Lexbase Public n°282 du 28 mars 2013 : Urbanisme

[Jurisprudence] Le Conseil d'Etat identifie les opérations d'aménagement susceptibles de constituer un lotissement

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 20 février 2013, n° 345728, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2739I8X)

Lecture: 8 min

N6249BTM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Le Conseil d'Etat identifie les opérations d'aménagement susceptibles de constituer un lotissement. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8047966-jurisprudence-le-conseil-detat-identifie-les-operations-damenagement-susceptibles-de-constituer-un-l
Copier

par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 28 Mars 2013

Dans un arrêt rendu le 20 février 2013, le Conseil d'Etat a dit pour droit qu'une opération d'aménagement ayant pour effet la division en deux lots d'une propriété foncière est susceptible de constituer un lotissement, au sens des dispositions des articles L. 442-1 (N° Lexbase : L3473HZN) à L. 442-3 du Code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme (N° Lexbase : L4697HDC), s'il est prévu d'implanter des bâtiments sur l'un, au moins, de ces deux lots. En jugeant que la cession d'une partie du terrain d'assiette n'ayant pas pour objet d'implanter un ou plusieurs bâtiments sur la partie cédée, l'opération ne constituait pas un lotissement au sens de l'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme, alors que la parcelle conservée par la société propriétaire était destinée à l'implantation d'un ensemble immobilier de vingt-deux logements, la cour administrative d'appel (CAA Nantes, 2ème ch., 12 novembre 2010, n° 09NT02180 N° Lexbase : A4442GP9) a commis une erreur de droit. I - L'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, précitée, énonce que, "constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments". Cependant, toute construction n'est pas forcément un bâtiment. Ainsi, l'implantation d'une piscine ou d'un parking sur un terrain détaché ne peut avoir pour effet d'imposer le respect de la procédure de lotissement. En 2005, le Conseil d'Etat a également précisé qu'aucune charge liée à un golf ne doit être supportée par les propriétaires et copropriétaires, dans la mesure où ce dernier n'est pas l'équipement commun du lotissement (CE 3° et 8° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 268715, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1375DK7).

Toute division d'un terrain constituant l'assiette d'un projet de construction en cours de réalisation en exécution d'un permis de construire précédemment obtenu est donc susceptible de relever de la réglementation sur les lotissements (CAA Marseille, 1ère ch., 9 décembre 2004, n° 00MA02339, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3519DGG). En revanche, la construction d'habitations, si elle précède la division de la propriété foncière, ne constitue pas une opération de lotissement (CE 5° et 7° s-s-r., 26 mars 2003, n° 231425, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1778KA4). Pour l'application des dispositions de l'ancien article R. 315-1 du Code de l'urbanisme aujourd'hui abrogé, dont les dispositions ont été partiellement reprises par celles de l'article L. 442-1 précité, il avait été jugé que la division d'une propriété foncière n'est réputée intervenir qu'au moment où est cédée, en pleine propriété, l'une des parcelles issues de la propriété originelle (CE 9° et 10° s-s-r., 3 mai 2004, n° 236880, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0630DCC). Ainsi, la division d'une propriété ne peut, dès lors qu'elle est, à la date de la division, située dans une zone non constructible du plan d'occupation des sols, être regardée comme ayant été faite en vue de l'implantation de bâtiments et ne constitue pas une opération de lotissement, quel que soit le nombre des lots issus de la division (CAA Lyon, 1ère ch., 5 décembre 1995, n° 94LY00713, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9240BEX).

Par ailleurs, ces anciennes dispositions n'étaient pas non plus applicables à une propriété qui, à la suite de deux détachements de parcelles, s'est trouvée scindée en trois parties dont deux seulement sont destinées à recevoir des constructions à usage d'habitation, le reste du terrain étant inconstructible (CE 8° et 9° s-s-r., 17 décembre 1993, n° 134003, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7851AMQ). Il avait également été jugé que, lorsqu'une propriété d'un seul tenant est divisée en plusieurs lots cédés ou attribués à des personnes différentes, la création d'un droit de passage sur l'un des lots devenu la propriété de l'une d'elles, qui a pour effet de séparer deux autres parcelles propriété d'une autre personne, n'est pas de nature à faire regarder ces deux dernières parcelles comme constituant des terrains matériellement distincts, dès lors qu'elles sont issues de la même unité foncière (CAA Marseille, 2ème ch., 19 mai 1998, n° 96MA01978, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9032BKQ).

Concernant la réalisation du lotissement proprement dite, le juge administratif a précisé qu'un règlement de lotissement prévoyant que les lots seront obligatoirement jumelés par la masse ou le garage oblige à édifier les constructions du lotissement en limite séparative latérale en jumelant ces constructions soit par les deux corps de bâtiments principaux, soit par les deux garages (CE 1° et 6° s-s-r., 28 avril 2006, n° 276734, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1980DPZ). Par ailleurs, une association syndicale, propriétaire et gestionnaire des équipements communs d'un lotissement, est susceptible de subir un préjudice direct du fait de la délivrance illégale par l'autorité administrative, à la requête du bénéficiaire de l'autorisation de lotir, de certificats constatant l'achèvement de la totalité des travaux prescrits par les arrêtés ayant autorisé la réalisation du lotissement, dès lors que ces travaux concernent les équipements communs (CE 3° et 5° s-s-r., 16 juin 1999, n° 178481, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4909AX4). En outre, un refus illégal d'autorisation de lotir n'entraîne pas obligatoirement l'indemnisation du manque à gagner (CE 3° et 8° s-s-r., 12 décembre 2008, n° 280554, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6993EBM).

II - Le Conseil d'Etat montre une certaine sollicitude vis-à-vis de cette opération, puisque celui-ci a dit pour droit que le règlement d'un POS interdisant par principe les lotissements est illégal (CE Sect., 27 juillet 2012, n° 342908, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0733IRL). Le lotissement étant également l'opération ayant pour "effet" la création d'un terrain destiné à l'implantation de bâtiments, il était possible de s'interroger sur l'existence d'un lotissement lorsque, après la vente d'un terrain bâti, le reliquat conservé par le propriétaire est destiné à être lui-même construit dans les dix ans ou être vendu à cette fin dans le même délai. Ainsi, si le reliquat conservé par le propriétaire était amené soit à recevoir une construction du fait de ce dernier, soit à être loué ou aliéné aux fins d'implantation d'un bâtiment par une autre personne, il pouvait s'agir d'un "lotissement effet". Le principe du "lotissement effet", bien que reconnu conforme à la Constitution (C. const., décision n° 2011-177 QPC du 7 octobre 2011 N° Lexbase : A5944HYS), conduisait à considérer qu'en cas de vente de la partie bâtie d'un terrain laissant un solde constructible ou encore même permettant de rendre constructible le solde, et bien que la vente du bâti ne constitue pas la vente d'un lot de lotissement (si le bâtiment n'est pas destiné à être démoli), cette division entrait dans le champ d'application des lotissements puisqu'elle avait pour "effet" la création d'un terrain à bâtir (principe pris à contre-pied par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes attaqué dans la décision ici commentée).

L'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme, modifié par l'ordonnance n° 2011-1916 du 22 décembre 2011 (N° Lexbase : L5026IRL), précise que constitue, désormais, un lotissement "la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis". La vente de la partie bâtie ne peut être constitutive de lotissement, même si un terrain à bâtir en est issu. La suppression du "lotissement effet" est accompagnée d'une suppression du délai de référence de dix ans devenu inutile mais cela ne signifie pas, pour autant, qu'aucun délai de référence en matière de lotissement n'existe plus en matière de lotissement. En effet, l'article L. 442-9 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L8902IMN) énonce que "les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu".

L'existence de la division d'une ou de plusieurs unités foncières est donc prépondérante (CE 3° et 8° s-s-r., 30 novembre 2007, n° 271897, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9602DZN), tout comme le transfert de propriété du sol avec tous les attributs du droit de propriété et, notamment, le droit de construire, sans transfert duquel la division ne constitue pas un lotissement (CE 4° et 5° s-s-r., 7 mars 2008, n° 296287, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3833D74). La division foncière doit aussi être réalisée dans le but de détacher un (ou plusieurs) lot(s) destiné(s) à être bâti(s), sous peine de ne pas être soumise à la réglementation régissant les lotissements. La procédure de déclaration préalable a pour objet de bien contrôler le caractère constructible du terrain à bâtir, un permis de construire pouvant être refusé lorsque des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée (CE 1° et 6° s-s-r., 4 mars 2009, n° 303867, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5755EDI).

Si la jurisprudence a admis que deux propriétaires d'unités foncières contiguës pouvaient être co-titulaires d'un seul permis de construire, "un programme immobilier conjoint témoignant d'une réelle unité architecturale", le Conseil d'Etat s'est prononcé en 2009 sur la réalisation d'un lotissement sur le territoire de la commune pour lequel le maire avait autorisé la réalisation d'un lotissement constitué de deux îlots (CE 1° et 6° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 315966, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0402EQX). Concernant le second permis de construire, le Conseil avait jugé que, devaient être pris en compte les effets produits globalement par l'ensemble de l'opération immobilière constituée des deux permis de construire. Par ailleurs, c'est l'unité foncière existant au moment de la demande qui devra être prise en compte pour délimiter le terrain d'assiette de la demande de permis de construire (CAA Marseille, 1ère ch., 2 juin 2005, n° 03MA00163, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4072ISM, CE 3° et 5° s-s-r., 4 juillet 1997, n° 129494, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0652AEU, CE 9° et 8° s-s-r., 14 avril 1995, n° 137471, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3412ANP, CAA Versailles, 2ème ch., 29 mars 2007, n° 06VE01147, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9700DUS). S'il paraît logique qu'un régime de forte restriction de développement des lotissements, qui ne sont que des opérations d'aménagement en vue de l'implantation de bâtiments, soit instauré, le paradoxe réside dans le fait que les constructions sont, elles, bien autorisées. A cet égard, la cour administrative d'appel de Versailles a retenu que les auteurs du POS pouvaient interdire les lotissements dans une zone, dès lors qu'il s'agit d'un mode d'occupation du sol (CAA Versailles, 2ème ch., 6 novembre 2008, n° 07VE01753, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1932ECK).

Cependant, le Conseil d'Etat n'annule pas en l'espèce l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, puisque la division, résultant de la cession de l'une des parcelles, est intervenue postérieurement à la délivrance du permis de construire attaqué. Par suite, le moyen, soulevé devant les juges du fond, tiré de ce que la société pétitionnaire aurait dû solliciter l'attribution d'un permis d'aménager ou que le permis de construire ne pouvait être délivré en l'absence de la déclaration préalable prévue par l'article L. 442-3 du Code de l'urbanisme, est logiquement rejeté. L'on ne peut donc tirer de cet arrêt la conclusion de l'absence de contrôle du juge en la matière, et ce d'autant plus depuis la disparition du terme "effet" de la définition législative du lotissement.

newsid:436249

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.