Le Quotidien du 19 octobre 2021 : Avocats/Champ de compétence

[Brèves] Les avocats mandataires sportifs ne seront pas des agents sportifs

Réf. : CA Paris, 14 octobre 2021, n° 20/11621 (N° Lexbase : A259049S)

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par Marie Le Guerroué

le 04 Novembre 2021

► L'avocat, en sa qualité de mandataire, ne peut exercer l'activité de mise en rapport des joueurs et des clubs, qui est une activité commerciale principale, ni donc intervenir, dans la phase d'élaboration des contrats, avant que les sportifs et les clubs aient été préalablement mis en relation par un agent sportif.

  • Les faits et la procédure 

Par délibération du 2 juin 2020, le conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Paris avait ajouté au règlement intérieur du barreau de Paris un article P. 6.3.0.3 libellé comme suit : « L'avocat peut en qualité de mandataire sportif, exercer l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement. L'avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l'avocat, les honoraires correspondant à sa mission ». Le ministère public demandait l'annulation de cette délibération.

  • Les textes applicables 

L'article 6 ter, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1971. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 28 mars 2011 (N° Lexbase : L8851IPI), il est expressément prévu que les avocats peuvent, en application du nouvel article 6 ter, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), « dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataires, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du Code du sport (N° Lexbase : L5080IM4) », à savoir les contrats relatifs à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, cette activité de mandataire sportif étant strictement encadrée par l'article 6.4 du Règlement Intérieur National (N° Lexbase : L4063IP8), qui lui impose d'en faire la déclaration à l'Ordre.

L'article L. 227-7 du Code du sport. L'article L. 227-7 du Code du sport, modifié par la loi du 9 juin 2010 (N° Lexbase : L5043IMQ), dispose que « l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif. »
Il résulte de la combinaison de ces deux textes que seul l'agent sportif, qui doit obtenir une licence professionnelle pour pouvoir exercer le rôle d'intermédiaire, a le pouvoir de mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, l'avocat mandataire sportif, pour sa part, ayant pour attributions de représenter, dans le cadre d'un mandat, les intérêts d'un sportif ou d'un club lors de la conclusion de ces contrats. Il n'est pas contesté par les parties que l'activité de mise en relation constitue une activité de courtage, par nature commerciale. Or, toute activité commerciale exercée à titre principal est interdite aux avocats, comme l'avait rappelé le garde des Sceaux dans une réponse ministérielle du 1er février 2011 et comme le précise l'article 6.2, alinéa 7, du RIN de la profession d'avocat, qui a été entièrement refondu par décision du 9 décembre 2016 en ces termes : « il est interdit à l'avocat d'intervenir comme prête-nom et d'effectuer des opérations de courtage, toute activité à caractère commercial étant incompatible avec l'exercice de la profession ».

L'article 115 du décret du 27 novembre 1991. De même, l'article 115 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID) modifié par le décret du 30 août 2019 (N° Lexbase : L8789LRX) dispose également que « la profession d'avocat est incompatible avec l'exercice de toute autre profession, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires particulières ».

L'article 111 du décret du 27 novembre 1991. Enfin, l'article 111 du décret du 27 novembre 1991, modifié par le décret du 29 janvier 2020 (N° Lexbase : L7217LUT), précise : « La profession d'avocat est incompatible :
a) Avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée ;
b) Avec les fonctions d'associé dans une société en nom collectif, d'associé commandité dans les sociétés en commandite simple et par actions, de gérant dans une société à responsabilité limitée, de membre du directoire ou directeur général d'une société anonyme, de gérant d'une société civile à moins que celles-ci n'aient pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou l'exercice de la profession d'avocat.
Les incompatibilités prévues aux alinéas précédents ne font pas obstacle à la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession. L'avocat ou la société d'avocat qui fait usage de la dérogation prévue au b ou au quatrième alinéa en informe par écrit, le conseil de l'Ordre du barreau dont il ou elle relève dans un délai de trente jours suivant le début de l'activité concernée. Le conseil de l'Ordre peut lui demander tous renseignements ou documents utiles pour lui permettre d'apprécier si une telle activité est compatible avec les règles de déontologie de la profession ».

  • La décision de la CA de Paris 

Sur la compatibilité de l'article P. 6.3.0.3. Il découle des dispositions précitées que l'activité commerciale exercée par un avocat ne peut qu'être une activité accessoire à son activité principale de conseil, d'assistance et de représentation. Or, la mise en relation des joueurs et des clubs constitue une mission principale, indispensable et préalable à la conclusion des contrats, qui ne peut pas être considérée comme une activité accessoire à la négociation et à la conclusion des contrats, lesquels qui interviennent nécessairement après le recrutement des joueurs.
Ainsi, l'avocat, en sa qualité de mandataire, ne peut exercer l'activité de mise en rapport des joueurs et des clubs, qui est une activité commerciale principale, ni donc intervenir, dans la phase d'élaboration des contrats, avant que les sportifs et les clubs aient été préalablement mis en relation par un agent sportif. De tout ceci résulte que l'article P. 6.3.0.3, disposant en son alinéa 1er que « l'avocat peut en qualité de mandataire sportif, exercer l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement » n'est pas compatible avec l'exercice de la profession d'avocat.

Sur la rémunération de l'avocat. S'agissant de la rémunération de l'avocat, l'article P. 6.3.0.3 dispose en son alinéa 2 que « l'avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l'avocat, les honoraires correspondant à sa mission ».
Cependant, l'avocat mandataire sportif reste soumis, pour le règlement de ses honoraires aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiées par la loi du 28 mars 2011 qui précise en son dernier alinéa ayant trait à l'avocat mandataire sportif que « l'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client ». Dès lors, la disposition prévoyant que l'avocat mandataire peut percevoir ses honoraires, non de la part de son client, mais de la part du club, qui est le cocontractant de son client, est source de conflit d'intérêts et est parfaitement contraire à la loi.

Annulation. La cour d’appel de Paris annule par conséquent l'article P. 6.3.0.3 en son intégralité.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les mandats spéciaux, L'avocat mandataire sportif, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E36903R4).

 

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