La lettre juridique n°871 du 1 juillet 2021 : Représentation du personnel

[Textes] Loi « Climat » : vers la consultation des CSE sur l’impact environnemental de l’activité de l’entreprise ?

Réf. : Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

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[Textes] Loi « Climat » : vers la consultation des CSE sur l’impact environnemental de l’activité de l’entreprise ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/69692334-textes-loi-climat-vers-la-consultation-des-cse-sur-limpact-environnemental-de-lactivite-de-lentrepri
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par Marie-Claire Pottecher, Avocate associée, Fidere Avocats

le 30 Juin 2021

 


Mots clés : BDES • consultations • CSE • expert • formations des élus • projet de loi « Climat »

Le projet de loi « Climat et résilience » envisage, non sans résistances à ce stade de sa discussion, d’élargir la consultation des CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés aux questions environnementales. Si ces dispositions sociales devaient être adoptées, cela aurait une incidence sur la teneur du dialogue social dans l’entreprise.


 

Le 14 juin 2021, a débuté devant le Sénat l’examen du projet de loi « Climat et résilience », adopté en première lecture le 4 mai 2021 par l’Assemblée nationale. Il convient à notre sens de d’ores et déjà mesurer les effets que vont avoir la loi et ses textes d’application sur les relations collectives de travail, singulièrement s’agissant des CSE [1], du moins ceux qui existent dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Les deux chambres devraient discuter du texte en commission mixte paritaire [2] vers le 7 juillet et il est hautement probable que la commission spéciale de l’Assemblée nationale s’empare à nouveau du projet de loi. Un vote ne devrait pas intervenir avant fin septembre. À date [3], les deux amendements n° 2152 et 2153 portés par le Gouvernement devant le Sénat et qui visaient à rétablir la rédaction des articles 16 et 16 bis, tels qu’adoptés par l’Assemblée nationale (que nous présentons ci-dessous), ont été rejetés par le Sénat.

Pour mémoire, le projet de loi s’inscrit dans le sillage de la convention citoyenne qui fixe un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030.

Le projet de loi du Gouvernement a d’ores et déjà connu des avancées devant l’Assemblée nationale mais qui, aux yeux de certains, sont insuffisantes [4].

L’on rappellera, comme le précise le rapport « aGREENment » [5], que certains CSE ont déjà fait le choix d’ajouter la dimension environnementale à leur dénomination, voire à ce qu’une commission environnementale soit mise en place. Le rapport « aGREENment » pour la France, sous la direction du Professeur Alexis Bugada, met ainsi en lumière des notions environnementales déjà appropriées par les entreprises, les branches (et dans une moindre mesure l’interprofession), via l’étude de 300 accords et un clausier de clauses dites « vertes » [6]. La loi « Climat » ferait néanmoins basculer la dimension environnementale de l’activité de l’entreprise de la « soft law » à la « hard law », avec des mesures contraignantes pour les entreprises.

Nous vous proposons une présentation rapide des dispositions à date des articles 16 et 16 bis du titre II chapitre II de la loi dite « Climat », tels qu’adoptés le 4 mai 2021 par l’Assemblée nationale.

1 - S’agissant des consultations ponctuelles du CSE, quelles seraient les potentielles évolutions ?

À ce jour, l’article L. 2312-8 du Code du travail (N° Lexbase : L8460LGG) est envisagé de la manière suivante, les évolutions étant mentionnées en caractères gras :

« I. Le comité social et économique a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise ainsi qu’à la prise en compte de leurs conséquences environnementales, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

II. Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur :

1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;

2° La modification de son organisation économique ou juridique ;

3° Les conditions d'emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ;

4° L'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

5° Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l'aménagement des postes de travail.

III. Le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures mentionnées au II du présent article ».

Au-delà de l’insertion envisagée au I, l’évolution majeure est naturellement l’insertion d’un III à l’article L. 2312-8 du Code du travail. Cette insertion implique d’intégrer à chaque projet visé au II un volet dédié aux conséquences environnementales du projet sur lequel porte la consultation.

La conséquence n’est pas neutre et devrait impliquer une entrée en vigueur adaptée à ces nouvelles exigences pour les entreprises.

Si l’on imagine facilement les développements afférents aux conséquences environnementales d’un projet de déménagement de siège social, certains sujets d’information consultation risquent de voir un tel item peu développé. À notre sens, l’implication des équipes opérationnelles déjà requise dans la préparation des supports servant de base à la consultation deviendra incontournable, afin d’assurer une information pleine et entière du CSE sur le projet requérant sa consultation. En matière de licenciement collectif pour motif économique, l’on a d’ailleurs pu lire qu’après les livres I, II et IV, un livre « vert » [7] allait manifestement faire son entrée dans le champ de la consultation.

2 - S’agissant des consultations récurrentes du CSE, quelles seraient les potentielles évolutions ?

À ce jour, l’article L. 2312-17 (N° Lexbase : L8250LGN) [8] du Code du travail est envisagé de la manière suivante :

« Le comité social et économique est consulté dans les conditions définies à la présente section sur :

1° Les orientations stratégiques de l'entreprise ;

2° La situation économique et financière de l'entreprise ;

3° La politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

Au cours de ces consultations, le comité est informé sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ».

Si l’on peut estimer que la dimension environnementale sera directement examinée s’agissant des orientations stratégiques, elle le sera à notre sens plus indirectement s’agissant de la situation économique et financière dite « bloc 2 » ou de la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi dite « bloc 3 ».

L’on verra ci-dessous que cette évolution modifie également le champ d’intervention de l’expert-comptable pouvant intervenir sur ces consultations.

3 - S’agissant du support d’information du CSE, quelles seraient les potentielles évolutions apportées à la BDES ?

À ce jour, l’article 16 bis du projet de loi ajoute à la dénomination de la base de données économiques et sociales, l’adjectif « environnementales ». Cette évolution de dénomination s’accompagne d’une adjonction majeure à l’article L. 2312-21 (N° Lexbase : L8269LGD) (et aux dispositions supplétives de l’article L. 2312-36 N° Lexbase : L9916LLT) du Code du travail qui ajoute en conséquence un item aux BDES, à savoir « les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ».

Il conviendra de faire preuve de rigueur dans l’application de la règle, compte tenu notamment de la position prise récemment par la CAA de Versailles le 9 février 2021 [9], considérant qu’une insuffisance de la BDES peut priver les élus de leur capacité à rendre un avis en toute connaissance de cause.

Ces évolutions doivent à notre sens conduire les acteurs à se saisir de l’opportunité laissée par les textes déjà existants, si cela n’est pas déjà fait, de négocier un accord de dialogue social intégrant tant le contenu de la BDES [10] (avec notamment les enjeux importants que nous connaissons en matière de temporalité des données intégrées à la BDES [11]) que de la fréquence [12] des consultations récurrentes dont le contenu va significativement évoluer. Pour ceux qui se seraient déjà saisis de cette opportunité, la révision des accords va devoir être envisagée.

L’enjeu est ici, aussi et surtout, de préciser les informations environnementales reliées à l’activité de l’entreprise, d’autant qu’on ne sait pas, à ce stade, si un décret viendra compléter ce dispositif.

4 - S’agissant de la formation des représentants du personnel, quelles seraient les potentielles évolutions ?

À date, le projet n’envisage pas l’organisation d’une session de formation des représentants aux conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise, mais opte pour un ajout aux champs des formations existantes des représentants du personnel. Il en va ainsi, par exemple, de la formation économique des membres titulaires du CSE élus pour la première fois [13] et de la formation économique, sociale et syndicale [14]. Ces formations intègrent un volet environnemental mais sans évolution du nombre de jours de formation.

L’on notera que la même méthode a été appliquée s’agissant des possibles expertises attachées aux consultations récurrentes qui intégreraient une dimension environnementale à l’étude de l’expert. Cette évolution ne sera naturellement pas sans conséquence sur les honoraires des experts qui devraient intégrer ce nouveau pan dans leurs interventions.


[1] La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est également visée au niveau de la branche et de l’entreprise, avec notamment l’évolution apportée à l’article L. 2242-20, 1° du Code du travail (N° Lexbase : L9907LLI) qui intègre la réponse aux enjeux de la transition écologique.

[2] La procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement.

[3] Cette contribution a été rédigée le 28 juin 2021.

[4] M. Despax, Le projet de loi climat et résilience va légitimer l’action des CSE sur les questions environnementales, AEF Info, 9 avril 2021.

[5] A. Bugada (dir), V.Cohen-Donsimoni, A. Martinez, V. Monteillet et C. Vanuls, Négociation collective et environnement - aGREENment, Rapport français, LexisNexis, coll. Planète Social, 2021.

[6] Avec des attributions du CSE revues : par exemple l’accord de groupe relatif à la refondation du dialogue social au sein d’Airbus en France (12/10/2018) qui évoque le CSE environnemental, allant parfois jusqu’à octroyer des crédits d’heures aux membres d’une instance hygiène - sécurité, environnement et développement durable (accord UES Solvay du 31/05/2016).

[7] K. de Oliveira et E. Doutriaux, Environnement et dialogue social, SSL, n° 1951-1952, 26 avril 2021.

[8] Un ajout similaire a été opéré à l’article L. 2312-22 (N° Lexbase : L8253LGR), relatif à la périodicité annuelle des consultations récurrentes à défaut d’accord (évolutions surlignées en gras).

[9] CAA Versailles, 9 février 2021, n° 20VE02948 (N° Lexbase : A19894GR).

[10] C. trav., art. L. 2312-21 (N° Lexbase : L8269LGD).

[11] C. trav., art. L. 2312-36 (N° Lexbase : L9916LLT).

[12] C. trav., art. L. 2312-19 (N° Lexbase : L9886LQ9).

[13] C. trav., art. L. 2315-63 (N° Lexbase : L8374LGA).

[14] C. trav., art. L. 2145-1 (N° Lexbase : L7246K9A) à L. 2145-4 (N° Lexbase : L7243K97).

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