Le Quotidien du 21 novembre 2022 : Sociétés

[Brèves] Expertise sur la valeur des droits sociaux : commet une erreur grossière l’expert qui se place à la date d’établissement de son rapport

Réf. : Cass. com., 9 novembre 2022, n° 20-20.830, F-B N° Lexbase : A12928SN

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par Perrine Cathalo

le 18 Novembre 2022

► Si c’est à tort que la cour d’appel a retenu que la date à laquelle est statutairement fixée l’évaluation des parts est nécessairement celle du jour où est officiellement acté le retrait de l’associé, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure dès lors qu’en se plaçant à la date d’établissement de son rapport et non à la date à laquelle la société a remboursé ses parts sociales à l’associé retrayant à la valeur fixée par l’assemblée des associés, l’expert a commis une erreur grossière.

Faits et procédure. Une personne physique est devenue associée d’une société civile en 1996, en acquérant vingt-sept parts au prix unitaire de 10 740 francs (1 637,30 euros).

Le 7 décembre 1997, cet associé a notifié son retrait de la société. Par assemblée générale du 16 juin 1998, la société a fixé la valeur de la part à 14 990 francs (2 285 euros) et ratifié sa démission. Une somme représentative de la valeur totale de ses parts ainsi calculée lui a été versée en quatre échéances, la dernière intervenant le 28 janvier 2002.

L’associé retrayant a contesté la valorisation de ses parts.

Par une ordonnance du 17 mars 2009, le président d’un tribunal de grande instance, saisi en application de l’article 1843-4 du Code civil N° Lexbase : L1737LRR, a désigné un expert, lequel a fixé la valeur unitaire de la part à 48 546 euros, en se fondant notamment sur les derniers résultats comptables obtenus en 2009 et 2010.

Le 20 mars 2012, l’associé retrayant a assigné la société civile devant le tribunal de grande instance en paiement du complément de la somme lui restant due sur ses parts, telles qu’évaluées par l’expert.

Par décision du 18 septembre 2020, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-8, 18 septembre 2020, n° 16/10206 N° Lexbase : A29183UM) l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et annulé le rapport d’expertise, aux motifs que les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts avaient valablement été fixés par l’assemblée générale statuant sur l’acceptation de la démission, comme le prévoient les statuts sociaux de la société.

L’associé retrayant a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. Les juges de la Cour de cassation rejettent le pourvoi au visa des articles 1843-4 et 1869 du Code civil N° Lexbase : L2066AB7, en vertu desquels en l’absence de dispositions contraires des statuts, la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits, auquel il est procédé selon les modalités prévues, le cas échéant, par les statuts, sans préjudice du droit pour l’associé qui conteste cette valeur, de la faire déterminer, à la date du remboursement ainsi effectué, par un expert désigné dans les conditions prévues par le premier de ces textes.

Or, en l’espèce, l’expert désigné par le président d’un tribunal de grande instance s’est placé à la date d’établissement de son rapport, en 2012, non pas à la date à laquelle la société civile a remboursé ses parts sociales à l’associé retrayant, le 28 janvier 2002.

Pour autant, la Cour de cassation relève tout de même que si c’est à tort que la cour d’appel a retenu que la date à laquelle est statutairement fixée l’évaluation des parts est nécessairement celle, s’imposant à l’expert, du jour où est officiellement acté le retrait de l’associé, soit en l'espèce en 1998, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors qu'en se plaçant à la date d'établissement de son rapport, en 2012, et non à la date à laquelle la société a, le 28 janvier 2002, remboursé ses parts sociales à l'associé retrayant à la valeur fixée par l'assemblée des associés, l'expert a commis une erreur grossière.

Observations. Par cet arrêt, la Cour de cassation réitère la position qui était déjà sienne avant l’ordonnance n° 2014-863, du 31 juillet 2014 N° Lexbase : L1321I4P, selon laquelle l’erreur grossière est la seule limite qui fait obstacle à la force obligatoire de l’expertise faite sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil (Cass. com., 4 novembre 1987, n° 86-10.027, publié au bulletin N° Lexbase : A3942AG4 ; Cass. com., 9 avril 1991, n° 89-21.611, publié au bulletin N° Lexbase : A4047ABI).

On rappellera par ailleurs que le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions qui fixent dans tous les cas, et quelle que soit la nature des sociétés concernées, la date de l'évaluation de la valeur des droits sociaux à celle qui est la plus proche du remboursement des droits sociaux de l'associé cédant, retrayant ou exclu, sauf disposition contraire des statuts n'introduisent aucune différence de traitement et sont conformes à la Constitution (Cons. const., décision n° 2016-563 QPC, du 16 septembre 2016 N° Lexbase : A2486R3H, B. Brignon, Lexbase Affaires, octobre 2016, n° 483 N° Lexbase : N4712BWG).

Pour aller plus loin :

  • v. M. Parmentier, L’erreur grossière : une limite à la force obligatoire de l’expertise de la valeur sur les droits sociaux, Lexbase Affaires, février 2005, n° 154 N° Lexbase : N4582ABC ;
  • v. V. Téchené, La réforme de l’article 1843-4 du Code civil par l’ordonnance du 31 juillet 2014, Lexbase Affaires, septembre 2014, n° 395 N° Lexbase : N3789BUU ;
  • v. D. Gibirila, La date d’évaluation des droits sociaux par l’expert de l’article 1843-4 du Code civil, Lexbase Affaires, octobre 2014, n° 398 N° Lexbase : N4103BUI.

 

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