Le Quotidien du 11 mai 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Suicides à France Télécom : une décennie plus tard, la cour d’appel se penche sur le dossier

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[A la une] Suicides à France Télécom : une décennie plus tard, la cour d’appel se penche sur le dossier. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/84797323-a-la-une-suicides-a-france-telecom-une-decennie-plus-tard-la-cour-dappel-se-penche-sur-le-dossier
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par Vincent Vantighem

le 25 Mai 2022

« Je me suicide à cause de France Télécom. C’est la seule cause. » La lettre date de juillet 2009. Elle était signée par Michel Deparis, un technicien marseillais travaillant pour France Télécom. Quelques heures plus tard, Michel Deparis passait à l’acte. Deux mois plus tard, une première plainte était déposée, au pénal, par le syndicat Sud.

 Près de treize ans se sont écoulés. France Télécom est devenu Orange. Mais l’entreprise n’en a pas fini avec la vague de suicides qui lui avait valu les gros titres de la presse à la fin des années 2000. Condamnés pour harcèlement moral en 2019, les anciens dirigeants de l’entreprise vont être rejugés par la cour d’appel de Paris du 11 mai à début juillet. Sept prévenus sont concernés par cette procédure, dont un intimé uniquement sur le plan civil. En première instance, ils faisaient face à cent soixante-treize parties civiles, dont quatorze syndicats, associations et fédérations.

Au fil du temps, la procédure a fini par remplir quatre-vingt-sept tomes, que l’on pourrait résumer en une question simple : France Télécom a-t-elle volontairement dégradé les conditions de travail de ses salariés pour les forcer au départ ? Pour y répondre, lors du procès en première instance, le tribunal avait examiné, en détail, les cas de trente-neuf salariés : dix-neuf avaient mis fin à leurs jours, douze avaient tenté de le faire et huit avaient subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail.

Et le 20 décembre 2019, le tribunal avait tranché. Dans un jugement inédit – le premier concernant une entreprise du CAC 40 prévenue de ce chef –, il avait sanctionné un harcèlement moral institutionnel et collectif « ayant eu pour cible plusieurs dizaines de milliers » de personnes. Les juges avaient condamné les trois ex-dirigeants à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15 000 euros d’amende pour « leur rôle prééminent » dans la mise en place d’une politique de réduction des effectifs « jusqu’au-boutiste » sur la période allant de 2007 à 2008. Quatre autres responsables, condamnés à quatre mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende avaient été condamnés pour « complicité ».

Didier Lombard et son « profond chagrin »

À l’époque, le tribunal avait estimé qu’ils avaient mis « la pression sur l’encadrement », qui « a répercuté cette pression » sur les agents, et mis en place « un plan concerté pour dégrader les conditions de travail […] afin d’accélérer leurs départs ». Une politique qui a créé « un climat anxiogène ».

Des sept prévenus, Didier Lombard est sans nul doute le plus connu. Ancien PDG, il avait succédé à Thierry Breton à la tête de France Télécom. Avant d’être embarqué dans la spirale judiciaire et de devenir le premier patron d’une grande entreprise cotée à être mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

Lors du procès en première instance, il s’était montré incapable d’exprimer des regrets, expliquant qu’avec ou « sans lui », la situation aurait été la même. « Je veux dire à celles et ceux qui ont été mes collègues mon profond chagrin pour ceux qui n’ont pas supporté le changement imposé à l’entreprise […]. Notre maison, en 2005, était en péril. À cause de son surendettement, de l’agressivité de la concurrence, des évolutions technologiques […]. En 2009, France Télécom se portait mieux. Et ces résultats ont été obtenus grâce aux salariés : je veux leur dire mon admiration et ma gratitude… », avait-il lâché lors d’une déclaration liminaire avant son interrogatoire à la barre.

Retraité depuis son départ de l’entreprise de télécommunications, il avait alors indiqué qu’il avait renoncé à toutes ses fonctions depuis la crise et se contentait désormais de vivre de sa retraite de « 16 837 euros virgule 87 par mois ».

Comme les autres prévenus, il va donc devoir replonger une décennie en arrière, dans cette période sombre, pour répondre d’une liste de griefs longue comme le bras : à savoir d’avoir eu recours à des « réorganisations multiples et désordonnées », à « des incitations au départ », à « un contrôle intrusif et excessif », à « l’attribution de missions dévalorisantes » ou encore à « des manœuvres d’intimidation, voire des menaces » pour n’en citer que quelques-uns d’entre eux.

Autant de mots de management qui ont conduit à des maux en série pour les salariés et au suicide pour les plus fragiles d’entre eux. Le procès est audiencé sur deux jours par semaine jusqu’au début du mois de juillet. La décision sera ensuite mise en délibéré.

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