Le Quotidien du 22 avril 2022 : Avocats/Déontologie

[Brèves] Secret des correspondances avocat-client dans un dossier de concurrence : il ne se limite pas à l'exercice des droits de la défense !

Réf. : Cass. crim., 20 avril 2022, n° 20-87.248, FS-B N° Lexbase : A08597UD

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par Marie Le Guerroué

le 22 Avril 2022

► Le secret des correspondances échangées entre un avocat et son client et qui y sont liées est protégé dans toutes les procédures où un avocat assure la défense de son client ; il en résulte que c’est à tort qu’un premier président a retenu que seuls étaient insaisissables les documents qui relevaient de l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence.

Faits et procédure. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris, saisi par requête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, avait autorisé ce dernier, à procéder à des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et délivré commission rogatoire aux juges territorialement compétents hors du ressort du tribunal de Paris. Cette décision visait les locaux de plusieurs sociétés. Deux autres ordonnances avaient en outre été prises, par les juges des libertés et de la détention des tribunaux judiciaires de Bordeaux et Créteil. Les visites domiciliaires et les opérations de saisies documentaires avaient donné lieu à l'établissement de plusieurs procès-verbaux, en ce qui concerne les opérations initiales et s'agissant de l'exploitation des scellés. Des recours ont été exercés par chacune des sociétés contre les ordonnances rendues et le déroulement des opérations de visite et saisie.

Ordonnance (Société 1). Pour rejeter les recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie, pris des atteintes au secret de la correspondance avocat-client, l'ordonnance attaquée énonce que, si les conseils des avocats à leurs clients sont protégés par le secret professionnel et par principe insaisissables quel que soit le circuit de leur échange ou leur support, c'est cependant, en matière d'atteinte à l'ordre public économique, à la condition que soit caractérisée la preuve qu'ils sont émis ou adressés par un avocat indépendant de l'entreprise et pour l'exercice des droits de la défense en rapport avec l'objet même de l'enquête déterminée d'après les indices d'infraction au droit de la concurrence.

Le premier président, analysant les documents dont la saisie était contestée par une des sociétés, relève que les agents autorisés à rechercher les preuves des indices de pratiques anticoncurrentielles ne peuvent être restreints, a priori, par le volume des documents concernés et qu'il appartient aux entreprises de désigner avec suffisamment de précision ceux des documents dont l'objet relève du secret avocat-client qu'elles entendent opposer.

Il précise qu'après avoir placé l'ensemble des pièces saisies sous scellé provisoire, l'Autorité de la concurrence, qui a imparti à ladite société, pour formuler ses observations, un délai jusqu'au 29 avril 2019, limite repoussée au 6 mai, était fondée à refuser d'examiner et d'exclure de la saisie les documents qui n'étaient pas désignés précisément comme couverts par le secret susvisé. Il ajoute que, connaissance prise des autres documents visés par cette société dans ses conclusions, aucun d'entre eux ne procède d'échanges entre avocat et client en lien avec l'enquête.

Ordonnance (Société 2). L'ordonnance attaquée, en ce qui concerne les saisies opérées dans les locaux d’une deuxième société, énonce que les agents qui sont intervenus ont invité le représentant de cette société à désigner ceux des documents couverts par la confidentialité des communications entre avocats et clients et qu'il ne se déduit pas de la conduite et de la chronologie de la procédure que les agents n'ont pas adapté leurs demandes ou leurs refus à la désignation ou l'absence de désignation, par cette société, des documents dont elle contestait la saisie et n'ont pas écarté ceux d'entre eux qui intéressaient l'exercice des droits de la défense dans l'enquête en cours. Le premier président relève qu'il n'est pas interdit aux agents de l'Autorité de la concurrence de procéder à un examen des documents appréhendés, alors que cette société n'allègue pas l'existence de circonstances dans lesquelles ces mêmes agents seraient allés au-delà de cet examen sommaire ou auraient rejeté une demande précise de retrait de documents. Il ajoute que, connaissance prise par la juridiction, il ne s'évince pas des correspondances désignées par la société la preuve que ces documents entrent dans la protection du secret de l'échange avocat-client en lien avec l'enquête.

Ordonnance (Société 3). En ce qui concerne la troisième société concernée, l'ordonnance attaquée énonce que la messagerie de Madame J. étant hébergée sur un site situé au Luxembourg, l'obtention d'une copie d'une partie des messages électroniques n'a pas été possible immédiatement et que la société, qui a elle-même transmis plus tard à l'Autorité de la concurrence les documents concernés, ne démontre pas que l'absence de scellé provisoire lui aurait personnellement causé le moindre préjudice.

Le premier président, rappelant que cette société conteste les conditions dans lesquelles les agents de l'Autorité de la concurrence, procédant au tri des courriels extraits de cette même messagerie, ont retenu certains d'entre eux qui étaient pourtant protégés par la confidentialité avocat-client, relève que, connaissance prise desdits documents, la plupart d'entre eux ne concernent pas la matière du droit de la concurrence ou ne se rapportent pas à l'exercice des droits de la défense relatifs à l'objet de l'enquête, à l'exception de six d'entre eux qui, seuls, seront restitués.

Ordonnance (Société 4). S'agissant de la quatrième société, le premier président, rappelant que cette société reproche à l'Autorité de la concurrence de n'avoir retiré qu'une partie des courriers échangés entre la requérante et ses avocats et portant sur des problèmes juridiques sans rapport avec le droit de la concurrence, observe que, connaissance prise desdits documents, la plupart d'entre eux ne concernent pas la matière du droit de la concurrence ou ne se rapportent pas à l'exercice des droits de la défense relativement à l'objet de l'enquête

Réponse de la Cour. C'est, toutefois, selon la Chambre criminelle, à tort que le premier président retient que seuls sont insaisissables les documents qui relèvent de l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence, alors que c'est dans toutes les procédures où un avocat assure la défense de son client qu'est protégé le secret des correspondances échangées entre eux et qui y sont liées.

Elle précise cependant que l'ordonnance n'encourt pour autant pas la censure car d'une part, aucune des sociétés susvisées ne dénonçait une atteinte aux droits de la défense en dehors de la seule procédure concernée, d'autre part, la confection des scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs et enfin, la présence, parmi les documents saisis, de pièces couvertes par le secret ne saurait avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents.

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