Le Quotidien du 16 février 2022 : Régimes matrimoniaux

[Brèves] Changement de régime matrimonial : la dissimulation d’un enfant n’est pas nécessairement frauduleuse

Réf. : Cass. civ. 1, 26 janvier 2022, n° 20-18.726, F-D N° Lexbase : A87057KM

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N0399BZS

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 15 Février 2022

► La dissimulation de l'existence des enfants d'un des époux lors de l'adoption d'un régime de séparation de biens, qui n'induit aucun avantage pour l'un ou l'autre des époux, n'est pas en elle-même constitutive d'une fraude, cette omission pouvant résulter d'une simple négligence sans volonté de tromper ni de nuire.

En l’espèce, par convention du 28 juillet 1992, homologuée le 9 février 1993, des époux, mariés en 1982 sans contrat préalable, avaient adopté le régime de séparation de biens. L’époux était décédé le 20 avril 2012, en laissant pour lui succéder son épouse, ainsi que deux enfants nés d'une précédente union. Ces derniers avaient assigné l’épouse en nullité pour fraude de la convention homologuée.

Après avoir énoncé que la dissimulation de l'existence des enfants d'un des époux lors de l'adoption d'un régime de séparation de biens, qui n'induit aucun avantage pour l'un ou l'autre des époux, n'est pas en elle-même constitutive d'une fraude, cette omission pouvant résulter d'une simple négligence sans volonté de tromper ni de nuire, et relevé que la mention portée dans la requête en homologation pouvait être comprise en ce sens que les époux n'avaient pas eu d'enfant commun, la cour d'appel de Chambéry (CA Chambéry, 9 juin 2020, n° 18/01695 N° Lexbase : A14773NZ) avait retenu que la convention litigieuse ne comportait aucune clause susceptible de nuire aux héritiers des époux.

La cour d’appel avait ensuite constaté qu'à la date du changement de régime matrimonial, le patrimoine de l’époux, en instance de préretraite, se réduisait à des liquidités dont il avait la libre disposition, tandis que l’épouse, en activité salariée durant encore une quinzaine d'années, justifiait que le financement de ses biens immobiliers avait toujours été réalisé par remploi du prix de vente d'un bien précédent, ainsi que par divers emprunts ou autres apports personnels.

Selon la Haute juridiction, les juges d’appel en avaient souverainement déduit que les enfants de l’époux ne rapportaient pas la preuve d'une fraude à leurs droits.

Observations. Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation qui s’en remet en effet à l’appréciation souveraine des juges du fond pour la caractérisation d’une fraude aux droits des enfants lors d’une procédure de changement de régime matrimonial, dans le cas où leur présence aurait été dissimulée.

Il en ressort que, selon les circonstances, la dissimulation de l'existence des enfants d'un des époux n’est pas, en soi, constitutive d’une fraude. Pour que tel soit le cas, il convient de rapporter la preuve, 1° d’une part, d’une intention frauduleuse (i), et d’autre part de l’existence d’un préjudice, résultant d’une atteinte, ou non, aux droits des héritiers (ii) ; les exemples ne manquent pas pour l’une comme l’autre des issues :

  • dissimulation d’enfant non frauduleuse : Cass. civ. 1, 14 juin 2005, n° 02-20.840, FS-P+B N° Lexbase : A7991DIS (comme dans l’espèce jugée le 26 janvier 2022, la dissimulation résultait d’une simple omission et ne portait aucun préjudice aux droits des enfants) ; Cass. civ. 1, 17 février 2010, n° 08-14.441, FS-P+B+I N° Lexbase : A9242ERQ (relevant notamment que l'adoption d'un régime de séparation de biens n'induit aucun avantage pour l'un ou l'autre des époux) ; Cass. civ. 1, 19 décembre 2012, n° 11-25.197, F-D N° Lexbase : A1626IZA (relevant notamment le caractère égalitaire du partage, et la justification du changement au regard de l’intérêt de la famille) ;
  • dissimulation d’enfant frauduleuse : Cass. civ. 1, 14 janvier 1997, n° 94-20.276 N° Lexbase : A0091ACD (retenant la qualité à agir de l’enfant naturel dissimulé, ainsi que le bien-fondé à agir en nullité de la convention de changement de régime matrimonial pour l’adoption d’un régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant, dès lors que la demande était fondée sur une fraude ayant consisté à dissimuler son existence) ; Cass. civ. 1, 11 janvier 2019, n° 18-20.235, F-D N° Lexbase : A3385ZKL (à noter ici, contrairement à ce qui avait été relevé dans l’arrêt précité du 19 décembre 2012, que ce n’est pas parce que le partage est égalitaire qu’il ne peut pas être frauduleux, la fraude résultant de l’attribution de liquidités uniquement au père de l’enfant, et de l’ensemble des biens immobiliers à son épouse ; cf. J. Casey, Sommaires de jurisprudences - Droit des régimes matrimoniaux (Janvier 2019 - Août 2019) - Première partie, obs. n° 2, Lexbase Droit privé, septembre 2019, n ° 796 N° Lexbase : N0491BYT).

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