Réf. : Cass. crim., 27 juillet 2022, n° 22-80.887, F-D N° Lexbase : A32998DK
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N2421BZP
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par Adélaïde Léon
le 21 Septembre 2022
► La Chambre criminelle renvoie au Conseil constitutionnel la QPC portant sur la conformité à la Constitution des articles 60-1, alinéa 3, 100-5, alinéa 4, 170, 171 et 173 du Code de procédure pénale lesquels ne prévoient pas la possibilité pour un journaliste, qui n’est ni partie à la procédure ni témoin assisté, de saisir la chambre de l’instruction en nullité d’actes de l’instruction portant atteinte à ses droits.
Rappel de la procédure. Une journaliste a présenté à la Chambre criminelle une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’occasion du pourvoi formé par elle contre l’arrêt d’une chambre de l’instruction qui, dans une procédure suivie contre un individu des chefs, notamment, de détournement d’aéronef en bande organisée, évasion en bande organisée – procédure à laquelle la journaliste n’était ni partie ni témoin assistée – a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure.
Le dépôt de cette QPC faisait suite à la découverte, par cette journaliste, d’une surveillance policière dont elle aurait fait l’objet dans le cadre de la procédure de recherche de l’individu précité, alors qu’elle réalisait elle-même un documentaire sur l’intéressé.
Motifs de la QPC. La question portait sur la constitutionnalité des articles suivants du Code de procédure pénale :
Ces dispositions ne prévoyant pas la possibilité pour un journaliste, qui n’est ni partie à la procédure ni témoin assisté, de saisir la chambre de l’instruction d’une requête en nullité d’actes de l’instruction portant atteinte à ses droits, la QPC interrogeait leur compatibilité avec le droit d’accès au juge, le droit à la liberté d’expression, le droit à la vie privé et le principe d’égalité consacrés par les articles 1, 2, 6, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L6813BHS.
Décision. Constatant que les dispositions législatives contestées étaient applicables à la procédure et n’avaient pas déjà été déclarées conformes à la Constitution et jugeant que la QPC présentait un caractère sérieux, la Chambre criminelle, renvoie celle-ci au Conseil constitutionnel.
La Haute juridiction confirme que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition du Code de procédure pénale ne permettent à un journaliste, tiers à la procédure, de faire constater par une juridiction le caractère illégal des actes d’investigations réalisés en violation du secret des sources et d’ordonner la suppression des procès-verbaux les relatant.
La Chambre criminelle rappelle que les tiers à la procédure ne peuvent agir en annulation des actes irréguliers devant la juridiction pénale. En outre, s’ils disposent d’un recours en indemnisation devant la juridiction civile (COJ, art. L. 141-1 N° Lexbase : L2419LB9), celui-ci ne permet pas la suppression en procédure des actes litigieux.
Enfin, la Cour souligne que le journaliste ne peut porter plainte et se constituer partie civile du chef de collecte de données personnelles de façon illégale que si, préalablement, la chambre de l’instruction a constaté, par une décision définitive, l’illégalité des investigations. Or, si la chambre de l’instruction n’a pas été saisie d’une telle nullité, le journaliste ne peut pas exercer une telle action.
Dès lors, faute de capacité pour le journaliste de saisir la chambre de l’instruction de la nullité d’une collecte illégale de données personnelles, cette juridiction ne pourra juger de l’illégalité des investigations et le journaliste se retrouvera dans l’incapacité de porter plainte et de se constituer partie civile.
C’est donc un obstacle juridique sans faille qui semble se dresser face aux journalistes qui souhaiteraient faire constater la nullité d’investigations menées au cours de procédures auxquelles ils ne seraient ni parties ni témoin assisté et ainsi obtenir notamment l’annulation d’éléments de procédure obtenue en violation du secret de leurs sources.
Jugeant que les dispositions contestées sont susceptibles de méconnaître le droit à un recours effectif, la Chambre criminelle renvoie la QPC au Conseil constitutionnel.
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