Le Quotidien du 8 décembre 2022 : Procédure civile

[Jurisprudence] Affaire Mediapart : peut-on ne pas avoir assez de temps pour le contradictoire ?

Réf. : TJ, 30 novembre 2022, n° 22/13852 N° Lexbase : A55068WT

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par Charles Simon, avocat au barreau de Paris, administrateur de l’Association des avocats et praticiens des procédures et de l’exécution (AAPPE) et de Droit & Procédure

le 08 Décembre 2022

Mots-clés : ordonnance sur requête • droit de la presse • rétractation • contradictoire • référé à heure indiquée • référé d’heure à heure

L’ordonnance de rétractation que le tribunal judiciaire de Paris a rendue le 30 novembre 2022 dans l’affaire opposant Mediapart au maire de Saint-Étienne est l’occasion d’un tour d’horizon de différentes problématiques en matière d’ordonnance sur requête.


 

L’ordonnance sur requête du tribunal judiciaire de Paris enjoignant à Mediapart de ne pas publier tout ou partie d’un enregistrement du maire de Saint-Étienne, sur quelque support que ce soit, a fait grand bruit [1]. La demande de rétractation était attendue. Elle a maintenant eu lieu. L’ordonnance de rétraction rendue le 30 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris permet de faire le point sur plusieurs difficultés procédurales liées à la procédure sur requête.

Après avoir rapidement rappelé les faits de l’espèce (I), nous traiterons ces difficultés par ce qui nous semble être leur ordre d’importance, en commençant par la compatibilité de principe de la procédure sur requête avec le contentieux de la presse (II). Viendront ensuite les circonstances autorisant le recours à la procédure sur requête, en nous arrêtant sur la possibilité qu’un délai soit trop bref pour respecter le contradictoire (III). Puis, nous aborderons la question de l’incidence d’une éventuelle déloyauté du demandeur à la requête (IV). Nous continuerons en nous interrogeant sur les pouvoirs du juge saisi sur requête. En particulier, peut-il prendre des injonctions qui ne seraient pas limitées dans le temps ? (V) Enfin, nous conclurons sur deux points purement formels : la nature de la demande de rétractation et l’incidence des erreurs dans le visa des textes et dans la désignation de l’organe représentant une personne morale (VI).

Nous verrons que, si la rétractation nous semble logique en l’espèce, d’un point de vue procédural, la justification du tribunal sur certains points nous convainc modérément.

I. Les faits : l’affaire Perdriau contre Mediapart

Le 26 août 2022, Mediapart publiait un article intitulé « Sexe, chantage et vidéo : l’odieux complot ». Il accusait l’entourage du maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, d’avoir piégé un de ses premiers adjoints et de le faire chanter grâce à une vidéo scabreuse [2]. D’autres articles suivront jusqu’au 12 septembre 2022.

À cette date, Mediapart publie un nouvel article intitulé « Sextape de Saint-Étienne : des enregistrements du maire prouvent un chantage mafieux » [3]. À nouveau, d’autres articles suivront.

Le 21 novembre 2022, Médiapart publie encore un nouvel article. Il est un peu différent des précédents puisqu’il s’intitule « Un magistrat ordonne la censure préalable d’une enquête de Mediapart » [4]. L’accroche est la suivante : « Saisi par l’avocat de Gaël Perdriau, le président du tribunal judiciaire de Paris a fait injonction à Mediapart de ne pas publier de nouvelles révélations sur les pratiques politiques du maire de Saint-Étienne, après celles du chantage à la sextape. Cette censure préalable, décidée sans débat contradictoire, est une attaque sans précédent contre la liberté de la presse. »

Il semble toutefois que l’interdiction ne soit pas aussi large que Mediapart le prétend et ne concerne que la publication de tout ou partie d’un enregistrement réalisé le 27 novembre 2017 dans le bureau de Gaël Perdriau à la mairie de Saint-Étienne.

En tout état de cause, l’annonce de cette décision a suscité une forte émotion, dans la presse mais aussi parmi la profession d’avocat. Pour preuve, le communiqué de l’Association des avocats praticiens du droit de la presse (AAPDP). Il dit : « en dehors de toute procédure contradictoire, c’est-à-dire en l’absence de Mediapart qui n’a pas pu faire valoir ses arguments, un magistrat du tribunal de Paris a interdit à ce journal en ligne, à titre préventif, de publier un nouvel article au sujet d’une affaire qui relève d’évidence d’un sujet d’intérêt général… Comment une telle décision, contraire à toutes les valeurs qui irradient le droit de la presse a-t-elle pu être rendue, en dehors de tout contradictoire alors qu’il existe pourtant des procédures urgentes (dites d’heure à heure) qui auraient permis à l’organe de presse concerné de se défendre ? » [5].
Une proposition de loi a même été déposée au Sénat pour inscrire la phrase suivante à l'article 5 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « Une publication ne peut être interdite qu’en
application d’une décision judiciaire rendue contradictoirement » [en ligne].

Ce n’est donc pas tant le fond qui heurte ici que la méthode, à savoir le recours à la procédure sur requête pour empêcher la publication d’un article de presse.

La demande de rétractation de l’ordonnance rendue était attendue et est rapidement intervenue. Elle a été introduite initialement par Mediapart à qui neuf intervenants volontaires se sont joints :

  • des acteurs de la presse (Reporters sans frontières ; le Syndicat national des journalistes ; le Syndicat national des journalistes CGT ; le Syndicat CFDT-Journalistes ; la Fédération internationale des journalistes ; la Ligue des droits de l’homme ; l’Association confraternelle de la presse judiciaire) et les avocats spécialisés (l’AAPDP) ;
  • le Procureur de la République.

L’ordonnance de rétractation rendue le 30 novembre 2022 montre que les demandeurs à la rétractation ont balayé large, soulevant pléthore d’arguments de procédure. Mais le juge a aussi apporté son écot au débat sur les conditions de mise en œuvre de la procédure sur requête, avec des positions qui interrogent parfois.

II. Premier problème : la compatibilité de principe entre procédure sur requête et droit de la presse

L’argument le plus radical pour appuyer la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête interdisant à Mediapart l’exploitation de l’enregistrement consistait à soutenir que le juge des requêtes, comme le juge des référés, n’aurait pas le pouvoir d’interdire, sans indication de durée, de manière générale et sans préciser les propos visés, une publication de presse. Selon Mediapart, il s’agissait là d’une restriction préalable à la publication, prohibée en matière de presse par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 29 novembre 1991, Req. 13166/87, Sunday Times c. Royaume-Uni N° Lexbase : A6409AWB).

Le juge rejette cet argument aux motifs que l’article 845 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9340LT4 régissant les pouvoirs du président du tribunal judiciaire en matière de procédure sur requête n’exclut pas ce mode de saisine lorsque la demande est dirigée à l’encontre d’un organe de presse. Il note en outre qu’une telle exclusion ne résulte d’aucun texte spécifique telle la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse N° Lexbase : L7589AIW.

L’argument de Mediapart était effectivement sans doute trop radical.

D’abord, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui était citée reconnaissait précisément la possibilité d’une censure préalable, posant que l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, protégeant la liberté d’expression, n’interdit pas en lui-même toute restriction préalable à la publication (point 51.) [6]. Ensuite, la Cour de cassation reconnaît aussi la compatibilité de principe entre la loi de 1881 et les procédures d’urgence, même dans le cas où l’action est exercée préalablement à toute publication (Cass. civ. 1, 26 septembre 2019, n° 18-18.939, FS-P+B N° Lexbase : A0441ZQE).

Surtout, en l’espèce, le demandeur à la requête n’articulait manifestement pas sa demande sur le droit de la presse issu de la loi du 29 juillet 1881 mais sur l’atteinte à sa vie privée, régie par l’article 9 du Code civil N° Lexbase : L3304ABY. Or, des interdictions préalables pour atteinte à la vie privée ont déjà pu être prononcées par le passé, sans soulever de difficulté juridique (Cass. civ. 1, 30 septembre 2015, n° 14-16.273, FS-P+B N° Lexbase : A5545NS8 dans le cas d’un programme en plusieurs épisodes interrompu en cours de diffusion).

C’est donc sur une base solide que le juge de la rétractation affirme la compatibilité de principe des procédures d’urgence de droit commun avec les affaires de presse.

Pratique : les procédures d’urgence de droit commun (référés et requêtes) s’appliquent en droit de la presse, y compris à titre préventif, avant publication.

III. Deuxième problème : les circonstances justifiant le recours à la procédure sur requête

Le débat sur la légitimité du recours à la procédure sur requête nous semble plus marécageux. On sait qu’il existe deux grands types de procédures d’urgence :

  • les ordonnance de référés ;
  • les ordonnances sur requête.

La différence fondamentale est l’absence de contradictoire dans le second cas.

Le contradictoire étant un principe consacré aux articles 14 N° Lexbase : L1131H4N à 17 N° Lexbase : L1137H4U des dispositions liminaires du Code de procédure civile, la procédure de référés est le droit commun, la requête l’exception (en ce sens, X. Vuitton, JCl. Procédure civile, fasc. 1300-20, 6 et 24).

La différence est particulièrement claire devant le tribunal judiciaire. L’article 834 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8604LYC indique que le président du tribunal peut rendre une ordonnance de référés dans tous les cas d’urgence alors que, pour rendre une ordonnance sur requête, il faut qu’un texte spécial le prévoit ou que les circonstances exigent de ne pas prendre une décision contradictoirement (CPC, art. 845).

En l’espèce, quelles étaient les circonstances qui, d’après la requête, exigeaient de violer le contradictoire ? Elles étaient, apparemment, au nombre de deux :

  • la crainte que, assignée en référés, Mediapart ne publie quand même l’article litigieux, reprenant des extraits de l’enregistrement sonore argué d’illicéité ;
  • le manque de temps pour assigner en référé.

C’est sur ce second point que le juge rétracte son ordonnance sur requête, estimant que le requérant avait connaissance à la fois de l’existence de l’enregistrement et de sa détention par Mediapart depuis plus de deux mois au moment de sa requête, fait caché, avec d’autres, au juge ayant rendu l’ordonnance sur requête.

Si nous pensons que la rétractation était inévitable, l’argument du juge ne nous convainc pas, en fait et en droit.

Sur la première circonstance invoquée pour justifier le recours à la procédure sur requête, le risque de publication en cas de délivrance d’une assignation en référés, on avouera la surprise, voire l’incompréhension. Publier malgré l’assignation est une marque de mépris envers le juge à qui on indique par avance que son avis indiffère. Une fois face au juge, ce comportement ne peut que mettre en difficulté la personne qui l’adopterait. L’imaginer et plus encore s’en servir pour justifier la violation du contradictoire nous semble donc être une aberration.

La seconde circonstance invoquée est plus insidieuse et beaucoup plus dangereuse. Par principe, la contradiction est une perte de temps pour celui qui la subit, à savoir le demandeur. S’il demande, c’est qu’il a raison et, s’il a raison, entendre son adversaire ne sert à rien. Avec ce raisonnement, tout le monde agirait sur requête et personne en référé.

Or, c’est bien le contradictoire et le référé qui est le principe, pas l’absence de contradictoire et la requête.

En l’espèce, il était prétendu que l’imminence de la publication de l’article contenant tout ou partie de l’enregistrement argué d’illicéité aurait rendu matériellement impossible, en respectant le principe du contradictoire, même dans le cadre d’un référé d’heure à heure, d’obtenir auprès du juge des référés la mesure sollicitée du juge des requêtes. Mais cela nous semble matériellement faux. Car, comment fonctionne la procédure sur requête ?

Il faut d’abord préparer sa requête et son projet d’ordonnance, puis soutenir sa requête devant le juge (CPC, art. 845 et 846 N° Lexbase : L9341LT7). Une fois l’ordonnance obtenue, il faut la faire signifier par huissier à la personne visée.

Le processus n’est pas fondamentalement différent pour une procédure en référé « d’heure à heure » (en réalité, « à heure indiquée », v. CPC, art. 485 al. 2 N° Lexbase : L8426IRI) : il faut d’abord préparer sa requête et son projet d’ordonnance autorisant à assigner à heure indiquée, ainsi que le projet d’assignation, puis soutenir sa requête devant le juge et, une fois l’ordonnance autorisant à assigner en référé à heure indiquée obtenue, il faudra faire signifier l’assignation, avec sa requête et son ordonnance, pour une audience pouvant se tenir à peine quelques heures plus tard.

En pratique, la différence avec la requête n’est pas flagrante en termes de délai. En particulier, l’assignation n’est qu’un décalque de la requête qui serait soutenue si la voie de l’ordonnance sur requête était choisie. Respecter le contradictoire n’est donc, potentiellement, qu’une question d’une poignée d’heures en plus, ponctuée par la délivrance d’une assignation qui ne peut qu’inciter la personne visée à attendre la décision du juge.

À notre sens, sauf à vider de sa substance la différence entre ordonnance de référés, en particulier à heure indiquée, et ordonnance sur requête, le prétendu manque de temps ne doit donc jamais être une circonstance permettant le recours à la procédure sur requête. La requête doit rester cantonnée aux deux cas classiques que sont le cas où l'efficacité de la mesure demandée le requiert (effet de surprise) et celle où il est particulièrement difficile d'appeler un défendeur en la cause (en ce sens, X. Vuitton, ibid., 25. ; s. la dir. S. Guinchard, Droit et pratique de la procédure civile 2021|2022, Dalloz Action, Dalloz, 10e éd., 2020, 435.32).

Ce n’est cependant pas cette position de principe que le juge a choisi pour rétracter son ordonnance sur requête mais un constat factuel : la dissimulation dont il aurait été victime.

IV. Troisième problème : la déloyauté du requérant

Pour rétracter son ordonnance sur requête, le juge fait, en effet, de longs développements sur la rétention d’informations dont il aurait été la victime de la part du demandeur. Or, la loyauté dans la présentation des faits au stade de la requête n’a jamais conditionné le maintien ou la rétractation d’une ordonnance sur requête, bien au contraire. La Cour de cassation le répète de façon constante (Cass. civ. 2, 14 novembre 2013, n° 12-26.187, F-D N° Lexbase : A6198KPA ; Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 12-29.568, F-D N° Lexbase : A7564MHM ; Cass. civ. 2, 1er octobre 2020, n°19-19.401, F-D N° Lexbase : A69753WA).

Par ailleurs, le juge écarte des éléments complémentaires apportés par le demandeur à la requête. Il les juge inopérants en ce qu’ils sont postérieurs au dépôt de la requête et ne peuvent donc servir à caractériser le bien fondé de la dérogation à la contradiction lors du dépôt de celle-ci. Mais le juge dit strictement l’inverse quelques pages plus tôt (« le juge est tenu d’apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, que ce soit en qualité de juge des requêtes, de juge du référé-rétractation ou de l’appel »). C’est cette dernière position que la Cour de cassation consacre (Cass. civ. 2, 15 mai 2014, n° 13-11.136, F-D N° Lexbase : A5724MLL).

Si donc on peut regretter ce qui semble une déloyauté du demandeur à la requête envers le juge, justifier la rétractation de ce fait comme le juge l’a fait en l’espèce ne nous paraît pas être juridiquement fondé.

Pratique : la loyauté dans la présentation des faits n’est pas une condition nécessaire à l’obtention de l’ordonnance sur requête et à son maintien.

V. Quatrième problème : les pouvoirs du juge des requêtes

Un autre point a été invoqué devant le juge de la rétractation, plus à la marge : le juge des requêtes ou des référés peut-il prononcer une interdiction sans limitation de durée ? Mediapart prétendait en effet qu’une telle interdiction aurait les mêmes conséquences qu’une interdiction définitive.

Cette efficacité définitive en particulier de la décision de référé a été relevée par la doctrine (s. la dir. S. Guinchard, ibid., 433.144). Il faut bien constater que, sauf exception, cette efficacité définitive des décisions provisoires non contestées est le lot de toutes les procédures « provisoires ». Une de ces exceptions est la procédure de saisie-contrefaçon en matière de propriété intellectuelle où le demandeur à la mesure doit introduire une action au fond dans un certain délai de la réalisation de la mesure (v., par exemple, CPI, art. L. 332-3 N° Lexbase : L7036IZM et R. 332-2 N° Lexbase : L0829I7T en matière de droit d’auteur).

Rien de tel n’existe en matière d’ordonnance sur requête de droit commun. En l’espèce, faute de procédure de rétractation de la part de Mediapart ou de procédure au fond du demandeur à la requête, l’interdiction faite à Mediapart aurait donc effectivement pu, de fait, devenir définitive.

Le juge saisi de la demande de rétractation ne répond cependant pas directement à ce problème. S’il s’y était tenté, on voit mal ce qu’il aurait pu répondre, à part que c’est à la personne visée par la requête de la contester par la voie de la procédure en rétractation ou en assignant au fond pour faire établir son droit.

Indirectement, le juge y répond cependant. Il invoque en effet l’absence d’action au fond ou en référé du demandeur à la requête, postérieurement à l’obtention de l’ordonnance d’interdiction, avant de rétracter cette dernière. Là encore, l’argument, circonstanciel, nous paraît faible.

VI. Cinquième problème : de quelques points de forme

Deux derniers points de pure procédure méritent enfin d’être évoqués.

Le premier point concerne la nature de la procédure de rétractation de l’ordonnance sur requête. En l’espèce, l’ordonnance de rétractation rendue s’intitule « ordonnance référé-rétractation ». Son texte fait mention deux fois de l’expression « référé-rétractation ». Or, on rappellera que le « référé-rétractation » n’est pas un référé.

En effet, le juge compétent pour connaître de la demande de rétractation est « le juge qui a rendu l’ordonnance » et non le juge des référés (en ce sens, s. la dir. S. Guinchard, ibid., 435.93). L’ambiguïté vient de l’article 496 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6613H73 régissant la demande de rétractation. Il y est mentionné que, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut « en référer » au juge qui a rendu l’ordonnance.

L’ordonnance de rétractation ne fait pas l’erreur d’être rendue par le juge des référés mais l’emploi qu’elle fait de l’expression « référé-rétractation », en particulier dans son titre, continue d’alimenter la confusion courante.

Pratique : il faut bannir l’emploi du mot « référés » dans l’assignation en rétractation, pour éviter toute confusion.

Le second point concerne des erreurs dans le représentant légal du destinataire de l’ordonnance sur requête et dans les textes fondant la requête et l’ordonnance rendue.

Concernant les mentions relatives au destinataire de la requête, Mediapart soulevait une nullité de celle-ci car elle mentionnait sa directrice générale en tant que représentant légal. Or, Mediapart est constituée sous forme de société par actions simplifiée et son représentant légal est son président (C. com., art. L. 227-6 N° Lexbase : L6161AIZ).

Mais cet argument était voué à l’échec. Comme le juge le relève, les mentions obligatoires de la requête concernant la personne contre laquelle la demande est formée, quand cette personne est une personne morale, se limitent en effet à sa dénomination et à son siège social (CPC, art. 57 N° Lexbase : L9288LT8). L’erreur sur le représentant légal est donc sans incidence, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mention obligatoire et donc, a fortiori, d’une mention obligatoire à peine de nullité.

On ajoutera que, même si cette mention avait été obligatoire à peine de nullité, comme elle l’est pour le demandeur à la requête (CPC, art. 54, par renvoi CPC, art. 57), l’erreur dans le représentant légal, voire son omission, est une simple nullité de forme, nécessitant la preuve d’un grief, en pratique impossible à rapporter (Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, n° 18-20.303, F-PN° Lexbase : A2138ZYT ; Cass. civ. 2, 15 avril 2021, n° 19-25.449, F-D N° Lexbase : A80464PP).

Concernant le visa des textes, la requête avait été faite au visa de l’article 875 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0854H4E. Or, cet article régit les requêtes devant le Président du Tribunal de commerce. Le bon texte devant le président du tribunal judiciaire est l’article 845 du Code de procédure civile.

Le juge saisi de la rétractation balaie cependant l’argument, considérant qu’il s’agit d’une pure erreur matérielle : le texte de la requête et de l’ordonnance vise le président du tribunal judiciaire. Il n’y a donc aucune ambiguïté et le destinataire de l’ordonnance est clairement informé de la juridiction saisie de la demande et de la nature de la mesure.

On ne peut que souscrire à cette analyse.


[1] Article Le Monde, du 22 novembre 2022, Censure de « Mediapart » : des sociétés de journalistes dénoncent une attaque contre la liberté de la presse [en ligne].

[2] Mediapart, A. Rouget, Sexe, chantage et vidéo : l’odieux complot, du 26 août 2022 [en ligne].

[3] Mediapart, A. Rouget, Sextape de Saint-Étienne : des enregistrements du maire prouvent un chantage mafieux, du 12 septembre 2022 [en ligne].

[4] Mediapart, E. Plenel, Un magistrat ordonne la censure préalable d’une enquête de Mediapart, du 21 novembre 2021 [en ligne]. 

[5] Communiqué de presse de l’association des avocats praticiens du droit de la presse du 21 novembre 2022 [en ligne].

[6] CEDH, 29 novembre 1991, Req. 13166/87, Sunday Times c. Royaume-Uni N° Lexbase : A6409AWB.

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