Le Quotidien du 12 décembre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Affaire « Bismuth » : pour la cour d’appel, il y a encore de la friture sur la ligne secrète de Nicolas Sarkozy

Lecture: 7 min

N3608BZN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[A la une] Affaire « Bismuth » : pour la cour d’appel, il y a encore de la friture sur la ligne secrète de Nicolas Sarkozy. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/90509124-a-la-une-affaire-bismuth-pour-la-cour-dappel-il-y-a-encore-de-la-friture-sur-la-ligne-secrete-de-nic
Copier

par Vincent Vantighem

le 12 Décembre 2022

            Mais pourquoi Nicolas Sarkozy et son « ami », l’avocat Thierry Herzog, ont-ils décidé d’ouvrir une ligne téléphonique secrète pour communiquer ? C’est finalement la seule question à laquelle la cour d’appel de Paris doit répondre, une semaine après l’ouverture du procès dit des « écoutes de Paul Bismuth ». Une affaire qui porte d’ailleurs mal son nom. Aujourd’hui, tout le monde se moque de Paul Bismuth. Tout le monde se moque de savoir pourquoi Thierry Herzog a choisi le nom d’un camarade de lycée de l’ex-Président de la République lorsqu’il a débarqué dans une boutique de téléphonie de Nice (Alpes-Maritimes). Non, ce n’est pas l’affaire « Bismuth ». Mais c’est bien une affaire de « corruption » et de « trafic d’influence ».

            Offensif et combatif à la barre, Nicolas Sarkozy a résumé les choses simplement. « Dans le journal Le Monde, il y avait eu [à l’époque] un article sur des écoutes concernant l’un de mes meilleurs amis, Brice Hortefeux. Thierry [Herzog] m’a dit : “Y a des écoutes sauvages, la presse est au courant, trouvons un moyen de communiquer discrètement…” » Voilà. C’est donc simplement pour cela que la ligne « Paul Bismuth » a été ouverte, selon l’ancien chef de l’État. Et non pas pour nouer un quelconque pacte de corruption, sans que les juges ne puissent s’en apercevoir…

            Le problème, c’est que les juges ont tout de même fini par découvrir l’existence de ce que les petits dealers de cannabis appellent « un téléphone de guerre ». Et qu’ils ont naturellement tendu l’oreille. Nous sommes alors en janvier-février-mars 2014. Évidemment, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ne discutent pas de l’éventualité d’un go fast, mais d’une procédure ouverte devant la Cour de cassation. La procédure Bettencourt… Nicolas Sarkozy a formé un pourvoi pour pouvoir récupérer ses agendas saisis lors de l’enquête. Et il s’inquiète naturellement…

Les fameuses écoutes diffusées pour la première fois

            Pour la première fois, mardi 6 décembre, les fameuses écoutes ont été diffusées à l’audience. On y découvre un Nicolas Sarkozy inquiet de la procédure dans laquelle il est embarqué. Comme tout justiciable, certes. Mais on le voit surtout inquiet de la façon dont la justice est en train de resserrer son étau auprès de lui, entre les affaires Karachi et Tapie. Sans parler de celle du financement libyen… « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille », disait en son temps Jacques Chirac.

            Mais à ce moment-là, c’est donc surtout l’affaire Bettencourt qui embêtait l’ex-Président de la République. D’où les échanges sur la ligne secrète avec Thierry Herzog. Où l’on découvre l’existence de « l’ami Gilbert ». Gilbert Azibert donc. Ancien Haut magistrat à la Cour de cassation. Spécialiste de la procédure pénale. Celui qui annotait, année après année, le Litec. Et qui partage aujourd’hui avec les deux premiers protagonistes le banc des prévenus. Car c’est bien lui qui est au cœur du dossier. Soupçonné d’avoir « monnayé » des informations sur la procédure Bettencourt auprès de Nicolas Sarkozy en échange d’un « coup de pouce » pour obtenir un poste prestigieux de conseiller d’État à Monaco.

            Les écoutes alors. Que disent-elles ? Que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog parlent souvent de « l’ami Gilbert » et des informations qu’il est susceptible d’obtenir dans les arcanes de la Cour de cassation, plus haute instance judiciaire de France. À l’époque, celle-ci doit trancher sur la saisie des agendas présentiels. Audience le 11 février. Délibéré le 11 mars. « Qu’a dit notre ami là-dessus ? », interroge Nicolas Sarkozy, le 21 janvier 2014. « Il était confiant, répond Thierry Herzog. Il m’a dit qu’il allait déjeuner avec un avocat général… » Où l’on comprend que Gilbert Azibert part à « la chasse » aux infos pour tenter d’en savoir davantage avant que la Cour de cassation ne rende sa décision…

            « Mais il était optimiste ? », relance Nicolas Sarkozy le 5 février. « Oui », tente de le rassurer Thierry Herzog. Le problème vient de la suite de la conversation. « Il m’a aussi parlé de Monaco. D’un poste qui se libère. Il m’a dit qu’il n’osait pas demander de l’aide. Je lui ai dit “Tu rigoles, avec tout ce que tu as fait pour nous…” » Voilà donc l’accusation : un pacte de corruption entre les trois hommes. Avec d’un côté Gilbert Azibert qui file des informations sur une procédure en cours à la Cour de cassation contre un « coup de pouce » pour obtenir ce fameux poste à Monaco.

« Tu peux dire à Gilbert… »

            D’abord, Nicolas Sarkozy se montre magnanime. « Appelle-le en lui disant bien que je m’en occuperai parce que je vais aller à Monaco. », répond-il le 5 février. Avant de poursuivre le 25 février : « Tu peux dire à Gilbert que j’ai rendez-vous à 12 heures avec le ministre [de Monaco] ».

            Le 25 février est une date stratégique dans ce dossier. Selon l’accusation, c’est la date à laquelle Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ont été informés que leur fameuse « ligne Bismuth » était aussi sur écoute, ce qui n’a jamais pu être prouvé. Toujours est-il que les deux interlocuteurs basculent alors sur la ligne officielle pour un échange qui a été qualifié de « simulacre » par le parquet national financier, à l’origine de l’enquête. « Thierry, j’ai réfléchi. Pour ton “ami” Gilbert, je n’ai finalement pas fait la démarche… » Comme s’il fallait passer le message que tout était licite.

            Le problème, c’est qu’en matière de « corruption » et de « trafic d’influence », l’intention de commettre un délit suffit à le caractériser. Peu importe finalement que le deal soit parvenu à son terme. Nicolas Sarkozy a beau dire que ses agendas ne lui ont pas été rendus par la justice. Gilbert Azibert a beau dire qu’il ne voulait pas vraiment ce poste à Monaco… Les juges ont suffisamment d’éléments à leur disposition.

            Reste juste à savoir si tout cela relevait d’un véritable « pacte de corruption ». À ce sujet, Nicolas Sarkozy n’a pas vraiment eu besoin de ses avocats. À la barre de la cour d’appel, il s’est occupé tout seul de se défendre. « Mais quand vous écoutez, vous vous rendez compte que je n’ai pas eu l’ombre d’un début de conscience de commettre un délit, s’est-il étranglé à la barre. On n’est pas dans le pacte de corruption ni dans la volonté de corrompre. Je suis condamné ou innocent ! Il faut des preuves ! »

            Lors du procès en première instance, le tribunal judiciaire de Paris avait considéré qu’il s’agissait de preuves, condamnant l’ancien chef de l’État à trois ans de prison dont un an ferme, tout comme ses deux coprévenus. Reste à savoir l’analyse qu’en fera la cour d’appel. Les réquisitions du parquet général sont attendues mardi 13 décembre. Avant les plaidoiries de la défense mercredi 14. La décision sera ensuite mise en délibéré. Nicolas Sarkozy encourt une peine de dix ans de prison et un million d’euros d’amende.

newsid:483608

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.