La lettre juridique n°918 du 29 septembre 2022 : Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Jurisprudence] Précisions sur les modalités de mise en cause de la caisse de Sécurité sociale en présence d’un régime spécial

Réf. : Cass. civ. 2, 7 juillet 2022, n° 21-10.449, F-B N° Lexbase : A05178AE

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par Charlotte Blanc Laussel, Docteure en droit, Avocate au Barreau de Paris au sein du Cabinet Ledoux & Associés

le 28 Septembre 2022

Mots-clés : faute inexcusable de l’employeur • régimes spéciaux de Sécurité sociale • CNIEG • mise en cause de la caisse • CSS, L. 452-4

Par un arrêt du 7 juillet 2022, la Cour de cassation rappelle que si l’article L. 452-4, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale prévoit qu’en cas d'action en reconnaissance de la faute inexcusable d'un employeur, la caisse de Sécurité sociale doit être appelée en déclaration de jugement commun par la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, seule la mise en cause de la caisse du régime spécial de Sécurité sociale est nécessaire, en présence d’un recours intenté par un salarié affilié à un régime spécial de Sécurité sociale telle que la CNIEG (Caisse nationale des industries électriques et gazières).


Une salariée, affiliée auprès de la CNIEG, établit une déclaration de maladie professionnelle qui fait l’objet d’une prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique.

L'employeur saisit alors une juridiction de Sécurité sociale aux fins d'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle à l’égard de la CPAM. Concomitamment, sa salariée saisit la même juridiction d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Les deux recours font ensuite l’objet d’une jonction après mise en cause de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG).

La salariée est postérieurement déboutée de ses prétentions au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable en première instance, et interjette alors appel du jugement critiqué à l’encontre de son employeur ainsi que de la CNIEG, à l’exclusion de la CPAM qui n’est pas appelée dans la cause.

Par un arrêt en date du 18 novembre 2020 [1], la cour d’appel de Rennes déclare l’appel ainsi interjeté par la salariée comme étant irrecevable, à défaut d’avoir mis en cause la CPAM, sur le fondement de l’article L. 452-4, alinéa 1er du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L7788I3T, au motif qu’en présence d’un régime spécial de Sécurité sociale, les caisses du régime général restent toutefois compétentes pour ce qui a trait à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, et à la prise en charge des prestations en nature liées à l'accident ou à la maladie, de sorte que la CPAM restait concernée par la discussion sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée par la victime et sur la faute inexcusable de l'employeur, et devait donc être appelée dans la cause.

Au visa de l’article L. 452-4, alinéa 1er du Code de la Sécurité sociale, de l’article 16, I, de la loi n° 2004-803, du 9 août 2004, relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières N° Lexbase : L0813GTB ainsi que de l’article 1er, I, 1° et 3° du décret n° 2004-1354, du 10 décembre 2004, relatif à la Caisse nationale des industries électriques et gazières N° Lexbase : L4783GUP, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué.

Elle rappelle ainsi que la CNIEG est chargée d'assurer aux bénéficiaires du régime spécial le paiement des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, de sorte que la victime d’un accident du travail ou de la maladie professionnelle, affiliée à ce régime, n'est pas tenue d'appeler la CPAM en déclaration de jugement commun en cas d'action tendant à cette fin.

Le commentaire de l’arrêt du 7 juillet 2022 donne l’occasion de rappeler les modalités de mise en cause de la caisse dans le cadre du contentieux de la faute inexcusable de l’employeur, en présence d’une affiliation de la victime à un régime spécial de Sécurité sociale (I.) puis de s’interroger sur ses apports inédits ainsi que sur les questionnements encore en suspens (II.).

I. Les modalités de mise en cause de la caisse de Sécurité sociale en présence d’un événement professionnel survenu à un salarié affilié à un régime spécial

Lorsque la victime d’une maladie professionnelle a été affiliée successivement au régime général puis à un régime spécial, la Cour de cassation a déjà jugé qu’il convenait de prendre en compte la date de première constatation médicale de l’affection déclarée, pour déterminer la mise à la charge des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur à l’égard des organismes de Sécurité sociale (A.). Par ailleurs, l’arrêt commenté du 7 juillet 2022 entérine une position constante de la Cour de cassation, affirmée depuis la fin des années 2000, selon laquelle la mise en cause de la CPAM dans le cadre d’un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, intenté par un salarié affilié au régime spécial des industries électriques et gazières, n’est pas nécessaire (B.).

A. La détermination de l’organisme social en charge des conséquences financières de la faute inexcusable en fonction de la date de première constatation médicale de la maladie professionnelle

Avant de se pencher sur les interrogations portant sur l’identité de l’organisme de Sécurité sociale à mettre en cause dans le cadre du contentieux de la faute inexcusable de l’employeur intenté par le personnel des industries électriques et gazières, il convient de rappeler que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que la mise à la charge des conséquences financières de la faute inexcusable de l’employeur à l’égard de la CNIEG dépendait de la date d’affiliation de la victime lors de la première constatation de la maladie professionnelle.

Ainsi, dans un arrêt du 9 juillet 2009 [2], la Haute juridiction est venue sanctionner la position de la cour d'appel qui, saisie d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable d'un précédent employeur intenté par un salarié relevant du régime général, avait mis à la charge de l'organisme du régime général l'avance des sommes allouées à la victime d'une faute inexcusable de l'employeur, au motif que seul l'organisme dont relève l'employeur au moment des faits et déclaré responsable de la faute inexcusable peut être amené à faire l'avance des sommes en cause, alors que la victime était affiliée, lors de la première constatation de la maladie professionnelle, au régime spécial des personnels des industries électriques et gazières.

Dans cette affaire, un salarié qui avait été employé de 1942 à 1952 par la Société nouvelle des forges et chantiers de la Méditerranée (SFCM), puis qui avait exercé son activité au sein de la société EDF de 1952 à 1982, avait formulé le 11 janvier 1988 une demande de prise en charge d'une affection au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles à laquelle il avait été fait droit par la société EDF.

Saisie d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait dans un premier temps ordonné la mise hors de cause de la société EDF.

Dans un second temps, la juridiction avait jugé que l'employeur désigné à bon droit comme étant responsable de la faute inexcusable à l'origine de l'accident litigieux était la société SFCM.

Enfin, dans un dernier temps, la cour d’appel avait considéré que, compte tenu du fait que l'organisme assurant les prestations de la société SFCM responsable de la faute était la caisse primaire d'assurance maladie du Var, il convenait de mettre à sa charge l'avance des frais et indemnités afférents à la reconnaissance de la faute inexcusable [3].

Saisie d’un pourvoi en cassation, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait alors cassé et annulé l’arrêt attaqué au visa de l’article D. 461-24 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9587ADG, devenu l’article D. 461-7 N° Lexbase : L5273K8S du même Code) qui prévoyait expressément que la charge des prestations, indemnités et rentes inhérentes à l'une des maladies professionnelles mentionnées à l'article D. 461-5 N° Lexbase : L6022MCZ, incombait à la caisse d'assurance maladie ou à l'organisation spéciale de Sécurité sociale à laquelle la victime était affiliée à la date de la première constatation médicale.

Ce faisant, la Cour de cassation précise que les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable d’un employeur, relevant du régime général de la Sécurité sociale, doivent être mises à la charge de l'organisation spéciale de Sécurité sociale à laquelle la victime était affiliée à la date de la première constatation médicale, en l’espèce la CNIEG, quand bien même la société EDF avait été mise hors de cause et n’était pas déclarée responsable.

B. Le caractère superfétatoire de la mise en cause de la CPAM dans le contentieux de la faute inexcusable de l’employeur en présence d’un évènement professionnel survenu à un salarié affilié à un régime spécial

Avant le prononcé de son arrêt du 7 juillet 2022, la Haute juridiction s’était déjà exprimée sur la question de la nécessité de mettre en cause la CPAM, ou non, dans un litige impliquant un ancien salarié d’EDF-GDF atteint d’une pathologie professionnelle liée à l’amiante, à l’occasion de deux arrêts rendus le 11 octobre 2007 [4].

Ainsi, à l’occasion d’un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt d’appel qui avait prononcé la mise hors de cause de la CPAM, la deuxième chambre civile était venue affirmer, pour la première fois, qu’il appartenait à la CNIEG, en présence d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable d’un salarié affilié au régime spécial des industries électriques et gazières, d'assurer le paiement des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Pour fonder cette position, la Cour de cassation s’était alors appuyée sur la rédaction de l’article 16 de la loi n° 2004-803, du 9 août 2004, relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui institue la CNIEG et lui confie pour mission d'assurer, à compter du 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime spécial des accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières.

Par un nouvel arrêt du 17 janvier 2008 [5], rejetant le pourvoi de la CNIEG qui contestait de nouveau la mise hors de cause de la CPAM dans le contentieux de la faute inexcusable de l’employeur initié par un ancien salarié d’EDF atteint d’une pathologie professionnelle d’asbestose, la Cour de cassation est venue préciser sa position en jugeant que si le régime général de la Sécurité sociale avait effectivement en charge les prestations en nature des affiliés à la CNIEG, en revanche les majorations de rente et les indemnités allouées aux victimes d'une faute inexcusable de l'employeur étaient mises à la charge du régime spécial en cause, de sorte qu’il convenait de mettre hors de cause la CPAM.

Ce faisant, la Cour de cassation s’était alors fondée sur la distinction entre prestations en nature et prestations en espèces versées par les deux caisses pour déterminer l’organisme de Sécurité sociale, responsable des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, en présence d’un régime spécial de Sécurité sociale. 

En effet, à la lecture de l’article 16 de la loi n° 2004-803, du 9 août 2004, relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il convient de constater qu’il est clairement spécifié que la CNIEG est « chargée de verser aux affiliés les prestations en espèces correspondantes », « gère cinq sections relatives respectivement à l'assurance vieillesse, à l'invalidité, au décès, aux accidents du travail et maladies professionnelles et à la gestion administrative » et prévoit que « Les personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières sont, à compter du 1er janvier 2005, affiliés de plein droit, pour les risques mentionnés au présent article, à la Caisse nationale des industries électriques et gazières. La caisse leur verse les prestations en espèces correspondantes. ».

Or, pour rappel, les prestations servies par les organismes sociaux se divisent en deux catégories, d’une part, les prestations en nature correspondantes au remboursement des dépenses engagées ou au financement direct de services, régies par les dispositions des articles R. 322-10 N° Lexbase : L4558LUD à R. 322-10-9 du Code de la Sécurité sociale, et d’autre part, les prestations en espèces qui constituent un revenu de remplacement pour les personnes placées en arrêt de travail, régies par les dispositions des articles R. 323-1 N° Lexbase : L5192KW9 à R. 323-12 du même Code.

Dans son arrêt du 7 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirme donc logiquement sa position antérieure, au même visa de l’article 16 de la loi n° 2004-803, du 9 août 2004, relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, en rappelant l’inutilité de mettre en cause la CPAM en déclaration de jugement commun, dès lors que seule la mise en cause de la CNIEG était nécessaire, en ce qu’elle est chargée depuis le 1er janvier 2005, de verser aux salariés affiliés au régime spécial des accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières, les prestations en espèces correspondantes.

C’est également la position des juridictions du fond qui avaient déjà précédemment retenu que les conséquences financières de la faute inexcusable de l’employeur devaient être mises à la charge de la CNIEG, consécutivement à la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie contractée par un salarié de la société EDF, au motif que « la C.N.I.E.G. est le débiteur naturel des prestations en espèces litigieuses, le régime général ne conservant que la charge des prestations en nature, et cette répartition étant conforme aux principes édictés par l’article L. 711-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L3435HW7 qui permet l’intervention du régime général de la Sécurité sociale pour une partie des prestations des régimes spéciaux » [6].

II. Les apports inédits et les interrogations en suspens

De manière inédite, la Cour de cassation s’est prononcée le 7 juillet 2022 en faveur de la recevabilité d’un appel intenté par un salarié relevant du régime spécial de Sécurité sociale à l’encontre de la seule CNIEG, à l’exclusion de la CPAM, alors même que les procédures en reconnaissance de la faute inexcusable entreprise par le salarié à l’encontre de son employeur et d’inopposabilité menée par l’employeur à l’encontre de la CPAM avaient fait l’objet d’une jonction (A.). Néanmoins, malgré cette clarification, d’autres interrogations se posent s’agissant des régimes spéciaux de Sécurité sociale, à l’exclusion du régime des industries électriques et gazières (B.).

A. L’absence d’irrecevabilité de l’appel sur la faute inexcusable de l’employeur dirigé à l’encontre de la seule CNIEG malgré la jonction avec une procédure d’inopposabilité intentée par l’employeur à l’égard de la CPAM

Si la position de la deuxième chambre civile s’agissant de l’inutilité de la mise en cause de la CPAM dans le cadre d’un litige en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur intenté par un salarié affilié au régime spécial de Sécurité sociale des industries électriques et gazières n’est pas inédite, il convient néanmoins de souligner la particularité de cette affaire, dans laquelle les procédures tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de la salariée avaient préalablement fait l’objet d’une jonction par la juridiction de Sécurité sociale.

Avant le prononcé de l’arrêt du 7 juillet 2022 et dans une affaire très similaire où deux procédures en inopposabilité d’une décision de prise en charge d’une pathologie professionnelle et en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, intenté par un salarié d’EDF affilié à la CNIEG, avaient fait l’objet d’une jonction, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait, en 2015, refusé d’ordonner la mise hors de cause de la CPAM après avoir constaté qu’elle était « seule intervenue dans le cadre de l’instruction du dossier et de la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie ; que précisément, la société employeur conteste l’opposabilité de la procédure et de la décision prise ; qu’il en résulte que la caisse primaire ne saurait être mise hors de cause » [7].

Contournant la difficulté, une autre juridiction de Sécurité sociale a pu récemment, dans une affaire également très similaire, décidé d’ordonner la disjonction de l’instance puis statué sur la demande de mise hors de cause de la CPAM après avoir relevé que cette caisse « était dans la cause s’agissant de la contestation par l’employeur de l’opposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par le salarié », de sorte qu’à l’issue de la disjonction d’avec la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, sa demande de mise hors de cause était justifiée [8].

Dans l’arrêt commenté, et en l’absence de disjonction sollicitée par les parties, la Cour de cassation a donc jugé que l’appel d’un salarié affilié au régime de Sécurité sociale des industries électriques et gazières dirigé à l’encontre de la seule CNIEG, à l’exclusion de la CPAM, était néanmoins recevable.

Si cette solution est en cohérence avec le principe d’indépendance des rapports caisse/employeur et victime/employeur, il convient néanmoins d’émettre un point de vigilance sur le fait que, dans l’hypothèse où la juridiction rejetterait le recours en inopposabilité de l’employeur tout en rejetant le recours en faute inexcusable du salarié faisant l’objet d’une jonction, et où le salarié interjetterait appel en appelant en cause la seule CNIEG, il semble dès lors appartenir à l’employeur, s’il entend poursuivre sa contestation en inopposabilité, d’interjeter également un appel incident et de s’assurer lui-même de la mise en cause de la CPAM.

B. Les interrogations subsistantes pour les autres régimes sociaux de Sécurité sociale

Si le régime spécial de Sécurité sociale des industries électriques et gazières fait désormais l’objet d’une jurisprudence claire et établie, en revanche, la question de la mise à la charge des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur au bénéfice de salariés affiliés à d’autres caisses que la CNIEG, fait cependant l’objet d’une jurisprudence plus fluctuante en cause d’appel.

Ainsi, s’agissant du régime spécial de Sécurité sociale du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), la seule certitude actuelle réside dans le fait que tout comme le régime spécial de Sécurité sociale des industries électriques et gazières, la CPAM ne doit pas être appelée dans la cause lorsque le litige porte sur la faute inexcusable de l’employeur [9].

Néanmoins, d’autres interrogations sur l’identité de l’organisme débiteur final des conséquences financières de la faute inexcusable dans le cadre du régime spécial de Sécurité sociale du personnel de la SNCF subsistent.

En effet, les cours d’appel ont pu récemment et indifféremment juger que la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel (CPRP) de la SNCF devait être mise hors de cause, puis mit à sa charge les conséquences financières résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, avec ou sans mise en œuvre d’une action récursoire à l’encontre de la SNCF.

Ainsi, devant la cour d’appel de Nîmes en 2019 [10] puis devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence en 2022 [11], la CPRP a sollicité sa mise hors de cause au motif que « contrairement aux caisses du régime général, elle n'intervient pas dans les procédures de demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la SNCF étant seule concernée en tant qu'auto assureur », argumentation à laquelle il a été fait droit par la juridiction nîmoise qui a prononcé sa mise hors de cause, tandis qu’elle ne fût pas examinée par la juridiction aixoise, en l’absence de caractérisation de la faute inexcusable.

Puis, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé en 2020 qu’il résultait de l’annexe 2.1 de la convention de gestion signée entre la SNCF et la CPR SNCF et « relative au traitement de la faute inexcusable de l'employeur que la SNCF a, notamment, chargé la CPR SNCF de verser les indemnisations de « FIE » (faute inexcusable de l'employeur) même si la SNCF a conservé le traitement des contentieux s'y rapportant » de sorte « [qu’]il n'y a pas lieu de mettre hors de la cause la CPR SNCF » [12].

Ensuite, la cour d’appel de Nancy a, en 2021, opté pour une mise à la charge des conséquences financières de la faute inexcusable de l’employeur à l’égard de la CPRP en rappelant qu’il lui appartenait de récupérer le montant des sommes à verser à la victime auprès de la SNCF [13].

Nul doute dès lors, qu’une clarification jurisprudentielle sur ce point serait la bienvenue à l’égard des praticiens.

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Dans le cadre du contentieux de la faute inexcusable de l’employeur, il convient d’appeler systématiquement la caisse de Sécurité sociale dans la cause. Or, dans l’hypothèse où un salarié est affilié au régime spécial des industries électriques et gazières, l’absence de mise en cause de la caisse primaire d’assurance maladie ne rend pas l’appel intenté par le salarié irrecevable, étant précisé que seule la mise en cause de la caisse du régime spécial de Sécurité sociale est nécessaire.


[1] CA Rennes, 18 novembre 2020, n° 18/05818.

[2] Cass. civ. 2, 9 juillet 2009, n° 08-19.553, FS-P+B N° Lexbase : A7494EIE.

[3] CA Aix-en-Provence, 24 juin 2008, n° 07/00395 N° Lexbase : A3262UYH.

[4] Cass. civ. 2, 11 octobre 2007, n° 06-19.080 N° Lexbase : A7397DYM et n° 06-21.087 N° Lexbase : A7405DYW, FS-P+B. Voir le commentaire de ces décisions par Thierry Tauran, Accidents du travail et maladies professionnelles - Industries électriques et gazières : rôle de la CNIEG, JCP S, 2007, n° 48, 1921.

[5] Cass. civ. 2, 17 janvier 2008, n° 07-13.686, F-D N° Lexbase : A7812D3Q.

[6] CA Pau, 6 mars 2009, n° 08/00228. Voir également en ce sens : CA Paris, 23 octobre 2008, n° 07/00973 [LXB=A9718EA8 ], ainsi que CA Paris, 6 février 2014, n° 11/01878 N° Lexbase : A7495MDX et plus récemment CA Paris, 7 janvier 2022, n° 18/12925 N° Lexbase : A73357H7.

[7] CA Aix-en-Provence, 7 janvier 2015, n° 13/17590 N° Lexbase : A9242M8S.

[8] CA Paris, 7 janvier 2022, n° 18/12925 N° Lexbase : A73357H7.

[9] CA Rouen, 2 février 2022, n° 19/04828 N° Lexbase : A27027LN.

[10] CA Nîmes, 22 octobre 2019, n° 18/00408 N° Lexbase : A0582ZSD.

[11] CA Aix-en-Provence, 1er juillet 2022, n° 20/05512 N° Lexbase : A15818AS.

[12] CA Aix-en-Provence, 29 janvier 2020, n° 18/20621 N° Lexbase : A27383DR.

[13] CA Nancy, 19 octobre 2021, n° 21/00263 N° Lexbase : A4974494.

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