Réf. : Cass. civ. 3, 6 juillet 2022, n° 21-12.024, FS-D N° Lexbase : A50198A7
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par Vincent Téchené
le 05 Août 2022
► Est engagée dans un processus irréversible de départ rendant nul le droit de repentir du bailleur, la locataire au profit de laquelle un projet immobilier, mené par la gérante de cette dernière et l’un de ses associés ayant pour but de permettre le relogement de la locataire évincée, a été initié, peu important que les démarches aient été effectuées par une personne morale distincte, dès lors que celles-ci avaient été menées dans l'intérêt de la locataire.
Faits et procédure. Une société (la locataire) est bénéficiaire d'un bail commercial à effet du 1er septembre 2006 portant sur des locaux appartenant à une société civile immobilière (la bailleresse).
Cette dernière, qui a délivré le 7 novembre 2014 un congé à effet du 31 août 2015 avec refus de renouvellement du bail commercial, sans offre d'une indemnité d'éviction, a notifié, le 31 août 2015, qu'elle entendait exercer son droit de repentir.
La locataire, invoquant être engagée dans un processus irréversible de départ lors de la renonciation de la bailleresse, a assigné celle-ci en contestation de l'exercice du droit de repentir.
La cour d'appel de Basse-Terre ayant déclaré nul et de nul effet le droit de repentir de la bailleresse et l’ayant, en outre, condamnée à payer des dommages-intérêts, elle a formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation relève que la cour d'appel a constaté que, pour permettre à la locataire de continuer son activité d'enseignement, la gérante et un associé de la société locataire évincée ont créé, le 19 août 2014, une société civile immobilière qui a acquis un terrain, obtenu, le 8 octobre 2014, un prêt en vue de réaliser une construction pour laquelle un permis de construire a été délivré le 5 mai 2015, et que, malgré un recours en suspension du permis de construire introduit par une société tierce avec laquelle la bailleresse partageait des intérêts stratégiques, la construction avait pu débuter le 6 juillet 2015.
Dès lors, selon la Cour de cassation, ayant souverainement retenu que le projet immobilier avait pour but de permettre le relogement de la locataire évincée, peu important que les démarches aient été effectuées par une personne morale distincte, dès lors que celles-ci avaient été menées dans l'intérêt de la locataire, la cour d’appel a pu en déduire que le droit de repentir n'avait pas été exercé valablement.
Observations. Pour rappel, l’article L. 145-58 N° Lexbase : L5786AI7 prévoit que le droit de repentir du bailleur ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation. Récemment, la Cour de cassation a précisé que l'engagement d'un processus irréversible de départ des lieux loués par le preneur suffit à faire obstacle à l'exercice du droit de repentir par le bailleur, sans qu'il soit nécessaire que ce dernier ait eu connaissance de ce processus (Cass. civ. 3, 15 décembre 2021, n° 21-11.634, FS-D N° Lexbase : A24407HT, V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2022, n° 700 N° Lexbase : N9929BYE).
Elle avait déjà précisé que le bailleur ne peut plus exercer son droit de repentir, ou le recouvrer indirectement sous le couvert de l'offre d'un nouveau bail sur les mêmes locaux, si le locataire a déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation (Cass. civ. 3, 28 mars 1979, n° 77-14.744 N° Lexbase : A7321AGA), même s'il est encore dans les lieux loués (Cass. civ. 3, 1er juin 1999, n° 97-22.008 N° Lexbase : A8933AGX).
Dans l’arrêt rapporté, il importe donc de relever que les démarches en vue de la réinstallation peuvent avoir été effectuées par un tiers dès lors qu’elles ont été menées dans l'intérêt de la locataire et que le processus engagé est irréversible.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'offre du bailleur de renouveler le bail commercial, L'absence d'achat ou de location d'un autre immeuble par le locataire, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E5035AE9. |
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