Le Quotidien du 15 octobre 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] Affaire Bygmalion : Nicolas Sarkozy et douze autres prévenus font appel du jugement

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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à BFM TV

le 27 Octobre 2021

L’histoire ne dit pas, pour le moment, si Patrick et Isabelle Balkany ont appelé leur « ami » Nicolas Sarkozy pour lui parler de la vie sous bracelet électronique. L’ancien président de la République n’en a pas besoin. Pour l’instant. Il a en effet fait appel de sa condamnation à un an de prison ferme aménagé sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique prononcée dans le dossier dit « Bygmalion ». Secoué, c’est son avocat historique, Thierry Herzog, qui en a fait l’annonce, jeudi 30 septembre, dans le couloir du tribunal judiciaire de Paris, quelques minutes seulement après l’annonce du délibéré de la chambre 11-1, présidée par Caroline Viguier. « Bien sûr, nous allons immédiatement faire appel de cette décision... » 

Il ne pouvait en être autrement après la lourdeur de la peine infligée, soit le maximum légal pour « financement illégal de campagne électorale » (C. élect., art. L. 117-1 N° Lexbase : L0622HWX). Il ne pouvait en être autrement sachant que l’ancien chef de l’État avait déjà écopé d’une peine de trois ans de prison dont deux ans avec sursis six mois plus tôt dans le dossier dit « des écoutes de Paul Bismuth ». Il ne pouvait en être autrement vu l’attitude de Nicolas Sarkozy durant les quatre semaines et demie d’audience consacrées à cette affaire de dépassement de comptes de sa campagne présidentielle de 2012. 

Et « la vérité avec un grand V » dans tout ça ? 

Alors qu’il avait comparu tous les jours du procès dit « des écoutes Paul Bismuth », l’ancien chef de l’État a adopté, dans le dossier « Bygmalion », une attitude radicalement opposée. Il ne s’est jamais présenté au tribunal judiciaire, à l’exception de la seule journée consacrée à son interrogatoire, le 15 juin. Agité à la barre, perdant ses mots, vitupérant, contestant, il a passé son temps à nier le fait que sa campagne présidentielle a coûté 42 millions d’euros au lieu des 22 autorisés par la loi. « J’ai fait le même nombre de meetings [que lors de la campagne de 2007] ! Le même nombre de villes ! J’aimerais qu’on m’explique. Elle est où ma campagne en or massif ? » 

Lasse, la présidente Caroline Viguier a eu beau le relancer encore et encore, l’ancien Président ne s’est jamais départi de sa ligne de défense. Le problème, c’est qu’il n’avait pas assisté aux journées précédentes du procès. Celles où les preuves du système de double-facturation avaient été projetées sur grand écran, de façon implacable. Ici, une fausse facture. Là, une convention bidon… À chaque fois que l’écran descendait dans le prétoire et qu’on tamisait la lumière, les prévenus blêmissaient. Et peu importe finalement que le procès n’ait pas permis de déterminer qui avait l’idée de la martingale électorale, le système illégal ne fait désormais plus de doute. La procureure Vanessa Perrée l’avait d’ailleurs résumé à sa façon lors des réquisitions. « Nous ne sommes pas magiciens pour remplir les déclarations des prévenus qui mentent. Sans doute la vérité judiciaire dans ce dossier n'est pas la vérité avec un grand V. » Mais la vérité suffit… 

« Nicolas Sarkozy connaissait le montant du plafond des dépenses de campagne et savait que l’enjeu était d’éviter un dépassement de ce plafond, a donc résumé Caroline Viguier lors du prononcé du jugement. Il ne s’agissait pas de sa première campagne électorale. Son expérience de candidat et sa connaissance de la règle de droit (L’ancien chef de l’État est avocat de formation) lui avaient même permis de prévenir expressément son entourage... » Fermez le ban. 

Les peines fermes sont « indispensables » selon le jugement 

Si surprise il y a dans ce dossier, elle vient plus de la lourdeur des peines prononcées que de la déclaration de culpabilité en tant que telle. Mais sur ce point, Caroline Viguier a tenu à justifier la décision de la 11ème chambre : « Le tribunal a jugé indispensable le prononcé d’une partie ferme, les fraudes commises étant, à ce jour – par leurs montants, les modalités de leur commission et la qualité de leurs auteurs – d’une gravité sans précédent. » Quelques heures plus tard, un avocat présent dans la procédure résumait : « On pensait que les réquisitions étaient dures mais plutôt justes. On avait oublié que le tribunal pouvait aller au-delà et que cela ne faisait pas peur à Caroline Viguier… » 

C’est donc sans doute dans cette analyse qu’il faut chercher les raisons de l’appel massif formulé par les prévenus dix jours après le prononcé de la décision. Selon les informations de Lexbase, treize des quatorze prévenus ont décidé de faire appel de leurs condamnations. Seul Philippe Briand, président de l’Association de financement de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2012, a décidé de jeter l’éponge. Sa condamnation à deux ans de prison dont un an avec sursis et à trois années d’inéligibilité avec sursis devient donc définitive. 

Tout comme celles prononcées à l’encontre des deux anciens responsables de Bygmalion Bastien Millot (trois ans de prison dont 18 mois avec sursis, 100 000 euros d’amende et interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans) et de Sébastien Borivent (deux ans de prison avec sursis, 100 000 euros d’amende et interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans). Eux n’ont fait appel que sur les intérêts civils. 

La question du « non bis in idem » toujours à l’esprit de Sarkozy 

On ne connaît pas encore la stratégie du parquet. Mais on sait donc déjà qu’il y aura un second procès Bygmalion, a priori aussi vaste que le premier. Avec treize prévenus et au moins deux fois plus d’avocats dans la procédure. Et déjà deux questions majeures : permettra-t-il de savoir enfin qui a eu l’idée du fameux système de double-facturation ? Et quelle sera l’attitude de Nicolas Sarkozy cette fois-ci ? 

Il est encore tôt pour le savoir. Mais l’ancien chef de l’État a déjà donné un petit aperçu de la façon dont il continuait à vivre cette affaire. Dans un court communiqué rédigé après le jugement et diffusé sur les réseaux sociaux, il a estimé que le droit avait été « une nouvelle fois bafoué », estimant qu’il avait déjà payé pour ce dossier… 

Toujours respecté et régulièrement consulté à droite, Nicolas Sarkozy rappelle à l’envi qu’il avait déjà été sanctionné pour ces faits par le Conseil constitutionnel, peu de temps après les faits. Sauf qu’à l’époque, on ne connaissait pas exactement le montant du dépassement de compte de campagne. Et que cette question du « non bis in idem » (« on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits », en droit français) a déjà été tranchée par le Conseil constitutionnel, le 17 mai 2019 (Cons. const., décision n° 2019-783 QPC, du 17 mai 2019 N° Lexbase : A4767ZB8). 

Caroline Viguier l’a d’ailleurs bien rappelé lors du prononcé du jugement, expliquant que les sanctions financières prononcées peu après la campagne électorale « n’excluaient » pas les sanctions pénales, quasiment dix ans plus tard. Reste à savoir ce que la cour d’appel en pensera. Le procès pourrait intervenir dans un délai d’un an environ. D’ici là, Nicolas Sarkozy aura peut-être l’occasion de discuter de tout ça avec Isabelle et Patrick Balkany. 

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