Lexbase Fiscal n°890 du 13 janvier 2022 : Sécurité sociale

[Focus] Chronique de finances et fiscalité sociales

Réf. : Loi n° 2021-1754, du 23 décembre 2021, de financement de la sécurité sociale pour 2022 (N° Lexbase : L0865MAB) ; loi nº 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022 (N° Lexbase : L3007MAM)

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par Aurélie Dort, Maître de conférences, Faculté de Droit, Économie et Administration de Metz, Université de Lorraine

le 12 Janvier 2022


Mots-clés : budget • finances sociales • LFSS 

Tenir une chronique concernant les finances et la fiscalité sociale revient à étudier tant la loi de financement de la Sécurité sociale que la loi de finances. Elles seront donc traitées successivement.


 

I. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022

Délibéré par le Conseil des ministres le 7 octobre 2021, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 a été déposé le même jour à l’Assemblée nationale par le gouvernement. Adoptée définitivement par le Parlement le 29 novembre, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 a été promulguée par le président de la République le 23 décembre 2021 et publiée au Journal officiel le 24 décembre (loi nº 2021-1754, du 23 décembre 2021, de financement de la sécurité sociale pour 2022 N° Lexbase : L0865MAB).

Concernant l’adoption de cette loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), il convient de relever que la commission mixte paritaire a échoué le 16 novembre. Le PLFSS a ensuite été adoptée en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale le 22 novembre puis rejetée au Sénat le 25 novembre. La lecture définitive à l’Assemblée nationale a donc eu lieu le 29 novembre. Le Conseil constitutionnel a été saisi concernant la LFSS pour 2022 le 30 novembre par plus de soixante sénateurs et a rendu sa décision le 16 décembre 2021 dans laquelle il censure 27 dispositions de la loi en ce qu’elles ne relèvent pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale défini à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

Le PLFSS pour 2022 est qualifié dès l’ouverture de la séance du 29 novembre comme étant « efficace, pragmatique et responsable » par Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’Autonomie.

Alors qu’une cinquième vague accentuée par l’émergence du nouveau variant Omicron frappe la France, le PLFSS est construit autour de 5 axes :

  • investir dans la transformation du système de santé,
  • renforcer les actions de soutien à la perte d’autonomie,
  • améliorer la prévention et l’accès aux soins,
  • encourager l’innovation pharmaceutique et enfin,
  • moderniser et innover pour les travailleurs indépendants et les particuliers employeurs

Si le covid-19 n’est plus un axe autour duquel le PLFSS a été construit, il est toutefois bien présent comme en atteste l’évolution de l’ONDAM ainsi que certaines dispositions prises afin de pallier les conséquences de la crise sanitaire.

L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de l'ensemble des régimes obligatoires est ainsi fixé, selon l’article 114 de la LFSS, à 236,3 milliards d’euros en 2022. Rappelons que dans la LFSS pour 2021, l’ONDAM initialement prévu était de 225,4 milliards d’euros. L’article 10 de la LFSS pour 2022 l’a ramené à 238,8 milliards d’euros.

Objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base

2019

2020

2021

2022

200,3

205,6    =>    218,9

225,4    =>   238,8

236,3

 

* En milliards d’euros

Cette légère baisse s’explique selon le Gouvernement en raison d’une « moindre incidence des mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire de la covid-19 par rapport à l’année précédente ». Cependant, l’ONDAM traduit une hausse de « 3,8 % hors dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, et de 2,6 % hors dépenses liées au Ségur et hors dépenses exceptionnelles ».

L’article 3 de la LFSS prévoit ainsi de rattacher au régime général de la sécurité sociale ou au régime des praticiens et auxiliaires médicaux un certain nombre de professionnels de santé, pour lesquels n’existait aucune solution immédiate de déclaration des rémunérations perçues au titre de l’activité de vaccination. Cet assouplissement des règles du cumul emploi-retraite permet une poursuite ou une reprise d’activités des personnels soignants et des professionnels de santé libéraux retraités. Cette disposition vient régulariser la dérogation qui avait été mise en place initialement afin d’accompagner le rapide déploiement de la campagne de vaccination contre la covid-19.

L’article 33 de la LFSS prévoit ainsi qu’en 2022, la dette restant à amortir par la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) devrait s’élever à 137,3 milliards d’euros puisque 223,2 milliards d’euros ont déjà été amortis par la caisse. Selon l’exposé des motifs accompagnant cet article au sein du PLFSS, le transfert de dette sociale à CADES prévu par l’article 1 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie s’est poursuivi en 2021, à hauteur de 40 milliards d’euros, venant réduire le besoin de financement induit par la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19.

L’article 38 de la LFSS vise à quant à lui à reporter l’entrée en vigueur du forfait patient urgence du fait de la prolongation au second semestre 2021 de la garantie de financement dont bénéficient les établissements de santé dans le cadre de la pandémie de covid-19. L’entrée en vigueur initialement prévue au 1er septembre 2021 est ainsi reportée au 1er janvier 2022. Rappelons que l’article 51 de la LFSS pour 2021 mettait en place un forfait patient urgence, qui selon l’étude d’impact devrait s’élever à 18 euros. Il remplacera le ticket modérateur actuellement pratiqué. Ce nouveau forfait sera donc dû à compter du 1er janvier 2022 par les assurés pour chaque passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation. Une exonération est prévue pour les femmes enceintes à partir du 6e mois et les nourrissons jusqu'à 30 jours en sont exonérés [1].

L’article 93 de la LFSS fait partie des mesures visant à simplifier et moderniser le service public de la sécurité sociale. Rappelons que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a prévu la possibilité pour le pouvoir règlementaire de mettre en place des dispositifs ad hoc de prise en charge renforcée de frais de santé ou d’adapter les conditions de versement des prestations en espèces de l’assurance maladie (ou dispositifs équivalents) de manière à répondre aux besoins exceptionnels survenant à l’occasion d’un risque sanitaire grave et anormal, dans un objectif de protection de la santé publique.

Ce dispositif a été mis en œuvre pour la première fois en 2020 lors de l’épidémie de covid-19. Compte-tenu des incertitudes sur l’évolution de l’épidémie de la covid-19 et selon l’exposé des motifs, le Gouvernement souhaite ainsi prolonger jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard jusqu’au 31 décembre en 2022 les mesures de gestion de la crise sanitaire relatives en particulier aux conditions de versement des prestations en espèces de l’assurance maladie ou du maintien de la rémunération des assurés contraints d’interrompre leur activité professionnelle du fait des consignes sanitaires ou encore relatives à la prise en charge de certains frais de santé liés à la limitation de la propagation de la covid-19. Si des adaptations de niveau législatif de ce dispositif doivent être effectuées, il est prévu d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour rétablir, adapter ou compléter les dérogations aux règles de prises en charge.

Concernant les autres mesures présentes au sein de la LFSS, nous pouvons mettre en exergue les dispositions suivantes.  

La LFSS pour 2022 porte également une partie des mesures du plan d’action en faveur des indépendants ou plan Griset. Il permet notamment de préserver les droits à la retraite des indépendants les plus impactés par la crise sanitaire. Il est également prévu que certaines professions libérales (ostéopathes, naturopathes, chiropracteurs, etc.) puissent racheter des trimestres de retraite lorsqu’ils n’ont pas été affiliées à une caisse de retraite pendant plusieurs années et qu’ils n’ont ainsi pas pu cotiser et s’ouvrir des droits à retraite durant une partie de leur carrière (article 108). Il est également prévu de simplifier le calcul, le paiement et le recouvrement des cotisations en élargissant notamment l’accès à la modulation des cotisations et des contributions sociales en temps réel. La majoration prévue en cas de sous-estimation des revenus en cours d’année est supprimée (article 19). De plus, le statut du conjoint-collaborateur est ouvert au concubin du chef d’entreprise (article 24). L’intégralité des frais liés à la contraception pour les femmes de moins de 26 ans est désormais prise en charge en tiers payant (article 85).

L’article 25 de la loi facilite l’exercice du droit de communication des organismes de sécurité sociale puisqu’il permet à l'agent de contrôle de demander aux tiers de lui transmettre les documents et informations requis par voie dématérialisée. La possibilité d’obtenir ces documents et informations par voie dématérialisée vise ainsi à raccourcir la durée des procédures de contrôles dans la mesure où la transmission des documents sous format papier ne permettait pas une exploitation rapide et pertinente de l’information. Une circulaire ministérielle est cependant attendue afin de préciser les modalités de mise en œuvre de cette dématérialisation des échanges et pour encadrer les pratiques des organismes. Il est toutefois intéressant de constater qu’une fois encore, le droit de la sécurité sociale s’inspire du droit fiscal puisque la faculté d’exercer le droit de communication par voie électronique est déjà ouverte à l’administration fiscale en vertu de l’article L. 81 alinéa 3 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L4555I7T).

Il était prévu que l’administration fiscale puisse désormais transmettre certaines informations aux organismes de prévoyance (article 14). En vertu de l’article L. 152 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L5339LWN), les agents des services fiscaux sont autorisés à déroger au secret professionnel en faveur de certains organismes sociaux lorsque ceux-ci ont besoin d'informations pour déterminer l'assiette et le montant des cotisations et contributions sociales. Les organismes concernés sont ceux gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, un régime obligatoire de retraite complémentaire et celui en charge de l'assurance chômage. L’objectif de cet article est de permettre d’appliquer le bon taux de CSG et d’éviter ainsi d’éventuelles régularisations a posteriori. Cette mesure devait entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Cependant, le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision n° 2021-832 DC que cet article n’avait pas sa place dans une LFSS dans la mesure où il a pour objet de « permettre la transmission, par le centre national de traitement des données fiscales, d'informations relatives à la contribution sociale généralisée acquittée à divers organismes » [2].

II. La loi de finances pour 2022

Délibéré par le Conseil des ministres le 22 septembre 2021, le projet de loi de finances pour 2022 a été déposé le même jour à l’Assemblée nationale par le gouvernement. Adoptée définitivement par le Parlement le 15 décembre, la loi de finances pour 2022 a été promulguée par le président de la République le 30 décembre et publiée au Journal officiel le 31 décembre (loi nº 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022 N° Lexbase : L3007MAM).

Concernant l’adoption de cette loi de finances (LF), il convient de relever que la commission mixte paritaire a échoué le 1re décembre. Le PLF a ensuite été adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale le 10 décembre puis rejeté au Sénat le 14 décembre. La lecture définitive à l’Assemblée nationale a donc eu lieu le 15 décembre. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 décembre par trois recours émanant, pour deux d'entre eux, de plus de soixante députés le 16 et 20 décembre et, pour le troisième, de plus de soixante sénateurs le 16 décembre. La décision du Conseil constitutionnel n° 2021-833 DC, du 28 décembre 2021 [3], censure dix dispositions de la loi de finances pour 2022 au motif qu’elles « ne trouvent pas leur place dans une loi de finances ». Il convient toutefois de préciser que ces articles étaient sans incidence sur les finances et la fiscalité sociale.

L’appel à des contributions publiques pour assurer le financement de la Sécurité sociale apparaît comme une conséquence de la politique d’exonérations et d’allégements des cotisations sociales. L’annexe au projet de loi de finances « Bilan des relations financières entre l’État et la protection sociale » recense les contributions publiques dans le financement social.

Pour l’année 2022, il est ainsi prévu que les flux financiers entre l’État et la protection sociale s’élèvent à 364,2 milliards d’euros [4]. Il est également prévu que l’État prenne à sa charge le financement d’exonérations de cotisations sociales des employeurs mais surtout il est prévu au sein du PLF pour 2022 que l’État finance des prestations de protection sociale puisque 40,6 milliards d’euros de crédits budgétaires sont prévus dans le PLF pour 2022 au titre des prestations de protection sociale financées par l’État et opérées par des organismes de Sécurité sociale [5]. Ce montant est en augmentation de 4,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021 en raison de la recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis et de la progression dynamique de l’allocation aux adultes handicapés. Les subventions budgétaires aux régimes de protection sociale ou aux organismes participant à leur financement s’élèvent à 6,1 milliards d’euros dans le PLF pour 2022, soit une baisse de 0,2 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu l’année précédente. Le produit des prélèvements fiscaux affectés aux organismes de sécurité sociale en 2021 s’élèvera à 246,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,7 % par rapport à l’exécution brute de 2020 dû en raison de l’effet de la reprise économique en 2021 sur les recettes à la suite de la crise sanitaire. Les prévisions des recettes en 2022 sont établies sur l’hypothèse d’un maintien de la reprise économique, et l’absence de nouvelles mesures de restriction liées à une reprise économique. Le produit des prélèvements fiscaux affectés aux organismes de sécurité sociale en 2022 progresserait de 3,1 %. La fraction de TVA affectée à la sécurité sociale atteindra 28,01 %, soit une évolution de 0,12 point par rapport à la fraction fixée à 27,89 % en 2021. L’État a également apporté des garanties financières à certains régimes de protection sociale conformément à l’article 34 de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La loi de finances pour 2022 prévoit également des crédits budgétaires dédiés au financement de la protection sociale à hauteur de 53,2 milliards d’euros répartis sur 17 des 32 missions du budget général de l’État.

Après ces considérations plus générales, il convient également de mettre en avant l’article 5 de la loi de finances pour 2022 dans la mesure où il prévoit un mécanisme d’exonération de cotisations et contributions sociales sur les pourboires versés en 2022 et 2023. Inséré dans le projet de loi de finances au cours de son examen par l'Assemblée nationale en première lecture, par un amendement des députés approuvé par le Gouvernement, cette mesure est à destination des salariés. De plus, il est également prévu que ces sommes soient exonérées de l’impôt sur le revenu. L'objectif de cette exonération est de renforcer l'attractivité des professions salariées en contact avec la clientèle, en particulier après la perte d'intérêt des travailleurs pour ce secteur particulièrement touché par l'épidémie de Covid-19. Cette mesure vise ainsi principalement les hôtels, cafés et restaurants.

 

[1] A. Dort, Finances et fiscalité sociales, Lexbase Fiscal, janvier 2021, n° 849 (N° Lexbase : N5884BYL).

[2] Cons. const., décision n° 2021-832 DC, du 16 décembre 2021, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 (N° Lexbase : A36067GN).

[3] Cons. const., décision n° 2021-833 DC, du 28 décembre 2021, Loi de finances pour 2022 (N° Lexbase : A19777HP).

[4] Bilan des relations financières entre l’Etat et la protection sociale, Annexe au PLF pour 2022, p. 9.

[5] Bilan des relations financières entre l’Etat et la protection sociale, Annexe au PLF pour 2022, p. 17 et suivants.

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