Le Quotidien du 22 juin 2022 : Avocats/Déontologie

[Brèves] Le Conseil constitutionnel se prononcera sur l’interdiction pour un mandataire judiciaire d'exercer la profession d'avocat

Réf. : Cass. QPC, 9 juin 2022, n° 22-40.008, FS-D N° Lexbase : A265477G

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N1928BZG

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par Marie Le Guerroué

le 07 Juillet 2022

► Dans sa décision du 9 juin 2022, la Cour de cassation précise que le législateur, en interdisant aux mandataires judiciaires l'exercice de toute autre profession, a poursuivi un objectif d'intérêt général, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre de ces professionnels et qu’il n’y a pas lieu d’interroger le Conseil constitutionnel sur ce point ;

► En revanche, elle relève aussi que la confrontation des articles L. 811-10 qui autorise un administrateur judiciaire à exercer la profession d'avocat et L. 812-8 du Code de commerce qui le prohibe pour un mandataire judiciaire établit une différence de traitement entre deux situations qui paraissent similaires, sans que leur traitement différencié semble justifié par des motifs d'intérêt général ; la Cour de cassation renvoie donc la QPC au Conseil constitutionnel.

Faits et procédure. Un avocat précédemment inscrit au barreau de Nantes, avait été, sur sa demande, omis du tableau de l'Ordre des avocats en 2007 pour être inscrit sur la liste des mandataires judiciaires. Exerçant depuis lors cette profession, il avait saisi le conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Nantes pour obtenir la levée de son omission afin d'exercer concomitamment les professions de mandataire judiciaire et d'avocat. Le conseil de l'Ordre des avocats avait rejeté sa demande aux motifs que l'article L. 812-8 du Code de commerce N° Lexbase : L2722LBG lui interdit d'exercer toute autre profession que celle de mandataire judiciaire, tant qu'il demeure inscrit sur la liste de cette profession. L’avocat a relevé appel de cette décision et, par un mémoire distinct, a demandé à la cour d'appel de transmettre deux questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation.

QPC. Par arrêt du 18 mars 2022, la cour d'appel de Rennes avait transmis à la Haute juridiction judiciaire deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

  1. « L'article L. 812-8 du Code de commerce, en ce qu'il interdit au mandataire judiciaire l'exercice de la profession d'avocat, est-il contraire au principe d'égalité devant la loi, dès lors que cet exercice est ouvert aux administrateurs judiciaires (L. 811-10 du Code de commerce), profession par ailleurs soumise aux mêmes conditions et contraintes que le mandataire judiciaire ? »
  2. « L'article L. 812-8 du Code de commerce, en ce qu'il interdit au mandataire judiciaire l'exercice de la profession d'avocat, est-il contraire au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre en portant une atteinte disproportionnée à celle-ci au regard des objectifs d'intérêt général que la loi entend poursuivre, la profession de mandataire judiciaire étant elle-même soumise à une certaine concurrence ? »

Sur le principe de la liberté d'entreprendre. L'incompatibilité de la qualité de mandataire judiciaire inscrit sur la liste avec l'exercice de toute autre profession, y compris celle d'avocat, a pour objectif d'assurer l'indépendance du mandataire, de prévenir les conflits d'intérêts pouvant résulter de l'exercice simultané d'autres professions et de favoriser une entière disponibilité du professionnel pour l'accomplissement de ses mandats de justice. Il en résulte, pour la Cour de cassation, que le législateur, en interdisant aux mandataires judiciaires l'exercice de toute autre profession, a poursuivi un objectif d'intérêt général, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre de ces professionnels.

Renvoi (non). Il n'y a donc, pour la Cour, pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

Sur le principe d'égalité. La Cour rappelle que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. L'article L. 811-10, alinéa 1, du Code de commerce N° Lexbase : L2725LBK autorise un administrateur judiciaire à exercer la profession d'avocat, tandis que l'article L. 812-8, alinéa 1, N° Lexbase : L4476K7W du même Code le prohibe pour un mandataire judiciaire. Si les missions exercées respectivement par les administrateurs et mandataires judiciaires, pour le traitement des entreprises en difficulté, sont distinctes, les premiers étant chargés, selon l'article L. 811-1, alinéa 1, du Code de commerce N° Lexbase : L2073KGU d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens afin de parvenir à la sauvegarde ou au redressement de l'entreprise, quand les seconds, d'après l'article L. 812-1 N° Lexbase : L2074KGW du même Code, sont chargés de représenter les créanciers, de déterminer le passif du débiteur et de procéder, le cas échéant, à la liquidation de l'entreprise pour apurer le passif, les deux professions, qui s'exercent sous mandat de justice et sont dépourvues de clientèle, répondent à des conditions d'accès et des statuts similaires, sont soumises aux mêmes obligations déontologiques, parmi lesquelles celle de l'indépendance, et à des règles identiques quant à leur contrôle et à leur discipline. Dès lors, la confrontation des articles L. 811-10 et L. 812-8 du Code de commerce établit une différence de traitement entre deux situations qui paraissent similaires, sans que leur traitement différencié semble justifié par des motifs d'intérêt général.

Renvoi (oui). En conséquence, il y a lieu de renvoyer la première question posée au Conseil constitutionnel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les incompatibilités afférentes à l'exercice de la profession d'avocat, Les incompatibilités générales, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E33163RA.

 

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