Le Quotidien du 20 décembre 2022 : Avocats/Procédure pénale

[Brèves] Délivrance d’un permis de communiquer aux seuls avocats nominativement désignés par le mis en examen : suite… et fin ?

Réf. : Cass. crim., 13 décembre 2022, n° 22-85.810, FS-B N° Lexbase : A67908ZI

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N3714BZL

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par Adélaïde Léon

le 25 Janvier 2023

► Un mis en examen détenu ne peut se prévaloir d’une violation des droits de la défense tirée du seul refus de délivrance d’un permis de communiquer aux avocats collaborateurs et associés de l’avocat choisi. Ces droits, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, sont pleinement préservés par la délivrance d'un permis de communiquer aux seuls avocats choisis par la personne mise en examen.

Rappel des faits. Un mineur, mis en examen des chefs d’assassinat et infractions à la législation sur les armes, est assisté, devant le juge d’instruction, par un avocat [B] substituant l’avocat désigné [A].

Au cours du débat contradictoire, le mineur, assisté de l’avocat [B], a confirmé la désignation de l’avocat choisi [A] puis a été placé en détention provisoire.

Le 30 août 2022, l’avocat [A] désigné a sollicité un permis de communiquer à son nom ainsi qu’à celui de l’ensemble des avocats associés et collaborateurs de son cabinet. Le 31 août 2022, un avis de libre communication au seul nom de l’avocat désigné a été délivré par le juge d’instruction.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, ce magistrat a dit n’y avoir lieu à l’établissement d’un permis de communiquer pour l’ensemble des avocats du cabinet.

Le 5 septembre 2022 le mineur a relevé appel de la décision de placement en détention provisoire, sans demander à comparaître devant la chambre de l’instruction.

En cause d’appel. Le 15 septembre 2022, la chambre de l’instruction, devant laquelle le mineur a été représenté par un avocat commis d’office, a rejeté la demande de mise en liberté et confirmé l’ordonnance de placement en détention provisoire.

Les juges écartent l’argumentation tirée de la méconnaissance des droits de la défense, les juges ont souligné que l’avocat désigné s’était vu délivrer un permis de communication et avait eu librement accès au mineur détenu à compter du 31 août 2022. Ils ajoutaient qu’il appartenait au mineur détenu d’effectuer en temps utile les démarches nécessaires afin de permettre à l’un des associés ou collaborateurs de son avocat d’obtenir un permis de communiqué.

Le mineur a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction de n’avoir pas constaté la méconnaissance des droits de la défense alors que le défaut de délivrance d’un permis à l’avocat désigné par le mis en examen ou à ses associés et collaborateurs lorsque cet avocat en fait la demande, avant une audience relative à la détention provisoire, fait nécessairement grief à l’intéressé. L’avocat désigné n’ayant pu être présent à l’audience, aucun des autres avocats de son cabinet n’avait pu s’entretenir avec son client et ne pouvait donc assurer sa défense. Il était par ailleurs soutenu que le mineur détenu n’avait aucune autre démarche à accomplir que la demande de permis de communiquer formée le 30 août 2022 et à laquelle il aurait dû être spontanément fait droit.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi.

La Haute juridiction rappelle qu’elle a elle-même jugé que si la délivrance d’un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l’exercice des droits de la défense, de telle sorte que le défaut de délivrance à chaque avocat désigné en faisant la demande avant une audience en matière de détention provisoire fait nécessairement grief au mis en examen, aucune disposition n’oblige le juge d’instruction à délivrer un tel permis aux collaborateurs ou associés d’un avocat choisi dans la mesure où ils n’ont pas été personnellement désignés (Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-85.670 N° Lexbase : A03587HQ).

L’article D. 32-1-2 du Code de procédure pénal N° Lexbase : L0263MBD – issu du décret n° 2022-95, du 31 janvier 2022 N° Lexbase : L9149MA4, dont la vocation était notamment de préciser l’interprétation à donner à l’article 115 précité – prévoit quant à lui que le juge d’instruction établit un permis de communiquer pour les associés et collaborateurs de l’avocat choisi, désignés nominativement par ce dernier lorsqu’il le sollicite.

La Chambre criminelle souligne que le moyen pose la question de savoir si « la méconnaissance de ces dispositions fait nécessairement grief à la personne détenue ».

Or, la Cour rappelle que dans une décision du 20 mai 2022 (Cons. const., décision n° 2022-994 QPC, du 20 mai 2022 N° Lexbase : A58307X9), le Conseil constitutionnel a jugé que ne méconnaissent par les droits de la défense les dispositions de l’article 115 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0931DY7 qui, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, permettent au juge d’instruction de refuser la délivrance d’un permis de communiquer à un avocat non nominativement désigné par la personne détenue. Deux motifs ont guidé cette décision du Conseil :

  • d’une part, ces dispositions tendent à garantir la liberté du mis en examen de choisir son avocat ;
  • d’autre part, l’intéressé peut à tout moment de l’instruction désigner un ou plusieurs avocats (lesquels peuvent appartenir au même cabinet et peuvent être salariés, collaborateurs ou associés). Ceux-ci peuvent alors solliciter la délivrance d’un permis de communiquer que le juge d’instruction sera tenu de délivrer.

La Cour de cassation déduit de cette jurisprudence que le demandeur ne peut se prévaloir d’une violation des droits de la défense tirée du seul refus de délivrance d’un permis de communiquer aux avocats collaborateurs et associés de l’avocat choisi.

La Chambre criminelle constate par ailleurs qu’en l’espèce, la chambre de l’instruction a relevé que, depuis le 5 septembre 2022, date de l’appel interjeté contre l’ordonnance de placement en détention provisoire, l’avocat désigné, qui se savait indisponible depuis le 7 avril 2022, n’a fait aucune diligence pour en faire état.

En l’espèce, si l’ont suit le raisonnement de la Cour, se sachant indisponible, l’avocat désigné aurait dû faire le nécessaire pour faire désigner l’un ou plusieurs des membres de son cabinet par son client afin que ceux-ci forment par la suite une demande de permis de communiquer en leur nom.

Cet arrêt ne constitue probablement pas le dernier acte de cette série puisqu’on notera que la QPC à laquelle répond le Conseil constitutionnel avait été présentée avant la publication du décret ayant créé l’article D. 32-1-2 du Code de procédure pénale ; article avec lequel les décisions du Conseil et de la Cour semblent entrer en contradiction.

Pour aller plus loin :

  • A. Zouhal, Désigner nominativement son ou ses avocats, une condition prétorienne de la délivrance du permis de communiquer déclarée conforme à la Constitution, Lexbase Avocats, juillet 2022, n° 327 N° Lexbase : N2085BZA ;
  • M. Le Guerroué, Permis de communiquer : le décret attendu est publié !, Lexbase Avocats, février 2022, n° 322 N° Lexbase : N0269BZY.

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