La lettre juridique n°908 du 2 juin 2022 : Construction

[Brèves] Vade mecum de l’article 1788 du Code civil : quid en cas de destruction partielle de l’ouvrage ?

Réf. : Cass. civ. 3, 25 mai 2022, n° 21-15.883, FS-B N° Lexbase : A25507Y4

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N1703BZ4

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[Brèves] Vade mecum de l’article 1788 du Code civil : quid en cas de destruction partielle de l’ouvrage ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/85264392-breves-i-vade-mecum-i-de-larticle-1788-du-code-civil-quid-en-cas-de-destruction-partielle-de-louvrag
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 01 Juin 2022

► Les dispositions de l’article 1788 du Code civil ont vocation à s’appliquer même lorsqu’une reconstruction n’est pas nécessaire ; elles s’appliquent lorsque le dommage survient avant réception.

La réalisation d’un ouvrage immobilier est une opération longue et complexe pendant laquelle une multitude de dommages peut survenir. Il est donc fondamental de savoir qui est le débiteur du risque de la perte (et non du simple dommage, Cass. civ. 3, 16 septembre 2015, n° 14-20.392, FS-P+B N° Lexbase : A3929NP9) des matériaux destinés à la réalisation de l’ouvrage. Res perit domino ou res perit debitori ?

Le législateur a attribué la charge de ce risque à l’entrepreneur, en distinguant, toutefois, selon que les matériaux sont fournis par l’entrepreneur ou non. L’article 1788 du Code civil N° Lexbase : L1916ABL dispose, en effet, que « si, dans le cas où l’ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelques manières que ce soit, avant d’être livrée, la perte en est pour l’ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose » tandis que l’article 1789 N° Lexbase : L1917ABM dispose que « dans le cas où l’ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, il n’est tenu que de sa faute ».

L’article 1788 s’applique plus fréquemment, dès lors que l’entreprise fournit les matériaux nécessaires à la réalisation de l’ouvrage, condition que le juge doit néanmoins constater (Cass. civ. 3, 14 juin 1983, n° 82-11.964, publié au bulletin N° Lexbase : A4466CHU) et dont la charge de la preuve incombe au maître d’ouvrage (Cass. civ. 1, 9 novembre 1999, n° 97-16.306, publié au bulletin N° Lexbase : A5219AW9). L’entrepreneur assume la charge du risque, quelle que soit l’origine du sinistre ayant conduit à la perte de l’ouvrage qui lui incombe avant réception (Cass. civ. 3, 19 février 1986, n° 83-17.052, publié au bulletin N° Lexbase : A2719AAX).

Lorsque l’entreprise ne fournit pas les matériaux, le régime est, logiquement, plus clément à l’égard du débiteur. Le maître d’ouvrage ne pourra engager la responsabilité de l’entreprise qu’en établissant qu’elle a commis une faute (Cass. civ. 3, 4 octobre 1989, n° 88-11.047, inédit au bulletin N° Lexbase : A5881CMR) et qu’il existe un lien de causalité entre le dommage et l’activité de l’entreprise (CA Paris, 20 décembre 2007). La jurisprudence a, toutefois, facilité la mise en cause de l’entreprise en inversant la charge de la preuve de la faute. Il appartient, désormais, à l’entrepreneur de faire la preuve de son absence de faute (Cass. civ. 3, 17 février 1999 n° 95-21.018, publié au bulletin N° Lexbase : A8258CHC).

Il ressort de l’articulation de ces articles que le législateur a mis en place deux régimes distincts selon que l’entreprise fournit la matière ou opère seulement sur une matière qui appartient au maître d’ouvrage.

En l’espèce, des maîtres d’ouvrage confient la construction de leur maison à une entreprise et souscrivent, dans ce cadre, un contrat d’assurances pour couvrir, notamment, le risque tempête, neige, et grêle avant l’achèvement de l’ouvrage. La maison est endommagée par une tempête de grêle mais l’assureur refuse de prendre en charge le coût des réparations, estimant que celui-ci incombe au constructeur en application de l’article 1788 du Code civil.

La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt rendu le 4 février 2021 (CA Bordeaux, 4 février 2021, n° 18/02748 N° Lexbase : A91824ES) suit ce raisonnement. La destruction d’une partie de la toiture de la maison et l’effondrement des plafonds étant survenus du fait des orages, avant la réception, il en résulte que l’entreprise qui a fourni la matière doit supporter les risques.

Le constructeur forme un pourvoi en cassation qui est rejeté. Le constructeur doit supporter le coût des travaux de réparation de la maison qu’il devait livrer. La solution peut paraître sévère mais il n’est pas dit que le constructeur ne puisse s’exonérer en invoquant la force majeure, du fait de cette grêle justement !

Pour une autre décision rendue le même jour à propos de l’article 1788 du Code civil : Cass. civ. 3, 25 mai 2022, n° 21-18.098, FS-B N° Lexbase : A25487YZ ; et nos obs. Vade mecum de l’article 1788 du Code civil : restitution au maître d'ouvrage de la provision du prix des travaux que l’entreprise n’est pas en mesure de livrer, Lexbase Droit privé, n° 908, 2 juin 2022 N° Lexbase : N1704BZ7.

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