprudence et par la doctrine. Lorsque la jurisprudence doit se prononcer sur la nature quelconque de l’intérêt, elle précise en effet qu’il « peut être de nature matérielle ou morale, direct ou indirect » [4], qu’il peut consister dans un lien d’amitié [5] ou dans un lien d’affaires unissant l’auteur du délit à la personne bénéficiant d’une décision prise par lui dans le cadre de ses fonctions publiques [6], sans qu’il soit nécessaire qu’il « soit en contradiction avec l’intérêt communal » [7]. Or, la précision introduite par le législateur, celle que l’intérêt doit être de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’agent, ne remet nullement en cause le type d’intérêt pris, qui pourra demeurer matériel, moral, effectif ou non [8]. Ce nouveau qualificatif, s’il ne désigne pas la nature de l’intérêt, semble davantage préciser l’effet potentiel de l’ingérence. Autrement dit, les deux qualificatifs ne renvoient pas la même réalité et paraissent, en quelque sorte, incomparables de sorte que conclure à leur équivalence semble curieux. Parvenir à pareille conclusion est en vérité envisageable uniquement si l’on considère que la prise de tout intérêt (quelconque donc), sous l’empire de la loi ancienne, emporte nécessairement cet effet potentiel de compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’agent.

Si l’on se réfère aux travaux parlementaires sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique de 2013, il y est précisé que « c’est précisément la perte d’objectivité ou le seul risque de perte d’objectivité qui constitue le fondement de l’incrimination » [9]. La jurisprudence a fait d’ailleurs référence à la volonté du législateur, dans l’hypothèse particulière de la soumission d’une question prioritaire de constitutionnalité suivant laquelle le texte incriminant la prise illégale d’intérêts, ne protégeant ni l’intérêt particulier ni l’intérêt général, contrarierait le principe de nécessité des incriminations et celui de nécessité des peines respectivement prévus par les articles 5 N° Lexbase : L1369A9L et 8 N° Lexbase : L1372A9P de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Pour refuser de transmettre cette question au Conseil constitutionnel, la Chambre criminelle, par deux fois, a jugé que le législateur « a entendu garantir, dans l’intérêt général, l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions publiques » [10]. À la lumière de ces éléments, l’arrêt commenté paraît se justifier pleinement, le nouveau qualificatif traduisant tant la volonté initiale du législateur que l’état de la jurisprudence, cette dernière s’étant visiblement conformée à la première.

Toutefois, si pareille volonté semble aujourd’hui entendue par la jurisprudence, le législateur a pu considérer que ce n’était pas suffisamment le cas. Le qualificatif qu’il a dernièrement introduit avait déjà été proposé antérieurement, en 2013, à la suite de la Commission Sauvé [11] et de la Commission Jospin [12], cela parce que « la rédaction de l’article 432-12 du Code pénal était considérée comme trop générale en ce qu’elle n’exige pas expressément que l’intérêt pris, reçu ou conservé par l’auteur du délit ait été de nature à compromettre son indépendance ou son impartialité [alors que] c’est précisément la perte d’objectivité ou le seul risque de perte d’objectivité qui constitue le fondement de l’incrimination » [13]. Cette rédaction trop générale présentait alors le risque d’une interprétation extensive du délit par la jurisprudence. Les travaux parlementaires de la loi consacrant cette modification formelle de l’article 432-12 du Code pénal N° Lexbase : L1290MAZ ne disent pas autre chose, qui relèvent que « la jurisprudence a évolué, au fil du temps, vers une conception de plus en plus formelle de la définition de la prise illégale d’intérêts, éloignée de l’esprit de la loi » [14]. Autrement dit, le législateur voulait rendre explicite ce qui était originellement seulement implicite, à tel point que la jurisprudence a pu s’en éloigner.

Les travaux parlementaires révèlent donc que le législateur ne tient pas pour équivalent « intérêt quelconque » – tel qu’appliqué par la jurisprudence – et « intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’agent ».

Pour autant, l’on peine à première vue à identifier quelles situations réprimées sous l’empire de la loi ancienne telle qu’interprétée par la jurisprudence ne le seraient plus à partir de la nouvelle définition du comportement incriminé [15]. Il a été avancé que ce pourrait être l’hypothèse dans laquelle l’agent public n’est pas placé dans une situation de contradiction d’intérêts mais de convergence d’intérêts qui a conduit le législateur à vouloir une telle modification  [16]. Or, outre que le nouveau qualificatif ne peut en lui-même réduire la nature de l’intérêt pris, il ne peut pas non plus exclure du champ d’application de l’infraction les situations de convergence d’intérêts. L’intérêt pris, même convergent avec l’intérêt public que l’agent représente, peut, en effet, être tout à fait apte à influencer sa décision et donc nuire à son impartialité, indépendance ou objectivité.

C’est en réalité l’intensité de l’influence de l’intérêt pris qui distingue les deux qualificatifs. L’agent public, dès lors qu’il est susceptible de prendre un autre intérêt, d’ordre familial, d’affaires ou matériel, en tout cas différent – mais pas nécessairement contraire – de celui, public, qu’il représente, se trouve placé dans une situation d’interférence entre l’intérêt public et l’autre intérêt, privé ou public. Si l’on reprend la définition du conflit d’intérêts retenu par la loi, et dont la prise illégale d’intérêts constitue le volet répressif, il s’agit précisément d’une telle situation d’interférence, à condition qu’elle soit « de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions » [17]. La commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts a d’ailleurs relevé que peu importe que l’intérêt que possède l’agent soit en contradiction avec l’intérêt public ou en convergence dès lors que « ces intérêts privés et leur influence potentielle sur les intérêts publics présentent une intensité suffisante pour pouvoir être regardés comme de nature à susciter un doute raisonnable sur l’impartialité de la personne concernée » [18]. Ainsi, au regard de ces éléments de définition du conflit d’intérêts et dans la perspective d’une mise en cohérence entre les dispositifs préventif et répressif des conflits d’intérêts [19], le simple intérêt pris ne devrait plus suffire ; il faudrait que soit établi un intérêt présentant une influence dont l’intensité atteint un certain degré [20] – ce qui n’est peut-être pas le cas de tout intérêt et qui invite en toute hypothèse à davantage de motivation de la part des juges du fond.

La Chambre criminelle conclut néanmoins à l’équivalence des dispositions nouvelles et anciennes, en prenant appui sur les décisions jurisprudentielles la traduisant le mieux. Elle en déduit que, compte tenu des énonciations de la cour d’appel, le délit de prise illégale d’intérêt est caractérisé conformément au texte applicable… qu’elle ne désigne pourtant pas expressément.

II. La détermination du texte d'incrimination applicable à la cause

Au regard de son analyse quant à la nouveauté apportée par la réécriture de la prise illégale d’intérêts, le rejet du pourvoi n’est pas surprenant. La Chambre criminelle, en retenant que les dispositions anciennes et nouvelles sont équivalentes, dénie toute modification substantielle – et donc tout rétrécissement du champ d’application – du texte d’incrimination. Par conséquent, en vertu de l’article 112-1, alinéa 1er, du Code pénal N° Lexbase : L2215AMY, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale reçoit application en l’espèce, sans toutefois que la Chambre criminelle l’indique expressément.

C’est que, d’une part, peu importe en réalité sur quel texte se sont fondés les juges, si l’on se réfère à la continuité d’incriminations, à laquelle le vocabulaire utilisé par la Chambre criminelle en l’espèce n’est pas étranger. La continuité d’incriminations se rencontre lorsque la loi nouvelle, celle procédant par exemple à la modification du comportement incriminé, n’apporte aucune nouveauté substantielle, mais une seulement d’ordre formel, de sorte que les faits reprochés « entrent, tant dans les prévisions de la loi pénale applicable au moment où ils ont été commis, que dans celles de la loi pénale applicable aujourd’hui » [21]. Suivant ce principe, la loi nouvelle, « déterminant autrement que la loi précédente les éléments constitutifs d’une infraction est applicable aux faits commis avant son entrée en vigueur si ceux-ci entrent dans les prévisions de l’ancienne et de la nouvelle loi » [22]. Cette solution présente davantage un intérêt lorsque la loi ancienne est abrogée et immédiatement remplacée par une autre. Alors que les règles d’application de la loi pénale dans le temps conduiraient à rendre inapplicables les lois ancienne et nouvelle, le recours à la continuité d’incriminations permet de maintenir la répression [23]. Or en l’espèce, il n’y a pas eu d’abrogation de la loi ancienne, seulement une modification partielle du texte d’incrimination. La jurisprudence a néanmoins appliqué cette forme de continuité d’incriminations en matière de pratiques commerciales trompeuses, incrimination remplaçant celle de publicité mensongère, en jugeant que le délit « qualifié de publicité mensongère par l’article L. 121-1 du Code de la consommation dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, puis qualifié de pratique commerciale trompeuse dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 2008 » [24] était caractérisé, peu important finalement que les juges du fond se soient fondés sur le nouveau texte. Cette hypothèse est proche de celle qui nous occupe : si les dispositions sont équivalentes, ainsi que le considère la Cour en l’espèce, le fondement textuel choisi est indifférent.

On peut néanmoins relever, d’autre part, que malgré la reconnaissance d’une seule modification formelle, le caractère interprétatif de la loi nouvelle aurait pu conduire à anticiper l’application de la loi pénale de fond. Les lois interprétatives sont celles « qui n’ajoutent rien aux textes interprétés ; [qui] révèlent tout au plus le sens qui était le leur dès l’origine » [25]. Au regard de l’objectif affiché par le législateur, la modification formelle apportée par la loi du 22 décembre 2021 ne semble pas être autre chose dès lors qu’elle explicite la volonté initiale du législateur. Si de telles lois suscitent la méfiance, c’est d’abord parce qu’elles peuvent dissimuler la volonté de mettre fin à une interprétation jurisprudentielle jugée indésirable. Cela est gênant, en effet, lorsque cette interprétation jurisprudentielle est restrictive : la loi supposément interprétative, dont on accepte qu’elle rétroagisse, pourrait alors permettre de contourner l’application du principe de non-rétroactivité in pejus  [26]. Or en l’espèce, la Chambre criminelle reconnaît l’équivalence – à tout le moins substantielle – des dispositions ancienne et nouvelle. Le risque de contournement dudit principe aurait donc sans doute pu être écarté. L’enjeu était certes, d’un point de vue technique, négligeable : si les dispositions sont équivalentes, le caractère délictuel des agissements des prévenus aurait été reconnu de la même manière. L’enjeu se trouvait ailleurs : dans la pédagogie vertueuse des jugements, les juges du fond étant astreints, par la loi nouvelle, à caractériser – et donc motiver – expressément l’effet potentiel de la prise d’intérêt sur les exigences d’impartialité, d’indépendance et d’objectivité.

À retenir : la nouvelle définition de la prise illégale d’intérêts telle qu’elle résulte de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T est équivalente à celle résultant de sa rédaction antérieure de sorte qu’elle n’est pas d’application rétroactive.


[1] J. Larguier et A.-M. Larguier, Le rejet de l’analyse rétroactive en matière pénale, RSC, 1972, p. 763-764.

[2] Nous soulignons.

[3] Cass. crim., 19 mars 2014, QPC n° 14-90.001, F-D N° Lexbase : A7643MHK ; Cass. crim., 20 décembre 2017, QPC n° 17-81.975, F-P+B+I N° Lexbase : A8911Y4S .

[4] Cass. crim., 29 septembre 1999, n° 98-81.796, publié au bulletin N° Lexbase : A5592AWZ.

[5] Cass. crim., 5 avril 2018, n° 17-81.912, FS-P+B N° Lexbase : A4461XKG.

[6] Cass. crim., 20 mars 2019, n° 17-81.975, F-P+B+I N° Lexbase : A8911Y4S.

[7] Cass. crim., 19 mars 2008, n° 07-84.288, F-P+F N° Lexbase : A7756D7E.

[8] Dans le même sens, V. Malabat, Droit pénal spécial, Dalloz, coll. Hypercours, 10e éd., 2022, n° 980, p. 675.

[9] Rapport fait par J.-J. Urvoas sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique, 17 juillet 2013, Assemblée nationale, n° 1279 et 1280, p. 57 [en ligne].

[10] Cass. crim., 19 mars 2014, QPC n° 14-90.001, F-D N° Lexbase : A7643MHK ; Cass. crim., 20 décembre 2017, QPC n° 17-81.975, F-D N° Lexbase : A0533W9M.

[11] Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, Rapport, 26 janvier 2011, , p. 36 [en ligne].

[12] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, novembre 2012, p. 98-99 [en ligne].

[13] Rapport fait par J.-J. Urvoas sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique, op. cit., loc. cit.

[14] Rapport fait par A. Canayer, Ph. Bonnecarrere sur le projet de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 15 septembre 2021, Sénat, n° 834, art. 10 bis, p. 100 [en ligne].

[15] V. not. V. Malabat, op. cit., loc. cit. ; F. Stasiak, La réforme du délit de prise illégale d'intérêts par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 : confiance dans l'institution judiciaire ou défiance dans l'institution parlementaire ?, Dr. pén., n° 2, février 2022, étude 6, n° 15.

[16] D. Rebut, Les conflits d’intérêts et le droit pénal, Pouvoirs n° 147, novembre 2013, n° 123 ; 128.

[17] Loi n° 2016-483, du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, art. 2 N° Lexbase : Z35296PA.

[18] Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, préc., p. 16 ?

[19] Par ailleurs souhaitée par le législateur, v. J.-M. Brigant, Délit de prise illégale d'intérêts : un législateur très intéressé, Gaz. Pal., 24 mai 2022, n° 18, p. 13.

[20] Dans le même sens, v. M. Cléry-Melin et J.-B. Boué-Diacquenod, Prise illégale d’intérêts : une nouvelle définition du délit mais toujours autant d'incertitudes sur son champ d’application, Lexbase Pénal, novembre 2021 N° Lexbase : N9439BYA ; J.-M. Brigant, op. cit., loc. cit.

[21] Cass. crim., 9 septembre 2008, n° 07-87.900, F-P+F N° Lexbase : A5059EAM.

[22] Cass. crim., 13 juin 2019, QPC n° 19-90.013, F-P+B+I N° Lexbase : A5689ZEG .

[23] V. sur cette question P.-Y. Gautier, La loi pénale abrogée : du principe de continuité des poursuites, in Mélanges dédiés à B. Bouloc, Dalloz, 2006, p. 379 s. ; R. Gassin et S. Cimamonti, Les dispositions transitoires et le droit pénal de fond, RRJ, 1999, n° 33 s., p. 1440 s., V. Malabat, D., 2005, jur. 621.

[24] Cass. crim., 27 janvier 2015, n° 14-80.220, F-P+B N° Lexbase : A6976NAM.

[25] E. Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis, 4e éd., 2016, n° 1771, p. 1241.

[26] M. Lacaze, Les dispositions transitoires : l’exemple du droit pénalin E. Bonis, V. Malabat (dir.), La qualité de la norme, Tome 2, L’application de la norme, Mare et Martin, 2020, n° 9, p. 109.

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