Le Quotidien du 19 janvier 2023 : Bancaire

[Brèves] Mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme

Réf. : Cass. civ. 1, 11 janvier 2023, n° 21-21.590, FS-B N° Lexbase : A7265879

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[Brèves] Mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/92401391-breves-mise-en-demeure-prealable-au-prononce-de-la-decheance-du-terme
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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 18 Janvier 2023

Si le contrat de prêt prévoit une clause d'exigibilité anticipée des sommes dues, la banque ne pourra prononcer la déchéance du terme qu’après une mise en demeure préalable de l’emprunteur, à défaut de dispense expresse et non équivoque d’un tel envoi par la clause en question. Si cette obligation n’est pas respectée, la créance de la banque au titre du capital du prêt ne sera pas exigible.

Depuis quelques années, la jurisprudence se montre particulièrement favorable au respect d’une mise en demeure préalable de la part du banquier prêteur qui souhaiterait prononcer la déchéance du terme d’un contrat de crédit l’unissant à un emprunteur défaillant. Cela est très net en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier (J. Lasserre-Capdeville, Un nouvel outil de protection des consommateurs-emprunteurs défaillants : l’obligation de mise en demeure par le prêteur, RLDC, octobre 2021, p. 37).

La décision sélectionnée va également en ce sens.

Faits et procédure. Par un acte notarié du 18 août 2009, la banque X. avait consenti à la SCI L. un prêt destiné au financement de l'acquisition d'un immeuble à usage locatif pour lequel M. E. et Mme R., associés de la SCI, s’étaient portés cautions solidaires. Or, des échéances étant demeurées impayées, la banque avait prononcé la déchéance du terme du prêt le 11 septembre 2011 et assigné les cautions en paiement les 26 et 30 janvier 2018.

La cour d’appel de Metz (CA Metz, ch. com., 24 juin 2021, n° 19/02199 N° Lexbase : A47774X9) n’ayant pas donné raison à la banque, dans une décision du 24 juin 2021, celle-ci avait formé un pourvoi en cassation. Deux moyens devaient être distingués.

Décision. En premier lieu, l’établissement de crédit faisait grief à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes formées à l'encontre de Mme R., alors qu’en présence d’une disposition expresse et non équivoque du contrat de prêt d’une somme d’argent excluant la nécessité de la délivrance d’une mise en demeure, en cas de défaillance de l’emprunteur, préalablement à la déchéance du terme, celle-ci intervient du seul fait d'une telle défaillance. Or, en l’espèce, l’article 16 du prêt immobilier du 18 août 2009 indiquait sous l’intitulé « exigibilité immédiate » que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours avec le paiement d'un terme en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt ». Dès lors, en retenant qu’une telle stipulation ne dispensait pas la banque de l’obligation de délivrer à la SCI L. une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, la cour d’appel aurait violé les articles 1134 N° Lexbase : L1234ABC, 1147 N° Lexbase : L1248ABT et 1184 N° Lexbase : L1286ABA du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK.

La Cour de cassation considère, pour sa part, le moyen non fondé. En effet, ayant constaté que le contrat de prêt stipulait une clause d’exigibilité anticipée des sommes dues, dont elle rappelait le contenu, la cour d’appel « en a exactement déduit qu'une telle clause ne comportait aucune dispense expresse et non équivoque d'envoi d'une mise en demeure à l'emprunteur, de sorte que la créance de celle-ci au titre du capital du prêt n'était pas exigible ».

Ce passage de la décision témoigne donc du fait que la jurisprudence est très attachée à l’envoi d’une mise en demeure par la banque à l’emprunteur avant de pouvoir prononcer la déchéance du terme. Cette solution, développée jusqu’ici en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier, est donc étendue aux concours accordés aux personnes morales (une SCI) dans le but de financer l’acquisition d’un immeuble à usage locatif, c’est-à-dire un prêt à finalité professionnelle.

En second lieu, la banque faisait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir déclaré irrecevable comme nouvelle la demande formulée à titre subsidiaire, pour la première fois en appel, tendant à la condamnation de Mme R. au paiement des échéances impayées du prêt immobilier consenti le 18 août 2009. Elle rappelait ainsi que sont recevables les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge. Elle observait alors que la demande tendant au paiement des mensualités échues d'un prêt, en ce qu'elle était virtuellement comprise dans la demande tendant au paiement du capital de ce prêt, en constituait le complément nécessaire. Dès lors, en se prononçant différemment en l'espèce, la cour d’appel aurait violé l'article 566 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7234LEN.

Ici encore, le moyen n’est pas jugé fondé. La Haute juridiction commence par rappeler qu’il résulte de ce même article 566 du Code de procédure civile qu’une prétention n’est pas nouvelle lorsqu’elle est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celle formée en première instance.

La cour d’appel avait alors constaté qu’en cas de rejet, en raison du défaut d'exigibilité de la créance faute d'une mise en demeure préalable, de la demande en paiement du capital restant dû, formée à titre principal par la banque, celle-ci demandait la condamnation de Mme R. à lui payer les échéances échues du prêt demeurées impayées. Elle avait alors retenu, à bon droit pour la Cour de cassation, qu'une telle demande subsidiaire ne constituait ni l’accessoire ni la conséquence ni le complément nécessaire de la demande principale et en avait exactement déduit que, formée pour la première fois en appel, elle était irrecevable.

Cette solution, sévère pour le prêteur, rappelle alors aux banques qu’elles doivent être vigilantes lorsqu’elles fondent, devant le premier juge, leur demande en l’encontre d’un emprunteur défaillant. La Haute juridiction caractérise, en effet, assez facilement le caractère nouveau d’une prétention.

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