La lettre juridique n°892 du 27 janvier 2022 : Marchés publics

[Focus] Recours entre intervenants à une opération de travaux publics devant le juge administratif – éléments d’actualisation d’un panorama complexe

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par Anna Maria Smolinska, Avocat spécialiste en droit public et de la commande publique

le 26 Janvier 2022

Mots clés : travaux publics • maître d'ouvrage • sous-traitant

Les opérations de construction sous maîtrise d’ouvrage publique ont cela de complexe qu’elles font coexister des relations contractuelles et extracontractuelles, entre une personne publique et plusieurs personnes privées. De fait, l’opération crée des liens entre les différents intervenants à l’acte de construire qui dépassent les relations extracontractuelles classiques. En effet, qu’un contrat existe ou non entre eux, la façon dont les uns exécutent leurs obligations contractuelles impacte potentiellement tous les autres.


 

C’est là l’un des effets du principe de passation des marchés en lots séparés, bien ancré en droit français et découlant en droit positif de l’article L. 2113-10 du Code de la commande publique N° Lexbase : L4431LRK.

Schématiquement, une opération de construction allotie se présentera ainsi :

Ce schéma fait ressortir clairement un constat simple : le seul, dans une opération de construction, à entretenir une relation contractuelle avec l’ensemble des intervenants (à une exception près [1]), est le maître d’ouvrage.

Et pourtant, la largement commentée et même critiquée jurisprudence « Haute Normandie » [2] a mis fin au « guichet unique », posant comme principe l’impossibilité pour les intervenants à une opération de rechercher la responsabilité du maître d’ouvrage pour les fautes commises par les autres intervenants :

« Considérant que les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique ; que, dès lors, en jugeant que la responsabilité de la région Haute-Normandie était susceptible d’être engagée du seul fait de fautes commises par les autres intervenants à l’opération de restructuration du lycée, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit ; que, par suite, la région Haute-Normandie est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ».

À défaut d’un « guichet unique », un véritable régime spécifique s’est construit au gré des jurisprudences pour éviter un vide juridique en la matière et permettre un maillage assez complet des jeux de responsabilités entre tous les intervenants à l’acte de construire.

Quelques précisions ayant été apportées par les juridictions administratives en fin d’année 2021, un panorama actualisé peut utilement être dressé de l’ensemble des recours dans le cadre d’une opération de construction sous maîtrise d’ouvrage publique.

Recours impliquant le maître d’ouvrage

Le maître d’ouvrage dispose des recours sur le fondement contractuel et extracontractuel, lui permettant d’agir contre tous les intervenants à l’opération. Il en va de même, s’agissant des recours de ce dernier contre le maître d’ouvrage.

La mission de l’intervenant est ici sans influence sur la nature et le régime des recours, on identifie trois situations :

  • Relation maître d’ouvrage – son cocontractant (MOE/ Entreprise travaux/ autre intervenant)
  • Relation maître d’ouvrage – sous-traitant
  • Relation maître d’ouvrage – assureur d’un intervenant

 

Maître d’ouvrage et son cocontractant

Le recours entre le maître d’ouvrage et ses cocontractants sont de double nature : d’une part, le recours sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ouvert aux deux parties au contrat et, d’autre part, le recours sur le fondement de la responsabilité décennale, ouvert au seul maître d’ouvrage.

La responsabilité contractuelle peut être engagée mutuellement par le maître d’ouvrage et son cocontractant-intervenant à l’opération de construction.

Dans les deux cas cette action, fondée sur les fautes contractuelles (inexécution ou mauvaise exécution du contrat) ne peut être engagée que tant que le contrat demeure en vigueur. Son terme, coïncidant avec la réception de l’ouvrage, marque le terme ce des relations et la possibilité d’engager la responsabilité contractuelle entre les parties [3], à deux exceptions près.

Premièrement, s’agissant de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre, voire des autres intervenants à l’opération dont les prestations sont « dissociables de la réalisation de l’ouvrage », ce qui réduit les hypothèses aux seules prestations intellectuelles et principalement les prestations du maître d’œuvre dans le cadre des missions d’assistance aux opérations de réception, d’établissement des décomptes des entreprises de travaux et de l’assistance pendant la période de la garantie de parfait achèvement [4].

Deuxièmement, s’agissant du régime spécifique de la responsabilité contractuelle en cas de fraude ou de dol [5].

Par un arrêt rendu en mai 2021, s’inscrivant dans la ligne de la jurisprudence du Conseil d’État (6)[6], la cour administrative d’appel de Versailles a rappelé que la responsabilité contractuelle des constructeurs peut être recherchée sur le fondement de la fraude et du dol :

« L’expiration du délai de l’action en garantie décennale ne décharge pas les constructeurs de la responsabilité qu’ils peuvent encourir en cas ou bien de fraude ou de dol dans l’exécution de leur contrat, ou bien d’une faute assimilable à une fraude ou à un dol, caractérisée par la violation grave, par sa nature ou ses conséquences, de leurs obligations contractuelles, commises volontairement et sans qu’ils puissent en ignorer les conséquences » [7].

L’intérêt de l’arrêt de la CAA est de préciser le délai de prescription de cette action : cinq années à compter de la découverte des faits par le maître d’ouvrage et cela nonobstant la forclusion qu’il encourrait sur le fondement de la responsabilité décennale. Antérieurement à la réforme de l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) [8], dont s’inspirent les juridictions administratives, ces dernières appliquaient un délai de prescription de 30 ans.

Concernant l’articulation entre la responsabilité contractuelle pour fraude et dol et la responsabilité décennale, comme souligné par la cour administrative d’appel, la forclusion après expiration du délai de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage pour la seconde n’impacte pas la mise en œuvre de la première. Ainsi, comme justement souligné par le Rapporteur public Pélissier, les deux régimes coexistent de manière indépendante. L’intérêt de la responsabilité contractuelle pour dol est cependant limité si les conditions de la garantie décennale, dont le régime indemnitaire est plus favorable au maître d’ouvrage, sont remplies [9].

Si la jurisprudence, déjà rare concernant la faute de cette nature commise par un cocontractant du maître d’ouvrage, ne fournit pas l’illustration de l’engagement de la responsabilité de ce dernier par un constructeur, d’un point de vue théorique, une telle hypothèse paraît admissible.

La responsabilité (ou garantie) décennale dans les opérations de construction sous maîtrise d’ouvrage publique découle d’une adaptation jurisprudentielle du régime de garantie décennale inscrite à l’article 1972 du Code civil N° Lexbase : L2195ABW.

« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ». Cette garantie ne bénéficie qu’au maître d’ouvrage et ses ayants droits ou les propriétaires successifs de l’ouvrage [10].

Pour les opérations de construction sous maîtrise d’ouvrage publique la compétence est celle du juge administratif, en ce compris s’agissant des recours intentés par certains ayants-droit du maître d’ouvrage et notamment son assureur dommages-ouvrage par subrogation, en vertu du principe selon lequel « ne action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l'action qui aurait été engagée par le subrogeant » [11].

La complexité du sujet appelant à un panorama qui lui serait dédié et en l’absence d’actualités remarquées, il ne sera pas détaillé davantage dans le cadre de la présente analyse.

Maître d’ouvrage et le sous-traitant

Alors que la jurisprudence paraît bien établie concernant les recours entre les titulaires principaux et les sous-traitants qui, rappelons-le, ne sont pas contractuellement liés nonobstant le mécanisme de paiement direct, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler le fonctionnement du mécanisme contractuel en la matière encore en début de l’année 2021 [12].

Cette responsabilité est nécessairement quasi-délictuelle et cela même lorsque l’action est portée par l’entreprise principale, subrogée dans les droits du maître d’ouvrage. Par conséquent que ce soit le maître d’ouvrage ou, dans l’hypothèse évoquée, l’entreprise principale par subrogation, ni la responsabilité contractuelle ni la responsabilité décennale ne peuvent être invoquées.

Les moyens invocables sont limités de la même manière dans le cadre d’une action engagée directement par le maître d’ouvrage contre un sous-traitant, étant précisé qu’une telle action est admise, devant le juge administratif, depuis le revirement de la jurisprudence opéré par le Conseil d’État en 2015 [13].

Le sous-traitant dispose quant à lui des recours contre le maître d’ouvrage dans les hypothèses liées à une faute de ce dernier, commise dans le cadre du dispositif du paiement direct, notamment lorsque : le maître d’ouvrage avait connaissance de l’intervention d’un sous-traitant non déclaré ou dans le cadre d’un litige lié au paiement des prestations supplémentaires.

Maître d’ouvrage et l’assureur d’un intervenant

Les recours auxquels sont parties un maître d’ouvrage et l’assureur d’un intervenant sont majoritairement intentés par les maîtres d’ouvrage, pour se prémunir contre l’éventuelle insolvabilité d’un constructeur dont la responsabilité serait engagée.

Ces recours obéissent à un régime qui croise les règles relatives à la responsabilité des constructeurs (compétence, moyens et délais) et celles propres à l’action directe contre les assureurs, sur le fondement de l’article L. 124-3 du Code des assurances N° Lexbase : L4188H9Y, qui prévoit que « Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. 

L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré. »

Ainsi, seul le juge administratif demeure compétent pour le maître d’ouvrage est lié contractuellement, selon les modalités exposées ci-dessus.

Ces principes ont été rappelés par le Tribunal des conflits, dans une décision de 2015 :

« Considérant que si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du Code des assurances N° Lexbase : L4188H9Y  à la victime d'un dommage ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l'action en responsabilité contre l'auteur du dommage en ce qu'elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance ; qu'il s'ensuit qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative » [14].

En revanche, le juge judiciaire est seul compétent pour se prononcer sur la recevabilité et notamment la prescription de l’action directe (15)[15].

Fait exception à ce régime la relation entre le maître de l’ouvrage et son assureur dommages-ouvrage ainsi. Le Tribunal des conflits a en effet qualifié leur contrat d’administratif, affirmant par conséquent la compétence du juge administratif pour tous les litiges liés à son exécution [16].

De même, relève de la compétence du juge administratif tout litige portant sur les obligations de l’assureur en garantie décennale d’un constructeur, si ces obligations découlent du contrat conclu entre l’assureur et le maître d’ouvrage, ce qui constitue une extension plus surprenante de la compétence des juridictions administratives : « la circonstance que, par le même contrat, elle souscrit également une assurance garantissant la responsabilité décennale du constructeur auquel elle a attribué le marché public de construction, qui s'analyse comme une stipulation pour autrui, ne modifie pas la nature de ce contrat. Le litige relatif à l'exécution d'un tel contrat, y compris en tant qu'il porte sur les obligations de l'assureur stipulées au bénéfice du constructeur, relève donc de la compétence de la juridiction administrative ».

Synthèse

Cocontractant

Sous-traitant

Assureur

MOA

Responsabilité décennale (au bénéfice du MOA)

Responsabilité contractuelle

Fraude & dol (responsabilité contractuelle)

Responsabilité quasi-délictuelle

Action directe

Juge administratif (en ce compris pour actions subrogatoires)

Juge administratif

Juge administratif

Juge administratif

Juge judiciaire (sauf assureur DO – juge administratif)

Juridiction compétente

Désordres non apparents à la réception susceptibles de porter atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination

Manquement aux obligations contractuelles

Violation grave, par sa nature ou ses conséquences, des obligations contractuelles, commise volontairement et sans en ignorer les conséquences

Faute non-contractuelle du sous-traitant

Faute du maître d’ouvrage liée aux conditions de paiement du sous-traitant

Existence de la garantie + fondement de la responsabilité de l’assuré (apprécié par le juge administratif)

Moyens invocables (fondement)

10 ans à compter de la réception

Jusqu’à réception de l’ouvrage (sauf exceptions)

5 ans à compter de la connaissance des faits

5 ans à compter de la connaissance des faits

2 ans à compter de l’évènement qui y donne naissance

Délais

Recours entre les intervenants hors maître d’ouvrage

Par un arrêt rendu en 2000, le Conseil d’État a affirmé le principe, repris depuis tant par la Haute juridiction que par les juridictions de fond, selon lequel : « le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé » [17].

Le Tribunal des conflits confirmait ainsi une jurisprudence du Conseil d’État qui admettait de connaître de tels recours, qu’ils aient été introduits par voie directe ou dans le cadre d’une action récursoire (appel en garantie) [18].

Ainsi, les intervenants liés contractuellement entre eux par un contrat de droit privé (les membres d’un groupement, si une convention de groupement a été conclue ou un titulaire principal et un sous-traitant) peuvent rechercher mutuellement leur responsabilité sur le fondement de la responsabilité contractuelle découlant du contrat qui les lie, devant les juridictions civiles.

En revanche, lorsque ces mêmes intervenants à une opération de construction sous maîtrise d’ouvrage publique ne sont pas liés contractuellement, leurs recours s’exercent, par « effet attractif » de la notion des travaux publics, devant le juge administratif et selon les modalités qu’il a précisée au gré de ses jurisprudences.

Le juge administratif connaît même les relations qu’on aurait pu croire échapper à sa compétence, tels les recours formés entre les membres d’un groupement momentané d’entreprises titulaires d’un marché, si la répartition des prestations n’est précisée ni par la convention de groupement (contrat de droit privé) ni par les contrats qui les lient au maître d’ouvrage [19] :

« lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement ; si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse ».

Depuis 2021, en application d’une décision du Tribunal des conflits, la compétence du juge administratif peut même s’étendre à un recours entre intervenants (constructeurs) pourtant liés par un contrat de droit privé, si le litige les opposant ne concerne pas l’exécution du contrat qui le lie mais uniquement des contrats qui les lient au maître d’ouvrage [20] :

« Les sociétés Fayat Bâtiment et Pro-Fond, membres d’un même groupement titulaire d’un marché́ de travaux publics, ont l’une et l’autre poursuivi la responsabilité́ quasi- délictuelle de leur cotraitant et présenté des conclusions tendant à̀ la condamnation de celui-ci à réparer le préjudice qu’elles estiment avoir subi à raison de fautes qu’il a commises au cours de l’exécution du contrat conclu avec le maitre de l’ouvrage. Alors même que les deux cotraitants sont par ailleurs liés par un contrat de droit privé, un tel litige, qui ne concerne pas l’exécution de ce contrat de droit privé et qui implique que soient appréciées les conditions dans lesquelles un contrat portant sur la réalisation de travaux publics a été exécuté relève de la juridiction administrative ».

Outre qu’elle étend encore davantage la compétence du juge administratif, la décision précitée du Tribunal des conflits amorce une autre évolution : celles des moyens invocables. En effet, elle admet que dans le cadre d’un recours basé sur la responsabilité quasi-délictuelle, les manquements puissent être caractérisé par des fautes liées à l’exécution d’un contrat, pourtant conclu avec un tiers.

En effet, selon la jurisprudence classique du Conseil d’État, le fondement quasi-délictuel avait pour corollaire de limiter les moyens invocables aux seules fautes non-contractuelles notamment la violation du cadre légal applicable aux prestations) et manquements aux règles de l’art, de la même manière qu’un maître d’ouvrage agissant contre un intervenant auquel il n’était pas contractuellement lié [21].

Presque à la même période que le Tribunal des conflits, le Conseil d’État avait également amorcé un revirement de sa jurisprudence restrictive, en reconnaissant, dans un arrêt non publié au Recueil, que le requérant n’était pas obligé de limiter ses moyens à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires et la violation des règles de l’art lorsque les fautes commises par un intervenant à l’opération ont contribué à l’inexécution de ses propres obligations contractuelles [22] :

« En second lieu, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires ».

Enfin, c’est par un arrêt rendu le 11 octobre 2021, que le Conseil d’État a, encore plus clairement, reconnu que les participants à une même opération de construction non liés par un contrat de droit privé peuvent rechercher la responsabilité des autres constructeurs « du fait d’un manquement aux stipulations des contrats qu’ils ont conclus avec le maître d’ouvrage » [23].

Le Tribunal des conflits et le Conseil d’État ont ainsi aligné, leur jurisprudence sur celle de la Cour de cassation qui, quinze années plus tôt, reconnaissait déjà la possibilité, pour un tiers, d’invoquer un manquement contractuel dans le cadre d’un recours fondé sur la responsabilité délictuelle [24].

L’extension de ce régime aux recours impliquant le maître d’ouvrage, dans ses relations extracontractuelles avec les intervenants dans l’opération de construction (notamment les sous-traitants) paraîtrait justifié, mais la complexité de la matière invite à attendre une confirmation expresse par le juge administratif.

* Consulter le site AMS Avocat

[1] L’exception étant le sous-traitant, contractuellement lié uniquement au titulaire principal du lot concerné.

[2] CE, 5 juin 2013, n° 352917 N° Lexbase : A3368KGT.

[3] Cf. par exemple CE, 7 juin 2010, n° 323372 N° Lexbase : A9231EYK.

[4] Cf. notamment CE, 2 décembre 2019, n° 423544 N° Lexbase : A6407Z43.

[5] CE, 24 mai 1974, n° 85939 N° Lexbase : A6674B8P.

[6] Cf. l’arrêt de principe CE, 14 décembre 1956, 15 juillet 1957, OPH des HBM de Montrouge, CE, 12 mars 1999, n° 170103 N° Lexbase : A4694AX7.

[7] CAA Versailles, 10 mai 2021, n° 18VE04196 N° Lexbase : A89024R7.

[8] Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I.

[9] G. Pelissier, conclusions sous l’arrêt CE, 26 juin 2019, n° 416735 et 416742 N° Lexbase : A2192ZHN.

[10] Cf. par exemple CE, 17 juin 1998, n° 149793 N° Lexbase : A7083AS7 ou CE 22 mars 1991, n° 89502 N° Lexbase : A9879AQX, pour le cas spécifique du preneur à bail dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif.

[11] T. confl., 4 mars 2002, n° 3279, publié au bulletin N° Lexbase : A08303YE.

[12] Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 19-23.874, F-D N° Lexbase : A73404CT.

[13] CE, 7 décembre 2015, n° 380419, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0436NZ8.

[14] T. confl., 15 avril 2013, n° 3892 N° Lexbase : A4196KCE.

[15] Cf. par exemple Cass. civ. 3, 21 novembre 2019, n° 18-21.931, F-D N° Lexbase : A4767Z3X.

[16] T. confl., 5 juillet 2021, n° 4223, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A23504Z3.

[17] CE, 3 novembre 2006, n° 256547 N° Lexbase : A4775DSN, Lebon T.

[18] CE, 24 juillet 1981, n° 135119 N° Lexbase : A3043ANZ.

[19] T. confl., 9 février 2015, n° 3983 N° Lexbase : A3005NBW.

[20] T. confl., 8 février 2021, n° 4203 N° Lexbase : A62944HL.

[21] Cf. CE, 7 décembre 2015, n° 380419, préc.

[22] CE, 6 novembre 2020, n° 428457 N° Lexbase : A008734Y.

[23] CE, 11 octobre 2021, n° 438872 N° Lexbase : A863948H.

[24] Ass. plén. 9 octobre 2006, n° 05-13.255 N° Lexbase : A5095DR7.

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