La lettre juridique n°906 du 19 mai 2022 : Divorce

[Pratique professionnelle] Divorces contentieux : le blocage de la procédure par le demandeur

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par Jérôme Casey, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux, Avocat associé au Barreau de Paris

le 18 Mai 2022

Mots-clés : procédure de divorce contentieux • 1107 CPC • assignation • fondement de la demande en divorce • conclusions • astreinte • débouté • juge de la mise en état (JME) • irrecevabilité • incident • clôture de l'instruction • jonction d’instances

Le dernier alinéa de l’article 1107 du Code de procédure civile, introduit par le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, prévoit que « Lorsque le demandeur n'a pas indiqué le fondement de la demande en divorce dans l'acte introductif d'instance, le défendeur ne peut lui-même indiquer le fondement de la demande en divorce avant les premières conclusions au fond du demandeur. »

Ces dispositions créent un risque de blocage dans le cas où le demandeur déciderait de ne pas conclure une fois son assignation délivrée. L’objet de la présente étude est d’examiner s’il existe des moyens procéduraux à la disposition du juge de la mise en état, ou de l’adversaire, pour contraindre le demandeur à conclure après son assignation.


 

Texte en cause : CPC, art. 1107

« La demande en divorce est formée par assignation ou par requête remise ou adressée conjointement par les parties au greffe et contient, à peine de nullité, les lieu, jour et heure de l'audience d'orientation et sur mesures provisoires.
Cette date est communiquée par la juridiction au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde des sceaux.
A peine d'irrecevabilité, l'acte introductif d'instance n'indique ni le fondement juridique de la demande en divorce lorsqu'il relève de l'article 242 du code civil, ni les faits à l'origine de celle-ci.
Lorsque le demandeur n'a pas indiqué le fondement de la demande en divorce dans l'acte introductif d'instance, le défendeur ne peut lui-même indiquer le fondement de la demande en divorce avant les premières conclusions au fond du demandeur. »

On sait que la réforme de la procédure des divorces contentieux n’a pas été une grande réussite  (v. Étude, J. Casey, Réforme de la procédure civile 2020 – La réforme de la procédure des divorces contentieux, Lexbase Droit privé, n° 810, 23 janvier 2020 N° Lexbase : N1937BYE ; suivi de Nouvelle procédure de divorce : encore un décret…, Lexbase Droit privé, n° 846, 3 décembre 2020 N° Lexbase : N5513BYT), un phénomène qui est aggravé par le nouveau régime de l’appel, ainsi que l’a bien montré l’avis de la Cour de cassation du 20 avril 2022 (Cass. civ. 1, Avis, 20 avril 2022, n° 22-70.001, FS-B N° Lexbase : A08827U9, v., J. Casey, Devoir de secours & appel : un avis exact pour un résultat injuste, Lexbase droit privé, n° 904, 5 mai 2022 N° Lexbase : N1377BZZ). Pour compléter ce tableau peu réjouissant, il n’est sans doute pas inutile de revenir sur une difficulté procédurale que nous avons signalée dans notre étude précitée. Il s’agit de l’hypothèse où le demandeur au divorce n’a pas révélé le fondement de la demande dans l’assignation, ce qui se produit en cas de divorce pour faute, mais aussi en cas de divorce pour altération du lien, à ceci près que ce silence est obligatoire dans le premier cas, alors qu’il n’est que facultatif dans le second. 

Reste que dans les deux cas, on est confronté à la même situation : la demande en divorce est muette quant à son fondement. C’est là qu’intervient l’article 1107 CPC N° Lexbase : L2317LZT, dont le dernier alinéa dispose :

« Lorsque le demandeur n'a pas indiqué le fondement de la demande en divorce dans l'acte introductif d'instance, le défendeur ne peut lui-même indiquer le fondement de la demande en divorce avant les premières conclusions au fond du demandeur. »

Nous avons déjà signalé rapidement (v., art. préc., Nouvelle procédure de divorce : encore un décret…) le risque de blocage que ce texte pouvait engendrer, si d’aventure le demandeur décidait de ne pas conclure du tout une fois son assignation délivrée. L’objet de la présente étude est de vérifier s’il existe des moyens procéduraux à la disposition du juge de la mise en état, ou de l’adversaire, pour contraindre le demandeur à conclure après son assignation. En effet, on a pu entendre ici où là qu’il existait des façons de contraindre le demandeur à conclure. Nous avons voulu confronter les solutions proposées à leur réalité technique et juridique.

En réalité, tout le problème vient du fait que le législateur n’a donné aucun délai au demandeur pour exposer le fondement de sa demande en divorce et n’a pas davantage assorti d’une sanction le défaut de conclusions sur le fondement du divorce. Dans le système ancien (issu de la loi de 2004), le législateur avait eu la sagesse de dire que les mesures provisoires devenaient caduques au bout de trente mois si d’aventure l’assignation n’était pas délivrée. Rien de tel ne figure dans le droit nouveau, et c’est bien le problème !

Nous nous proposons donc de passer en revue les solutions que l’on a le plus souvent entendues comme étant des façons presque certaines pour éviter le blocage que promet le dernier alinéa de l’article 1107 CPC, et de les éprouver. Nous ferons ensuite le bilan. 

1°) L’astreinte du juge

Face à la volonté obstinée du demandeur de ne pas conclure, le juge de la mise en état pourrait-il le condamner à une astreinte ?

On rappellera que l’astreinte est destinée à assurer l’exécution de la décision du juge (CPCE, art. L. 131-1 N° Lexbase : L5815IRS). Il s’agit donc d’une mesure qui intervient une fois la décision judiciaire rendue, comme garantie de son exécution. Fort logiquement, le droit positif, dit expressément qu’elle ne peut pas être antérieure au jour où la décision est devenue exécutoire (CPCE, art. R. 131-1 N° Lexbase : L2179ITU).

En conséquence, nul ne voit comment une astreinte pourrait être appliquée au demandeur qui ne conclut pas, puisque, par hypothèse, on est dans la phase antérieure au prononcé de la décision. Il est donc manifeste que l’astreinte n’a jamais été conçue pour contraindre une partie à conclure. En outre, la réforme du divorce n’a rien changé sur ce terrain. Donc, l’astreinte n’est pas du tout faite pour l’hypothèse sous examen.

Enfin, et à titre surabondant, on notera qu’au plan conceptuel, on se heurte à une difficulté insurmontable : comment pourrait-on envisager une astreinte, alors même que le législateur n’a pas jugé bon de contraindre le demandeur au divorce à conclure dans un délai et sous une sanction spécifique ? Le principe étant l’absence de délai, toute idée d’astreinte devient, par nature, illogique.

2°) Les conclusions du défendeur aux fins de débouté (comme défense au fond)

Certains ont encore soutenu que le fait de conclure au débouté serait possible, dès lors que ce qui est interdit par l’article 1107 CPC, c'est de conclure sur le fondement de la demande en divorce, laissant ainsi ouverte, selon eux, la possibilité de conclure au débouté de la demande en divorce.

Malheureusement, une telle idée n’a strictement aucun sens dans notre hypothèse. En effet, l'article 71 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1286H4E dispose que la défense au fond a pour objet de « faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit la prétention de l'adversaire ». Ce texte impose donc, pour débouter, d’examiner « au fond du droit » la prétention adverse et dire qu’elle n’est pas justifiée, d’où le rejet de celle-ci par le juge. Comment diable pourrait-on faire déclarer injustifiée une demande en divorce dont on ne connait pas le fondement ? C’est évidemment impossible. On ne sait pas si c’est une faute (me privant de toute possibilité de dire que ladite faute est inexistante), ou une altération du lien. Et dans ce dernier cas, comment pourrait-on demander le débouté du prononcé du divorce pour altération alors que le délai d’un an n’est (par hypothèse) pas encore acquis et que, vu la teneur de l’assignation, ce sera le juge qui audiencera le divorce quand ce délai sera, selon lui, acquis ? Bref, on ne peut pas conclure au débouté de ce que l’on ignore (une faute ou pas), ou de ce qui existe, soit pas encore, soit qui a été jugé assez caractérisé par le juge pour qu’il audience le divorce pour son prononcé.

On peut le dire plus simplement : conclure au débouté, c’est affirmer que la prétention adverse n’est pas fondée. Or, dire que quelque chose n’est pas fondé, c’est forcément aborder le fondement de cette prétention, ce que l’article 1107 CPC interdit, précisément.

Par conséquent, la distinction subtile entre interdiction de conclure sur le fondement et permission de conclure au débouté, ne résiste pas à l’examen, car conclure au débouté, c’est nécessairement aborder la question du fondement de la demande en divorce. Nul ne demande jamais le divorce pour le divorce. On demande le divorce pour l’une des cause connues (altération, faute, acceptation, etc.). La demande en divorce est toujours une demande fondée sur un cas de divorce. Inéluctablement, la question du fondement refera surface lorsque le défendeur voudra conclure au débouté. Il violera alors l’interdiction de l’article 1107 CPC. C’est donc une fausse piste.  

3°) Faire un incident devant le JME aux fins d’irrecevabilité de la demande

Serait-il possible de demander au juge de la mise en état de juger la demande en divorce irrégulière ? Le fondement serait alors l’article 789, 1° (pour les exceptions de procédure) ou 6° (pour les fins de non-recevoir) CPC N° Lexbase : L9322LTG qui dispose :

« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ; 
(..)
6° Statuer sur les fins de non-recevoir ».

Rien de tout ceci n’est possible, puisque, par hypothèse, la procédure est parfaitement régulière. Le JAF est saisi d’une demande en divorce, et c’est la loi elle-même qui permet (voire exige pour le divorce pour faute) que l’on ne révèle pas le fondement de la demande. En outre, dans la plupart des cas, lorsque la question se posera, le JME aura statué sur les mesures provisoires, preuve que la procédure est régulière, sans quoi l’exception de procédure aurait été soulevée devant le JME lors de l’AOMP.

On ne trouvera pas davantage trace d’une fin de non-recevoir. L’article 122 CPC N° Lexbase : L1414H47 dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Or, nul ne voit en quoi l’absence de révélation du fondement à la demande en divorce relèverait de l’article 122 CPC. Le demandeur a le droit d’agir en divorce, personne ne dira le contraire. Et il a tout autant le droit (et même le devoir pour la faute), de ne pas révéler le fondement de sa demande. Il est donc absolument impossible de déclarer le demander irrecevable, juste parce qu’il a… respecté la loi !

4°) La « clôture-sanction »

Le JME pourrait-il décider de prononcer la clôture à l’égard du demandeur-bloqueur ? Pour répondre, il faut ici rappeler deux textes.

D’une part, l’article 799 CPC N° Lexbase : L5413L8Y, qui dispose :

« Sauf dans le cas où il est fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 781 N° Lexbase : L9319LTC, le juge de la mise en état déclare l'instruction close dès que l'état de celle-ci le permet et renvoie l'affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s'il a reçu délégation à cet effet. La date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries … ». (c’est nous qui soulignons et marquons en gras).

D’autre part, l’article 800 CPC N° Lexbase : L9330LTQ, qui dispose :

« Si l'un des avocats n'a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d'office ou à la demande d'une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours. Copie de l'ordonnance est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
Le juge rétracte l'ordonnance de clôture partielle, d'office ou lorsqu'il est saisi de conclusions à cette fin, pour permettre de répliquer à des demandes ou des moyens nouveaux présentés par une partie postérieurement à cette ordonnance. Il en est de même en cas de cause grave et dûment justifiée.
Si aucune autre partie ne doit conclure, le juge ordonne la clôture de l'instruction et le renvoi devant le tribunal. » (c’est nous qui soulignons et marquons en gras).

Il résulte de ces textes que la clôture ne peut être prononcée que dans deux hypothèses distinctes :

- l’affaire est en état d’être jugée ;
- un avocat ne respecte pas les délais de procédure, la clôture ne valant alors que contre lui.

Rien de tout cela ne concerne l’hypothèse sous examen. Une clôture totale est impensable puisque, par définition, l’affaire n’est pas en état d’être jugée. Une clôture partielle à titre de sanction contre le demandeur-bloqueur n’est pas plus envisageable, puisque la loi elle-même ne fixe aucun délai pour la communication de ses conclusions n° 1 post-assignation. En outre, clôturer contre le demandeur, reviendrait à dire que la procédure de divorce ne connaîtra jamais le fondement de ce dernier. C’est absurde.

On rappellera tout de même que dans « l’ancien système », nul n’était choqué quand le demandeur déposait sa requête, obtenait des mesures provisoires à l’ONC et refusait de signer le PV d’acceptation (aucune révélation du fondement du divorce à ce stade), et ne faisait rien pendant les trois mois suivant l’ONC, et pas davantage ensuite. Le défendeur devait alors soit attendre le délai de deux ans de séparation pour assigner en divorce, sauf à avoir une faute à invoquer (mais cela n’excédait pas 5 à 7 % des demandes).

Mais ce qui est sûr, c’est que toute idée de « clôture-sanction » doit être rejetée. C’est un leurre. Dès lors que la loi ne fixe pas de délai pour conclure après l’assignation, le demandeur ne saurait être en tort. Quant à une injonction du juge, ce n’est pas plus convaincant. La loi ne fixant aucun délai, comment justifier l’injonction ? Et puis surtout, quelle sanction à cette injonction ? Pas la clôture, on vient de le voir… Bref, cela n’avance à rien.

5°) Assigner en divorce

Quid si le défendeur, excédé, assignait à son tour en divorce ? Cela n’avancerait à rien, sauf à compliquer encore plus les choses... En effet, une deuxième procédure s’ouvrirait, laquelle poserait la question d’une jonction des deux instances, ce qui veut dire que les deux instances demeureraient distinctes l’une de l’autre (sur la jonction, v., Juris-Classeur Procédure civile, Fasc. 800-15, Jonction et disjonction d'instances). Donc, cela ferait potentiellement deux AOMP, peut-être devant deux juges différents, avec un risque évident de contrariété de décisions. Même si l’on est devant le même juge, celui-ci peut, à son choix, rendre un jugement ou deux. Mais comment rendra-t-il un jugement dans la première procédure puisque celle-ci, par hypothèse, souffre de l’absence de révélation du fondement du demandeur (n° 1) ? En outre, si l’on fixe la deuxième assignation à plaider avant la première, on détruit toute idée de préséance procédurale. On peut à la rigueur imaginer que celui qui assigne en second ne demandera pas de mesures provisoires et sollicitera la jonction avec la première procédure. Mais dans ce cas, que fait-on du demandeur-bloqueur ? Les procédures restent distinctes, mais le jugement, lui, sera commun. Ainsi, une jonction en appel permet de retenir des dates de clôture différentes (v., Cass. com., 26 juin 2001, n° 98-16.520 N° Lexbase : A7801AT4), mais ce qui sera tranché sera commun aux deux procédures. Or, si la première procédure est bloquée « légalement », par absence de délai pesant sur le demandeur, on ne voit pas comment un juge pourrait faire comme si cette procédure n’existait pas pour prononcer le divorce sur le fondement de la deuxième procédure. On imagine les ravages que causerait cette conception des jonctions en droit international privé sur la question du premier for saisi… 

La jonction est donc la voie la plus prometteuse (puisque le juge peut statuer par une même décision sur les deux procédures, ou choisir de statuer séparément, v., Cass. soc., 20 novembre 1975, n° 75-40.112, publié au bulletin N° Lexbase : A3322CIU, D. 1975, inf. rap. P. 262). Mais elle reste très incertaine tant qu’elle n’a pas été clairement admise par la Cour de cassation en matière de divorce.

Conclusion. On vient de passer en revue les principales techniques qui viennent à l’esprit pour tenter de contenir, voire de déjouer, les prévisions du demandeur-bloqueur. La conclusion est sans appel : il n’existe actuellement aucun moyen pour déjouer, de façon certaine, le blocage que le demandeur peut créer s’il utilise correctement les ressources du CPC. Seule l’hypothèse d’une deuxième assignation ouvrirait, peut-être, une piste, mais qui nous semble extrêmement fragile.

Bien sûr, s’il ne s’est toujours rien passé plus de deux ans après l’assignation, la péremption de l’instance sera encourue. Mais cela fera deux ans de perdus, et bien souvent deux ans de devoir de secours de versé, en pure perte (mais pas pour le demandeur, bien entendu)…  En outre, il est tellement aisé d’éviter une péremption d’instance, par exemple en écrivant à la juridiction pour demander une fixation (Cass. civ. 2, 1er février 2018, n° 16-17.618, F-P+B N° Lexbase : A4857XCU, note G. Guizard, Péremption d'instance et diligences des parties, Lexbase Droit privé, n° 733, 8 mars 2018 N° Lexbase : N2944BXC), ce qui fera courir un nouveau délai de deux ans, et ne parlons pas d’un appel, d’un pourvoi… La péremption n’est donc pas une voie satisfaisante pour résoudre la difficulté sous examen.

Il faut cependant répéter que le blocage étudié ici se produira fort rarement. Et que le demandeur-bloqueur sinistrera sa procédure au fond en agissant ainsi. Cela concernera essentiellement des procédures où le demandeur sait que sa prestation compensatoire est perdue d’avance (parce que le mariage a peu duré, par exemple, ou encore parce que les revenus et charges sont identiques), mais où le défendeur à de gros revenus. Dans ce cas, les mesures provisoires (qui sont « objectives » et non corrélées à la durée du mariage), offriront avec « bonheur » un excellent succédané de prestation compensatoire…

Pour autant, dans les rares cas où le blocage surviendra, ce sera vraiment une plaie pour le défendeur, surtout s’il paie un devoir de secours au demandeur. La rareté de l’hypothèse ne doit pas masquer sa sévérité pour le débiteur du devoir de secours, ni le fait qu’elle contredit ouvertement la volonté du législateur de 2019 d’accélérer les procédures de divorce.

Il faut donc espérer qu’un législateur inspiré fasse preuve de bon sens et corrige sans tarder ce qui doit l’être pour supprimer cette absurdité, qui est inédite dans tout le droit commun de la procédure civile. Pour cela, il existe trois moyens à sa disposition, preuve que l’exécutif n’a que l’embarras du choix.

1°) Ajouter une phrase au dernier alinéa de l’article 1107 CPC. Le texte deviendrait alors ceci (notre modification en gras) :

« Lorsque le demandeur n'a pas indiqué le fondement de la demande en divorce dans l'acte introductif d'instance, le défendeur ne peut lui-même indiquer le fondement de la demande en divorce avant les premières conclusions au fond du demandeur. Le demandeur doit impérativement communiquer le fondement de sa demande en divorce dans ses premières conclusions après son assignation, et ceci dans les trois mois de la signification de celle-ci, à peine d’irrecevabilité de sa demande en divorce ».

2°) Supprimer le dernier alinéa de l’article 1107 CPC et autoriser le défendeur à conclure à l’expiration d’un délai de trois mois suivant l’AOMP.

3°) Plus radicalement, supprimer l’alinéa 4 de l’article 1107 CPC et réformer l’article 251 du Code civil N° Lexbase : L7333LPB en admettant la révélation de la cause de divorce dans l’assignation en divorce. Cette troisième solution aurait le mérite de ne plus chercher à faire comme la loi de 2007 (le requête en divorce ne devait pas exposer les griefs), alors que les raisons d’être de la loi ancienne n’ont rien à voir avec la structure de la nouvelle procédure de divorce. En 2004, on voulait se donner une chance de ne pas assigner en faute, mais cette préoccupation n’a plus aucune pertinence désormais, puisque la procédure commence par une assignation.

On le voit, c’est assez facile à faire (c’est assez peu coûteux) et ce serait bien mieux que tous les bricolages procéduraux que nous avons examiné un par un… La balle est donc dans le camp de l’exécutif. C’est une question qui, avec d’autres (dates d’effets des mesures provisoires, devenir de l’expertise « 255,9/10 », devoir de secours en appel, critères de la prestation compensatoire, pour n’en citer que quelques-unes) milite en faveur d’une refonte d’ensemble de la procédure des divorces contentieux. On doit à la vérité de dire que la loi de 2019 (et ses innombrables décrets), lancée avec fracas et qui devait être un pur-sang procédural, fringant et moderne, s’est vite révélée être un cheval fort boiteux. Il est donc grand temps de changer d’éleveur, afin de disposer d’une monture procédurale digne du 21e siècle et des ambitions affichées par le pouvoir exécutif.

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