Le Quotidien du 15 novembre 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] « PenelopeGate » : François et Penelope Fillon jugés en appel dans l’affaire des emplois fictifs

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[A la une] « PenelopeGate » : François et Penelope Fillon jugés en appel dans l’affaire des emplois fictifs. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/74292928-a-la-une-penelopegate-francois-et-penelope-fillon-juges-en-appel-dans-laffaire-des-emplois-fictifs
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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à BFM TV

le 24 Décembre 2021

Édit, le 24 décembre à 18 heures 00 : Le 29 novembre 2021, le parquet général a requis cinq ans d’emprisonnement dont un ferme à l’encontre de François Fillon ainsi qu’une amende de 375 000 euros et dix ans d’inéligibilité. Contre Penelope Fillon, ont été requis deux ans de prison avec sursis, 100 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité. La cour d’appel a fait savoir qu’elle rendrait sa décision le 9 mai 2022.

Il doit forcément y penser de temps en temps. Comme une idée qui trotte dans la tête et dont on ne parvient jamais à se défaire totalement. Encore aujourd’hui, François Fillon doit se dire que si son plan s’était déroulé sans accroc, il serait maintenant bien assis dans le fauteuil d’Emmanuel Macron, à se demander simplement quelles sont ses chances de rempiler pour un second mandat de président de la République, en mai 2022.

Au lieu de quoi, il a été contraint de tourner « définitivement » la page de la politique et il se prépare à comparaître, jusqu’au 30 novembre, pour détournement de fonds publics devant la cour d’appel de Paris. La faute à cet article du Canard enchaîné du 25 janvier 2017 et à l’enquête préliminaire ouverte dans la foulée par le parquet national financier (PNF). La faute surtout à sa lourde condamnation à cinq ans de prison, dont trois ans avec sursis, dix ans d’inéligibilité et 375 000 euros d’amende prononcée par la 32ème chambre du tribunal judiciaire de Paris le 29 juin 2020. Sans compter le million d’euros de dommages et intérêts qu’il a été sommé de verser, avec les autres prévenus, à l’Assemblée nationale.

Soit l’addition des salaires d’assistante parlementaire perçus par son épouse, Penelope, pendant des années, ainsi que des charges sociales et patronales. Parce que l’ancien héraut de la droite, qui ne pouvait « imaginer le général de Gaulle mis en examen », a été condamné pour avoir fourni un emploi fictif à son épouse durant des décennies, sur le quota de son indemnité de député. C’est ce que les médias ont appelé le « PenelopeGate »…

« Madame, nous avons mal pour vous... »

Dans cette affaire, l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy avait bien tenté de faire admettre au tribunal que son épouse effectuait un réel travail d’assistante à ses côtés, alors que lui se rêvait en chef de l’État. Méticuleux, le couple Fillon conservait des dizaines et des dizaines de cartons d’archives dans la chapelle de son manoir de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe). De quoi donner du grain à moudre aux enquêteurs chargés de la perquisition. Mais dans le fatras de documents, ils n’ont finalement trouvé que très peu de preuves d’une quelconque activité de Penelope, pourtant l’employée la mieux rémunérée du cabinet parlementaire de François Fillon, à l’exception de la « plume » qui écrivait ses discours.

Il y avait bien une étude sur « l’aménagement du bocage sabolien ». Une autre sur « la vie économique de la Sarthe en 1986 ». Sans parler d’un rapport sur « l’organisation du secrétariat » de son mari, facturé 30 000 francs à l’époque, soit « neuf fois le SMIC », selon l’accusation. Mais en dehors de ça ? Pas grand-chose. Interrogée sur ces faits lors du procès en première instance, Penelope Fillon s’était liquéfiée à la barre. Incapable de donner un semblant de réponse sur les tâches qu’elle était censée avoir accomplies pour le compte de son mari pendant près de vingt ans. Une audition tellement embarrassante que Bruno Nataf, l’un des deux procureurs du parquet national financier, avait fini par faire preuve de compassion, en lâchant à l’issue de l’interrogatoire : « En vérité, Madame, nous avons mal pour vous... »

Appelé à la barre peu après, François Fillon avait bien tenté de sauver la mise, usant jusqu’à la corde les ressorts d’un ténor rompu à la politique. « Il n’y a pas un seul discours que Penelope n’a pas relu […] Elle connaissait remarquablement bien les interlocuteurs qui étaient les miens […] Elle était la plus diplômée de mes collaborateurs ». Et surtout, « c’est moi qui fixais la rémunération en fonction des règles de l’Assemblée nationale ».

Autrement dit, Penelope Fillon était bien loin d’une simple « femme au foyer », uniquement destinée à « préparer le bain chaud », « aligner les pantoufles de son député de mari » et à « lui pondre des gosses », comme l’avait plaidé Antonin Lévy, non sans fougue. L’avocat de François Fillon avait même fait un joli parallèle avec la « Madame Dambreuse » de L’éducation sentimentale de Gustave Flaubert, pour mieux s’en départir.

Sous la menace d’une autre enquête du PNF

Mais à l’époque, ils n’avaient pas convaincu. Et le jugement prononcé par Nathalie Gavarinon, quelques semaines plus tard, était sévère. « Les contrats de Madame Fillon n’obéissent à aucune logique, ni en termes de montant de rémunération ni en termes de tâches, effectuées en réalité par d’autres collaborateurs [de son mari] », avait asséné la magistrate. Pour la 32ème chambre du tribunal, Penelope Fillon n’a « jamais effectué de réelles prestations de travail au-delà de quelques tâches qui ne justifiaient en rien la rémunération perçue. » Et de citer, en guise d’exemple, la gestion du courrier de son parlementaire de mari. « Si Penelope Fillon le transmettait bien, elle ne le traitait pas, cette tâche incombant à une autre secrétaire... ».

De quoi comprendre la lourdeur de la peine infligée. Et cela aurait pu être bien pire. Selon les informations de Lexbase, il s’en est fallu de peu que l’ancien Premier ministre ne soit visé par un mandat de dépôt le jour du jugement. Nathalie Gavarino, la présidente de la 32ème chambre y était favorable mais pas ses deux assesseurs… Voilà comment François Fillon a échappé de passer par la case prison.

Aujourd’hui, il doit sans doute réfléchir au conseil qui lui avait été soufflé par certains de ses soutiens politiques : ne faudrait-il pas changer de stratégie de défense et reconnaître qu’il avait rémunéré sa femme Penelope, mais aussi deux de ses enfants Charles et Marie, grâce à son enveloppe de député sans vraiment leur demander du travail. Comme beaucoup d’autres parlementaires le faisaient à l’époque. Ce que l’audience avait permis de comprendre…

Quelle que soit la position qu’il adopte lors de ce procès en appel, François Fillon, aujourd’hui reconverti dans le secteur privé (il a été proposé au conseil d’administration d’un groupe pétrolier russe en juin 2021), n’en aura pas terminé avec la justice française. En marge du procès en appel du « PenelopeGate », l’ancien Premier ministre est toujours sous la menace d’une autre enquête préliminaire en attente de règlement au parquet national financier. Elle porte, là encore, sur le rôle de deux anciens assistants parlementaires, Maël Renouar et Caroline Morard, soupçonnés en réalité d’avoir œuvré à la campagne présidentielle du candidat de la droite.

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