Le Quotidien du 9 septembre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] La justice tente de régler le problème de l’accès des mineurs aux contenus pornographiques

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par Vincent Vantighem

le 21 Septembre 2022

            La fermeture radicale des sites pornographiques est-elle la seule solution pour éviter que des mineurs ne puissent avoir accès à leurs contenus ? Le débat s’est invité, mardi 6 septembre, au tribunal judiciaire de Paris lors d’une audience civile de « procédure accélérée au fond ». L’Arcom, l’autorité de régulation des médias (anciennement appelée le CSA) a, en effet, assigné en justice les principaux fournisseurs d’accès à internet. Le but ? Que la justice les contraigne à fermer l’accès à cinq sites pornographiques – dont le leader mondial Pornhub – sous peine d’une astreinte financière.

            Pour comprendre pourquoi et comment on en est arrivé là, il faut, en réalité, remonter à juillet 2020. Au 30 juillet exactement. C’est à cette date qu’a été adoptée la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales. Et son article 23 qui précise bien que les autorités peuvent agir si elles constatent que « des services de communication en ligne permettent à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique », ce que le Code pénal et son article 227-24 N° Lexbase : L7492L9D interdisent scrupuleusement. Sauf que c’est malheureusement fréquent. Selon les derniers chiffres de la délégation aux droits des femmes du Sénat publiés en avril dernier, 80 % des moins de dix-huit ans ont déjà été confrontés à du porno en ligne [1]. Pire, un enfant de moins de douze ans sur trois a déjà visionné de telles images… Une réalité qui n’est pas surprenante lorsque l’on sait que 19 millions de Français consultent un site X, chaque mois. Soit un tiers des internautes…

            Des chiffres que trois associations de protection de l’enfance ne veulent plus lire. C’est donc elles qui ont demandé à l’Arcom de saisir la justice pour régler enfin le problème. Mais est-ce seulement possible ? « Intervenants volontaires » à la procédure civile ouverte devant le tribunal judiciaire de Paris, les sites internet concernés ont expliqué, par la voix de leurs conseils, qu’ils ne pouvaient pas bloquer leurs contenus aux mineurs car il n’existait pas de « solution technique » le permettant… Autrement dit qu’ils ne pouvaient pas réaliser l’impossible.

« Aucune solution n’est satisfaisante »

            Dans les faits, il n’a pas fallu attendre l’audience de mardi pour s’en apercevoir. Bien avant que l’Arcom ne décide de saisir la justice, elle avait déjà mis en demeure les sites de se conformer à la loi. Des initiatives ont bien été lancées. Le site Tukif a testé un système baptisé « AgeVerif »… Le site Jacquie & Michel a essayé de vérifier l’âge de ses utilisateurs en s'appuyant sur les cartes bancaires… Mais rien ne s’est avéré concluant. Finalement, la seule solution serait de permettre aux sites concernés de pouvoir stocker des bases de données constituées de cartes d’identité couplé à un système de reconnaissance biométrique que seule la Chine oserait sans doute imposer à ses ressortissants. Une réalité que la Cnil elle-même a reconnu dans un avis rendu le 22 juillet 2022. « La Cnil constate que les systèmes actuels sont contournables et intrusifs et appelle à la mise en place de modèles plus respectueux de la vie privée », précise-t-elle.

            « Aucune des solutions ne s’est révélée satisfaisante, a donc plaidé Elsa Rodrigues, l’avocate de MG Freesites qui édite le site Pornhub lors de l’audience. Il n’y a pas de consensus sur des mesures techniques […] Personne ne nous dit ce qu’on doit faire ! » En conséquence, et avec les avocats des autres sites concernés, elle a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Question qui ne manquait pas de préciser par ailleurs que si un mineur voyait un site pornographique bloqué, il aurait tôt fait de se retourner vers un autre site non bloqué, dans le maquis inexpugnable que constitue internet.

Une médiation mais peu d’espoir de solution

            Le tribunal judiciaire de Paris a mis en délibéré au 4 octobre sa décision de transmettre, ou pas, la QPC. Il faudra donc attendre cette date-là pour savoir si l’audience au fond se poursuit ou non. En attendant, le tribunal n’a pas voulu rester les mains croisées face à ce vrai problème de société. Il a, en effet, proposé la mise en place d’une médiation pour que les fournisseurs d’accès à internet, les sites concernés et l’Arcom tentent de trouver une solution.

            Encore faut-il que ce soit possible… « Depuis le début, l’Arcom refuse de discuter avec les sites internet, lâche un fin connaisseur du dossier. Elle considère qu’elle est là pour réguler et appliquer la loi. Pas pour trouver des solutions qui profiteraient aux éditeurs... ». Sans doute encore plus quand il s’agit de négocier avec des sites au contenu parfois douteux, hébergés bien souvent hors des contrées françaises. « Dans cette médiation, la seule obligation, c’est de se présenter devant le médiateur. Pas forcément de s’engager dans une discussion... », poursuit notre source qui augure mal de la suite des événements.

            En attendant cela, l’Arcom, elle, continue d’envoyer des mises en demeure aux sites concernés pour qu’ils se mettent en conformité avec la loi, même si cela leur est impossible. De son côté, Knivvi, une actrice X qui propose ses vidéos en direct sur internet, indique qu’elle continuera à mettre dehors tous les mineurs qui se connectent sur son chat dès qu’elle a un doute sur leur âge.

 

[1] Délégation aux droits des femmes, Table ronde sur la protection des mineurs face aux contenus pornographiques, compte rendu, avril 2022 [en ligne].

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