La lettre juridique n°922 du 27 octobre 2022 : Procédure pénale

[Brèves] Déferrement devant le procureur à l’issue de la garde à vue : n’encourt pas la nullité le procès-verbal de comparution retranscrivant les propos recueillis de la personne non assistée par l’avocat régulièrement avisé

Réf. : Cass. crim., 18 octobre 2022, n° 22-81.934, F-B N° Lexbase : A84618P3

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[Brèves] Déferrement devant le procureur à l’issue de la garde à vue : n’encourt pas la nullité le procès-verbal de comparution retranscrivant les propos recueillis de la personne non assistée par l’avocat régulièrement avisé. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/89297948-breves-deferrement-devant-le-procureur-a-lissue-de-la-garde-a-vue-nencourt-pas-la-nullite-le-procesv
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par Helena Viana

le 23 Novembre 2022

► Méconnaît les dispositions de l’article 393 du Code de procédure pénale, la cour d’appel qui se réfère à la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-125 QPC, du 6 mai 2011, pour énoncer que le procureur de la République ne peut, lors du déferrement d’une personne en application des articles 394, 395 et 397-1-1 du Code de procédure pénale, ni interroger la personne ni consigner ses déclarations hors la présence de son avocat sauf à méconnaître les droits de la défense. Le seul fait que l’avocat, régulièrement avisé, ne soit pas présent lorsque sont recueillis les déclarations de l’intéressé au cours dudit déferrement, n’entraîne pas la nullité du procès-verbal de comparution, mais a pour seule conséquence de rendre impossible la condamnation de la personne poursuivie sur le seul fondement de ces déclarations ainsi recueillies.

Faits et procédure. Le conducteur d’un véhicule a été déféré devant le procureur de la République en application de l’article 393 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5538LZ7 pour des faits de violences en récidive ainsi que de conduite sans permis. Il a ensuite été traduit devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate. Devant la juridiction, il a soulevé in limine litis la nullité du procès-verbal de comparution devant le procureur de la République faisant état de ses déclarations, dans la mesure où ces propos avaient été tenus et recueillis hors la présence de son avocat.

En cause d’appel. La cour d’appel de Douai a prononcé l’annulation partielle du procès-verbal de comparution devant le procureur de la République, en cancellant deux lignes dudit procès-verbal contenant les déclarations litigieuses. Pour fonder la décision, la cour se réfère à la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011 N° Lexbase : A7885HPQ, par laquelle le Conseil émet une réserve d’interprétation quant à l’article 393 du Code de procédure pénale dans sa rédaction avant la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014. Pour les juges du fond, le procureur de la République ne pouvait, sans méconnaître les droits de la défense, « ni interroger la personne ni consigner ses déclarations hors la présence de son avocat ».  

Moyens du pourvoi. Le procureur général, demandeur au pourvoi, fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de s’être référé à la décision susvisée du Conseil constitutionnel alors que celle-ci avait été rendue concernant la rédaction ancienne de l’article 393 du Code de procédure pénale. Il allègue que dans la rédaction actuelle issue de la loi du 27 mai 2014, le législateur a prévu une garantie suffisante des droits de la défense en prévoyant un droit à l’assistance d’un avocat et une notification du droit de garder le silence.

Décision. Au visa de l’article 393 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel.

Elle en infère le principe selon lequel le procureur a la faculté de recueillir les observations ou procéder à l’interrogatoire de la personne qu’il envisage de poursuivre en application des articles 394 N° Lexbase : L1545MAH, 395 N° Lexbase : L3802AZT et 397-1-1 N° Lexbase : L7519LSB du Code de procédure pénale, dès lors qu’il a avisé l’intéressé de son droit de garder le silence et de son droit d'être assistée d'un avocat.

Ainsi, selon la Chambre criminelle, la cour d’appel, en retenant la nullité du procès-verbal litigieux a méconnu le texte et le principe susvisé.

Pour comprendre la solution de la Cour, il faut rappeler ce que déclarait le Conseil constitutionnel dans la décision visée et revenir à la lecture de l’article 393 du Code de procédure pénale à l’époque où le Conseil statue.

En effet, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 2 juin 2014, l’article 393 du Code de procédure pénale, énonçait seulement qu’« après avoir constaté l'identité de la personne qui lui est déférée, lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés et avoir recueilli ses déclarations si elle en fait la demande , le procureur de la République peut, s'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, procéder comme il est dit aux articles 394 à 396 ». Ces dispositions ajoutaient que « le procureur de la République informe alors la personne déférée devant lui qu'elle a le droit à l'assistance d'un avocat de son choix ou commis d'office. ». Aucune référence n’était faite quant à la possibilité pour le magistrat de pouvoir recueillir les observations de la personne ou procéder à son interrogatoire, comme cela est le cas depuis la loi du 27 mai 2014.

À partir de ce constat, le Conseil constitutionnel a alors émis une réserve d’interprétation à sa déclaration de constitutionnalité de l’article 393 du Code de procédure pénale. Il énonçait que « cette disposition, qui ne permet pas au procureur de la République d'interroger l'intéressé, ne saurait, sans méconnaître les droits de la défense, l'autoriser à consigner les déclarations de celui-ci sur les faits qui font l'objet de la poursuite dans le procès-verbal mentionnant les formalités de la comparution » (cons. n° 13).

Or dans l’arrêt référencé, la Chambre criminelle, reproche justement aux juges du fond de s’être référé à la décision précitée du Conseil constitutionnel, et ce alors que les motifs et réserves énoncés se rapportaient à une version qui n’est plus en vigueur à l’heure où les juges statuent. En effet, depuis le législateur a ajouté à l’article litigieux que le procureur entend les observations de l’avocat « après avoir, le cas échéant, recueilli les observations de la personne ou procédé à son interrogatoire ».  

En outre, les hauts magistrats rappellent qu’aucune disposition n’interdit au procureur d’interroger la personne déférée devant lui et de retranscrire les éventuelles déclarations qu’elle souhaite faire.

L’apport de l’arrêt réside, semble-t-il, dans la sanction que confère la Chambre criminelle à l’absence de l’avocat lorsque de telles déclarations sont faites. Elle déclare que cette absence, dès lors que l’avocat a été régulièrement avisé, a pour seule conséquence de rendre impossible la condamnation de la personne poursuivie sur le seul fondement de ces déclarations ainsi recueillies. Pour ce faire, la Chambre criminelle invoque l’application de l’article préliminaire du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1305MAL.

Pour aller plus loin : Étude : L'exercice de l'action publique, Les modes accélérés de comparution, Le déferrement préalable devant le procureur de la République, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E84293C8.

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