Réf. : Cass. civ. 1, 5 avril 2023, n° 21-22.296, FS-B N° Lexbase : A61719MI
Lecture: 5 min
N5065BZM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 17 Avril 2023
► Sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, réalisé par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien personnel appartenant à l'autre et affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
La solution ainsi posée par la Cour de cassation s’inscrit dans la parfaite continuité de ses précédents arrêts qui élaborent progressivement le régime jurisprudentiel baptisé en doctrine « Logement & CCM » (J. Casey, v. notamment, Sommaires de droit des régimes matrimoniaux (septembre 2020 - décembre 2020), obs. n° 10, Lexbase Droit privé, janvier 2021, n° 850 N° Lexbase : N6084BYY ; Sommaires d’actualité de droit des régimes matrimoniaux 2022-1 (janvier – juin 2022), spéc. obs. n° 20 et n° 21, Lexbase Droit privé, n° 923, 10 novembre 2022 N° Lexbase : N3245BZ9), applicable dans le cadre de la liquidation d’un régime de séparations de biens et dont on fera un bref rappel.
La Cour de cassation a posé le principe selon lequel le financement du logement de la famille par un seul des époux est seulement l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage, sauf à ce qu'il démontre que les paiements effectués n'ont pas été proportionnels à ses facultés contributives ou ont manifestement excédé sa part contributive (Cass. civ. 1, 12 juin 2013, n° 11-26.748, F-P+B N° Lexbase : A5830KGZ ; Cass. civ. 1, 24 septembre 2014, n° 13-21.005, F-P+B N° Lexbase : A3149MXW).
Une exception a été posée à ce principe, lorsque le financement résulte d’un apport en capital de fonds personnels ; dans ce cas, l’apport personnel en capital par un époux donne toujours (sauf convention contraire) lieu à remboursement, dès lors qu'il s’agit de financer un bien immobilier à vocation familiale, et donc indépendamment de l’obligation de contribuer aux charges du mariage. Les premières décisions ayant fondé cette jurisprudence concernaient le cas où l’apport permet de financer la part de son conjoint lors de l'acquisition d'un bien indivis (Cass. civ. 1, 3 octobre 2019, n° 18-20.828, FS-P+B+I N° Lexbase : A4983ZQM ; Cass. civ. 1, 9 février 2022, n° 20-14.272, F-D N° Lexbase : A06507NE ; Cass. civ. 1, 9 juin 2022, n° 20-21.277, F-B N° Lexbase : A790674L).
Dans son arrêt du 9 juin 2022, la Cour de cassation avait eu l’occasion d’étendre la solution au cas où l’apport en capital de fonds personnels par un époux permet de financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien personnel appartenant à l'autre (Cass. civ. 1, 9 juin 2022, n° 20-21.277, F-B N° Lexbase : A790674L).
C’est cette dernière solution qui est confirmée par le présent arrêt en date du 5 avril 2023.
En l’espèce, l’ex-époux avait formé une demande de créance à l'encontre de son ex-épouse au titre du financement d'une partie des travaux d'édification d'une maison sur le terrain appartenant à celle-ci (était en cause le règlement d’une facture de construction de la maison d'un montant de 36 240,83 euros à l'aide de capitaux provenant de son épargne personnelle).
La cour d’appel de Chambéry avait relevé que l'espèce concernait le financement de la construction d'un bien personnel de l'épouse et non celui de la part indivise du conjoint (on reconnaît ici la référence à la jurisprudence posée par la Cour de cassation dans son arrêt du 3 octobre 2019), que le montant de la facture demeurait relativement modeste et constituait une dépense ponctuelle, qu'il n'était pas établi de sur-contribution aux charges du mariage de l’époux (on reconnaît là la référence à la solution posée dans l’arrêt du 24 septembre 2014 précité.) et qu'il n’était pas contesté que celui-ci avait bénéficié avec les enfants du couple d'un hébergement dans le bien immobilier considéré. Elle en avait déduit que le paiement de la facture relevait de sa contribution aux charges du mariage.
Sans surprise, la décision est censurée par la Haute juridiction qui reprend la formulation posée dans l’arrêt du 9 juin 2022 : conformément à la solution posée dans l’arrêt du 9 juin 2022, « sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, réalisé par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien personnel appartenant à l'autre et affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ».
Elle reproche, alors à la cour d’appel de s’être ainsi déterminée, sans constater l'existence d'une convention entre les époux prévoyant l'exécution par l’époux de sa contribution aux charges du mariage sous la forme d'un apport en capital.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La contribution aux charges, spéc. Le logement de la famille et la contribution aux charges du mariage, in Droit des régimes matrimoniaux (dir. J. Casey), Lexbase N° Lexbase : E5969EYQ. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:485065