Jurisprudence : Cass. QPC, 09-06-2022, n° 22-40.008, FS-D, Renvoi

Cass. QPC, 09-06-2022, n° 22-40.008, FS-D, Renvoi

A265477G

Référence

Cass. QPC, 09-06-2022, n° 22-40.008, FS-D, Renvoi. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85579406-cass-qpc-09062022-n-2240008-fsd-renvoi
Copier

Abstract

► Dans sa décision du 9 juin 2022, la Cour de cassation précise que le législateur, en interdisant aux mandataires judiciaires l'exercice de toute autre profession, a poursuivi un objectif d'intérêt général, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre de ces professionnels et qu'il n'y a pas lieu d'interroger le Conseil constitutionnel sur ce point ; ► En revanche, elle relève aussi que la confrontation des articles L. 811-10 qui autorise un administrateur judiciaire à exercer la profession d'avocat et L. 812-8 du Code de commerce qui le prohibe pour un mandataire judiciaire établit une différence de traitement entre deux situations qui paraissent similaires, sans que leur traitement différencié semble justifié par des motifs d'intérêt général ; la Cour de cassation renvoie donc la QPC au Conseil constitutionnel.


COMM.


COUR DE CASSATION


FB


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________


Audience publique du 9 juin 2022


RENVOI (QPC n° 1)
NON-LIEU A RENVOI (QPC n° 2)


Mme MOUILLARD, président


Arrêt n° 484 FS-D

Affaire n° S 22-40.008


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2022

La cour d'appel de Rennes a transmis à la Cour de cassation, suite à l'arrêt rendu le 18 mars 2022, les questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 24 mars 2022, dans l'instance mettant en cause :


D'une part,

M. [O] [Aa], domicilié [Adresse 1],

D'autre part,

le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Nantes, dont le siège est [Adresse 2],


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Ab Ac, Ad, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. M. [Aa], précédemment avocat inscrit au barreau de Nantes, a été, sur sa demande, omis du tableau de l'ordre des avocats en 2007 pour être inscrit sur la liste des mandataires judiciaires. Exerçant depuis lors cette profession, il a saisi le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Nantes pour obtenir la levée de son omission afin d'exercer concomitamment les professions de mandataire judiciaire et d'avocat.

2. Par décision du 23 novembre 2021, le conseil de l'ordre des avocats a rejeté sa demande aux motifs que l'article L. 812-8 du code de commerce🏛 lui interdit d'exercer toute autre profession que celle de mandataire judiciaire, tant qu'il demeure inscrit sur la liste de cette profession.

3. M. [Aa] a relevé appel de cette décision et, par un mémoire distinct, a demandé à la cour d'appel de transmettre deux questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Par arrêt du 18 mars 2022, la cour d'appel de Rennes a transmis les deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°/ L'article L. 812-8 du code de commerce, en ce qu'il interdit au mandataire judiciaire l'exercice de la profession d'avocat, est-il contraire au principe d'égalité devant la loi, dès lors que cet exercice est ouvert aux administrateurs judiciaires (L. 811-10 du code de commerce🏛), profession par ailleurs soumise aux mêmes conditions et contraintes que le mandataire judiciaire ?

2°/ L'article L. 812-8 du code de commerce, en ce qu'il interdit au mandataire judiciaire l'exercice de la profession d'avocat, est-il contraire au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre en portant une atteinte disproportionnée à celle-ci au regard des objectifs d'intérêt général que la loi entend poursuivre, la profession de mandataire judiciaire étant elle-même soumise à une certaine concurrence ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

5. La disposition contestée par les deux questions est applicable au litige puisqu'elle fonde l'interdiction faite à M. [Aa], en sa qualité de mandataire judiciaire, d'exercer la profession d'avocat.

6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

Sur la seconde question prioritaire de constitutionnalité fondée sur le principe de la liberté d'entreprendre

7. D'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

8. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
L'incompatibilité de la qualité de mandataire judiciaire inscrit sur la liste avec l'exercice de toute autre profession, y compris celle d'avocat, a pour objectif d'assurer l'indépendance du mandataire, de prévenir les conflits d'intérêts pouvant résulter de l'exercice simultané d'autres professions et de favoriser une entière disponibilité du professionnel pour l'accomplissement de ses mandats de justice. Il en résulte que le législateur, en interdisant aux mandataires judiciaires l'exercice de toute autre profession, a poursuivi un objectif d'intérêt général, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre de ces professionnels.

9. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité fondée sur le principe d'égalité devant la loi

10. La question présente un caractère sérieux.

11. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

12. L'article L. 811-10, alinéa 1, du code de commerce autorise un administrateur judiciaire à exercer la profession d'avocat, tandis que l'article L. 812-8, alinéa 1, du même code le prohibe pour un mandataire judiciaire.

13. Si les missions exercées respectivement par les administrateurs et mandataires judiciaires, pour le traitement des entreprises en difficulté, sont distinctes, les premiers étant chargés, selon l'article L. 811-1, alinéa 1, du code de commerce🏛 d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens afin de parvenir à la sauvegarde ou au redressement de l'entreprise, quand les seconds, d'après l'article L. 812-1 du même code, sont chargés de représenter les créanciers, de déterminer le passif du débiteur et de procéder, le cas échéant, à la liquidation de l'entreprise pour apurer le passif, les deux professions, qui s'exercent sous mandat de justice et sont dépourvues de clientèle, répondent à des conditions d'accès et des statuts similaires, sont soumises aux mêmes obligations déontologiques, parmi lesquelles celle de l'indépendance, et à des règles identiques quant à leur contrôle et à leur discipline.

14. Dès lors, la confrontation des articles L. 811-10 et L. 812-8 du code de commerce établit une différence de traitement entre deux situations qui paraissent similaires, sans que leur traitement différencié semble justifié par des motifs d'intérêt général.

15. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la première question au Conseil constitutionnel.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la seconde question prioritaire de constitutionnalité ;

RENVOIE au Conseil constitutionnel la première question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Domaine juridique - ENTREPRISE EN DIFFICULTE

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.